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Jugement n° 2017-002
Audience publique du 13 juillet 2017
Prononcé du 28 juillet 2017
Communauté d’agglomération du Sud
Poste comptable : Trésorerie du Tampon
Exercices : 2010 à 2013
République Française
Au nom du peuple français
La Chambre,
Vu le réquisitoire n° 2016-003 en date du 13 décembre 2016, par lequel le procureur financier
a saisi la chambre en vue de la mise en jeu de la responsabilité personnelle et pécuniaire de
M. Y, comptable
de la communauté d’agglomération du Sud (CASUD)
, au titre d
’
opérations
relatives aux exercices 2010 à 2013, notifié le 30 janvier 2017 ;
Vu les comptes rendus en qualité de comptable de la CASUD par M. Y à compter du 4
octobre 2010 ;
Vu l
’
article 60 de la loi de finances n° 63-156 du 23 février 1963 ;
Vu la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'État,
les départements, les communes et les établissements publics ;
Vu le code des juridictions financières ;
Vu le code général des collectivités territoriales, en particulier
l’
article L. 1617-5 ;
Vu le code de commerce ;
Vu le décret n° 62-1587 du 29 décembre 1962 portant règlement général sur la comptabilité
publique alors en vigueur, et le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion
budgétaire et comptable publique ;
Vu le rapport de Mme Fanny Galtier, conseillère, magistrate chargée de
l’i
nstruction ;
Vu les conclusions du procureur financier ;
Vu les pièces du dossier ;
2/5
Entendu lors de l
’
audience publique du 13 juillet 2017 Mme Fanny Galtier, conseillère, en
son rapport ;
Entendu lors de cette audience les conclusions de M. Benoît Boutin, procureur financier, les
autres parties, informées de
l’
audience, n
’
étant ni présentes, ni représentées ;
Entendu en délibéré M. Paul Parent, premier conseiller, en ses observations ;
Sur la régularité de la procédure suivie :
Attendu que, dans ses conclusions, le procureur financier fait valoir
que les parties n’ont pas
été en mesure de présenter toutes les explications complètes et circonstanciées au motif
qu’elles n’ont pas été systématiquement informées des productions des unes et des autres
avant la clôture de l’instruction
; que, selon son analyse, la chambre devrait surseoir à statuer
pour purger les vices de procédure ;
Attendu qu’aux
termes des articles R. 242-5 et R. 242-6 du code des juridictions financières, les
parties à l’instance sont informées des productions des autres parties et du dépôt du rapport à
fin de jugement du rapporteur ;
Attendu que
les observations de l’ordonnateu
r et du comptable ont été enregistrées au greffe
respectivement les 14 et 16 avril 2017
; qu’à la suite de
ces réponses, qui mentionnaient toutes
deux la liquidation de la S
EMITA et la situation d’indigence de M.
X, sans aucune pièce
justificative à
l’appui
, il a été adressé aux deux parties le 24 avril un même questionnaire qui
n’avait d’autre objet que de leur demander de bien vouloir apporter des justifications
au soutien
de leurs moyens ;
que, si la réponse de l’ordonnateur adressée par courriel l
e 5 mai
2017 n’a
pas été enregistrée au greffe le 5 mai 2017, elle a été transférée au comptable le jour-même ;
que dans sa réponse l’ordonnateur mentionne que la SEMITA a fait l’objet d’un jugement du
tribunal de commerce en date du 5 juillet 2006 la plaç
ant en liquidation judiciaire et joint à l’appui
une demande de sa part en date du 9 août 2006 de déclaration de créance auprès du
mandataire judiciaire
; qu’en ce qui concerne M.
