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« Enquête montagne, massif des Pyrénées »

CRC OCCITANIE

Dans le cadre d’une enquête nationale, la CRC Occitanie a cherché à mieux cerner les enjeux du changement climatique pour les territoires de montagne en Occitanie. Au total, l’enquête a permis d’approcher les problématiques de 17 des 38 domaines skiables des Pyrénées françaises.

Dans le cadre d’une enquête nationale, la CRC Occitanie a cherché à mieux cerner les enjeux du changement climatique pour les territoires de montagne en Occitanie. Pour ce faire, la chambre régionale des comptes a mené, au sein d’une enquête nationale réunissant également les CRC Provence Alpes Côte d’Azur et Auvergne Rhône Alpes, plusieurs contrôles dans le massif des Pyrénées. Au total, huit stations ont été contrôlées : le Grand-Tourmalet (Hautes-Pyrénées), Font-Romeu-Pyrénées 2000 (Pyrénées-Orientales), Ax-Trois-Domaines (Ariège), Goulier-neige (Ariège), Val-d’Azun (Hautes-Pyrénées), Val-Louron (Hautes-Pyrénées), Puyvalador (Pyrénées-Orientales) et Boutx-le-Mourtis (Haute-Garonne), complétées par trois contrôles de structures spécifiques : la région Occitanie, la société publique locale Trio (Pyrénées-Orientales) qui rassemble trois domaines skiables - Formiguères, Cambre d’Aze et Porté-Puymorens- et la société d’économie mixte Compagnie des Pyrénées (Hautes-Pyrénées) prestataire de services pour sept domaines skiables (Gourette, la Pierre-St-Martin, Cauterets, Luz-Ardiden, Peyragudes, Piau-Engaly et le Grand Tourmalet). Au total, l’enquête menée par la CRC a permis d’approcher les problématiques de 17 des 38 domaines skiables des Pyrénées françaises.

Les stations ont été retenues suite à un exercice d’échantillonnage stratifié visant à disposer des stations les plus représentatives des groupes de stations de petites, moyennes et grandes tailles.

Le tourisme hivernal dans les Pyrénées est exposé à des défis d’envergure

Des enjeux démographiques, économiques et climatiques importants

Tant les Pyrénées que le Massif-Central sont des territoires confrontés aujourd’hui à un vieillissement marqué de leurs populations : la population de retraités y est la plus forte d’Occitanie et la proportion de cadres est la plus faible de l’ensemble des massifs français.

Du point de vue de l’activité, le secteur de l’économie présentielle s’est peu à peu substitué à l’économie de production. Si au début des années 1980, la sphère productive portait encore plus de 40 % des emplois des massifs, 30 ans après, elle ne pèse plus que 20 % dans les Pyrénées. Ainsi, la croissance des emplois dans le domaine des activités de culture et de loisirs entre 1982-2016 dans les montagnes occitanes (+6 837 emplois), qui regroupe notamment les activités de service autour du ski, n’a pas permis de compenser les pertes d’emplois importantes

liées au phénomène de désindustrialisation durant la même période (soit 83 654 emplois perdus).

Plusieurs études académiques montrent que le changement climatique constitue de plus en plus une menace pour le tourisme hivernal en raison de l’effet combiné de la diminution des quantités de neige naturelle et de la diminution des périodes propices pour la fabrication de neige. Localement, certains acteurs publics locaux n’ont pas de mal à reconnaître le caractère pessimiste des projections d’enneigement, y compris à l’échelle de leurs domaines skiables, comme à Goulier (Ariège) ou Puyvalador (Pyrénées-Orientales). D’autres contrôles menés par la chambre révèlent cependant la difficulté des acteurs locaux à admettre, pour leurs stations, les projections défavorables d’enneigement dans les années à venir : c’est le cas par exemple à Font Romeu Pyrénées 2000.

