La chambre régionale des comptes Occitanie, au travers du contrôle des comptes et de la gestion de plusieurs organismes de son ressort, a contribué à l’enquête sur l’accès aux soins de premier recours menée par la Cour des comptes et dix chambres régionales des comptes, dont les conclusions figurent au rapport public annuel 2023 publié le 10 mars 2023.
Délais de rendez-vous parfois longs, difficultés à trouver un « médecin traitant », absence de médecin de garde, les difficultés d’accès aux soins de proximité sont nombreuses et multiformes, dans des territoires très divers. Elles sont dues pour une bonne part à des insuffisances dans l’organisation des soins de premier recours et au manque de soignants disponibles.
La réduction des inégalités sociales et territoriales en santé relève, comme plus généralement la politique de santé, de la responsabilité de l’État, qui en délègue une part de la mise en œuvre aux organismes gestionnaires d’assurance maladie. Mais les collectivités territoriales ont également une marge d’action, reconnue en particulier par une loi de 2005, qui les autorise à intervenir pour soutenir l’installation ou le maintien de professionnels de santé libéraux, dès lors que l’accès aux soins médicaux y est reconnu comme inférieur ou voisin de la moyenne nationale, soit pour plus des deux tiers de la population.
Cette enquête a montré le caractère ambivalent de ces interventions : relativement limitées sur le plan financier par rapport à l’intervention de l’État ou de l’assurance maladie, ces actions peuvent s’avérer utiles et efficaces si elles s’inscrivent en complémentarité des projets médicaux établis par les professionnels de santé et si elles s’insèrent dans un projet territorial cohérent. A l’inverse, elles s’avèrent peu efficaces lorsqu’elles sont dispersées et fragmentées.
En effet, les interventions des collectivités territoriales pour améliorer l’accès aux soins sont de trois ordres : un soutien aux maisons de santé pluriprofessionnelles (MSP), aux centres de santé (DCS) et des aides diverses aux professionnels ou futurs professionnels.
Les maisons de santé pluriprofessionnelles regroupent dans une même structure divers professionnels de santé libéraux (médecins, infirmières, kiné…). Leur construction constitue l’une des réponses les plus courantes apportées par les collectivités, le plus souvent sous la forme de co-financements faisant intervenir tous les niveaux de collectivités.
Les enquêtes des juridictions financières montrent que les résultats de ces interventions sont positifs lorsque l’aide conforte un projet médical solide, et l’engagement effectif des professionnels de santé ; c’est le cas par exemple des maisons de santé pluriprofessionnelles construites par la communauté de communes Aubrac, Carladez et Viadène, dans l’Aveyron. La construction de MSP est ainsi intervenue à la suite d’un diagnostic réalisé à la fin des années 2000 par les professionnels de santé du territoire, inquiets des évolutions possibles en matière de démographie médicale. Les MSP ont permis d’enrayer le mouvement de désertification médicale parce qu’elles étaient soutenues par le dynamisme des professionnels les occupant.
Dans le cas contraire, malgré des aides financières parfois significatives, les collectivités se cantonnent à un rôle de financeur, sans que leur intervention ne se traduise par une amélioration des indicateurs d’accès aux soins.
À Mauvezin, dans le Gers, une MSP a été construite en 2013 à l’initiative de la commune, propriétaire du bâtiment, dans l’objectif de compenser les départs à la retraite des deux médecins libéraux présents en ville. La MSP compte 20 professionnels, dont quatre médecins généralistes libéraux et 10 infirmiers. Le nombre de consultations demeure cependant inférieur aux besoins locaux. De nouvelles pistes devraient donc être recherchées, notamment le recours à l’emploi d’infirmières en pratique avancée (IPA). Si les médecins et les infirmiers libéraux présents dans la MSP se disent intéressés, le suivi, pour les infirmières en place, d’une formation de deux ans, non rémunérée (pour devenir IPA) constitue un frein important. Or, à Mauvezin comme dans presque toutes les communes examinées par les juridictions financières, les aides demeurent orientées en priorité sur le bâti ou sur les seuls médecins.