X, il précise sa situation administrative et
indique que les éléments sur ses revenus fiscaux lui ont été communiqués par le comptable
public ; que le comptable a répondu par courriels du 24 mai 2017, enregistrés aux greffe le jour
même
; que faute d’une
circularisation,
l’ordonnateur n’a pas été prévenu du dépôt de ces
productions ; que dans sa réponse, le comptable, en produisant les mêmes pièces que
l’ordonnateur
, se borne à détailler la procédure de liquidation judiciaire de la société SEMITA ;
que le comptable confirme la situation d’indigence de M. X, en produisant ses décla
rations de
revenus à compter de 2011, dont l’ordonnateur a indiqué
avoir eu connaissance en substance ;
que par courrier du 29 juin 2017 les parties ont été informées du dépôt du rapport à fin de
jugement
et de la date de l’audience ainsi que de leur
possibilité de demander une copie de ce
rapport ;
qu’aucune d’elles n’a fait valoir ce droit avant la tenue de l’audience
;
Attendu que, si
les parties n’ont pas
été informées du dépôt de certaines productions, elles ont
eu parfaitement connaissance des conclusions et des moyens des unes et des autres ; que les
productions
qu’
elles
n’ont pas eu
es
, d’une part,
sont sans incidence sur les suites à donner ;
qu
e, d’autre part,
elles n
’ont pas
lésé les droits de la défense de
l’ensemble de
s parties à
l’instance
dans la mesure où les écritures tendent à des conclusions analogues visant à dégager
la responsabilité du comptable public ou à en atténuer le degré ; que le caractère contradictoire
de la procédure a été respecté dans les faits ; qu
e, dès lors, la chambre peut examiner l’affaire
au fond sans qu’il soit besoin de surseoir à statuer
;
3/5
Sur la présomption de charge n° 1 :
Attendu que, par le réquisitoire susvisé, le procureur financier a saisi la chambre de la
responsabilité encourue par M. Y à raison de
l’a
bsence de diligences satisfaisantes pour le
recouvrement du titre n° 82 d
’
un montant de 4 025,94
€
émis à
l’
encontre de la société SEMITA
et pris en charge le 6 novembre 2006 ;
En ce qui concerne le manquement :
Attendu qu’aux
termes des dispositions de
l’article L. 1617
-5 du code général des collectivités
territoriales «
l’action des comptables publics chargés de recouvrer les créances des régions,
des départements, des communes et des établissements publics locaux se prescrit par quatre
ans à compter de la prise en charge du titre de recettes. / Le délai de quatre ans mentionné à
l’alinéa précédent
est interrompu par tous actes comportant reconnaissance de la part des
débiteurs et par tous actes interruptifs de la prescription. » ;
Attendu que l
’entreprise débitrice a été placée en liquidation judiciaire le 5 juillet 2006
; que le
titre n’a été déclaré
au juge de la liquidation ni avant le 5 septembre 2006, date limite de
productions des dettes, ni dans le cadre d’une demande
de relevé de forclusion auquel cas
l’acte aurait pu être accompli jusqu’au 5 janvier 2007
; que ce défaut d’
action
à l’origine de la
procédure collective a ruiné la créance à cette période et au plus tard le 5 janvier 2007 ;
Attendu que les comptes de
l’exercice 2007 sont prescrits
;
qu’au surplus M.
Y
n’était pas en
fonction à cette époque ; que, par suite,
il n’y a pas lieu de mettre en jeu la responsabilité
de ce
comptable à raison de la présomption de charge n° 1 ;
Sur la présomption de charge n° 2 :
Attendu que, par le réquisitoire susvisé, le procureur financier a saisi la chambre de la
responsabilité encourue par M. Y à raison de
l’a
bsence de diligences satisfaisantes pour le
recouvrement du titre n° 90 d
’
un montant de 606,20
€
émis à
l’
encontre de M. X et pris en charge
le 4 septembre 2008 ;
En ce qui concerne le manquement :
Attendu qu’aux termes des dispositions de l’article L. 1617
-5 du code général des collectivités
territoriales : «
l’action des comptables publics chargés de
recouvrer les créances des régions,
des départements, des communes et des établissements publics locaux se prescrit par quatre
ans à compter de la prise en charge du titre de recettes. / Le délai de quatre ans mentionné à
l’alinéa précédent
est interrompu par tous actes comportant reconnaissance de la part des
débiteurs et par tous actes interruptifs de la prescription. » ;
Attendu que, dans ses réponses, le comptable fait valoir que le débiteur a été relancé le
27 octobre 2008, puis a été destinataire les 26 décembre 2008 et 25 août 2010 de
commandements de payer ;
que le recouvrement de la créance était dès l’origine fortement
compromis compte tenu du montant réclamé et de l’insolvabilité du débiteur dès 2011 ;
Attendu que, dans ses réponses, le président de la CASUD fait valoir que la prescription par
absence de diligences satisfaisantes du titre litigieux
n’a pas occasionné de préjudice financier
