Sort by *
IMPÔT SUR LE REVENU, CSG
QUELLES RÉFORMES ?
Synthèse
février 2015
Conseil des prélèvements obligatoires
2
Synthèse - Conseil des prélèvements obligatoires - février 2015
g
AVERTISSEMENT
Le Conseil des prélèvements obligatoires est chargé
d'apprécier l'évolution et l'impact économique, social
et budgétaire de l'ensemble des prélèvements obliga-
toires, ainsi que de formuler des recommandations sur
toute question relative aux prélèvements obligatoires
(loi n° 2005-358 du 20 avril 2005). Le présent docu-
ment est destiné à faciliter la lecture et l'exploitation
du rapport du Conseil des prélèvements obligatoires.
Seul le texte du rapport engage le Conseil.
SOMMAIRE
3
Synthèse - Conseil des prélèvements obligatoires - février 2015
Introduction
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .5
1
Un « pacte fiscal » à rénover . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .7
2
De la réforme d’ensemble à un ensemble de réformes . . . . . .15
Conclusion
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .33
INTRODUCTION
5
Synthèse - Conseil des prélèvements obligatoires - février 2015
La commission des finances du Sénat
a sollicité en novembre 2013 l’exper-
tise du Conseil des prélèvements obli-
gatoires
(CPO)
pour
éclairer
sa
réflexion sur la cohérence et les
réformes souhaitables de l’imposition
des revenus, principalement composé
de l’impôt sur le revenu (IR) et de la
contribution
sociale
généralisée
(CSG).
Dans un contexte d’accroissement des
prélèvements obligatoires, la cohé-
rence d’ensemble de l’imposition des
revenus est un sujet majeur dans le
débat public, avec l’évocation de
réformes pouvant aller jusqu’à la
fusion de l’IR et de la CSG dans un
grand impôt unifié.
Dans une première partie, le CPO a
choisi d’éclairer le législateur à travers
une approche historique et recensant
les grands principes autour desquels
notre système d’imposition s’articule,
et qui fondent le « pacte fiscal » entre
l’Etat et les citoyens.
Dans une seconde partie, le rapport
examine tout d’abord les réformes
d’ensemble envisageables à moyen
terme, pour unifier la fiscalité des
revenus sur la base d’un IR rénové ou
d’une CSG progressive, et identifie les
difficultés pratiques ou de principe
qu’il faudrait surmonter.
Un ensemble de réformes de plus
court terme est enfin étudié par le
CPO afin de renforcer la complémen-
tarité de l’IR et de la CSG, ce qui pour-
rait constituer une voie médiane de
réforme, alliant simplification et pro-
gressivité améliorée, à prélèvement
constant.
7
Synthèse - Conseil des prélèvements obligatoires - février 2015
1
Un « pacte fiscal » à rénover
Un système d'imposition des
revenus devenu illisible et peu
cohérent
Notre système d’imposition a été
modelé par une longue histoire de
réformes successives. À mesure de la
construction de l’État providence, son
rôle de redistribution verticale et hori-
zontale s’est amoindri, même s’il reste
progressif. Un IR au rendement affai-
bli par une base réduite et de trop
nombreuses dépenses fiscales, et une
CSG dont les taux proportionnels sont
devenus élevés, ne permettent pas
une articulation suffisante entre ces
deux segments de l’imposition des
revenus. Il en résulte un système de
prélèvements sur les revenus des
ménages sans lisibilité d’ensemble
suffisante pour en favoriser la com-
préhension, sinon l’acceptabilité.
La superposition de deux impositions
ayant chacune leur logique
Le système d’impôts directs mis en
place en 1914 présentait déjà une
structure duale : d’une part, un
ensemble d’impôts, frappant, chacun,
une catégorie de revenu selon des
taux proportionnels différenciés et,
d’autre part, un impôt général sur le
revenu, qui se caractérisait par un
barème progressif à onze tranches,
notamment par la prise en compte de
charges de famille sous les formes
d’un allègement sur le revenu imposa-
ble et d’une réduction d’impôt.
Malgré une tentative en 1948, l’unifi-
cation de l’imposition des revenus ne
fut
obtenue
que
par
la
loi
du
28 décembre
1959
instituant
un
impôt annuel unique sur les revenus
des personnes physiques, qui a fixé le
cadre de l’impôt sur le revenu tel que
pratiqué aujourd’hui.
Dès la loi du 28 décembre 1990, la
création de la CSG a été d’emblée pla-
cée dans la lignée des grandes
réformes fiscales, répondant à la dou-
ble nécessité de diversifier le finance-
ment de la protection sociale et de
rénover l’imposition des revenus. Elle
a en tout cas abouti au paradoxe de
rétablir une forme de dualité du sys-
tème d’imposition des revenus des
ménages, avec un IR progressif et for-
tement concentré, et une CSG propor-
tionnelle sur une assiette de type
cédulaire plus large.
Imposition hybride, la CSG emprunte
ses règles tantôt aux cotisations
sociales, tantôt à l’IR. Parmi les trois
contributions
juridiquement
dis-
Un « pacte fiscal » à rénover
tinctes composant la CSG, la contribu-
tion sur les revenus d’activité et de
remplacement a en effet des règles
d’assiette et de recouvrement proches
de celles des cotisations sociales, rete-
nues à la source. Les contributions sur
les revenus du patrimoine et sur les
produits de placement obéissent,
quant à elles, à des règles d’assiette,
de recouvrement et de contentieux
également utilisées pour l’IR.
Taux
Montants
Revenus d’activité
7,5 %
63,8
Revenus de remplacement
de 3,8 % à 6,6 %
16,9
Revenus du capital
8,2 %
9,9
Revenus des jeux
de 6,9 % à 12 %
0,3
Total
90,9
Source : Direction de la sécurité sociale
La CSG a d’ailleurs pris rapidement le
dessus, avec l’augmentation rapide de
ses taux et la poursuite de l’élargisse-
ment de son assiette, qui lui a permis
de dépasser dès 1998 le rendement
de l’IR, malgré un ressaut de ce der-
nier depuis 2011.
Taux et montants CSG par type de revenus en 2013
(En Md€)
Synthèse - Conseil des prélèvements obligatoires - février 2015
8
Un « pacte fiscal » à rénover
9
Synthèse - Conseil des prélèvements obligatoires - février 2015
Il existe un certain nombre de prélève-
ments sociaux suivant la même
logique que la CSG et portant sur des
revenus totalement ou partiellement
exclus de l’assiette des cotisations
sociales. Certains préexistaient à la
CSG,
comme
les
prélèvements
sociaux sur les revenus du capital,
d’autres ont été institués ultérieure-
ment, sur son modèle, comme la
contribution pour le remboursement
de la dette sociale (CRDS), ou les
contributions de solidarité pour l’au-
tonomie. Cet ensemble de taxes addi-
tionnelles affectées à la sécurité
sociale représente 17,8 milliards d’eu-
ros en 2013.
La CSG n’a cessé, depuis sa création,
de subir des compléments ou des
modifications, qui en ont plutôt com-
plexifié le principe et alourdi les
modalités.
Par ailleurs, les taux relativement éle-
vés pour un impôt proportionnel sem-
blent avoir atteint un certain plafond.
Il semble difficile d’aller au-delà,
compte tenu de la charge qu’elle fait
peser sur les revenus, sans prendre en
compte, en raison de son caractère
strictement individuel, la capacité
contributive du foyer fiscal.
Rendement de l'IR et de la CSG depuis 1991 (En % du PIB)
Source : CPO (d’après les données de l’INSEE (comptes nationaux base 2005), de la DSS et de
l’annexe « évaluation des voies et moyen » au PLF pour 2014)
Un « pacte fiscal » à rénover
Une fiscalité des revenus progres-
sive mais relativement peu redistri-
butive
Le caractère redistributif des politiques
publiques ne s’analyse pas à la lumière
de la seule progressivité du système de
prélèvements, mais aussi au regard de
la redistribution par les prestations
sociales, qui contribue deux fois plus à
la réduction des inégalités de niveau de
vie que la fiscalité assise sur les revenus
des ménages.
Le degré de progressivité de l’imposi-
tion sur le revenu a beaucoup évolué
dans le temps. La diminution du poids
relatif de l’IR, sous l’influence des
baisses de taux et du mitage de l’as-
siette, a contribué à réduire la progressi-
vité globale du système socio-fiscal. En
revanche, la mise en place de la CSG a
renforcé la progressivité des prélève-
ments sociaux en remplaçant des coti-
sations qui étaient dégressives et en
élargissant l’assiette aux revenus de
patrimoine et de placement qui sont
détenus
généralement
par
des
ménages dans le haut de la distribution
des niveaux de vie. Par ailleurs, l’exis-
tence d’exonérations et de taux réduits
sur les revenus de remplacement a
accru la progressivité de la CSG.
