REPUBLIQUE FRANÇAISE
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COMMUNE DE SAINT-JOSEPH
Poste comptable
:
Trésorerie du Lamentin,
Exercices 2010 à 2014
Jugement n°2017-0009
Séance plénière et publique du 30 mai 2017
Prononcé le 13 juin 2017
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS,
LA CHAMBRE REGIONALE DES COMPTES DE LA MARTINIQUE,
Vu
le code des juridictions financières ;
Vu
le code général des collectivités territoriales ;
Vu
l’article 60 de la lo
i n°63-156 du 23 février 1963 portant loi de finances pour 1963
modifiée, notamment par
l’article
90 de la loi de finances rectificative n° 2011-1978
du 28 décembre 2011 ;
Vu
le décret n°62-1587 du 29 décembre 1962 portant règlement général sur la
comptabilité publique, alors applicable ;
Vu
le décret n°2012-1386 du 10 décembre 2012 portant application du VI de
l’article
60 de la loi de finances pour 1963 modifiée ;
Vu
les comptes rendus en qualité de comptable de la commune de Saint-Joseph par
M. X, du 5 juillet 2010 au 31 décembre 2014 ;
Vu
le réquisitoire n° 2016-032-CJU-123 du 12 septembre 2016 de M. Fabrice
LANDAIS, procureur financier,
saisissant la chambre à fin d’instruction sur des faits
susceptibles d’engager la responsabili
té personnelle et pécuniaire de M. X ;
Vu
la décision n° 20/2016, en date du 23 septembre 2016, du président de la chambre
attribuant à M. Serge MOGUÉROU, président de section,
l’instruction du jugement
des comptes de la commune de Saint-Joseph ;
Vu
la notification de ce réquisitoire et de cette décision, le 30 septembre 2016 à
l’ordonnateur et
le 11 octobre 2016 à M. X ;
Vu
les lettres en date du 27 octobre 2016, invitant les parties à faire part de leurs
observations et à produire toutes les pièces utiles complémentaires ;
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Vu
la lettre en date du 27 octobre 2016, invitant la direction régionale des finances
publiques de la Martinique à communiquer le montant des garanties constituées
par les comptables sur la période en jugement ;
Vu
les réponses
de l’ordonnateur
et de M. X, enregistrées respectivement au greffe
de la chambre le 7 et le 8 décembre 2016 ;
Vu
la réponse de la direction régionale des finances publiques de la Martinique,
enregistrée au greffe de la chambre le 12 janvier 2017 ;
Vu
les lettres en date du 28 avril 2017, informant les parties de la clôture de
l’instruction, du dépôt du rapport et des conclusions
;
Vu
les lettres en date du 28 avril 2017 informant M. X et le maire de Saint-Joseph de
la date de l’audience publique
;
Vu
l’ensemble des pièces du
dossier ;
Vu
les conclusions n° 2017-016 du procureur financier en date du 24 mars 2017;
Après avoir entendu
, lors de l’audience publique,
M. Serge MOGUÉROU en son rapport
et M. Fabrice LANDAIS, procureur financier, en ses observations ;
En l’absence des
parties ;
ORDONNE CE QUI SUIT :
Charge
unique :
exercice 2014
-
Compte
218
«
Autres
immobilisations
corporelles »
Attendu
que, par réquisitoire susvisé, le ministère public a requis la chambre régionale
des comptes de la Martinique de se prononcer sur la responsabilité personnelle et
pécuniaire de M. X, comptable de la commune de Saint-Joseph en Martinique, au motif
que celui-ci aurait manqué aux obligations qui lui incombent en matière de contrôle de
la validité de la dette avant paiement, s'agissant la production des pièces justificatives ;
Sur l’existence d’un manquement du comptable
Attendu
qu'il ressort des pièces à l'appui du mandat n° 1328 du 10 juillet 2014
(bordereau n° 375) imputé au compte 218, que M. X a payé, le 13 août 2014, une somme
de 76 873,07
€ à une SARL
,
pour l’aménagement d’une crèche
, au vu
d’u
ne facture du
même montant et du relevé d'identité bancaire de cette société, sans production d
’
un
contrat écrit ou d
’
un certificat administratif par
l’ordonnateur
, alors que son montant
excédait le seuil de 15 000
€
et nécessitait de ce fait le respect
d’une procédure adaptée
de mise en concurrence et un contrat écrit ;
Attendu
que le comptable doit vérifier la production de toutes les pièces prévues par la
liste
annexée à l’article D.