compte tenu du faible montant de la créance et du caractère fortement compromis de son
recouvrement ; que l
e recrutement de l’intéressé en contrat aidé à durée déterminée n’avait pas
permis la compensation de la dette sur salaires ;
4/5
Attendu que, dans ses conclusions, le procureur financier fait valoir que
l’envoi des
deux
commandements de payer sous pli
simple n’a pas interrompu valablement la prescription du
titre, qui est ainsi intervenue dès le 4 septembre 2012 ; que le caractère rapide, complet et
adéquat des diligences ne dépend pas du montant de la créance à recouvrer ; que M. Y
n’a
pas formulé de réserve sur la gestion de son prédécesseur et sa responsabilité personnelle et
pécuniaire
, en l’absence de circonstances de force majeure,
peut être engagée dès lors qu’
il a
commis un manquement en abandonnant toute mesure de relance pour empêcher la
prescription du titre ;
Attendu qu’aux termes du IV de l'article 60 de la loi de Finances pour 1963 du 23 février 1963,
la responsabilité personnelle et pécuniaire des comptables publics « est engagée dès lors
qu’une recette n'a pas été recouvrée » ; que les
articles 11 et 12 du décret du 29 décembre 1962
disposent que les comptables sont seuls chargés de la prise en charge et du recouvrement des
ordres de recettes qui leur sont remis par les ordonnateurs et sont tenus d'exercer en matière
de recettes, le contrôle, dans la limite des éléments dont ils disposent, de la mise en
recouvrement des créances de l'organisme ;
Attendu qu’il appartient au juge des comptes de se prononcer sur le point de savoir si le
comptable public s’est livré aux différents contrôles qu’il lui appartient d’assurer et notamment,
s’agissant du recouvrement d’une créance qu’il avait prise en charge, s’il a exercé dans des
délais appropriés toutes les diligences requises pour ce recouvrement ; que les diligences
doivent être regardées comm
e insuffisantes lorsqu’il peut être établi qu’à défaut d’avoir été
adéquates, complètes, rapides, les possibilités de recouvrement ont été, de ce fait,
compromises ;
Attendu que le titre de recette pris en charge le 4 septembre 2008 visait à recouvrer les indus
de rémunération pour absences injustifiées dont était redevable M. X, recruté par la CASUD
sous contrat d’avenir jusqu’au 17 septembre 2008 ; qu’en raison de cette fin de contrat, aucune
mesure de compensation sur salaires n’a pu être mise en œuvre
; que si le comptable a pris à
son encontre un commandement de payer le 29 octobre 2008, il ne disposait pour autant pas
de moyens coercitifs compte tenu des revenus de l’intéressé dont la totalité était insaisissable
;
qu’
en effet
à compter de l’année 201
1, M. X
ne disposait plus d’aucun revenu
;
qu’en 2010, ses
revenus fiscaux de référence étaient seulement de 5 411
€
; qu’à cette date, année de prise de
fonctions de M. Y,
les revenus mensuels de l’intéressé étaient insaisissable
s pour la partie
disponible
; qu’il n’est pas davantage raisonnable de déclencher une saisie de meubles par
huissier pour recouvrer une créance au recouvrement compromis
auprès d’une personne
notoirement indigente ; que, par suite, il y a lieu de considérer, dans les circonstances de
l’espèce,
les diligences effectuées par les comptables successifs comme rapides, complètes et
adéquates, quand bien même M. Y
n’a accompli aucune mesure de relance
en complément de
celles de son prédécesseur ;
Attendu
qu’il résulte de tout ce qui précède
que M. Y
n’a pas commis de manquement
; que,
par suite,
il n’y a pas lieu de mettre en jeu la responsabilité
de ce comptable à raison de la
présomption de charge n° 2 ;
Par ces motifs,
5/5
DÉCIDE :
Article 1
er
: Il n
’
y a pas lieu de mettre en cause la responsabilité de M. Y au titre des
présomptions de charge n° 1 et n° 2 ;
Article 2: M. Y est déchargé de sa gestion pour la période du 1
er
janvier 2011 au 31 décembre
2013.
Fait et jugé par M. Sébastien Fernandes, président de section, président de séance ;
M. Paul Parent, premier conseiller ; M. Didier Herry, conseiller.
En présence de M. Bernard Lotrian, greffier de séance.
Signé : Bernard Lotrian, greffier de séance
Sébastien Fernandes, président de séance
Ampliation certifié conforme à l’original
Yves Le Meur
Secrétaire général
En application des articles R. 242-19 à R. 242-21 du code des juridictions financières, les
jugements prononcés par la chambre régionale des comptes peuvent être frappés d
’
appel
devant la Cour des comptes dans le délai de deux mois à compter de la notification, et ce selon
les modalités prévues aux articles R. 242-22 à R. 242-24 du même code. Ce délai est prolongé
de deux mois pour les personnes domiciliées à
l’
étranger. La révision d
’
un jugement peut être
demandée après expiration des délais d
’
appel, et ce dans les conditions prévues à
l’
article
R. 242-29 du même code.