Passant par une différentiation en fonc-
tion des types de revenus et non du
niveau des revenus, cette progressivité
demeure néanmoins limitée.
Source : Direction générale du Trésor
Taux moyen d’imposition IR, CSG, IR+CSG (2013)
Synthèse - Conseil des prélèvements obligatoires - février 2015
10
Un « pacte fiscal » à rénover
Synthèse - Conseil des prélèvements obligatoires - février 2015
11
Compte tenu du caractère globale-
ment proportionnel de la CSG, la pro-
gressivité de l’imposition sur le revenu
repose
essentiellement
sur
l’IR,
acquitté par moins d’un contribuable
sur deux, et fortement concentré sur
le haut de la distribution.
Cette progressivité s’infléchit néan-
moins dans le dernier centile de reve-
nus. A mesure que l’on s’élève dans la
hiérarchie des revenus, la part des
salaires et retraites a tendance à dimi-
nuer, passant de 90% pour le 90ème
centile à 6% pour les 0,001% des indi-
vidus les plus aisés. Et si les avantages
tirés du quotient familial ou des
niches fiscales tendent à diminuer,
compte tenu du plafonnement de ces
avantages,
les
taux
d’imposition
moyens du dernier centile dépendent
largement de la fiscalité hétérogène
applicable aux revenus financiers. On
observe ainsi une régressivité de l’IR à
partir du dernier millime de la distri-
bution des revenus, compensée toute-
fois par les prélèvements sociaux
applicables aux revenus du capital, qui
ne supportent pas en amont de coti-
sations sociales.
Les principes fondateurs d’un
« pacte fiscal » rénové
La complexité croissante du système
d’imposition des revenus en a affaibli
la lisibilité et la légitimité. De ce fait,
une réforme d’ensemble apparaît sou-
haitable. Elle devrait s’inscrire dans le
respect de grands principes qui régis-
sent l’imposition des revenus, tout en
adaptant ses modalités aux enjeux
économiques et sociaux contempo-
rains.
Redonner lisibilité et cohérence à
l'imposition des revenus
Le « mitage », la complexité et le
mode de prélèvement décalé de l’IR
ont fragilisé son acceptabilité par les
contribuables ; si la CSG apparaît
moins critiquée, cela tient sans doute
tout autant à sa vocation, à sa simpli-
cité relative ou à son taux réduit, qu’à
son mode relativement indolore de
prélèvement à la source.
Bien qu’il s’agisse d’une notion extrê-
mement vaste et complexe, un impôt
efficace serait un prélèvement qui se
place au point optimal entre rende-
ment intéressant pour l’État, charge
fiscale acceptable pour le contribua-
ble, efficacité économique avérée et
équité sociale reconnue. Mais, il est
difficile d’allier dans un seul et même
impôt ces critères exigeants et parfois
divergents. Une diversification des
impôts par le législateur a eu en
revanche le mérite d’équilibrer ces cri-
tères en tentant de créer un « pacte
fiscal » dont les déterminants pren-
nent en considération les ressources
de l’État, le contrat social et l’espace
économique.
Clarifier le cadre familial et progressif
de l'imposition des revenus
Les principes fondamentaux sur les-
quels repose le système français d’im-
position excluent le passage à un sys-
tème d’imposition individualisé, tel
qu’il existe dans de nombreux pays,
mais ils permettent des marges d’évo-
lution qu’il convient d’identifier avec
précision, dans les limites tracées par
la jurisprudence constitutionnelle.
Un « pacte fiscal » à rénover
Selon une jurisprudence bien établie
du Conseil constitutionnel, l’article 13
de la Déclaration de 1789 exige, pour
toute imposition progressive générale
des revenus des particuliers (c’est-à-
dire hors impositions spécifiques sec-
torielles, incitatives ou dissuasives),
que soit appréciée la capacité contri-
butive au niveau du foyer fiscal. Sinon,
deux foyers percevant les mêmes
revenus et supportant les mêmes
charges (donc présentant la même
capacité contributive au sens de l’arti-
cle 13 de la Déclaration de 1789)
pourraient payer des montants d’im-
pôt différents. Le quotient conjugal
illustre ce principe : une personne
seule se voit attribuer une part tandis
qu'un couple soumis à imposition
commune se voit attribuer deux parts.
Le système du quotient familial vise
également à adapter le montant de
l’IR aux facultés contributives de
chaque foyer fiscal, en s’assurant que
la progressivité fiscale est la même,
quelle que soit la composition de la
famille. Il assure donc une redistribu-
tion horizontale en allégeant fiscale-
ment les charges de famille, sous un
plafond instauré en 1981 et régulière-
ment abaissé depuis.
Il serait toutefois possible, notam-
ment s’il était envisagé d’appliquer le
quotient familial à un impôt fusion-
nant l’IR et la CSG et afin de limiter le
coût budgétaire qui en résulterait, de
modifier la pondération du quotient
familial, en retenant par exemple les
échelles d’équivalence de l’INSEE ou
de l’OCDE qui différencient notam-
ment les unités de consommation en
fonction de l’âge des enfants et non
en fonction de leur rang comme l’ac-
tuel quotient familial.
La progressivité de l’imposition des
revenus des personnes physiques est
un principe, dégagé par la jurispru-
dence du Conseil constitutionnel à
l’occasion de la création de la CSG. On
peut tirer de cette jurisprudence plu-
sieurs enseignements au regard de
scénarios possibles de réforme de l’IR
et de la CSG. Tout d’abord, un impôt
unique sur le revenu résultant d’une
éventuelle fusion de l’IR et de la CSG
sans barème progressif serait incons-
titutionnel : l’IR pourrait absorber la
CSG, mais la CSG ne saurait absorber
l’IR. Une
flat tax
à taux proportionnel
unique n’est ainsi pas possible en
France au regard de l’interprétation
donnée à l’article 13 de la Déclaration
de 1789. La CSG peut comporter un
taux unique (pour chaque catégorie
de revenus) seulement en raison de
l’existence d’un IR à barème progres-
sif en « contrepoint ».
Par ailleurs, la répartition de l’imposi-
tion globale sur le revenu des per-
sonnes physiques entre l’IR et la CSG
doit permettre de maintenir une
imposition globalement progressive. Il
n’est donc pas possible, soit de réduire
trop fortement la progressivité de l’IR
ou son rendement, soit d’augmenter
trop fortement le taux proportionnel
de la CSG.
Synthèse - Conseil des prélèvements obligatoires - février 2015
12
Un « pacte fiscal » à rénover
13
Synthèse - Conseil des prélèvements obligatoires - février 2015
Prendre en compte les effets de seuil
Une réforme générale de l’IR et de la
CSG ne peut se concevoir sans pren-
dre en compte les effets de seuil qui
affectent les bas revenus, et sans éva-
luer les interactions entre fiscalité et
système social.
L’entrée dans le barème de l’impôt sur
le revenu se révèle en particulier peu
lisible pour les ménages, et la décote
qui la retarde ne fait qu’en amplifier la
brutalité, particulièrement avec la
suppression de la tranche à 5,5 % et
l’aménagement de la décote prévus
par la loi de finances pour 2015.
Les modalités d’attribution d’un cer-
tain nombre d’allègements fiscaux ou
sociaux concentrés sur les ménages
susceptibles
de
bénéficier
de
la
décote, peuvent provoquer des res-
sauts d’imposition et une perte de
pouvoir d’achat significative, en parti-
culier par le risque de cumul de ces
effets de seuil.
D’autres
dispositifs
d’allégement
sont, en effet, accordés en fonction du
revenu fiscal de référence ; ils peuvent
amplifier ces effets de seuil lorsqu’ils
sont supprimés, une fois les plafonds
dépassés : c’est le cas des exonéra-
tions de taxe d’habitation ou de la
contribution à l’audiovisuel public.
Une multitude de dispositifs fiscaux
locaux ou d’aides sociales viennent se
surajouter à ces effets de seuil, sur-
tout pour des revenus modestes, et
miner
l’acceptabilité
de
l’impôt
comme son efficacité économique.
Ainsi, si la réforme fiscale doit prendre
en compte les effets de seuil qui mar-
quent l’imposition des revenus les
plus modestes, elle doit surtout se
préoccuper de rechercher une meil-
leure articulation du système socio-
fiscal.
