Sort by *
Cour de Discipline Budgétaire et Financière
RAPPORT PRÉSENTÉ
AU PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE
PAR LE PRÉSIDENT DE LA COUR DE DISCIPLINE
BUDGÉTAIRE ET FINANCIERE
L'article L. 316-1 du code des juridictions financières (CJF)
dispose que la Cour de discipline budgétaire et financière présente chaque
année au Président de la République un rapport qui est annexé au rapport
public de la Cour des comptes et publié au Journal officiel de la
République française.
Le présent rapport traite de l'activité de la Cour de discipline
budgétaire et financière au cours de l'année 2005 ; il comporte quelques
innovations par rapport aux documents des années passées.
En effet, la première partie, consacrée aux compétences de la
CDBF, a été enrichie par une présentation de la réforme réglementaire
mise en oeuvre en 2005, des conclusions du colloque du mois d’avril 2005
ainsi que des réformes internes, en cours ou projetées, destinées à
améliorer le fonctionnement de la Cour. L’objectif commun à ces
réflexions et réformes est de permettre à la Cour d’assumer, dans les
meilleures conditions possibles, le rôle qui lui a été assigné par le
législateur.
Une autre innovation concerne la présentation des arrêts rendus par
la CDBF. La partie qui lui est consacrée a été enrichie, lorsque cela
paraissait utile, d’éléments de documentation comme des renvois à des
affaires annotées dans des rapports publics précédents, ou présentées sur
le site internet de la Cour des comptes
1
ou dans des revues spécialisées.
Outil d’information, le rapport annuel pourrait ainsi devenir également,
dans les années à venir, un outil de travail et de doctrine de la Cour.
A - Compétences de la Cour de discipline budgétaire et
financière (CDBF) et amélioration de son
fonctionnement
1 -
Rappel des compétences de la Cour de discipline budgétaire et
financière
Instituée par la loi n° 48-1484 du 25 septembre 1948 plusieurs fois
modifiée avant sa codification, en 1995, au sein du code des juridictions
financières (CJF), la Cour de discipline budgétaire et financière est une
juridiction administrative spécialisée, de nature répressive, chargée de
réprimer les atteintes aux règles régissant les finances publiques,
commises principalement par les ordonnateurs.
1) www.ccomptes.fr
RAPPORT D’ACTIVITÉ DE L’ANNÉE 2005
3
Institution associée à la Cour des comptes, la Cour de discipline
budgétaire et financière (CDBF) est une juridiction distincte de la Cour
des comptes. Elle sanctionne la méconnaissance ou la violation des règles
relatives à l’exécution des recettes ou des dépenses ou de gestion des
biens des collectivités publiques (État ou collectivités locales) ou des
organismes publics considérés (articles L. 313-1 à L. 313-4 du CJF) ainsi
que l’octroi d’avantages injustifiés à autrui entraînant un préjudice pour
l’organisme ou le Trésor public (article L. 313-6 du CJF) et l’omission
volontaire des déclarations à fournir par l’organisme employeur aux
administrations fiscales (article L. 313-5 du CJF).
La loi du 25 novembre 1995 a en outre introduit un article
L. 313
7-1 du CJF faisant de la faute grave de gestion des responsables
d’entreprises publiques une infraction spécifique.
En application de la loi du 16 juillet 1980, la Cour peut également
intervenir à un double titre en cas d’inexécution des décisions de justice :
d’une part, elle peut être conduite à sanctionner toute personne
dont les agissements auront entraîné la condamnation d’une
personne morale de droit public ou d’un organisme de droit privé
chargé d’une mission de service public à une astreinte, en raison de
l’inexécution totale ou partielle ou de l’exécution tardive d’une
décision de justice (article L. 313-7 du CJF) ;
d’autre part, elle peut être saisie par toute personne éprouvant des
difficultés pour obtenir d’une personne morale de droit public
l’exécution d’une décision juridictionnelle passée en force de chose
jugée la condamnant au paiement d’une somme d’argent dont le
montant est fixé par la décision elle-même (article L. 313-12 du
CJF).
Dans le premier cas, les juridictions compétentes adressent au
ministère public près la Cour de discipline budgétaire et financière leurs
jugements de condamnation à l’astreinte et le Procureur général apprécie
l’opportunité d’engager des poursuites, eu égard au montant de l’astreinte
et aux circonstances de l’espèce.
Dans le second cas, le ministère public près la Cour de discipline
budgétaire et financière prend contact avec la personne morale concernée
afin d’obtenir au plus tôt l’exécution de la décision de justice. Le plus
souvent, cette démarche est couronnée de succès, ce qui se traduit par le
classement de l’affaire, le créancier à l’origine de la saisine ayant obtenu
satisfaction. Si l’action amiable échoue ou si la gravité des faits le justifie,
le Procureur général prend un réquisitoire afin de saisir la Cour de
discipline budgétaire et financière.
4
COUR DE DISCIPLINE BUDGÉTAIRE ET FINANCIÈRE
Est justiciable de la CDBF, en application de l’article L. 312-1 du
CJF,
toute
personne
appartenant
au
cabinet
d'un
membre
du
Gouvernement, tout fonctionnaire ou agent civil ou militaire de l'État, des
collectivités territoriales, de leurs établissements publics ainsi que des
groupements
des
collectivités
territoriales,
et
tout
représentant,
administrateur ou agent des autres organismes qui sont soumis soit au
contrôle de la Cour des comptes, soit au contrôle d'une chambre régionale
des comptes. Sont également justiciables de la CDBF tous ceux qui
exercent, en fait, les fonctions des personnes désignées ci-dessus. Les
membres du Gouvernement ne sont pas justiciables de la Cour.
