REPUBLIQUE FRANÇAISE
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CAISSE DES ÉCOLES DU FRANÇOIS
Poste comptable :
Centre des finances publiques du François
Exercices 2011 à 2014
Jugement n° 2017-0015
Séance plénière et publique du 22 novembre 2017
Délibéré le 22 novembre 2017
Prononcé le 7 décembre 2017
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS,
LA CHAMBRE REGIONALE DES COMPTES DE LA MARTINIQUE,
Vu
le code des juridictions financières ;
Vu
le code général des collectivités territoriales ;
Vu
la loi n° 63-156 du 23 février 1963 portant loi de finances pour 1963 modifiée,
notamment par l’article 90 de la loi de finance
s rectificative n° 2011-1978 du
28 décembre 2011 ;
Vu
le décret n° 62-1587 du 29 décembre 1962 portant règlement général sur la
comptabilité publique, alors applicable ;
Vu
le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et
comptable publique ;
Vu
le décret n° 2012-1386 du 10 décembre 2012 portant application du VI de
l’article
60 de la loi de finances pour 1963 modifiée ;
2/7
Vu
les comptes rendus, en qualité de comptables de la caisse des écoles du François,
par Mme X, du 4 janvier 2010 au 31 mars 2014, et par Mme Y, du 1
er
avril 2014 au
31 décembre 2014 ;
Vu
le réquisitoire n° 2017-11-CJU-009 du 13 avril 2017 de M. Fabrice LANDAIS,
procureur financier,
saisissant la chambre à fin d’instruction sur des faits
susceptibles d’engager la responsabili
té personnelle et pécuniaire de Mmes X et Y ;
Vu
la décision n° 07/2017 du 21 avril 2017 du président de la chambre, attribuant à
M. Serge
MOGUÉROU, président de section, l’instruction du jugement des
comptes de la caisse des écoles du François ;
Vu
la notification de ce réquisitoire et de cette décision à Mme X et à
l’ordonnateur
, le
24 juillet 2017, et à Mme Y, le 27 avril 2017 ;
Vu
les lettres, en date du 18 mai 2017, invitant les parties à faire part de leurs
observations et à produire toutes les pièces complémentaires utiles ;
Vu
la lettre, en date du 18 mai 2017, invitant la direction régionale des finances
publiques de la Martinique à communiquer le montant des garanties constituées par
les comptables sur la période en jugement ;
Vu
la réponse de Mme Y, transmise par courrier du 20 juin 2017 ;
Vu
la réponse du président de la caisse des écoles du François, transmise par courrier
du 22 juin 2017 ;
Vu
le montant du cautionnement des comptables, communiqué par la direction
régionale des finances publiques de la Martinique, par courriel du 30 mai 2017 ;
Vu
les lettres, en date du 7 novembre 2017, informant les parties de la clôture de
l’instruction, du dépôt du rapport et des conclusions
et
de la date de l’audience
publique ;
Vu
l’ensemble des pièces du dossier
;
Vu
les conclusions n° 2017-133-CJU-170 du procureur financier en date du
20 octobre 2017 ;
Après avoir entendu, lo
rs de l’audience publique,
M. Serge MOGUÉROU en son rapport
et M. Fabrice LANDAIS, procureur financier, en ses observations ;
En
l’absence
des comptables publics ;
Après avoir délibéré hors la présence du rapporteur et du procureur financier ;
3/7
ORDONNE CE QUI SUIT :
CHARGE UNIQUE :
DILIGENCES EN MATIERE DE RECOUVREMENT
Attendu
que, par réquisitoire susvisé, le ministère public a requis de la chambre
qu’elle
se prononce sur la responsabilité personnelle et pécuniaire de Mmes X et Y, au motif que
ces comptables
n’aurai
ent pas effectué les diligences rapides, complètes et adéquates pour
le recouvrement de trois titres de recettes relatifs au remboursement des salaires des
agents de la caisse des écoles mis à disposition de la Communauté d'agglomération de
l'espace Sud-Martinique (CAESM), lors du transfert de compétence ; que ces titres ont
été pris en charge au compte n° 46721, entre le 5 décembre 2006 et le 2 février 2007, tel
qu’indiqué dans le
tableau ci-après :
Tableau unique : Titres de recettes non recouvrés
N°
DATE PEC
DEBITEUR
MONTANT
RAR
DILIGENCES
T-88
05/12/2006
CAESM
17 946,60
€
17 946,60
€
CDT 25/06/07, LR 07/06/08, CDT
05/08/08, PSE 05/09/08, MED
17/09/2013, MED 19/09/2013,
MED 02/03/15, MED 2210912015.