Préserver l’autonomie du finance-
ment de la protection sociale par l’im-
position
Si la CSG est une imposition en droit
interne, elle n’en est pas pour autant
une
ressource
fiscale
banalisée,
puisque son produit, remplaçant ini-
tialement
certaines
cotisations
sociales, est affecté à la sécurité
sociale, qui dispose d’une gouver-
nance spécifique.
L’évolution à long terme est globale-
ment marquée par la diminution de la
part des cotisations, même si celles-ci
continuent à avoir une grande impor-
tance au sein des recettes d’une pro-
tection sociale. La part de la CSG et
des impôts et taxes affectées repré-
sentait ainsi en 2011 le tiers du finan-
cement de la protection sociale,
contre 5% en 1990.
Même si la qualification juridique de la
CSG n’empêche pas sa fusion éven-
tuelle dans un impôt unique sur le
revenu, l’affectation de son produit à
la protection sociale devrait conduire
à une réflexion approfondie sur la
nature des dépenses susceptibles
d’être financées, pour éviter une dis-
persion qui achèverait de banaliser
cette ressource, dont la lisibilité favo-
rise aujourd’hui l’acceptabilité.
Un « pacte fiscal » à rénover
Le
risque
d’utiliser
les
recettes
actuelles de CSG à autre chose que le
financement de la sécurité sociale est
souvent évoqué en cas de réforme
systémique affectant l’imposition des
revenus, mais le principe d’une affec-
tation a priori d’une fraction d’un nou-
vel impôt à la sécurité sociale consti-
tuerait une garantie substantielle, par
exemple en prenant une base équiva-
lant aux recettes de CSG avant
réforme, complétée par une règle d’in-
dexation.
Synthèse - Conseil des prélèvements obligatoires - février 2015
14
15
2
De la réforme d’ensemble à un
ensemble de réformes
Une réforme d’ensemble subor-
donnée à la rénovation de l’impôt
sur le revenu
La réforme du système d’imposition
des revenus a fait l’objet de nom-
breuses réflexions parlementaires,
administratives ou académiques
(1)
. La
fusion de la CSG dans l’IR ou l’intégra-
tion de l’IR dans une CSG progressive
sont les deux schémas le plus souvent
évoqués, dans le débat public, pour
unifier l’imposition duale des revenus,
à prélèvement constant. Les difficul-
tés à surmonter et les mises au point
préalables à ces réformes d’ensemble,
largement conditionnées à la rénova-
tion de l’IR, laissent à penser qu’elles
pourraient difficilement intervenir
dans des délais courts.
À partir des travaux existants, le CPO
a identifié deux grands scénarios de
fusion, issus d’un IR rénové ou d’une
CSG progressive, au sein d’un impôt
juridiquement
unique,
avec
une
variante correspondant à la coexis-
tence de deux prélèvements distincts.
Une imposition unifiée sur la base
d’un IR rénové
La première modalité de fusion, pour
absorber la CSG dans un grand IR,
suppose de corriger préalablement les
défauts les plus marqués de l’IR
actuel, à savoir son assiette mitée, sa
concentration renforcée et son mode
de perception décalé.
L’obstacle principal à la création d’un
impôt unique sur les revenus des
ménages est la définition d’une
assiette
unique.
Cette
entreprise
apparaît d’autant plus complexe qu’il
n’y aurait pas seulement à prendre en
compte l’IR et la CSG mais plus d’une
dizaine de prélèvements additionnels
à cette dernière.
Les règles d’assiette de l’IR et de la
CSG divergent en effet sur un point
fondamental : l’IR est assis sur le
revenu net global (après imputation,
dans certaines conditions, des déficits
catégoriels sur les revenus positifs
d’autres catégories), tandis que la CSG
est assise sur le revenu brut catégoriel
(avant précompte des cotisations
Synthèse - Conseil des prélèvements obligatoires - février 2015
______________________
(1)
Rapport d’information n° 3779 fait par Didier Migaud, député, au nom de la commission des
finances de l’Assemblée nationale sur « Le prélèvement à la source et le rapprochement et la
fusion de l’impôt sur le revenu et de la CSG », Mars 2007.
Camille Landais, Thomas Piketty, Emmanuel Saez « Pour une révolution fiscale – Un impôt sur
le revenu pour le XXIème siècle », Seuil, 2011.
De la réforme d’ensemble à un ensemble de réformes
sociales salariales). Une fusion impo-
serait donc, d’une part, de choisir
entre une imposition sur un revenu
catégoriel ou global et, d’autre part,
de choisir le mode de calcul de l’as-
siette unique sur laquelle serait assis
le nouvel impôt, en tenant compte au
mieux de la capacité contributive des
individus selon leur situation.
La jurisprudence constitutionnelle
laissant peu de doutes quant à la
nécessité de prendre en compte les
charges de famille dans un impôt
fusionné, il conviendrait de définir de
nouvelles modalités de prise en
compte du quotient conjugal et des
charges d’éducation, sous la forme du
quotient familial ou d’autres tech-
niques fiscales, comme des abatte-
ments, des réductions ou des crédits
d’impôt.
La fusion serait en outre l’occasion de
réexaminer la pertinence et l’effica-
cité des différents dispositifs déroga-
toires existants dans l’un ou l’autre
impôt et, le cas échéant, de définir de
nouveaux mécanismes communs, par
exemple en matière de contributions
salariales aux plans d’épargne retraite
collectifs qui sont assujetties à la CSG
mais exemptées d’IR.
Il va de soi que la fusion autour de l’IR
devrait conduire à diminuer fortement
le poids des niches fiscales afin
d’aboutir notamment à une augmen-
tation du taux moyen d’IR payé par les
derniers déciles de revenus. Plus qu’un
obstacle à la fusion des impositions
sur le revenu, cette réforme serait
ainsi une opportunité de procéder à
l’évaluation exhaustive de ces niches,
à leur suppression ou à leur transfor-
mation en abattement, en crédit d’im-
pôt ou en subvention.
En cas de fusion, les modalités diffé-
rentes de recouvrement de l’IR, de la
CSG et de ses taxes additionnelles
posent immédiatement la question de
la généralisation de la retenue à la
source comme une modalité souhai-
table de mise en oeuvre de la fusion.
On peut dès lors considérer cette
réforme comme déterminante pour
rénover l’IR et en faciliter l’acceptabi-
lité auprès des contribuables. Elle
apparaît en tout cas indispensable
dans le cas d’un impôt fusionné et, si
sa mise en oeuvre s’avère complexe et
mériterait d’être échelonnée dans le
temps, les difficultés juridiques qu’elle
pose n’apparaissent pas insurmonta-
bles.
Au regard des différences actuelles
d’assiette et de barème entre l’IR et la
CSG, leur fusion entraînerait nécessai-
rement des transferts de charge
importants entre contribuables.
L’existence de ces transferts est inhé-
rente aux réformes fiscales d’ampleur,
qui visent précisément à répartir
autrement la charge de l’impôt, en
fonction des objectifs assignés. Le
législateur pourrait prévoir d’ailleurs
des compensations partielles ou tem-
poraires. Parmi les recommandations
Synthèse - Conseil des prélèvements obligatoires - février 2015
16
Synthèse - Conseil des prélèvements obligatoires - février 2015
17
méthodologiques faites par l’OCDE,
sur la base d’une évaluation des
réformes systémiques, figure d’ail-
leurs en bonne place la notion de
« coûts de transition » pendant la
période de mise en place de la
réforme, et pendant celle où les
agents économiques s’adaptent à la
nouvelle situation : étalement sur plu-
sieurs années de l’année de double
imposition, et du coût des dépenses
fiscales sur « l’année blanche », éche-
lonnement dans le temps des consé-
quences pour les perdants de la
réforme fiscale.
Un système de « filet fiscal », pourrait
être envisagé pour garantir qu’aucun
contribuable, à situation de revenus
inchangée, ne verrait son imposition
augmenter de plus de 5% d’une année
sur l’autre, au-dessus d’un certain
montant, quitte à étaler sur plusieurs
années les conséquences d’un alour-
dissement supérieur de l’impôt dû. Le
cas échéant, certains contribuables
pourraient bénéficier d’une compen-
sation permanente : les retraités, en
particulier les plus modestes, et les
chômeurs, pour la perte des avan-
tages d’un taux réduit ou d’une exoné-
ration de CSG.
La fusion de l’IR et de la CSG est un
projet de grande ampleur, qui sou-
lève des difficultés nombreuses,
reflétant pour l’essentiel les insuffi-
sances actuelles de l’IR ou la néces-
sité de transposer pour des raisons
constitutionnelles certaines de ses
caractéristiques à la CSG (familialisa-
tion et conjugalisation, prise en
compte du revenu global,…). Dans
un contexte budgétaire tendu, le
CPO considère qu’une telle réforme
reste possible, mais serait plus facile-
ment envisageable à l’issue d’un pro-
cessus progressif de rapprochement
des règles et de l’assiette de l’IR et de
celles de la CSG.