Les ordonnateurs élus locaux, qui ne sont pas justiciables de la
CDBF lorsqu’ils agissent dans le cadre de leurs fonctions le sont
toutefois, depuis 1993, s’ils commettent les infractions définies aux
articles L. 313-7 et L. 313-12 du code des juridictions financières en cas
d’inexécution de décisions de justice (article L. 312-2 du code des
juridictions financières). Ils le sont également, en application de ce même
article, lorsqu’ils ont engagé leur responsabilité propre à l’occasion d’un
ordre de réquisition et qu’ils ont procuré à autrui un avantage injustifié
(article L. 313-6 du CJF). Enfin, leur responsabilité peut être engagée par
la CDBF lorsqu’ils agissent dans le cadre d’activités qui ne constituent
pas l’accessoire obligé de leurs fonctions électives.
La CDBF peut être saisie
2
(article L. 314-1 du CJF) uniquement
par les autorités suivantes (par l’intermédiaire du ministère public) :
le président de l'Assemblée nationale ;
le président du Sénat ;
le Premier ministre ;
le ministre chargé des finances ;
les autres membres du Gouvernement pour les faits relevés à la
charge des fonctionnaires et agents placés sous leur autorité ;
la Cour des comptes ;
les chambres régionales des comptes.
Par ailleurs, le Procureur général près la Cour des comptes peut
saisir la CDBF de sa propre initiative.
2) Hormis le cas particulier des dispositions de la loi du 16 juillet 1980 précitées.
RAPPORT D’ACTIVITÉ DE L’ANNÉE 2005
5
2 -
Réforme de la Cour de discipline budgétaire et financière et
amélioration de son fonctionnement
a)
Le décret du 17 juin 2005 portant réforme de la Cour de discipline
budgétaire et financière
Le rapport d’activité de 2004 de la CDBF avait fait état d’un projet
de réforme réglementaire destiné à remédier aux difficultés constatées
dans le fonctionnement de la Cour par des dispositions visant à élargir sa
composition et à améliorer son organisation.
Ce projet de réforme réglementaire a abouti en juin 2005, après
déclassement par le Conseil constitutionnel d’une partie des dispositions
du code des juridictions financières concernant la Cour de discipline
budgétaire et financière (C. const. n° 2005-198 L du 3 mars 2005
3
).
Le Conseil constitutionnel a estimé que la CDBF constitue à elle
seule un ordre de juridiction au sens de l’art. 34 de la Constitution, ses
règles constitutives relevant dès lors du pouvoir législatif. La règle de
mixité des membres de la CDBF, issus du Conseil d’État et de la Cour
des comptes, fait partie de ces règles constitutives ; il n’en va pas de
même de leur nombre, des règles de suppléance, de la nomination des
rapporteurs et commissaires du gouvernement, et des autres règles
comparables, qui relèvent du pouvoir réglementaire en vertu de la règle
générale posée par l’art. 34 alinéa 1
er
de la Constitution. S’agissant de la
procédure, l’art. 34 de la Constitution prévoit la compétence du
législateur seulement pour les règles de procédure pénale ; le Conseil
constitutionnel n’a pas inclus la CDBF parmi les juridictions pénales au
sens du droit français, bien qu’il s’agisse d’une juridiction répressive au
sens de l’art. 6 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits
de l’homme et des libertés fondamentales ; il en découle que les règles de
procédure applicables à la CDBF sont de nature réglementaire dès lors
qu’elles ne concernent pas la procédure pénale ni ne mettent en cause des
principes fondamentaux que la Constitution attribue au domaine du
législateur.
Cette décision du Conseil constitutionnel a rendu possible une
réforme réglementaire concernant le fonctionnement de la CDBF et la
procédure, qui est intervenue par décret n° 2005-677 du 17 juin 2005
portant réforme de la Cour de discipline budgétaire et financière.
3) J.O n° 57 du 9 mars 2005, page 3950 ; Petites affiches 24-III-2005, n° 59, p. 7, note
Schoettl.
6
COUR DE DISCIPLINE BUDGÉTAIRE ET FINANCIÈRE
La plupart des nouvelles mesures mises en place par ce décret
tendent à améliorer le fonctionnement der la CDBF et la procédure suivie
devant elle, notamment en lui conférant des capacités d’instruction et de
jugement accrus (
α
) ; d’autres réformes ont pour objectif de mettre en
cohérence les textes avec des pratiques adoptées par la Cour, dans
l’optique d’un meilleur respect des droits du justiciable affirmés
notamment par l’art. 6 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde
des droits de l’homme et des libertés fondamentales.
α
) Améliorations du fonctionnement et de la procédure
Élargissement de la composition de la Cour et du champ des
personnes susceptibles d’être nommées membres
. Désormais, la Cour
est composée de 10 membres, outre le Premier président de la Cour des
comptes, président de la CDBF, et le Président de la section des finances
du Conseil d’État, vice-président de la CDBF, donc de 12 membres au
total (art. R. 311-1-I du CJF). La règle de la parité entre membres issus de
la Cour des comptes et du Conseil d’État est maintenue (L. 311-2 du CJF
modifié). Par ailleurs, six suppléants sont prévus par l’art. R. 311-1-I du
CJF. Enfin, la règle qui imposait que les membres de la CDBF devaient
être des conseillers maîtres ou des conseillers d’État en activité est
supprimée (art. L. 311-3 du CJF modifié). Sur proposition du Président de
la CDBF, six nouveaux membres titulaires et six membres suppléants ont
été nommés par décret pris en Conseil des ministres du 27 octobre 2005.
Création de deux sections. La section devient la formation de
jugement de droit commun de la CDBF
. Le nouvel art. R. 311-1 du
CJF prévoit la création de deux sections de jugement, l’une présidée par
le Président de la CDBF, l’autre par le vice-président. Chaque section
comprend cinq membres titulaires en plus du président de section ; les
suppléants peuvent indifféremment remplacer des titulaires des deux
sections. Dans deux cas, la Cour statue en formation plénière :
premièrement sur renvoi du Président de la Cour ou d’un président de
section ; deuxièmement si le Président de la Cour décide l’inscription
directe d’une affaire en formation plénière. La composition des deux
sections a été fixée par arrêté du Président de la CDBF en date du
14 décembre 2005, qui peut être consulté sur le site internet de la Cour
des comptes
4
.