T-89
05/12/2006
CAESM
18 093,00
€
18 093,74
€
CDT 25/06107, LR 07/06/08, CDT
05/08/08, PSE 05/09/08, MED
17/09/2013, MED 19/09/2013,
MED 02/03/15, MED 22/09/2015.
T1
02/02/2007
CAESM
28 917,75
€
28 917,75
€
LR 07/06/08, CDT 05/08/08, PSE
05/09/08MED 17/09/2013, MED
19/09/2013, MED 02/03/15, MED
22/09/2015.
TOTAL
64 958,09
€
64 958,09
€
Sigles :
CAESM pour Communauté d'agglomération de l'espace Sud Martinique, CDT pour
commandement, LR pour lettre de rappel, MED pour mise en demeure, PEC pour prise en
charge, PSE pour dernier avis avant poursuites, RAR pour reste à recouvrer.
Sources : État des restes à recouvrer au 31 décembre 2014 et bordereau de situation du 25 août 2016.
Sur l’existence d’un manquement du comptable
Attendu
que, selon les disposit
ions de l’article 11 du décret n°
62-1587 du
29 décembre 1962, dans sa rédaction en vigueur sur les exercices en jugement, «
Les
comptables publics sont seuls chargés : de la prise en charge et du recouvrement des
ordres de recettes qui leur sont remis par les ordonnateurs, des créances constatées par
un contrat, un titre de propriété ou autre titre dont ils assurent la conservation, ainsi que
de l'encaissement des droits au comptant et des recettes de toute nature que les
organismes publics sont habilités à recevoir [
…
] de la conservation des pièces
justificatives des opérations et des documents de comptabilité, de la tenue de la
comptabilité du poste comptable qu'ils dirigent
» ;
4/7
Attendu
que, selon l’article L.
1617-5 du code général des collectivités territoriales
(CGCT) susvisé :
« [
…
] 3° L'action des comptables publics chargés de recouvrer les
créances des régions, des départements, des communes et des établissements publics
locaux se prescrit par quatre ans à compter de la prise en charge du titre de recettes. Le
délai de quatre ans mentionné à l'alinéa précédent est interrompu par tous actes
comportant reconnaissance de la part des débiteurs et par tous actes interruptifs de la
prescription
[…]
»
;
Attendu
que Mme Y invoque quatre arguments en réponse à la charge :
-
la conviction qu’elle avait que ces titres avaient été soldés
;
-
les dysfonctionnements
provoqués par le changement d’application qui aurait
engendré des anomalies, des titres soldés dans Clara apparaissant non soldés dans
Hélios ;
-
la convention conclue entre la CAESM et la commune du François, signée en
2012,
pour éviter de recourir au mandatement d’office
dans le but de conserver
les bonnes relations entre les deux entités ;
-
l
’absence d’évocation par le débiteur de la
prescription des titres en question qui
ont
fait l’objet de diligences
postérieures au 2 février 2011, notifiées par envoi
simple, afin de respecter les consignes de sa hiérarchie relatives aux économies
d’affranchissement
;
Attendu
que le premier argument ne peut qu’
être écarté, la conviction alléguée par
Mme Y
n’étant fondée sur aucun élément probant produit devant la chambre
;
Attendu
qu
’aucun élément matériel prouvant le dysfonctionnement des logiciels Clara et
Hélios
n’a été produit à l’
appui du deuxième argument ;
Attendu
que, s
’agissant de la convention censée
assurer les bonnes relations entre les