Une imposition unifiée sur la base
d’une CSG progressive
La commission des finances du Sénat
a interrogé le CPO sur la réforme
alternative à la fusion IR/CSG que
pourrait représenter une CSG progres-
sive remplaçant l’IR.
Plusieurs pistes ont été étudiées afin
d’augmenter la progressivité de la
CSG. Sans préjuger de leur analyse
juridique, on rappellera seulement
que, eu égard à la jurisprudence
constitutionnelle, «
il est probable
qu’une réforme de la CSG qui, dans un
objectif affiché de redistribution et
d’accroissement de la progressivité
globale des prélèvements, consisterait
à appliquer des taux différents à raison
du revenu impliquerait bien de tenir
compte de l’ensemble des revenus du
foyer et, d’autre part, de la situation
familiale
».
De nombreux canaux permettraient
de moduler la progressivité de la CSG,
à rendement constant, en fonction
des revenus pris en compte, du
barème choisi, de la mise en place
éventuelle d’un plafond d’exonéra-
De la réforme d’ensemble à un ensemble de réformes
tion. Par exemple, l’instauration d’un
barème commun provoque nécessai-
rement des pertes pour les titulaires
de revenus de remplacement, qui
bénéficient actuellement d’une exo-
nération de CSG en fonction de règles
fiscales utilisées pour le calcul de l’im-
pôt. Toute modification des règles de
l’IR (création ou suppression de niches
fiscales, plans généraux de baisses
d’impôts) affecte directement l’as-
siette de la CSG.
Si la mise en place d’une CSG compor-
tant un barème progressif pour tous
les revenus ne soulève pas de difficul-
tés techniques insurmontables, la
nécessité d’une familialisation et l’im-
possibilité de faire disparaître toutes
les niches fiscales ne permettent
guère d’envisager la disparition totale
de l’IR.
Une des voies pour lever l’obstacle de
la prise en compte des capacités
contributives du foyer serait de créer
un abattement transmissible entre
conjoints, et d’en prévoir un pour les
enfants, ce qui supposerait, à rende-
ment constant, d’augmenter le taux
hors abattement.
En pratique, un nouvel impôt basé sur
la CSG tenant nécessairement compte
de la situation du ménage et des
enfants, reviendrait à réinventer les
modalités actuelles de l’IR, remettant
en cause la simplicité du mode de cal-
cul et de prélèvement de la CSG.
Compte
tenu
des
différences
actuelles d’assiette, une fusion à par-
tir de la CSG impliquerait notamment
l’intégration dans la base du nouvel
impôt des cotisations salariales de
sécurité sociale, de l’ensemble des
revenus de l’épargne salariale, des
contributions des employeurs à la
prévoyance et aux retraites supplé-
mentaires, des indemnités journa-
lières de longue maladie et d’accident
du travail, des produits de jeux repré-
sentatifs des gains de joueurs ainsi
que de certains produits de place-
ment (plan et compte épargne loge-
ment, plan d’épargne en actions, assu-
rance-vie).
De la même manière, la prise en
compte des spécificités profession-
nelles et des niches fiscales rési-
duelles serait beaucoup plus difficile
et leur remise à plat s’avèrerait néces-
saire. Même si la liste de ces avantages
fiscaux s’est réduite, certaines profes-
sions conservent des avantages spéci-
fiques.
Une CSG progressive et familialisée
exigerait des aménagements de ses
modalités actuelles de liquidation et
de recouvrement, en particulier pour
les composantes qui font l’objet d’un
prélèvement à la source.
De la réforme d’ensemble à un ensemble de réformes
Synthèse - Conseil des prélèvements obligatoires - février 2015
18
Pour respecter les exigences constitu-
tionnelles en matière d’impôt pro-
gressif, il serait en effet nécessaire de
porter à la connaissance d’un tiers
payeur (employeur, organisme versant
des revenus de remplacement, éta-
blissement financier) les informations
lui permettant d’appliquer le taux du
barème progressif correspondant à la
situation familiale et financière de
chaque individu. Se poseraient alors
les questions de la transmission d’in-
formations concernant la vie privée
du contribuable. Sur ce point, le CPO
avait indiqué, dans son rapport de
février 2012 relatif aux prélèvements
à la source, que la communication au
tiers payeur d’un taux synthétique
d’imposition, calculé par l’administra-
tion fiscale, serait la meilleure option
pour garantir la confidentialité des
informations du contribuable vis-à-vis
des employeurs et limiter leur charge
de gestion. Il convient de signaler qu’à
l’horizon 2016-2017, la généralisation
de la déclaration sociale nominative
pourrait faciliter la mise en oeuvre
d’une CSG progressive. Par les infor-
mations qu’elle contiendra, l’ACOSS et
les URSSAF auraient directement
connaissance de l’ensemble des reve-
nus salariaux perçus par chaque coti-
sant.
À la question posée par la commis-
sion des finances du Sénat de savoir
si l’instauration d’une CSG progres-
sive constitue une alternative à une
fusion sur la base de l’IR, le CPO
estime que cette voie est plutôt diffi-
cile. En effet, l’introduction de davan-
tage de progressivité dans la CSG
peut
sous
certaines
conditions
contribuer à la cohérence d’ensem-
ble de l’imposition des revenus,
notamment les plus bas, au prix tou-
tefois d’une certaine complexifica-
tion qui pourrait nuire à son accepta-
bilité. En revanche, une CSG à
barème progressif général pour tous
les revenus poserait des problèmes
importants de principe et de faisabi-
lité, empêchant sans doute une dis-
parition totale de l’IR.
L’articulation
IR/CSG,
clé
de
voûte d'un ensemble de réformes
A défaut de réformes d’ensemble, la
nécessité de donner une plus grande
cohérence à l’imposition des revenus
pourrait se traduire à plus brève
échéance par un ensemble planifié de
réformes à prélèvement constant. On
peut en effet identifier un « paquet »
de mesures s’appuyant sur la dualité
du système d’imposition, souvent per-
çue comme un handicap mais qui
pourrait devenir la clé de voûte d’un
nouvel équilibre entre IR et CSG.
Synthèse - Conseil des prélèvements obligatoires - février 2015
19
De la réforme d’ensemble à un ensemble de réformes
La dualité de l’imposition des reve-
nus, atout pour des réformes
Parmi les scénarios de mise en oeuvre
d’une fusion de l’IR et de la CSG, cer-
taines variantes envisagent de conser-
ver la dualité du système, pour faire de
la CSG un acompte, prélevé à la
source, de l’IR.
C’est ainsi, par exemple, que le rapport
inter-administratif
(2)
de 2012 envisa-
geait un scénario dans lequel la CSG
et la CRDS restaient retenues à la
source sur les revenus de l’année n,
tandis que l’impôt global sur le revenu
de l’année n était liquidé en n+1 selon
le barème progressif de référence. Ce
scénario prévoyant de conserver des
modes de recouvrement différents
pour les deux composantes de l’im-
pôt, on peut supposer que les deux
prélèvements seraient demeurés en
réalité
distincts.
Ce
schéma
de
réforme présentait l’avantage d’être
relativement simple et sans mise en
oeuvre d’une retenue à la source pour
l’IR.
Si la CSG devenait un acompte (pro-
portionnel ou progressif) d’un IR
demeurant en l’état (avec un barème
majoré pour intégrer les taux de CSG
en son sein), elle ne constituait plus un
impôt autonome : les contribuables
auraient imputé la CSG payée, non pas
comme aujourd’hui partiellement sur
l’assiette des revenus soumis à l’IR
avec les règles de déductibilité par-
tielle, mais directement sur le mon-
tant de l’IR à acquitter.
Néanmoins, à taux de CSG et de CRDS
inchangés (soit 8 % au total), le rap-
port inter- administratif soulignait que
la proportion de foyers qui aurait
bénéficié de remboursements en
année n+1 aurait été potentiellement
très élevée. Le barème de référence de
l’impôt global aurait dû alors être
défini de manière à éviter de placer un
trop grand nombre de foyers dans une
ou des tranche(s) d’imposition dont le
taux aurait été inférieur à 8 %, ce qui
limitait sa progressivité. Cette hypo-
thèse ne semble pas pouvoir débou-
cher sur une réforme distincte de la
mise en oeuvre d’une retenue à la
source d’un IR qui aurait absorbé la
CSG. Mais son étude permet de faire
ressortir les complémentarités fortes
susceptibles d’être approfondies entre
l’IR et la CSG.