En réalité, très nombreux sont les projets pour lesquels les collectivités territoriales apparaissent comme de simples intermédiaires immobiliers ou se concurrencent entre eux. C’est le cas notamment de la communauté de communes du Pays de Mirepoix (CCPM, Ariège). À l’exception d’un contrat local de santé 2013-2015, élaboré à l’échelle du Pays Cathare et qui n’a pas été renouvelé, les politiques d’amélioration de l’accès aux soins sont conduites à une échelle plus restreinte, au niveau de chaque établissement public de coopération intercommunale (EPCI). L’EPCI voisin de la CCPM a ainsi mis en place sa propre politique d’accès aux soins autour d’un centre de santé. Les moyens sont insuffisants car dispersés et les collectivités se font concurrence pour conserver leur personnel médical.
Le recours à des médecins salariés, au sein de centres de santé, peut également être une solution. A la différence des maisons de santé, ils sont parfois financés par les collectivités territoriales et salarient directement des médecins. Certains sont efficaces et bien gérés, mais ce n’est pas le cas partout, le nombre de consultations par médecin pouvant souvent y être insuffisant. Les subventions des collectivités territoriales, pour en équilibrer le fonctionnement, sont alors très importantes. Comme le montre l’exemple du conseil départemental du Gers, les collectivités rencontrent également des difficultés pour recruter le nombre de professionnels nécessaire.
Enfin, les collectivités territoriales ont également déployé d’autres types d’interventions, très diverses, - bourses d’études pour les étudiants en médecine, indemnités de stages, aides individuelles en cas d’installation ou de maintien des professionnels de santé. Ces aides peuvent être judicieuses. Le conseil départemental de l’Aveyron a ainsi organisé un soutien individualisé aux professionnels de santé, avec la création en 2011 d’une cellule « Accueil médecin », destinée à permettre la réalisation de stages sur le territoire et à aider à l’installation ultérieure éventuelle des médecins. Ces exemples sont rares cependant. Peu nombreuses sont les collectivités à avoir mobilisé l’ensemble des leviers à leur disposition, se privant ainsi de potentiels effets de synergie. Les aides proposées par les collectivités sont souvent peu connues et peu sollicitées, car trop dispersées. Parfois aussi, elles conduisent à des formes de concurrence stérile entre collectivités, chacune souhaitant attirer son propre médecin.
Pour améliorer l’efficacité des actions menées par les collectivités, plusieurs évolutions peuvent être envisagées.
La première consisterait à recentrer les aides des collectivités sur les investissements mobiliers et immobiliers. Cela permettrait de favoriser l’installation non seulement de médecins mais aussi de professionnels de santé sur lesquels peuvent s’appuyer les médecins -comme les assistants médicaux ou les infirmières en pratique avancée-, et qui permettent de dégager du temps médical.
Une deuxième évolution consisterait à aider les collectivités à mieux repérer les difficultés concrètes rencontrées par les patients, à partir d’indicateurs fondés sur la demande de soins de leur territoire. Disposer de ces informations permettrait d’améliorer les constats, notamment dans le cadre des contrats locaux de santé.
Ces contrats locaux de santé, conclus entre les collectivités et les agences régionales de santé (ARS), sont en effet aujourd’hui trop peu utilisés, car insuffisamment opérationnels. S’ils s’appuyaient sur un diagnostic partagé et devenaient un préalable à toute action des collectivités en matière de santé, ils pourraient garantir une meilleure coordination et une meilleure efficacité des interventions des collectivités sur leur territoire.

Rapports à consulter :
communauté de communes Aubrac, Carladez et Viadène (Aveyron),
commune de Mauvezin (Gers)
communauté de communes du Pays de Mirepoix (Ariège)
conseil départemental du Gers
conseil départemental de l’Aveyron
Contacts presse : Didier Gory
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