parties, sa non-
production ne permet pas d’en mesurer la portée et
, en tout état de cause,
signée en 2012, elle serait intervenue postérieurement aux dates présumées de
prescription qui se situent entre le 5 décembre 2010 et le 2 février 2011 ;
Attendu
qu’a
ucune preuve ne vient étayer l
’existence d’
actions de nature à éviter la
prescription des titres après le 2 février 2011 et que les éventuelles consignes budgétaires
de la direction générale des finances publiques ne sont pas des éléments recevables par le
juge des comptes pour exonérer ou atténuer la responsabilité personnelle et pécuniaire
des comptables, laquelle ne peut être appréciée qu’au regard des seules pièce
s et
justifications des opérations produites ;
Attendu
, en conséquence, que les arguments présentés par Mme Y ne peuvent pas être
retenus pour l’exonérer de sa responsabilité
;
Attendu
que Mme X, en fonction du 1
er
avril 2014 au 31 décembre 2014,
n’a pas
répondu au réquisitoire ;
que, toutefois, à défaut de la preuve matérielle de l’interruption
de l’action en recouvrement des titres incriminés avant sa prise de fonction, l’action en
recouvrement s’est éteinte entre le 5
décembre 2010 et le 28 juillet 2011 ; que la
responsabilité de Mme X ne peut donc pas être engagée ;
5/7
Attendu,
en effet, que la CAESM a accusé réception le 28 juillet 2007 d'un
commandement émis le 25 juin 2007 en vue du paiement des titres n
o
88 et 89 ; qu'en
conséquence, l'expiration du délai de l'action en recouvrement de ces deux titres a été
reportée au 28 juillet 2011 ; que la justification du caractère interruptif des diligences
mentionnées au tableau ci-dessus antérieures à cette date n'est pas apportée ; qu'il en est
de même pour celles postérieures à cette date qui, en tout état de cause, apparaissent
tardives ;
Attendu
qu'en l'absence de justification du caractère interruptif des diligences
mentionnées en marge du titre n° 1 de 2007, la prescription du délai de l'action en
recouvrement doit être réputée acquise au débiteur à la date du 2 février 2011 ; que les
diligences postérieures à cette date, en les supposant justifiées, seraient en tout état de
cause tardives ;
Attendu
, de plus, qu
’
il ne ressort pas des pièces du dossier que les comptables auraient
engagé la procédure de mandatement d'office à l'encontre de la personne publique
débitrice, laquelle procédure aurait constitué une diligence adéquate en vue du
recouvrement des créances de la caisse des écoles ;
Attendu
que, faute de diligences adéquates, complètes et rapides, Mme Y a engagé sa
responsabilité personnelle et pécuniaire en application des dispositions précitées de
l’article 60 de la
loi du 23 février 1963 susvisée ;
Attendu
qu’a
ucune circonstance de force maj
eure n’est
alléguée, ni établie ;
Sur l’existence d’un préjudice financier
Attendu
que
l’ordonnateur
admet le préjudice financier en ses termes :
«
Je signale qu’il
s’agit de recettes à recouvrer, rentrant dans le champ d’action du comptable public. En
effet, cette somme évaluée à 64 958,09
€, n’étant pas réglée à ce jour par la communauté,
apparaît toujours dans les comptes de la collectivité, sans traduction dans sa trésorerie.