Un IR élargi sur ses bases et appliqué
aux revenus de l’année en cours
L’élargissement de l’assiette de l’IR,
pour la rapprocher de celle de la CSG,
constitue
la
principale
voie
de
réforme, avec, le cas échéant, retenue
à la source, où à tout le moins imposi-
De la réforme d’ensemble à un ensemble de réformes
______________________
(2)
Rapport inter-administratif au Parlement « Les conditions de mise en oeuvre d’une fusion
progressive de l’impôt sur le revenu et de la contribution sociale généralisée », janvier 2012,
non publié à ce jour.
Synthèse - Conseil des prélèvements obligatoires - février 2015
20
tion contemporaine des revenus.
Enfin, des marges éventuelles d’indi-
vidualisation de l’IR existent, dans le
cadre familial et progressif de l’impo-
sition des revenus.
Le fardeau des dépenses fiscales
L’élargissement de l’assiette de l’IR
implique la suppression d’un grand
nombre des dépenses fiscales qui
affectent le rendement de l’IR.
L’évaluation la plus complète remonte
à 2011
(3)
; elle avait permis d’étudier
470 dépenses fiscales et 68 niches
sociales. La loi de finances pour 2015
chiffre les dépenses fiscales concer-
nant l’IR à 34 milliards d’euros, dont
huit ont un coût supérieur à 1 milliard.
Les dépenses fiscales faisant égale-
ment office d’instruments de poli-
tique économique, leur disparition
totale apparaît peu réaliste voire, pour
certaines, peu souhaitable.
La réduction ou le plafonnement des
dépenses fiscales en matière d’IR
pourrait se traduire par des objectifs
chiffrés et phasés dans le temps, avec
par exemple un objectif de réduction
de 10% de leur montant par an. Parmi
les questions à trancher figurent celle
de l’abattement forfaitaire de 10 %
applicable pour l’IR au titre des frais
professionnels, à comparer à celui de
1,75% existant pour la CSG, de même
que celle de l’abattement de 10 % sur
les pensions de retraite existant en
matière d’IR, qui n’a pas d’équivalent
en matière de CSG.
L’imposition
contemporaine
des
revenus
Le prélèvement en année n de l’impôt
sur les revenus de l’année n-1 pré-
sente de nombreux inconvénients, qui
sont parfaitement répertoriés. En
matière de politique économique, ce
décalage dans le temps contrarie en
effet le pilotage en temps réel, d’une
politique de relance économique ou
de soutien aux bas revenus.
Les inconvénients du décalage dans le
temps sont également très pénali-
sants pour certains contribuables,
notamment les plus modestes et ceux
qui connaissaient de fortes variations
de revenus ou qui perdent leur emploi.
Des mécanismes permettant de payer
ses impôts par avance ou d’ajuster le
prélèvement aux ressources réelles
existent, mais ils restent peu utilisés.
Les contribuables ont en revanche lar-
gement recours au processus du paie-
ment mensualisé, même s’il ne per-
met pas de supprimer les inconvé-
nients liés à l’année de décalage.
______________________
(3)
Rapport du comité d’évaluation des dépenses fiscales et des niches sociales, 2011.
Synthèse - Conseil des prélèvements obligatoires - février 2015
21
De la réforme d’ensemble à un ensemble de réformes
Parallèlement aux montants de CSG
précomptés chaque mois par les tiers
payeurs (pour les revenus salariaux et
de remplacement) au titre des reve-
nus de l’année n, les contribuables
paieraient également des acomptes
d’IR au titre des revenus de l’année n
(et non plus de l’année n-1 comme
aujourd’hui), avec une régularisation
en septembre de l’année n+1, une fois
l’impôt final liquidé. Cette étape pré-
senterait l’avantage d’éviter, dans un
premier temps, les difficultés liées à
l’introduction d’un tiers payeur.
Cette étape permettrait de faire
converger l’IR et la CSG, tout en
tenant compte des besoins des contri-
buables mais elle nécessiterait plu-
sieurs années de mise en oeuvre. Il
n’est en effet pas concevable de faire
supporter aux contribuables une dou-
ble taxation, le passage à une imposi-
tion des revenus courants suppose
immanquablement de gérer l’année
de transition, ou « année blanche », au
cours de laquelle on taxerait les reve-
nus de l’année n, sans négliger pour
autant la créance sur les revenus de
l’année n-1.
L’impact budgétaire sur les années n-1
et n ne serait pas nul, pour les
ménages dont les revenus sont irrégu-
liers ou qui transitent entre deux sta-
tuts d’emploi. Mais la question est
surtout de prévenir un éventuel effet
d’aubaine pour les contribuables
bénéficiaires de mesures de défiscali-
sation en année n.
A l’inverse, il existerait un risque de
baisse des dépenses donnant lieu à
des charges déductibles (dons, inves-
tissements locatifs, gardes d’enfants),
avec pour conséquences un manque à
gagner pour les organismes à but non
lucratif concernés, ou le risque d’une
hausse du travail non déclaré dans le
secteur des emplois familiaux.
Malgré de nombreuses difficultés à
surmonter, l’objectif d’une imposi-
tion contemporaine des revenus
paraît pertinent pour renforcer l’effi-
cacité économique et l’acceptabilité
de l’IR. La suppression de l’année de
décalage faciliterait le cas échéant
un passage ultérieur à une retenue à
la source, au demeurant plus com-
plexe à mettre en oeuvre. Elle pour-
rait s’accompagner d’une généralisa-
tion du paiement mensualisé, tout en
gardant la possibilité de paiement
par acomptes provisionnels dans des
situations spécifiques dûment justi-
fiées.
Les marges d’individualisation de l’IR
Si le passage à un système d’imposi-
tion individualisé, tel qu’il existe dans
de nombreux pays, est difficilement
envisageable dans le cadre constitu-
Synthèse - Conseil des prélèvements obligatoires - février 2015
22
De la réforme d’ensemble à un ensemble de réformes
tionnel actuel, des adaptations des
mécanismes de familialisation et de
conjugalisation de l’IR restent possi-
bles.
L’information plus complète du contri-
buable
Améliorer l’information du citoyen-
contribuable, par exemple en faisant
figurer sur son avis d’imposition ou de
non-imposition le montant de CSG
acquitté permettrait de lutter contre
l’idée reçue que moins de la moitié
des ménages acquittent des impôts
sur leurs revenus.
L’option d’une imposition individuelle à
l’IR
Dans
certains
pays,
comme
en
Allemagne ou aux Etats-Unis, existe
un droit d’option entre le quotient
conjugal ou une imposition individua-
lisée – accompagnée d’un crédit d’im-
pôt pour les couples mariés. Compte
tenu de l’évolution et de la diversifica-
tion des modèles familiaux, on peut
considérer que la fiscalité pourrait
être plus neutre par rapport aux
modes de vie susceptibles d’être choi-
sis.
L’individualisation partielle de l’impo-
sition pour les couples pourrait être
introduite,
à
l’instar
de
certains
contrats de mariage qui prévoient des
restrictions dans le partage du patri-
moine et des ressources. Le système
du quotient familial continuerait de
s’appliquer en cas de présence d’en-
fants, qui seraient rattachés à l’un ou
l’autre des parents. Ce droit d’option
ne constituerait pas ainsi une remise
en cause du caractère familial de l’im-
pôt, qui resterait un optimum suscep-
tible d’être choisi par chaque ménage.
Le plafonnement du quotient conjugal
La fonction du quotient conjugal est
de ne pas désavantager un couple par
rapport à deux célibataires, et non pas
d’accorder une prime indirecte à ceux
qui se marient ou qui se pacsent et
qui bénéficient ainsi d’économies
d’échelle dans leurs modes de vie.
L'avantage lié au quotient conjugal
n'est en effet limité par aucun plafond
juridique, contrairement au quotient
familial, mais seulement par le fait
qu'il n'a plus d'effet au-delà du seuil
correspondant au taux marginal supé-
rieur multiplié par 2. Rien n’empêche-
rait le législateur dans le cadre consti-
tutionnel
actuel
d’en
plafonner
davantage le montant.
Synthèse - Conseil des prélèvements obligatoires - février 2015
23
De la réforme d’ensemble à un ensemble de réformes
L’adaptation de la fiscalité des familles
D’autres modalités de compensation
des charges de famille que le quotient
familial existent dans la plupart des
pays de l’OCDE, sous la forme d’allè-
gements ou de crédits d’impôt, qui
pourraient
être
transposées
en
France.