1617-19 du code général des collectivités territoriales et leur
cohérence à partir des éléments de droit et de fait dont il dispose ;
Attendu
que la nomenclature des pièces justificatives dont les comptables des
collectivités territoriales et de leurs établissements publics doivent exiger la production
doit être rapportée, pour déterminer les cas dans lesquels les marchés doivent faire
l’objet d’un contrat écrit, aux dispositions de l’article 11 du code des marchés publics en
vertu desquelles, dans leur rédaction alors applicable :
« Les marchés et accords-cadres
d’
un montant égal ou supérieur à 15 000 euros doivent être passés sous forme écrite » ;
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Attendu
que le comptable a produit un simple «
bon de commande interne
» relatif à
une commande de 76 873,07
€,
ne comportant pas le détail des prestations
commandées
; que ce document ne comporte pas l’acceptation du contrat par les deux
parties et ne peut donc tenir lieu, ni de contrat écrit au sens des dispositions sus-
rappelées du code des marchés publics, ni de la pièce justificative prévue par la
nomenclature précitée ; que ledit bon de commande fait référence à un devis qui
n’était
pas joint au mandat et qui
n’a pas été produit
par le comptable ;
Attendu
qu’il
appartenait à M. X,
devant l’insuffisance des pièces produites
,
d’en
suspendre le paiement et de demander à l’ordonnateur d’établir des justifications
complémentaires, à savoir : un contrat ou, à défaut, un certificat administratif attestant de
l’absence de preuve
écrite
et de l’existence d’un contrat
de forme seulement orale ;
Attendu
que M. X, en payant ce mandat, a manqué à ces obligations de contrôle de la
dépense
; qu’il
a, de ce fait, en vertu de
l’article 60 de la loi de finances du 23 février 1963,
engagé sa responsabilité personnelle et pécuniaire ;
Attendu
que ni le comptable, ni l’ordonnateur ne conteste le manquement
;
Attendu
que le comptable ne fait pas état de circonstances de force majeure
susceptibles d
e l’exonérer de s
a responsabilité ;
Sur l’existence d’un préjudice financier
Attendu
que le comptable allègue l’absence de préjudice financier
sans étayer ni justifier
cette position
si ce n’est en rappelant que le manquement est également justifié par les
circonstances de fonctionnement du poste comptable ;
Attendu
qu
e selon l’ordonnateur, «
Les manquements reprochés au comptable n’ont
causé aucun préjudice financier à la ville. En effet, la somme étant due au fournisseur
UCPS
[…]
» ;
Attendu
que le constat de l’existence ou non d’un préjudice financier relève de
l’appréciation du juge des comptes
; que la preuve que le service ou la chose attendue
en contrepartie du paiement a été re
ndu ou livré peut permettre d’écarter l’existence d’un
préjudice, selon les circonstances de l’espèce
;
Attendu
que le bon de commande interne produit porte la mention « Service fait »
signée par le premier adjoint au maire ;
Attendu
qu
’en l’espèce, il n’est pas démontré que l’absence de la procédure de publicité
et de mise en concurrence exigée pour des achats supérieurs à 15 000
€ a privé la
collectivité
d’une offre économiquement plus avantageuse
;
Attendu
que, dans ces conditions, il peut être considéré que la commune de Saint-
Joseph n’a pas subi de préjudice financier
consécutivement au manquement du
comptable ;
Attendu
que l
’article 60
-VI de la loi n° 63-156 précise que, si le manquement du
comptable n’a pas causé de préjudice financier à l’organisme concerné, «
le juge des
comptes peut l’obliger à s’acquitter d’une somme arrêtée, pour chaque exercice, en
tenant compte des circonstances de l’espèce. Le montant maximal de
cette somme est
fixé par décret en Conseil d'Etat en fonction du niveau des garanties
» constituées par
le comptable lorsqu’i
l a été installé dans son poste ;
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Attendu
que le décret n° 2012-1386 du 10 décembre 2012 a précisé que ce montant
maximal était fixé «
à un millième et demi du montant du cautionnement prévu pour le
poste comptable considéré
»
; qu’en l’espèce, le plafond de cette somme, compte tenu
du cautionnement du poste comptable fixé à 177 000
€, à compter du 1
er
janvier 2013,
s'élève à 265,50
€
;
Attendu
que le montant élevé du paiement en cause et la non-conformité des pièces
justificatives produites à l’appui de celui
-ci justifient que la somme irrémissible mise à la
charge du comptable s’approche du maximum prévu par la réglementation,
les éléments
de contexte du poste comptable invoquées par M. X
n’étant
pas de nature à atténuer
sensiblement sa responsabilité ;
Par ces motifs,
DECIDE :
Article 1
M. X
s’acquitter
a
d’une somme de
deux cents soixante-cinq euros (265
€), au titre de la
charge unique, en application du deuxième alinéa du paragraphe VI de l’article 60 de la
loi n° 63-156 du 23 février 1963 ; c
ette somme n’est pas susceptible de remise
gracieuse,
en vertu du paragraphe IX de l’article 60 précité.
Article 2
M. X
ne sera déchargé de sa gestion au titre de l’exercice 2014 qu’après apurement de
la somme fixée ci-dessus.
Article 3
M. X est déchargé de sa gestion du 5 juillet 2010 au 31 décembre 2013, aucune charge
n’étant retenu à son encontre sur ces
exercices.
Fait et délibéré en la chambre régionale des comptes de la Martinique, le 30 mai 2017.
Présents :
-
M. COLCOMBET, président de la chambre, président de séance,
-
MM. PLANTARD,
STEFANIZZI,
PAPOUSSAMY,
PARTOUCHE
premiers
conseillers ;
Ont signé : Mme Martine AZARES, greffière, M. Yves COLCOMBET, président.
Collationné, certifié conforme à la minute étant au greffe de la Chambre régionale des
comptes de la Martinique et délivré par moi, secrétaire général.
Pour le secrétaire général
et par délégation
La greffière
Martine AZARES
5
En conséquence, la République française mande et ordonne à tous huissiers de justice,
sur ce requis, de mettre le présent jugement à exécution ; aux procureurs généraux et
aux procureurs de la République près les tribunaux
de grande instance, d’y tenir la main
;
à tous commandants et officiers de la force publique de prêter main-
forte lorsqu’ils en
seront légalement requis.
En application des articles R. 242-19 et R. 242-21 du code des juridictions financières,
les jugements prononcés par la chambre régionale des comptes peuvent être frappés
d’appel devant la Cour des comptes dans le délai de deux mois à compter de la
notification, selon les modalités prévues aux articles R. 242-22 et R. 242-24 du même
code. Ce délai est prol
ongé de deux mois pour les personnes domiciliées à l’étranger. La
révision d’un jugement peut être demandée après expiration des délais d’appel, et ce,
dans les conditions prévues à l’article R.
242-29 du même code.