4)
www.ccomptes.fr
, dans la rubrique « organismes associés », puis « Cour de
discipline budgétaire et financière ».
RAPPORT D’ACTIVITÉ DE L’ANNÉE 2005
7
Élargissement du recrutement des rapporteurs
. Désormais,
les rapporteurs, qui étaient précédemment exclusivement issus du Conseil
d’État et de la Cour des comptes, peuvent également être choisis parmi
les membres des chambres régionales et territoriales des comptes, des
tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel (nouvel art.
R. 311-3 du CJF). La nomination des rapporteurs est facilitée, elle
s’effectue désormais par arrêté du ministre en charge du budget sur
proposition du président de la CDBF. De nouveaux rapporteurs ont ainsi
été nommés par arrêté du 14 décembre 2005.
Élargissement
du
recrutement
des
commissaires
du
Gouvernement
. Le nouveau texte (R. 311-4 du CJF) élargit aux
magistrats judiciaires et à l’ensemble des magistrats des juridictions
financières le champ des personnes pouvant être désignées commissaire
du Gouvernement. La nomination est également facilitée, à l’instar de
celle des rapporteurs (arrêté du ministre chargé du budget sur proposition
du Procureur général). Deux nouveaux commissaires du Gouvernement
ont été nommés sur la base de ces nouvelles règles (arrêté du 4 août
2005).
Suppression du délai de 15 jours qui était prévu à
l’article
L. 314-6 du CJF
. Cet article prévoyait, après l’avis des ministres
concernés et transmission du dossier par le Président de la Cour au
Procureur général, l’obligation pour ce dernier, dans un délai de 15 jours,
soit de classer l’affaire (3
ème
possibilité de classement du Procureur
général dans la procédure), soit de décider le renvoi devant la Cour. Le
délai de 15 jours est désormais supprimé.
Nouvelles règles pour éviter les décisions de renvoi au Conseil
d’État en cas d’absence de quorum
5
. L’appel à des membres titulaires
de l’autre section ou à des membres suppléants permet désormais, en cas
d’absence, de vacance ou d’empêchement de certains membres, de
pouvoir délibérer sans méconnaître les règles de quorum (4 membres,
parmi lesquels au moins un membre du Conseil d’État et un membre de la
Cour des comptes, art. R. 311-1-V du CJF).
Nouvelles règles en cas d’empêchement du président de la
CDBF.
En vertu du nouvel art. R. 311-1, en cas d’absence ou
d’empêchement du président, la formation plénière est présidée, dans
l’ordre, par le vice-président, le membre de la Cour ayant la plus grande
5) Exemple de décision de renvoi au Conseil d’État pour cause d’absence de quorum
et donc d’impossibilité de statuer :
CDBF 15 juin 2004
,
Centre hospitalier spécialisé
Paul Guiraud de Villejuif
, consultable sur le site internet de la Cour des comptes
(
www.ccomptes.fr
) ;
voir également : Rapport annuel de la CDBF pour 2004, p. 89 ;
AJDA 2004, p. 1602, note A. Maucour-Isabelle ; Revue du Trésor 2005, p. 704, note
Lascombe et Vandendriessche.
8
COUR DE DISCIPLINE BUDGÉTAIRE ET FINANCIÈRE
ancienneté et, en cas d’ancienneté égale, par le membre le plus âgé. En
cas d’absence ou d’empêchement du président de section, une section est
présidée, dans l’ordre, par le président de l’autre section, le membre de la
section ayant la plus grande ancienneté et, en cas d’ancienneté égale, par
le membre le plus âgé de la section.
Possibilité de nomination de plusieurs greffiers par le
président de la CDBF.
Auparavant, le texte ne prévoyait l’existence que
d’un seul greffier, nommé par arrêté du ministre des finances et du
ministre dont dépendait l’intéressé. La nouvelle règle (R. 311-5 du CJF)
donne compétence au président de la juridiction pour nommer un ou
plusieurs greffiers, choisis parmi les fonctionnaires de la Cour des
comptes.
Suppression de l’avis des commissions administratives
paritaires
, qui était purement consultatif et dont le silence n’entravait pas
la poursuite de la procédure (modification de l’art. L. 314-8 du CJF).
Lecture, à l’audience, d’un résumé de la décision de renvoi
par le représentant du ministère public, et non plus lecture de la totalité de
la décision (nouvel art. R. 314-1 du CJF).
β
) Mises en cohérence en vue d’une plus grande protection du
justiciable
Audience publique
. La suppression de l’art. L. 314-15 du code
des juridictions financières, qui prévoyait que les audiences n’étaient pas
publiques, met la règle en conformité avec la pratique observée depuis
que le Conseil d’État avait jugé que la CDBF, à laquelle s’appliquent les
exigences de l’article 6 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde
des droits de l’homme et des libertés fondamentales, devait siéger en
audience publique sans que la règle législative précitée du code des
juridictions
financières
puisse
y
faire
obstacle
(
Conseil
d’État
30 octobre 1998
,
Lorenzi
6
). Désormais, l’art. R. 314-2 du CJF prévoit la
publicité de l’audience. Le Président de la Cour peut décider le huis clos
si la publicité est susceptible de porter atteinte à un secret protégé par la
loi ou dans les cas prévus par l’article 435 du Nouveau code de procédure
civile.
Suppression de la participation du rapporteur au délibéré
.
Est abrogé l’art. L. 314-12, alinéa 2 du CJF, qui prévoyait que le
rapporteur participait au délibéré avec voix consultative.
6) AJDA 1998, p. 1047 ; RFDA 1999, p. 1022 ; Arrêts, jugements et communications
des juridictions financières 1998, p. 149 ; Lebon p. 374.
