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La chambre régionale des comptes Normandie a participé à une enquête nationale sur la formation en alternance publiée ce jour

CRC NORMANDIE

L’enquête a été pilotée par la Cour des comptes avec cinq chambres régionales des comptes.

Les travaux, qui se sont déroulés de février à novembre 2021, se sont appuyés sur une instruction au niveau national et des enquêtes conduites, outre la Normandie, dans les régions Grand Est, Nouvelle-Aquitaine, Pays de la Loire et Provence-Alpes-Côte d’Azur. [Accéder au rapport public thématique].

Les résultats de l’enquête au niveau national

Le recours à l’apprentissage s’est fortement développé au niveau national, sous l’effet de la « libéralisation » des créations de places en apprentissage à compter du 1er janvier 2019 et de l’aide exceptionnelle aux employeurs mise en place à l’été 2020. Il a quasiment doublé entre 2019 et 2021, malgré l’effondrement des entrées en contrats de professionnalisation. Près de 800 000 jeunes sont entrés en alternance en 2021 avec un coût pour les finances publiques multiplié par deux (11,3 Md€ en 2021 contre 5,5 Md€ en 2018). L’enquête des juridictions financières met cependant en évidence quatre points faibles de la réforme :

-    des effets d’aubaine importants : la dynamique nouvelle de l’apprentissage bénéficie surtout aux jeunes de l’enseignement supérieur, qui sont ceux qui éprouvent le moins de difficultés à s’insérer sur le marché du travail, et certaines formations sont surfinancées ;
-    une réforme qui favorise la création de places en apprentissage dans les formations ne nécessitant pas d’investissement dans des plateaux techniques coûteux, risquant d’introduire un décalage entre l’offre de formation en apprentissage et les besoins de certaines filières économiques ;
-    des conditions de financement qui poussent les CFA à développer leur activité dans le tertiaire et dans les métropoles, au détriment de territoires moins dynamiques ou plus enclavés ;
-    une réforme qui n’est pas soutenable sur le plan financier, plaçant l’opérateur national France compétences dans une situation financière préoccupante, qui appelle des mesures fortes de la part de l’Etat. Il manque une stratégie nationale pour l’alternance qui identifie les priorités de développement et les modalités de financement associées.

Le rapport comporte neuf recommandations pour atteindre l’équilibre financier, favoriser l’accès à l’apprentissage des jeunes susceptibles de rencontrer des problèmes d’insertion professionnelle, améliorer la qualité de l’offre de formation et son adéquation aux besoins des territoires, simplifier la gestion des contrats d’apprentissage.

Une réforme qui a profondément modifié le paysage institutionnel des acteurs en charge de l’alternance en Normandie

  • 37 500 alternants en 2020

En libéralisant le marché à l’ensemble des organismes de formation qui peuvent dispenser des actions de formation par apprentissage, en élargissant la possibilité d’entrer en apprentissage jusqu’à 29 ans révolus (au lieu de 25 ans), la loi du 5 septembre 2018 a favorisé la hausse du nombre d’apprentis constatée ces dernières années, avec une augmentation de 40 % du nombre de contrats signés au niveau national entre 2013 et 2020 (+ 44 % en Normandie entre 2016 et 2020).

Cette hausse est pour partie due à un déport des contrats de professionnalisation, autre modalité de formation en alternance, vers l’apprentissage. La baisse de plus de la moitié du nombre de contrats de professionnalisation signés en Normandie entre 2016 et 2020 par des jeunes âgés de moins de 30 ans est à mettre également en lien avec les effets de la pandémie sur certains secteurs d’activité, tels que la restauration ou le tourisme.

  • Une coordination à renforcer entre la région et l’Etat

Jusqu’à l’entrée en vigueur de la réforme, le conseil régional était compétent en matière d’apprentissage et accompagnait de manière assez rapprochée les centres de formation des apprentis (CFA) présents sur son territoire. Il avait mis en place en 2016 le plan normand de relance de l’apprentissage (PNRA) et s’était fortement mobilisé contre la réforme de 2018, qui a constitué un bouleversement au niveau local et dont le déploiement a été rendu difficile en raison de la crise sanitaire.

Les services de l’État, présents localement à travers la Dreets  et les DDETS , se sont réorganisés de manière à répondre aux nouvelles compétences qui leur ont été dévolues, notamment par la mise en place de nouveaux services au plus près des territoires, dans un contexte rendu plus difficile par la pandémie. Toutefois la coordination des acteurs institutionnels sur la question de l’apprentissage reste à parfaire.

Un “marché” à la recherche de son équilibre : la question de la rencontre entre offre et demande de formation en apprentissage

La loi a transformé le modèle économique des CFA : alors que les régions étaient précédemment chargées de l’attribution de subventions aux structures ne collectant pas un montant suffisant de taxe d’apprentissage auprès des employeurs, le nouveau texte a mis en place un financement « à l’activité » à travers la prise en charge, par les opérateurs de compétences (OPCO), du coût de chaque contrat d’apprentissage. Les montants ainsi versés aux CFA couvrent leurs frais pédagogiques et de structure, selon un barème national. La détermination des niveaux de prise en charge des contrats et la viabilité financière des établissements de formation, qu’il s’agisse de CFA dits « historiques » ou de ceux qui ont été créés depuis le 1er janvier 2019, sont des sujets de préoccupation pour les organismes de formation qui, pour assurer un meilleur équilibre financier de leur activité, pourraient être tentés de privilégier les formations ne nécessitant pas des plateaux techniques coûteux.

En libéralisant le marché, la loi a permis de doubler le nombre de CFA sur le territoire normand au cours des deux dernières années (105 en 2021). Cet essor n’a toutefois pas permis de résoudre les difficultés de recrutement dans les métiers en tension. Le secteur de l’industrie rencontre ainsi de manière récurrente des difficultés de recrutement sur les métiers d’ingénieurs de recherche, de cadres techniques de l’industrie, d’agents de sécurité industrielle et d’ouvriers qualifiés en maintenance, mécanique ou en industrie des process. La question de l’adéquation entre offre et demande de formation en apprentissage est complexe : elle tient autant aux projets des apprenants qu’à la coordination et à l’accessibilité de l’offre, et elle requiert une bonne coopération entre de nombreux acteurs. La mise en place d’un portail de l’apprentissage au niveau régional constituerait une première réponse à cette problématique et permettrait de faire se rencontrer offre et demande de contrats.

Des défis à relever

    Dans une région caractérisée par la faible mobilité de ses jeunes, l’accompagnement des publics les plus éloignés, socialement et géographiquement, reste à renforcer.

La qualité des formations, qui était garantie par la coopération entre la région et les services académiques, repose désormais sur la mise en concurrence des établissements entre eux, la bonne information des familles, la certification Qualiopi et la mission de contrôle pédagogique au sein du rectorat dont les moyens sont limités.

L’image de l’apprentissage auprès des jeunes et de leur famille est en train de changer ; les universités développent davantage de formations en alternance, l’apprentissage est vu comme un vecteur d’insertion durable sur le marché de l’emploi et la communication institutionnelle, notamment celle de la région à travers son agence régionale de l’orientation, présente l’apprentissage comme une « voie d’excellence ».

Restent toutefois à ce jour en suspens plusieurs difficultés non résolues, telles que la valorisation et la formation des tuteurs en entreprise ou l’accès à l’alternance des jeunes plus fragiles ou précaires, qu’il s’agisse des personnes en situation de handicap ou des jeunes éloignés durablement des formations et du marché de l’emploi.

Accéder au cahier régional consacré à la Normandie