Ces
systèmes
d’abatte-
ments/crédits sont plus simples, mais
le mécanisme de quotient familial
repose sur une logique d’équité hori-
zontale transparente. C’est la raison
pour laquelle il n’apparaît pas néces-
saire de remettre en cause son prin-
cipe, au coeur du modèle familial d’im-
position français, qui propose des
échelles implicites d’équivalence rela-
tivement cohérentes sous plafond de
ressources.
Le quotient familial est néanmoins
susceptible d’évolutions, pour l’adap-
ter plus finement au revenu disponi-
ble des familles. Rien n’interdit en par-
ticulier de faire évoluer sa pondéra-
tion, et en particulier les demi-parts
qui se sont ajoutées à son principe ini-
tial, et qui sont pour certaines contes-
tées dans leur principe.
Ainsi, pourrait-on plafonner par exem-
ple certains avantages (part du 3
ème
enfant) ou transformer les demi-parts
éloignées de la logique familiale en un
autre type d’avantage plus approprié
à l’objectif poursuivi (abattement
d’assiette, réduction ou crédit d’im-
pôt, subvention), pour celles que le
législateur souhaiterait conserver.
L’aménagement de la progressivité de
la CSG
La CSG combine plusieurs éléments
de progressivité, que la Cour des
comptes a estimé «sans cohérence
d’ensemble » : la CSG sur les retraites
et les allocations chômage se caracté-
rise par trois taux applicables selon le
niveau de revenu, cette progressivité
est définie non par tranches mais au
premier euro ; le taux de la CSG sur les
revenus du capital, plus élevé que sur
celui sur les revenus d’activité et de
remplacement, entraîne un forme de
progressivité car les revenus du capi-
tal représentent une part significative
des revenus les plus importants ; la
non déductibilité partielle de la CSG à
l’IR accentue enfin également la pro-
gressivité de manière significative.
Toutefois, en raison du prélèvement à
la source et du caractère proportion-
nel de son taux, le caractère progres-
sif de la CSG n’est pas immédiatement
apparent. Par ailleurs les mécanismes
différentiels (exonération ou taux
réduit) dont bénéficient certains chô-
meurs ou retraités ont un effet de pro-
gressivité « par le bas », qui n’est pas
forcément perçu par les intéressés, ni
connu par les contribuables n’en
bénéficiant pas.
Synthèse - Conseil des prélèvements obligatoires - février 2015
24
De la réforme d’ensemble à un ensemble de réformes
Une CSG universelle et plus progres-
sive
Un taux minimum de CSG
La CSG ayant été conçue sciemment
comme un palliatif de la réforme de
l’impôt sur le revenu, il peut apparaî-
tre regrettable sur le plan civique que
certains contribuables en soient exo-
nérés, fut-ce à taux réduit.
Les règles d’exonération de la CSG,
dépendant de celles de la taxe d’habi-
tation et de l’IR, ne correspondent pas
à l’esprit universel et à la simplicité
voulue par ses concepteurs. En 2008,
4,5 millions les retraités étaient exo-
nérés de CSG et 1,7 million bénéfi-
ciaient d’un taux réduit, sur les
11,7 millions de pensionnés résidant
en France métropolitaine. Pour ce qui
est des chômeurs, bien que leur nom-
bre soit difficile à évaluer, on estime à
75,7% l’assiette exonérée et à 0,8 %
l’assiette assujettie au taux réduit.
Un taux minimum de CSG - de 1 % -,
pourrait le cas échéant être créé, afin
que chaque contribuable supporte au
moins une imposition sur son revenu,
tout en compensant cet effort par une
augmentation des allocations, pour
les bas revenus qui en étaient jusque-
là exonérés.
Fusionner les prélèvements voisins de
la CSG
Malgré la simplification qu’apporte-
rait une fusion de la CRDS dans la
CSG, elle apparaît difficile à envisager,
en raison de son assiette plus large,
mais surtout de sa durée de vie liée à
l’échéance de la dette sociale.
En revanche, il pourrait plus facile-
ment être envisagé de fusionner au
sein de la CSG la contribution de soli-
darité pour l’autonomie acquittée par
les employeurs (0,3 % de la masse
salariale), ainsi que la contribution
additionnelle de solidarité pour l’auto-
nomie de 0,3% sur les pensions de
retraite et d’invalidité, ainsi que sur les
allocations de préretraite des retraités
imposables à l’impôt sur le revenu.
Ces mesures contribueraient au chan-
tier de simplification de la paie et des
déclarations sociales ouvert par le
gouvernement en décembre 2014.
Les prélèvements sociaux sur les reve-
nus du capital, aujourd’hui au nombre
de cinq (CSG, CRDS, prélèvement
social, CSA, prélèvement de solida-
rité), sont complexes et difficilement
compréhensibles. Leur fusion dans la
CSG, augmentée à due proportion,
gagnerait en compréhension et en
transparence, notamment pour com-
parer l’imposition des revenus du tra-
vail à celle des revenus du capital.
La refonte des taux de CSG sur les
revenus de remplacement
La création de taux intermédiaires de
CSG sur les revenus de remplacement
- entre l’exonération totale, le taux
réduit et le taux normal - amplifierait
la progressivité pour les chômeurs et
les retraités tout en atténuant les
effets de seuil existants, qui affectent
particulièrement
les
revenus
modestes.
Synthèse - Conseil des prélèvements obligatoires - février 2015
25
De la réforme d’ensemble à un ensemble de réformes
Rappel des règles en matière de CSG sur les revenus de remplacement (2014)
Sont exonérées de CSG et de CRDS sur les revenus de remplacement (autres
que les allocations de chômage) les personnes exonérées de taxe d’habitation,
c’est-à-dire dont le revenu fiscal de référence est inférieur à 10 633 euros pour
une personne vivant seule ou 16 311 euros pour un couple (en 2014 pour les
revenus 2013), majorés de 2 389 euros par demi-part supplémentaire.
Etaient assujetties à un taux réduit de 3,8 % les personnes redevables de la
taxe d’habitation et d’un montant d’IR inférieur au seuil de non recouvrement
(soit 61 euros en 2014). Le PLFSS a prévu pour 2015 que le critère devienne le
revenu fiscal de référence, qui ne doit pas dépasser 13 900 euros pour une part
fiscale (21 322 euros pour deux parts), avec une majoration de 3 711 euros par
demi-part supplémentaire.
Dans les autres cas, le taux de CSG est de 6,6 % sur les pensions de retraite
et de pré-retraite et de 6,2 % sur les allocations chômage et les indemnités
journalières.
Près de neuf contribuables sur dix
seraient gagnants à la mise en oeuvre
d’une telle réforme. 80 % des perdants
seraient concentrés dans les quatre
déciles supérieurs de la distribution
des revenus fiscaux de référence.
Toutefois, la perte annuelle moyenne
serait limitée, de l’ordre de 75 euros.
Il reste que ce nouveau barème com-
pliquerait encore la CSG, et poserait la
question de son extension à l’ensem-
ble des revenus d’activité. Il serait en
conséquence
préférable
que
la
réflexion sur une éventuelle modula-
tion du barème de la CSG prenne en
compte l’ensemble des revenus sans
différenciation, selon leur nature.
L’extension des taux différenciés de
CSG à tous les revenus d’activité
En 2007, une simulation du coût bud-
gétaire d’une extension du système de
taux différenciés de CSG à tous les
revenus assujettis à la CSG avait
conduit à écarter cette option, trop
coûteuse, pour lui préférer l’intégra-
tion de la prime pour l’emploi (PPE)
au sein d’un système fiscal simplifié
par la fusion entre l’IR et la CSG.
Un système proche mais prévoyant
une compensation de la perte de
recettes par des hausses de CSG équi-
valentes sur les revenus supérieurs
avait été proposé lors des discussions
Synthèse - Conseil des prélèvements obligatoires - février 2015
26
De la réforme d’ensemble à un ensemble de réformes
budgétaires de l’automne 2013. Un
ensemble d’amendements proposait
notamment un barème à quatre
tranches (0 %, 3,8 %, 5,5 %, 7,5 %)
applicable à l’ensemble des revenus
annuels assujettis à la CSG, sans dis-
tinction entre actifs et retraités,
jusqu’à 29 817 euros. Au-delà de ce
niveau de revenus, il était prévu d’aug-
menter les taux de CSG pour compen-
ser la perte de recettes résultant du
barème progressif proposé. Avec ce
barème, 50 % des contribuables
auraient vu leur montant de CSG bais-
ser (de l’ordre de 30 euros par mois
pour un célibataire au SMIC), contre
30 % voyant le montant de leur CSG
augmenter. Il prévoyait une correction
« conjugale » en année n+1 dans le
cadre de l’IR et une correction « fami-
liale » sous la forme d’un crédit d’im-
pôt forfaitaire par enfant ou par per-
sonne à charge, financé par la sup-
pression de la PPE. Un mécanisme de
ce type aurait entraîné une hausse
très significative de CSG pour les trois
derniers déciles de revenus.