RAPPORT D’ACTIVITÉ DE L’ANNÉE 2005
9
Notification de l’arrêt et lecture publique de celui-ci
. Le
nouvel art. R. 314-3 du CJF, qui remplace l’ancien art. L. 314-16,
précise
que l’arrêt sera lu en audience publique par le Président de la CDBF ou
par un membre de la Cour désigné par lui ; cette lecture publique était
d’ailleurs pratiquée par la Cour depuis 1999.
b)
Le colloque des 5 et 6 avril 2005, « Finances publiques et
responsabilité, l’autre réforme »
Les juridictions financières ont été à l’initiative d’un colloque
intitulé « Finances publiques et responsabilité, l’autre réforme » qui a eu
lieu au Palais d’Iéna les 5 et 6 avril 2005. La CDBF a été au coeur des
discussions menées par les acteurs de la gestion publique, fonctionnaires,
élus, magistrats, universitaires, qui ont confronté leurs points de vue sur
le principe de responsabilité en matière de finances publiques et son
évolution.
En effet, les différentes réformes de la gestion publique en cours –
au premier rang desquelles la loi organique relative aux lois de finances
du 1
er
août 2001 – ont un point commun : elles placent la
responsabilisation des acteurs au coeur d’une gestion publique rénovée, en
vue d’une plus grande efficacité de l’action publique au service des
citoyens.
En contrepartie de plus grandes libertés de gestion et de
l’allègement des contrôles
a priori
, les acteurs de la gestion publique
seront responsables des résultats obtenus : ils auront donc à rendre
compte de leur gestion. Le principe de responsabilité individuelle
constitue dès lors le corollaire indispensable de la réforme des finances
publiques en cours.
Ayant ainsi permis d’engager une réflexion sur la responsabilité
des gestionnaires dans le cadre rénové de la gestion publique, il ressort
des conclusions de ce colloque que ces évolutions conduiront notamment
à redéfinir les infractions que sanctionne la Cour de discipline budgétaire
et financière, afin de les adapter aux nouveaux cadres de gestion. Ainsi,
l’infraction prévue à l’article L. 313-1 du code des juridictions
financières, qui sanctionne le non respect des règles en matière de
contrôle financier, voit son champ d’application se réduire avec la
réforme du contrôle financier. Parallèlement, les débats du colloque ont
montré que les réformes de la gestion publique posaient avec une acuité
nouvelle la question de la sanction des fautes graves de gestion qui ont
entraîné un préjudice grave pour les finances publiques, l’infraction
décrite par l’article L. 313-7-1 du CJF constituant à cet égard un modèle
dont le champ d’application est toutefois limité aux entreprises publiques.
10
COUR DE DISCIPLINE BUDGÉTAIRE ET FINANCIÈRE
La CDBF pourrait jouer un rôle clé dans la modernisation de la
gestion publique, à condition que son fonctionnement soit amélioré, ce
qui est précisément l’objet des réformes en cours, qu’elles résultent du
décret du 17 juin 2005 précité ou d’améliorations internes présentées ci-
après.
c)
Autres améliorations du fonctionnement interne de la CDBF
Au-delà des réformes induites par l’intervention du décret du
17 juin 2005, la CDBF a décidé de mettre en oeuvre plusieurs réformes
destinées à améliorer le fonctionnement de la juridiction. Certaines ont
été réalisées en 2005, d’autres le seront en 2006.
Poursuite des réflexions sur l’amélioration de la procédure ;
Mieux faire connaître la Cour : meilleure diffusion de ses arrêts ;
meilleure explication de sa jurisprudence ; mise en ligne de tous les
arrêts de la CDBF sur le site internet de la Cour des comptes
7
;
Renforcement de la formation des rapporteurs ;
Formalisation des déférés ;
Poursuite des efforts de coopération internationale avec des
juridictions disposant de compétences proches de celles dévolues
en France à la CDBF ;
Effort d’information des autorités dotées du pouvoir de saisine de
la CDBF (notamment les membres du Gouvernement, la Cour des
comptes et les chambres régionales des comptes).
B - Activité de la Cour
Parmi les statistiques relatives à l’activité de la Cour en 2005 (v.
tableau ci-dessous), on relèvera avant tout le très faible nombre de déférés
(9 en 2005, contre 18 en 2004), qui confirme et accentue l’évolution à la
baisse enregistrée depuis dix ans.
Hors affaires relevant de la loi de 1980, le nombre de déférés est
encore plus limité : deux affaires ont été déférées par la Cour des comptes
en 2005 (dont l’une en décembre 2004, mais comptabilisée en 2005 ;
l’autre en décembre 2005), et deux affaires ont été déférées par des
chambres régionales des comptes (dont l’une a donné lieu à classement
immédiat).
7)
www.ccomptes.fr
.
RAPPORT D’ACTIVITÉ DE L’ANNÉE 2005
11
L’évolution du nombre de déférés constitue donc l’un des enjeux
principaux de la réforme de la CDBF.
L’engorgement de la Cour et l’impossibilité dans laquelle elle se
trouvait de juger un nombre élevé d’affaires, avant la mise en oeuvre de la
réforme réglementaire (décret du 17 juin 2005 précité), avait en effet
conduit à une plus grande sélectivité. Désormais dotée de capacités
d’instruction et de jugement accrues, la Cour pourra traiter un nombre
plus grand d’affaires déférées devant elle.
L'activité de la Cour de discipline budgétaire et financière
depuis 1995
1995
1996
1997
1998
1999
2000
2001
2002
2003
2004
2005
Déférés enregistrés au Parquet
33
31
34
24
20
18
18
10
13
18
9
8
dont affaires de la loi de 1980
10
4
8
4
6
13
14
3
11
12
5
Classement avant instruction (art. L. 314-3).