Face à une offre touristique fragilisée, une diversification « quatre saisons » qui débute

Dans les Pyrénées, les stations sont majoritairement des stations mixtes (domaines skiables nordique et alpin) de petites dimensions au sens des normes retenues par Domaines skiables de France (c’est-à-dire un moment de puissance inférieur à 2 500 km.sk/h). L’altitude moyenne de leurs remontées mécaniques est un peu supérieure à 1 800 m et l’âge moyen de leurs remontées mécaniques est de 29,5 ans. En outre, la faible rentabilité des stations de ski, l’absence de liaison, en particulier ferroviaires, des domaines skiables et la difficile accessibilité depuis les grands centres urbains ne favorisent pas l’intervention des grandes entreprises du secteur. Ainsi, seul l’opérateur privé Altiservice s’est positionné dans les Pyrénées, et uniquement pour les exploitations à fort moment de puissance (Font-Romeu-Pyrénées-2000 et Saint-Lary). La crainte de ne voir aucun opérateur se positionner dans le cadre de délégations de service public est omniprésente chez les élus lors des renouvellements de celles-ci. Pour les plus petites, l’exploitation en régie est ainsi devenue majoritaire, faute d’alternative. De plus et comme partout en Europe, les stations de ski des Pyrénées sont confrontées à une lente érosion du nombre de journées-skieurs dans un contexte de vieillissement des skieurs.

En outre, l’immobilier des stations de montagne pyrénéennes est vieillissant et peu qualitatif, à l’image de la situation nationale : plus de 90 % des hébergements touristiques en montagne sont situés dans des stations mises en service avant 1970 dans le cadre des « plans neige » successifs. Cette situation entraîne une inadéquation croissante entre l'offre locative et la demande de logements de vacances, plus qualitative.

Différentes études portées par les professionnels du ski tentent de montrer qu’un euro dépensé dans les remontées mécaniques se traduirait par 6 euros de retombées économiques pour le territoire. Cependant, ces études sont souvent anciennes, méthodologiquement discutables et n’ont pas de dimension nationale mais une approche territoriale réduite au strict périmètre géographique des financeurs de ces études.

L’application indifférenciée du ratio de 1 € pour 6 € à n’importe quelle station de ski apparaît donc méthodologiquement contestable. La chambre a dès lors mobilisé les données relatives à la répartition saisonnière des nuitées touristiques en région Occitanie. En 2019 près de 62 % de la fréquentation en montagne occitane a lieu l’été et 38 % l’hiver. Ces constats sont de nature à soutenir l’idée que la diversification « quatre-saisons » est d’ores et déjà engagée par les touristes eux-mêmes, qui fréquentent déjà majoritairement les massifs occitans en dehors de la période hivernale.

Toutefois, pour se développer, la diversification « quatre saisons » doit être en mesure de proposer un bouquet d’offres compétitives car combinées et coordonnées au sein d’un territoire, apportant une valeur ajoutée sans opposer l’offre ski aux alternatives touristiques. Elles ne peuvent donc pas se concevoir au travers d’activités de loisirs isolées et concurrentes entre stations :  or, les contrôles réalisés par la CRC n’ont pas permis d’illustrer concrètement une recherche de coordination commerciale de l’offre « quatre saisons », chaque station raisonnant au niveau de son seul ressort géographique. Ceci diffère de la situation constatée en Espagne et en Andorre, où les stations ont pris conscience de la nécessité de se diversifier et de s’unir dans le but de rester compétitives et attractives : elles peuvent ainsi combiner des investissements importants et promouvoir des domaines skiables étendus et connectés entre différentes vallées. Les activités estivales peuvent ainsi prendre le relais de la saison des sports d’hiver, en sécurisant la présence de compétences sur place et en garantissant une meilleure régularité du marché de l’emploi.