Il appartient au comptable public et à la communauté d’agglomération de vous apporter
les
précisions sur l’absence d’encaissement de ces titres
»
;
Attendu
que Mme Y indique :
« Eu égard au doute subsistant sur le caractère prescrit
de ces 3 titres, la collectivité n’a pas subi de préjudice financier si ces derniers ont été
recouvrés en 2007 à
l’instar du titre 102, à défaut de recouvrement
, les titres ne sont pas
prescrits, car des poursuites non contestées par voie simple ont été diligentées
régulièrement et la CAESM peut s’honorer de sa dette
»
;
Attendu
qu’en matière de recette non recouvré
e, le principe est que le manquement du
comptable cause un préjudice financier à l'organisme public concerné, sauf si
l'insolvabilité du débiteur
, non envisageable en l’espèce,
est avérée avant la prise en
charge du titre ; qu
’en conséquence,
le non-recouvrement des titres de recettes a causé un
préjudice financier à la caisse des écoles du François ;
Attendu
que le lien de causalité entre le manquement reproché à Mme Y et le préjudice
causé à la caisse des écoles du François est établi par le simple fait que, faute de diligences
adéquates, complètes et rapides, la comptable a compromis les chances de
l’établissement
public de recouvrer ses créances ;
6/7
Attendu
que l’article 60
-VI de la loi n° 63-156 susvisée précise que, si le manquement
du comptable a causé un préjudice financier à l’organisme concerné, «
le comptable a
l’obligation
de
verser
immédiatement
de
ses
deniers
personnels
la
somme
correspondante » ;
Attendu
qu’ain
si, il y a lieu de constituer Mme Y débitrice de la caisse des écoles du
François pour la somme de 64 958,09
€
;
Attendu
qu’aux termes du paragraphe VIII de l’article 60 de la loi du 23 février 1963
susvisée,
« les débets portent intérêt au taux légal à compter du premier acte de la mise
en jeu de la responsabilité personnelle et pécuniaire des comptables publics »
;
qu’en
l’espèce, Mme
Y a accusé réception du réquisitoire le 3 mai 2017 ;
Sur la possibilité de remise gracieuse
Attendu
que l’article 60
-IX de la loi n° 63-156 susvisée prévoit que les comptables
constitués débiteurs
« peuvent obtenir du ministre chargé du budget la remise gracieuse
des sommes mises à leur charge. Hormis le cas de décès du comptable ou de respect par
celui-
ci, sous l’appréciation du juge des comptes, des règles d
e contrôle sélectif des
dépenses, aucune remise gracieuse totale ne peut être accordée »
;
Attendu
que le présent débet ne résulte pas du paiement de dépenses mais du non-
recouvrement de créances ;
qu’en conséquence, une éventuelle remise gracieuse par le
ministre chargé du budget ne pourra pas être totale
; qu’un montant d’au moins 3/1000
e
du cautionnement du poste comptable devra être laissé à la charge de la comptable ;
DECIDE :
Article 1
Mme Y est constituée débitrice de la caisse des écoles du François pour la somme de
soixante-quatre mille neuf cent cinquante-huit euros et neuf centimes (64 958,09
€
),
somme augmentée des intérêts de droit compter du 3 mai 2017, date de la notification du
réquisitoire à la comptable.
Article 2
En cas de remise gracieuse du débet prononcé au titre de cette charge par le ministre
chargé du budget, un minimum représentant 3/1000
e
du cautionnement du poste
comptable devra rester à la charge de Mme Y.
Article 3
Mme Y ne sera déchargée de sa gestion au titre des exercices 2011 à 2014 (au 31 mars)
qu’après apure
ment du débet fixé ci-dessus.
7/7
Article 4
Mme X est déchargée de sa gestion du 1
er
avril 2014 au 31 décembre 2014.
Fait et délibéré en la chambre régionale des comptes de la Martinique, le
22 novembre 2017.
Présents :
-
M. COLCOMBET, président de la chambre, président de séance,
-
MM. PAPOUSSAMY et PARTOUCHE, premiers conseillers ;
En présence de Mme AZARES, greffière de séance.
Ont signé : Mme Martine AZARES, greffière, M. Yves COLCOMBET, président.
Collationné, certifié conforme à la minute étant au greffe de la Chambre régionale des
comptes de la Martinique et délivré par moi, secrétaire général.
Raphaël BOYER
En conséquence, la République française mande et ordonne à tous huissiers de justice, sur ce
requis, de mettre le présent jugement à exécution ; aux procureurs généraux et aux procureurs
de la République près les tribunaux de grande instance, d’y tenir la main
; à tous commandants
et officiers de la force publique de prêter main-
forte lorsqu’ils en seront l
également requis.
En application des articles R. 242-19 et R. 242-23 du code des juridictions financières, les
jugements prononcés par la chambre régionale des comptes peuvent être frappés d’appel devant
la Cour des comptes dans le délai de deux mois à compter de la notification, selon les modalités
prévues aux articles R. 242-22 et R. 242-24 du même code. Ce délai est prolongé de deux mois
pour les personnes domiciliées à l’étranger. La révision d’un jugement peut être demandée après
expiration des délais d’appel, et ce, dans les conditions prévues à l’article R.
242-29 du même
code.