4
12
12
10
14
5
17
13
18
12
9
dont affaires de la loi de 1980
3
7
6
4
4
4
15
8
13
11
7
Affaires donnant lieu à réquisitoire introductif
20
18
18
24
4
5
0
6
4
4
5
9
dont affaires de la loi de 1980
1
1
2
3
0
0
0
0
0
1
0
Classement après instruction (art. L. 314-4 et L. 314-6)
2
2
5
4
21
2
7
10
6
3
3
dont affaires de la loi de 1980
0
1
0
0
2
1
0
0
0
0
0
Décisions de renvoi
3
5
11
5
10
3
0
7
2
3
11
2
3
Arrêts rendus
3
4
7
7
4
1
3
4
12
4
13
4
3
Nombre total des affaires en cours de procédure
58
71
81
84
66
14
76
67
49
35
35
15
30
16
dont affaires de la loi de 1980
12
8
10
9
9
17
15
10
8
9
7
8) Hors demande à fin de suspension d’exécution à raison de l’amnistie concernant le 1er arrêt de la Cour du 17 juin 2005, qui ne constitue pas un
déféré. Mais le chiffre présenté ici comprend un déféré de la Cour des comptes datant de décembre 2004, enregistré au Parquet le 23 décembre
2004 mais parvenu au greffe de la CDBF en janvier 2005 (étant précisé que cette affaire ne figurait pas dans les données 2004).
9) Y compris la désignation de deux rapporteurs pour traiter respectivement un recours en tierce opposition d’une part (désignation du 4 janvier
2005, 1
er
arrêt de la Cour de discipline budgétaire et financière du 17 juin 2005), et une demande à fin de suspension d’exécution à raison de
l’amnistie concernant le 2
ème
arrêt de la Cour du 17 juin 2005.
10) Y compris la décision du Conseil d’État en date du 30 octobre 1998, cassant l’arrêt rendu par la Cour le 13 octobre 1993 et renvoyant l’affaire
devant elle.
11) Y compris la décision du Conseil d’État du 4 juillet 2003, cassant l’arrêt rendu par la Cour le 4 avril 2001, en tant qu’il concerne M. X.
12) Un arrêt unique pour 2 affaires.
13) Un arrêt unique pour 2 affaires.
14) Y compris l’affaire jugée le 29 septembre 1999 pour laquelle la Cour a prononcé le renvoi devant le rapporteur pour supplément d’instruction.
15) Y compris l’affaire transmise par arrêt de la Cour du 15 juin 2004 au Conseil d'État.
16) Y compris la demande à fin de suspension d’exécution à raison de l’amnistie concernant le 2
ème
arrêt de la Cour du 17 juin 2005.
RAPPORT D’ACTIVITÉ DE L’ANNÉE 2005
13
Le nombre d’arrêts rendus est stable (entre 3 et 4 depuis 2001) :
3 arrêts ont été lus en audience publique en 2005 ; deux autres affaires ont
été jugées en 2005, les arrêts correspondants devant être lus en audience
publique en 2006.
C - Arrêts rendus par la Cour en 2005
La Cour a rendu en 2005 trois arrêts lus en séance publique,
respectivement le 17 juin 2005 pour deux d’entre eux et le 28 octobre
2005 pour le troisième.
L’activité de la CDBF doit toutefois être appréciée à la fois à la
lumière des arrêts qu’elle rend et des décisions de classement du
Procureur général relatives à des affaires déférées en application de la loi
du 16 juillet 1980, lesquelles témoignent de l'efficacité de la juridiction
qui réussit, dans la plupart des cas, à faire exécuter des décisions de
justice sans condamnation.
1 -
L’arrêt de la CDBF du 17 juin 2005, Recours en tierce
opposition de la société X.
17
Dans cette première affaire, la Cour a dû se prononcer, pour la
première fois, sur une requête en tierce opposition formulée par une
société commerciale contre l’un de ses arrêts, en l’occurrence l’arrêt de la
CDBF du 15 juin 2004
,
Centre hospitalier de Saint Brieuc
18
, qui
relaxait des fins de poursuite le directeur de ce centre hospitalier à raison
des modalités de mise en place, en 1994 et 1995, d’un dispositif de
cogénération financé par crédit-bail.
Le requérant estimait que l’arrêt préjudiciait à ses droits, en tant
que la Cour, par son arrêt du 15 juin 2004 susvisé, aurait considéré que la
cause principale du préjudice subi par le centre hospitalier à la suite de la
mise en liquidation judiciaire de la société maître d’oeuvre de l’opération
résultait du non respect par le bailleur, en l’occurrence la société à
laquelle la société X. a succédé, d’une disposition de la convention de
crédit-bail conclue par le centre hospitalier avec elle. Or, dans le cadre
d’un contentieux conduit devant le juge administratif sur l’exécution de
17)
www.ccomptes.fr
; arrêt publié également : Revue du Trésor 2005, p. 707, note
Lascombe et Vandendriessche ; AJDA 2005, p. 2397, note Groper et Giannesini. Cet
arrêt a fait l’objet d’un recours en cassation.
18)
www.ccomptes.fr
; arrêt publié également : Revue du Trésor 2005, p. 705, note
Lascombe et Vandendriessche ; un résumé figure en outre dans le Rapport annuel de
la CDBF pour 2004 (p. 89 à 91).
14
COUR DE DISCIPLINE BUDGÉTAIRE ET FINANCIÈRE
ce contrat, le centre hospitalier se serait prévalu de l’arrêt de la Cour de
discipline budgétaire et financière.
La Cour a déclaré irrecevable la requête formulée par la société X.
Elle a souligné que l’arrêt de relaxe contre lequel était dirigée la requête
en tierce opposition ne déployait ses effets qu’à l’égard de la personne
relaxée, seule mise en cause par l’action publique dans l’instance
conduite devant la Cour et seul visée par le dispositif de sa décision. La
CDBF a jugé que son arrêt ne préjudiciait pas aux droits du requérant. Au
surplus, le juge administratif appelé à se prononcer, dans une instance
distincte, sur l’exécution du contrat conclu entre le centre hospitalier et la
société à laquelle la société X. a succédé n’est pas lié par l’appréciation
des faits exposée dans les motifs de l’arrêt de la Cour de discipline
budgétaire et financière qui avait fait l’objet de la requête en tierce
opposition.