La mission d’évaluation et de contrôle
des lois de financement de la sécurité
sociale sur le financement de la
branche famille a fait une proposition
proche, dans le cadre du projet de loi
de finances pour 2014. Par rapport au
barème précédent, elle suggérait
d’ajouter une cinquième tranche à
partir de revenus supérieurs à environ
30 000 euros, avec un taux de 9 %.
Cette
solution
était
considérée
comme une évolution plus pertinente
que la hausse de la CSG sans distinc-
tion du niveau de revenus.
La mise en place d’un barème pro-
gressif de la CSG sur les revenus d’ac-
tivité modifie la nature de cette
imposition, qui ne peut trop s’éloigner
de son taux proportionnel sans pren-
dre en compte les charges familiales.
L’extension aux revenus d’activité du
taux
réduit,
qui
ne
bénéficie
aujourd’hui qu’aux seuls revenus de
remplacement, pourrait mieux s’envi-
sager, en dépit de son coût.
Une modulation accrue des taux de
CSG selon la provenance des revenus
En raison du poids plus important des
revenus du patrimoine dans les reve-
nus des ménages les plus aisés et,
inversement, de la part des revenus
issus de transferts sociaux dans le bas
de la distribution des niveaux de vie, la
différenciation des taux de CSG selon
le type de revenus contribue déjà à
introduire une dose de progressivité
au sein de la CSG. Partant de ce
constat, une piste serait de moduler
les taux selon les assiettes : une
hausse du taux de CSG sur les revenus
du patrimoine et une diminution sur
les revenus de remplacement, voire
également une baisse sur les revenus
d’activité, permettraient d’en renfor-
cer la progressivité. Cette solution
devrait cependant tenir compte des
faibles marges de manoeuvre pour
augmenter les prélèvements sociaux
sur les revenus du patrimoine, proches
du seuil considéré comme confisca-
toire par le Conseil constitutionnel.
Synthèse - Conseil des prélèvements obligatoires - février 2015
27
De la réforme d’ensemble à un ensemble de réformes
De manière générale, les différentes
possibilités de modulation à la
marge des taux de CSG, même si
elles ne conduisent pas à instaurer
un
barème
progressif
général,
comme envisagé plus haut, doivent
tenir compte de l’exigence constitu-
tionnelle de prise en compte des
facultés contributives des contribua-
bles. Seule l’extension aux revenus
d’activité des modalités d’exemption
ou de taux réduit applicables aux
revenus de remplacement pourrait le
cas échéant s’envisager, dans la
mesure où ces exemptions dépen-
dent indirectement du revenu fiscal
de référence. Les autres possibilités
de modulation à la marge nécessite-
raient, à n’en pas douter, de tenir
compte des ressources du foyer.
Une imposition duale des revenus
plus cohérente
Les différentes réformes de l’IR et de
la CSG devraient être complétées par
leur mise en cohérence. Ainsi, la sup-
pression de la déductibilité partielle
de la CSG à l’IR conduirait à renforcer
le caractère progressif et familial de
l’ensemble. Cette meilleure articula-
tion entre l’IR et la CSG devrait aussi
intégrer une réflexion spécifique sur
les bas revenus, visant à limiter les
effets de seuil, ce qui favoriserait la
linéarité du système progressif d’im-
position des revenus.
La question de la déductibilité de la
CSG
Les différentes hausses de taux de
CSG ont créé un régime de déductibi-
lité partielle - différent selon les
cédules -, source de confusion pour le
contribuable.
Synthèse - Conseil des prélèvements obligatoires - février 2015
28
De la réforme d’ensemble à un ensemble de réformes
Régime de déductibilité de la CSG en fonction des types de revenus
(En Md€)
* Pour les seuls contribuables imposables à l’IR.
Source : CPO (d’après les données de la Cour des comptes, 2013)
À l’origine, la non-déductibilité totale
de la CSG avait été considérée comme
une solution logique du point de vue
juridique : la CSG est qualifiée d’impo-
sition de toute nature, or la règle fis-
cale de droit commun est que les
impôts de même nature ne sont pas
déductibles entre eux. Du point de vue
économique, les prestations financées
par la CSG étant déjà exonérées d’IR «
à la sortie », il serait plus cohérent de
supprimer toute déductibilité de la
CSG.
Si elle avait été mise en oeuvre en
2014, la généralisation de la non-
déductibilité de la CSG aurait accru le
rendement de l’ensemble de l’imposi-
tion sur le revenu de 11,2 milliards
d’euros. Malgré la fragilité des hypo-
thèses simplificatrices retenues, la
suppression de la déductibilité de la
CSG augmenterait la pression fiscale
sur toutes les catégories de revenus :
les recettes d’impôt s’accroîtraient
d’un montant d’environ 7,2 % pour les
revenus d’activité et les pensions,
mais pour des raisons différentes
(hausse du taux de CSG non déducti-
ble pour les actifs et pertes des taux
réduits et exonérations de CSG pour
les retraités).
La totalité des contribuables assujet-
tis à l’IR devrait acquitter un montant
d’impôt plus élevé. Les recettes de la
CSG ne seraient que légèrement aug-
mentées, de l’ordre de 0,5 milliard
d’euros, en raison notamment de la
perte du bénéfice des exonérations et
des taux réduits de CSG pour certains
retraités et chômeurs modestes.
La suppression non compensée de la
déductibilité se traduirait par des
effets redistributifs importants sur le
montant de l’IR. Toutes choses égales
par ailleurs, les déciles des tranches
Synthèse - Conseil des prélèvements obligatoires - février 2015
29
De la réforme d’ensemble à un ensemble de réformes
supérieures seraient les plus touchés
par la suppression de la déductibilité
avec environ 3,5 millions de foyers fis-
caux
perdants
dans
chacun
des
déciles 7 à 10. Les pertes seraient limi-
tées pour les foyers des trois premiers
déciles, que ce soient les célibataires
ou les couples, avec ou sans enfants.
Une diminution de l’ensemble des
taux marginaux de l’IR et une hausse
des seuils d’entrée dans les tranches
d’imposition permettrait de maintenir
un rendement fiscal constant. L’effet
de la hausse du salaire imposable
induit par la suppression de la déduc-
tibilité et de l’augmentation du taux
marginal effectif d’imposition (par
rapport au salaire brut) serait ainsi
neutralisé.
L’autre moyen de maintenir constant
le rendement global de l’ensemble
CSG et IR serait de baisser les taux de
CSG dans une proportion de 12%, ou
faire passer son taux principal de 7,5%
à 6,6%, la baisse consécutive des
recettes de la CSG étant compensée
par une augmentation du rendement
de l’IR.
La non-déductibilité totale apparaît
aujourd’hui comme un choix suscep-
tible d’améliorer la progressivité
d’ensemble et l’équité du système
d’imposition. Cette réforme permet-
trait de simplifier le fonctionnement
de la CSG et de l’articuler de manière
plus claire avec l’IR. Une adaptation
du barème de la CSG et corrélative-
ment de l’IR devrait être envisagée
pour neutraliser les effets de cette
réforme.
En imposant une part plus impor-
tante de revenus non perçus, la géné-
ralisation de la non déductibilité de
la CSG présente le risque d’être mal
comprise par le contribuable. La part
de CSG non-déductible représentant
environ 30 % de la CSG acquittée en
moyenne, elle demeure relativement
peu perceptible pour les ménages.
Toutefois, même avec la neutralisa-
tion des effets de la mesure par une
baisse équivalente des taux de CSG
et par une refonte du barème de l’IR,
des efforts d’information et de com-
munication devraient donc être pré-
vus pour bien faire comprendre et
accepter cette réforme.
La fiscalité des revenus du capital
Il est couramment admis que les pré-
lèvements obligatoires sur le capital
sont
supérieurs
en
France
à
la
moyenne des pays de l’OCDE. La
mobilité plus forte des contribuables
et des revenus concernés justifie que
certains pays taxent le capital à taux
constant, dans un esprit proche du
mécanisme du prélèvement libéra-
toire applicable en France jusqu’en
2012.
En France, le capital imposable est
aujourd’hui susceptible d’être davan-
tage taxé que le travail : l’imposition
maximale des revenus du capital est
proche de ce que le Conseil constitu-
tionnel considère comme un taux
confiscatoire (autour de deux tiers) et
les
marges
d’augmentation
sont
réduites.