Face à ces enjeux, une intervention publique dispersée et des actions parfois paradoxales

Une intervention publique qui a besoin d’un chef de file

Depuis sa création, le 1er janvier 2016, la Région Occitanie est compétente pour définir et mettre en œuvre une politique publique régionale unifiée en direction des montagnes occitanes et en particulier du massif des Pyrénées. Indéniablement, depuis cette date, la Région Occitanie a fait preuve d’un volontarisme marqué dans ses politiques publiques en faveur de la montagne. Tant ses initiatives en termes de renforcement de la gouvernance de la montagne, d’aides directes octroyées aux acteurs locaux, qu’en termes de structuration d’un réseau d’opérateurs en sont la preuve.

Cependant, la mise en œuvre de cette politique régionale récente se construit sur une somme d’initiatives déjà existantes et sur les conséquences des choix engagés au cours des années 1960 et 1970. Cette situation est structurellement porteuse d’un risque de dispersion des moyens entre une multitude d’acteurs, de superposition de dispositifs et de cumuls d’orientations parfois contradictoires. Le nombre des instances concernées l’illustre : comité de massif, parlement de la montagne, assemblée générale de l’agence des Pyrénées mobilisent très largement les mêmes acteurs, autour des mêmes problématiques de fond.

De fait, les tentatives de mutualisation menées à l’échelon départemental ne semblent pas concluantes au regard des enjeux : face aux très grandes difficultés structurelles de la trentaine de stations occitanes, et compte tenu des échéances projetées sur le manque de fiabilité de l’enneigement, la dispersion des moyens d’action publics et des initiatives est mortifère.

Une intervention publique qui a besoin d’un cadre unique et d’une mise en cohérence

Les aides publiques directes aux stations sont nombreuses et dispersées, et ne s’appuient pas sur des critères discriminants sur les projections d’enneigement et sur la capacité des stations à s’insérer dans un projet plus global.

S’agissant de l’intervention régionale, les montants sont très divers (de quelques dizaines de milliers d’euros à plusieurs millions d’euros), à la mesure de la multiplicité des cofinanceurs, des contrats : au total, force est de constater la difficulté à rendre lisibles les priorités de cette intervention. La région convient que le caractère éparpillé des stations de montagne françaises, à l’image de l’organisation territoriale des communes en France, constitue un frein à l’adaptation, un risque de perte de cohérence des projets présentés et une aggravation du niveau de concurrence entre stations. Pour autant, elle ne soumet pas les bénéficiaires des aides directes qu’elle octroie à une approche qualitative des projets au regard notamment des perspectives d’enneigement.

À l’opposé, l’intervention via la Compagnie des Pyrénées et la CDPP repose sur une lecture stricte de la rentabilité des projets présentés, y compris dans leurs dimensions quatre-saisons. Enfin, à mi-chemin entre ces deux modalités d’intervention, le regroupement via une SPL dans les Pyrénées-Orientales, capitalisée en partie par la région, offre une voie intermédiaire permettant l’apport de financements publics sur un projet en devenir, dont la rentabilité n’est pas encore avérée (et à tout le moins appréciée négativement par la CDPP). L’absence de modèle prospectif sur les recettes des activités quatre-saisons pour le territoire constitue dans ce dernier cas une lacune à combler.

Ainsi, face au risque de dispersion de l’action publique, la chambre estime nécessaire de définir pour toute aide publique directe ou indirecte par la voie des entités dans lesquelles les structures publiques sont actionnaires, des critères précis et mesurables compatibles avec des objectifs clairs et chiffrés, en cohérence avec les cadres nationaux.  Il s’agirait de sortir, par une véritable diversification et par des choix plus clairs d’investissements, du sentier de dépendance à l’économie du ski que les stations continuent à emprunter, au prix d’investissements peu soutenables en termes de ressources (financières comme naturelles) notamment sur de la production de neige.

Enfin, la chambre observe le caractère biaisé et circonscrit géographiquement des études disponibles sur les retombées économiques de l’activité « ski alpin », elle préconise d’évaluer de façon indépendante le niveau des retombées économiques des activités hivernales comme estivales des stations de montagne, de façon à concevoir l’intervention publique en pleine connaissance de ses impacts.