2 -
L’arrêt de la CDBF du 17 juin 2005, Centre hospitalier
spécialisé (CHS) Paul Guiraud de Villejuif, 2
ème
arrêt
19
1. Dans cette deuxième affaire, la CDBF, saisie par une chambre
régionale des comptes, a condamné l’ancien directeur d’un centre
hospitalier spécialisé (CHS) à une amende de 5.000 EUR pour avoir, dans
le cadre de la mise en place d’un système de cogénération financé par
crédit-bail, méconnu diverses règles d’exécution des dépenses publiques
et pour avoir octroyé à un tiers un avantage injustifié causant un préjudice
à l’organisme public.
a) D’une part, le directeur du centre hospitalier avait conclu un
marché de maîtrise d’oeuvre sous la forme négociée, alors que les
conditions exigées par le code des marchés publics n’étaient pas réunies.
Des circonstances atténuantes lui ont toutefois été reconnues du fait de la
présence de considérations de sécurité des usagers de l’hôpital, qui
rendaient urgentes la réalisation de l’opération ; en outre, les autorités
chargées du contrôle de légalité ne s’étaient pas opposées aux modalités
de passation du marché.
b) D’autre part, des conventions contradictoires entre elles avaient
été signées par le directeur du CHS, entraînant, sur ordre du directeur de
l’hôpital, le versement, par le crédit-bailleur, du prix des travaux non aux
entreprises de travaux, mais au maître d’oeuvre, alors que les marchés de
travaux conclus par ailleurs prévoyaient le payement direct des
entreprises de travaux par le crédit-bailleur, sans intervention du maître
d’oeuvre dans le circuit financier. Cette situation créait pour le CHS le
19)
www.ccomptes.fr
; arrêt publié également : Revue du Trésor 2005, p. 708, note
Lascombe et Vandendriessche.
RAPPORT D’ACTIVITÉ DE L’ANNÉE 2005
15
risque d’un double payement, risque qui s’est par la suite réalisé. Le
directeur avait donné l’ordre au crédit-bailleur de verser un acompte au
maître d’oeuvre, alors que la convention de crédit-bail n’avait pas encore
reçu l’aval du contrôle de légalité. Enfin, il avait certifié le service fait de
prestations qui n’avaient pas été exécutées.
Le maître d’oeuvre, bénéficiaire de ces versements opérés par le
crédit-bailleur, ayant ensuite été mis en liquidation judiciaire sans avoir
reversé aux entreprises de travaux les montants qui leur étaient dus, ces
dernières se sont retournées contre le CHS, les factures non payées étant
estimées à plus de 8,3 millions FRF (plus de 1,2 million EUR) à la charge
de l’organisme public. Un avantage injustifié a donc été accordé, causant
un préjudice important pour le CHS.
2. L’arrêt CHS Paul Guiraud de Villejuif présente également un
intérêt sur le plan de la
procédure
.
Il s’agit en effet du deuxième arrêt rendu par la Cour dans la même
affaire : par un premier arrêt (
CDBF 15-VI-2004
,
Centre hospitalier
spécialisé (CHS) Paul Guiraud de Villejuif
20
), la Cour avait constaté
qu’elle était, dans sa composition de l’époque, dans l’impossibilité de se
prononcer régulièrement sur l’affaire portée devant elle.
Certains des membres de la CDBF avaient en effet, en leur qualité
de conseillers maîtres à la Cour des comptes, participé à la décision de
celle-ci de faire état, dans un rapport public, des irrégularités concernant
la gestion du CHS de Villejuif, en les qualifiant juridiquement,
irrégularités dont la CDBF était précisément saisie en l’espèce. Les
membres de la CDBF concernés s’étant déportés
21
, le quorum exigé par le
code des juridictions financières pour que la CDBF statue valablement ne
pouvait plus être atteint ; la Cour avait alors transmis l’affaire au Conseil
d’État, afin que celui-ci statue directement sur l’affaire.
Le Conseil d’État, par arrêt du 4 février 2005
22
, a estimé que la
Cour avait, en lui transmettant l’affaire, fait une exacte application des
principes qui s’imposent à elle en matière d’impartialité de la formation
de jugement ; mais constatant que la composition de la Cour avait entre
temps changé, le Conseil d’État a renvoyé le jugement de l’affaire devant
20) V. aussi Rapport annuel de la CDBF pour 2004, p. 89 ; AJDA 2004, p. 1602, note
A.
Maucour-Isabelle ;
Revue
du
Trésor
2005,
p. 704,
note
Lascombe
et
Vandendriessche.
21) Conformément à la jurisprudence
Conseil d’État 4-VII-2003
,
Dubreuil
; Revue
du Trésor 2004, p. 151, note Lascombe et Vandendriessche ; AJDA 2003, p. 1596,
chron. Donnat et Casas ; RFDA 2003, p. 713, concl. Guyomar.
22)
Conseil d’État 4-II-2005
,
Procureur général près le Cour des comptes,
ministère public près la Cour de discipline budgétaire et financière
; AJDA 2005, p.
1070, concl. Guyomar.
16
COUR DE DISCIPLINE BUDGÉTAIRE ET FINANCIÈRE
la CDBF. C’est suite à ce renvoi que la Cour de discipline budgétaire et
financière a rendu le présent arrêt.
Il a déjà été précisé que la réforme de la CDBF résultant du décret
n° 2005-677 du 17 juin 2005, en augmentant le nombre de membres de la
Cour et en créant des postes de membres suppléants, permettra de
remédier pour l’avenir à ce type de situation.
3 -
L’arrêt de la CDBF du 28 octobre 2005, Ministère de la
défense, Direction des constructions navales, Contrat de vente de
sous-marins Agosta 90 au Pakistan
23
.