Synthèse - Conseil des prélèvements obligatoires - février 2015
30
De la réforme d’ensemble à un ensemble de réformes
Lorsque l’on procède à une approche
économique de l’imposition du capi-
tal, incluant l’ensemble des prélève-
ments sur les revenus taxés, y compris
à l’IS pour les dividendes par exemple,
on aboutit à des taux marginaux
encore supérieurs
(4)
.
Toutefois, l’unification des prélève-
ments sociaux, pour une meilleure lisi-
bilité, la réforme de la taxation des
plus-values mobilières pour une plus
grande équité prolongeraient leur ali-
gnement sur les prélèvements sur les
revenus d’activité.
Une meilleure cohérence du système
socio-fiscal, en particulier pour les
bas revenus
Les effets de seuil en bas de barème,
qui concernent autant la fiscalité que
les allocations et les prestations, peu-
vent se cumuler et brouiller la lisibilité
du système socio-fiscal, pour les bas
revenus.
Imposition comparée des revenus en 2013 et taux marginaux
(*) prélèvement forfaitaire libératoire : pour les intérêts d’un montant égal ou inférieur à 2000
euros, le foyer fiscal peut opter pour un PFL de 24%, en lieu et place de l’imposition au barème
de l’IR
Source : Cour des comptes
______________________
(4)
Rapport inter-administratif au Parlement, janvier 2012, op. cit.
Synthèse - Conseil des prélèvements obligatoires - février 2015
31
De la réforme d’ensemble à un ensemble de réformes
L’un des moyens de lisser les effets de
seuil serait de mettre en place un
système de sortie « en sifflet » de
chaque mesure fiscale pour les bas
revenus, que celle-ci soit un abatte-
ment, une exonération ou un taux
réduit
(5)
.
Le revenu fiscal de référence (RFR)
devrait par ailleurs constituer le cri-
tère central d’évaluation des res-
sources d’un foyer. Il comprend en
effet le revenu imposable taxé au
barème de l’IR auquel s’ajoutent cer-
tains revenus taxés selon un régime
spécifique ou exonérés, s’ils sont
expressément prévus par la loi. Le RFR
par part, qui reflète de manière plus
exacte la capacité contributive du
foyer que la cotisation d’impôt sur le
revenu ou la non-imposabilité, devrait
devenir progressivement la référence
pour l’octroi d’un avantage fiscal ou
social se fondant sur des critères de
ressources.
Au demeurant, le changement de
mode de calcul de la CSG pour les
retraités dans la LFSS pour 2015, qui
s’appuie désormais sur le RFR, et non
plus sur le montant d’impôt payé, a
permis d’éviter qu’environ 500 000
retraités à revenu relativement élevé
mais bénéficiant de réductions d’im-
pôts importantes, ne bénéficient du
taux réduit de CSG. La réforme ayant
été effectuée à rendement constant,
ce sont à l’inverse 700 000 personnes
supplémentaires qui seront rendues
éligibles au taux réduit de CSG plutôt
qu’au taux plein.
La recherche d’une meilleure cohé-
rence du système socio-fiscal pour les
bas revenus apparaît comme un enjeu
majeur, compte tenu des effets de
seuil de certaines prestations et droits
connexes, même s’il dépasse le cadre
du présent rapport. Une intégration
complète des prélèvements et des
aides dans un système d’impôt négatif
ne correspond sans doute pas à notre
tradition fiscale, à l’exception de la
PPE, dont l’expérience mitigée pren-
dra fin en 2016. Tout au plus peut-on
souhaiter une simplification du nom-
bre d’instruments, et une meilleure
articulation entre eux, en particulier
en ce qui concerne les allocations
logement avec la nouvelle « prime
d’activité » appelée à remplacer la
PPE et le RSA « activité ».
______________________
(5)
Rapport du groupe de travail sur la fiscalité des ménages, présidé par Dominique Lefebvre
et François Auvigne, avril 2014.
Synthèse - Conseil des prélèvements obligatoires - février 2015
32
De la réforme d’ensemble à un ensemble de réformes
CONCLUSION
L
e panorama des réformes systé-
miques possibles, pour corriger les
défauts qui affectent la lisibilité et la
légitimité de l’imposition des revenus en
France est finalement vaste. Il est moins
ouvert à un modèle individuel que dans
d’autres pays, mais plus diversifié que le
référentiel constitutionnel d’une imposi-
tion familiale et progressive ne le laisse-
rait penser.
Des réformes structurelles apparaissent
aujourd’hui nécessaires pour refonder le
« pacte fiscal » fragilisé par l’opacité et
la complexité d’un système dual, issu
d’un impôt ancien à la progressivité
émoussée, et d’une contribution plus
récente, mais fondamentalement pro-
portionnelle. Elles seraient l’occasion de
réexaminer les fondements de l’imposi-
tion des revenus : redonner une lisibilité
et une cohérence d’ensemble, adapter la
prise en compte des charges de famille,
articuler les politiques socio-fiscales
pour les bas revenus et clarifier le finan-
cement de la protection sociale par l’im-
position.
Une fusion générale de l’IR et de la CSG,
pour souhaitable qu’elle soit, devrait
surmonter la double difficulté d’une
assiette trop étroite et d’un mode de
perception décalé pour l’IR. La mise en
place d’un nouvel impôt, sur la base
d’une CSG progressive, serait encore
plus complexe à mettre en oeuvre, dans
le cadre de la jurisprudence constitu-
tionnelle actuelle. Aussi convient-il d’ex-
plorer la piste prometteuse et moins
étudiée d’une complémentarité organi-
sée entre les deux impositions.
Le Conseil des prélèvements obliga-
toires a ainsi analysé les réformes à
court et moyen terme qui peuvent être
engagées, à prélèvement constant et
sans attendre un changement global du
système. Ces réformes représentent une
voie médiane, maintenant un système
dual, mais mieux articulé et plus cohé-
rent, particulièrement pour les bas reve-
nus.
Dans cette perspective, trois priorités
ont été identifiées, pour corriger les
défauts les plus patents du système :
mettre en place l’imposition contem-
poraine des revenus et réduire le poids
des dépenses fiscales dans l’IR;
universaliser et rendre plus équitable
la CSG ;
mieux articuler les deux impositions,
en supprimant la déductibilité de la
CSG, avec une compensation pour l’IR.
La suppression de certaines niches fis-
cales ou l’imposition contemporaine des
revenus nécessiteraient sans doute
d’amortir ou d’étaler dans le temps les
transferts de charge, en maintenant par-
fois des règles préexistantes, ou en com-
pensant certaines pertes par d’autres
avantages, sous forme d’allocations ou
de crédits d’impôt. Dans le même esprit,
un dispositif de « filet fiscal » permet-
trait, à revenu inchangé, de garantir que
l’impôt n’augmenterait pas sensible-
ment d’une année à l’autre, afin d’éche-
lonner les modifications significatives
dans la situation des contribuables.
Synthèse - Conseil des prélèvements obligatoires - février 2015
33
CONCLUSION
Il importe d’insister aussi sur la durée
nécessaire à la préparation et à la mise
en oeuvre des réformes, qui se sont sou-
vent étalées sur plusieurs années dans
d’autres pays, et n’ont pas concerné seu-
lement l’imposition des revenus, mais
aussi la fiscalité de l’entreprise et du
capital.
Le contexte durable de crise écono-
mique et de restrictions budgétaires,
loin d’être un frein, pourrait au contraire
encourager le Gouvernement et le
Parlement à engager la refonte d’un sys-
tème d’imposition des revenus, dont la
faible lisibilité risque de nourrir, à défaut,
diverses formes de rejet.
L’imposition gagnerait en lisibilité et en
équité si l’IR était débarrassé du plus
grand nombre possible de niches fis-
cales et si la CSG s’appliquait à tous et à
tous les revenus de manière plus équita-
ble. La fiscalité des ménages serait plus
efficace et mieux acceptée, si l’IR portait
en outre sur les revenus de l’année en
cours. Elle retrouverait une cohérence
d’ensemble, si la CSG n’était plus du tout
déductible
à
l’IR.
Cette
dernière
réforme, intégrant une compensation à
travers le barème de l’IR, à rendement
constant, nécessiterait des efforts parti-
culiers d’explication, mais apporterait
une clarification largement souhaitable.
Le maintien d’un système dual, rénové
et mieux articulé, ne ferait toutefois pas
obstacle à une réforme d’ensemble,
fusionnant à terme l’imposition des
revenus, et pourrait même en constituer
une étape préparatoire.
Synthèse - Conseil des prélèvements obligatoires - février 2015
34