La CDBF avait été saisie conjointement par le ministre de la
défense, le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie et le
secrétaire d’État au budget de faits concernant la direction des
constructions navales (DCN) du ministère de la défense, et faisant
présumer des irrégularités dans la gestion d’une opération de vente de
sous-marins au Pakistan. Cette saisine faisait suite à un rapport du
Contrôle général des armées d’une part, et d’une enquête conjointe de
l’Inspection générale des finances et du Contrôle général des armées
d’autre part.
La Cour a retenu trois séries de faits constitutifs d’infractions.
a)
Des irrégularités commises dans la négociation du contrat de vente
de sous-marins au Pakistan
La Cour a constaté que le montage financier de l’opération de
vente de sous-marins Agosta 90 au Pakistan avait présenté des
défaillances. Ainsi, au moment de la négociation des termes du contrat,
les incertitudes étaient nombreuses s’agissant du coût réel de fabrication
des sous-marins, qui représentait la plus grande part du contrat, aucun
document n’ayant jamais présenté un bilan financier d’ensemble de
l’opération qui aurait permis aux autorités compétentes de prendre une
décision éclairée. Or la perte finale de l’opération, avant subvention et
affectation de produits divers, a été évaluée à 500 millions FRF (soit plus
de 76 millions EUR).
La CDBF a jugé que les opérations imputées sur le compte de
commerce de la direction des constructions navales obéissaient aux
mêmes règles de prévision, d’autorisation et d’exécution que celles qui
sont imputées sur le budget général, et que le caractère évaluatif des
dépenses, qui caractérise les comptes de commerce aux termes de
23) Cet arrêt a fait l’objet d’un recours en cassation.
RAPPORT D’ACTIVITÉ DE L’ANNÉE 2005
17
l’ordonnance organique du 2 janvier 1959 relative aux lois de finances
applicable au moment des faits, ne fait pas obstacle à la nécessité de les
prévoir et de les maîtriser, d’autant que le découvert fixé annuellement
pour chaque compte revêt un caractère limitatif. En toute hypothèse, les
données communiquées aux décideurs, qui fixent les mandats de la
négociation et qui déterminent ensuite le montant des autorisations de
dépense ainsi que celui du découvert final du compte de commerce,
doivent être complètes et sincères, ce qui n’a pas été le cas en l’espèce.
La Cour a jugé que l’absence de données précises sur les divers
éléments de l’équilibre financier de l’ensemble de l’opération, et
l’absence d’information sur l’existence d’un risque de déséquilibre
financier important du contrat, constituaient des violations des règles de
prévision des autorisations des dépenses, prévues notamment par les
articles 24 et 26 de l’ordonnance organique du 2 janvier 1959 précitée,
applicables au moment des faits. Des règles relatives à l’exécution des
recettes et des dépenses de l’État avaient donc été méconnues, ce qui est
constitutif de l’infraction sanctionnée par l’article L. 313-4 du CJF.
La Cour a retenu la responsabilité du chef du service industriel, en
tant qu’il ne pouvait ignorer que le montant des offres successives faites
au Pakistan, en réponse à des demandes supplémentaires des négociateurs
pakistanais ou en réponse à des offres de concurrents étrangers, pouvaient
dégrader de manière importante les marges attendues du contrat.
Toutefois, il n’avait pas fait part de ces informations à ses supérieurs, et
n’avait donc pas mis le ministère en mesure de prendre une décision en
connaissance de cause et, éventuellement, de rediscuter le montant des
offres sur des bases chiffrées fiables ; la Cour a jugé qu’en agissant ainsi
il avait contrevenu aux règles de prévision, d’autorisation et d’exécution
de la dépense, ce qui tombe sous le coup de l’article L. 313-4 du CJF.
La Cour a également mis en jeu la responsabilité du directeur des
constructions navales pour avoir manqué au devoir de surveillance que lui
imposait sa position hiérarchique. Enfin, la responsabilité du délégué
général à l’armement a été retenue : celui-ci, nécessairement informé de
la négociation du contrat, n’avait pourtant exigé aucun bilan financier de
l’opération. Le débat interministériel, qu’il s’agisse du montant des
autorisations de dépense du compte de commerce ou des termes
financiers de l’offre à faire au Pakistan, n’a de ce fait pas été mené sur la
base d’informations pertinentes et d’évaluations sincères. La Cour a jugé
qu’en agissant ainsi, l’intéressé avait fait preuve d’une négligence
caractérisée ayant rendu possibles les irrégularités précitées au moment
de la conclusion du contrat de vente des sous-marins et qu’à ce titre, il
avait enfreint les principes fondamentaux associés aux règles de
prévision, d’exécution et de gestion de la dépense publique résultant
18
COUR DE DISCIPLINE BUDGÉTAIRE ET FINANCIÈRE
notamment de l’ordonnance organique de 1959 précitée ; ainsi, sa
responsabilité au regard de l’infraction prévue à l’article L. 313-4 du
CJF était engagée.
b)
Des irrégularités dans l’exécution du contrat
En premier lieu, la Cour a retenu la responsabilité du chef du
service industriel pour ne pas avoir respecté les règles applicables en
matière de contrôle financier lors de la conclusion d’une convention, en
1996, entre la direction des constructions navales (DCN) et la société
DCN-I, dans le cadre de l’exécution du contrat de vente de sous-marins
au Pakistan, ce qui est constitutif
de l’infraction
prévue à l’article
L. 313-1 du CJF.
En deuxième lieu, la Cour a relevé que les règles relatives aux
achats de la DCN dans le cadre de la gestion des contrats confiée à DCN-
I étaient restées ambiguës et ne permettaient pas d’opérer une distinction
stricte entre les achats relevant de la seule commande publique et les
autres, alors que des règles précises furent appliquées pour les contrats
ultérieurs. Des règles d’exécution de dépenses publiques avaient été de ce
fait méconnues, au sens de l’infraction prévue à l’article L. 313-4 du CJF.
D’une façon générale, la DCN s’était trouvée confrontée à de
nombreuses difficultés au cours de l’exécution du contrat, auxquelles elle
n’avait pu trouver des solutions que tardivement, situation témoignant de
l’imprévision et de l’absence d’anticipation des risques. La Cour a jugé
que ce manque de diligence, contraire aux principes fondamentaux de la
gestion des dépenses publiques, avait entraîné les irrégularités précitées,
et était constitutif de l’infraction aux règles d’exécution de la dépense
publique sanctionnée par l’article L. 313-4 du CJF. Les irrégularités
susvisées ont été imputées au chef du service industriel de la direction des
constructions navales, en tant que responsable principal de l’exécution du
contrat ; en outre, en s’abstenant de toute initiative permettant d’anticiper
les difficultés dans l’exécution du contrat, ce dernier a, selon l’arrêt de la
Cour, fait preuve de négligence et a méconnu les responsabilités qui lui
incombaient
dans
l’exécution
dudit
contrat,
engageant
ainsi
sa
responsabilité au titre de l’infraction prévue à l’article L. 313-4 du CJF.
c)
Conclusion d’une convention en l’absence de visa
du contrôleur financier
Enfin, la Cour a retenu la responsabilité du chef des services
industriels de la direction des constructions navales pour n’avoir pas
soumis au visa du contrôleur financier, en violation de la réglementation
applicable, une convention liée à l’exécution de l’opération de vente de
RAPPORT D’ACTIVITÉ DE L’ANNÉE 2005
19
sous-marins au Pakistan, ce qui est constitutif de l’infraction prévue à
l’article L. 313-1 du CJF.
Au vu des trois séries d’infractions présentées ci-dessus, la Cour a
condamné le chef du service industriel de la DCN, à l’encontre duquel
des circonstances aggravantes ont par ailleurs été retenues, à une amende
de 6 000 EUR, le directeur des constructions navales au moment des faits
à une amende de 4 500 EUR et le délégué général pour l’armement à une
amende de 4 500 EUR ; une quatrième personne qui avait été renvoyée
devant la Cour a été relaxée.
D - Décisions de classement
Au cours de l’année 2005, douze affaires ont été classées par le
procureur général contre quinze en 2004.
Neuf de ces décisions ont été prises avant instruction, sur la base
de l’article L. 314-3 du CJF. Sept d’entre elles concernaient des affaires
déférées en application de la loi du 16 juillet 1980. Les classements sont
donc, à l’exception d’un seul, intervenus après que l’exécution de la
décision de justice a été obtenue par le procureur général. Dans le dernier
cas, le classement résulte de l’irrecevabilité de la saisine. Les deux
classements décidés dans des dossiers étrangers à l’exécution des
décisions de justice s’expliquent l’un par l’incompétence de la Cour à
l’égard des personnes susceptibles d’être poursuivies, l’autre par
l’ouverture d’une action pénale visant les même faits.
Comme en 2004, trois classements sont survenus après instruction,
pour deux d’entre eux sur le fondement de l’article L. 314-4 du CJF
(classement après dépôt du rapport d’instruction) et pour le dernier, sur
celui de l’article L. 314-6 du même code (classement motivé après avis
des ministres intéressés).
Dans ces dossiers, l’instruction a révélé soit que les infractions
n’étaient pas suffisamment caractérisées, soit qu’elles n’étaient pas
aisément imputables à des personnes déterminées, soit qu’elles avaient
été commises dans un contexte que rendait improbable la condamnation
des personnes mises en cause, au regard de la jurisprudence de la Cour.
Ainsi, la décision de classement motivée a retenu que si les personnes
mises en cause ne pouvaient au sens strict exciper d’un ordre écrit donné
personnellement par le ministre compétent dûment informé de l’affaire ce
qui les aurait exonérées de toute responsabilité en application de l’article
L. 313-9 du CJF, elles paraissaient susceptibles de bénéficier de très
larges circonstances atténuantes ayant cru de bonne foi agir dans un cadre
légal.
20
COUR DE DISCIPLINE BUDGÉTAIRE ET FINANCIÈRE
***
Conclusion
L’année 2005 aura été pour la Cour de discipline budgétaire et
financière une année de transition. Les indicateurs d’activité démontrent,
comme les années précédentes, les difficultés qu’a connues la juridiction
pour remplir de façon satisfaisante les missions qui lui sont confiées.
La réforme réglementaire réalisée en juin 2005 ainsi que les
réformes internes destinées à améliorer son fonctionnement permettront à
la Cour de mieux prendre en charge les fonctions qui lui ont été assignées
par le législateur. Ces réformes se poursuivront et s’intensifieront en
2006.
Les premiers effets tangibles de ces réformes devraient être
mesurables dès 2006 : le prochain rapport public dressera un bilan
exhaustif de ces évolutions.
***
Le présent rapport a été délibéré à la Cour des comptes le treize
janvier deux mille six.
Ont délibéré : M. Séguin, Premier président de la Cour des
comptes, président de la Cour de discipline budgétaire et financière ;
M. Fouquet, Président de la section des finances du Conseil d’État, vice-
président
de
la
Cour
de
discipline
budgétaire
et
financière ;
MM. Ménéménis, Pinault, Loloum et Pêcheur, conseillers d'État, et
MM. Capdeboscq, Lefoulon, Mayaud, Vachia et Duchadeuil, conseillers
maîtres à la Cour des comptes, membres titulaires de la Cour de discipline
budgétaire et financière.
Était présent et a participé aux débats : M Bénard, Procureur
général de la République, ministère public près la Cour de discipline
budgétaire et financière, assisté de M. Bertucci, premier avocat général.
M. Groper, conseiller référendaire à la Cour des comptes et
secrétaire général de la Cour de discipline budgétaire et financière,
assurait le secrétariat de la séance.
Fait à la Cour des comptes, le 13 janvier 2006.
Philippe SÉGUIN