Les politiques
publiques en faveur
de l’inclusion
bancaire et de la
prévention du
surendettement :
des outils adaptés,
une mise en œuvre
à conforter
PRÉSENTATION ________________________________________________
Le développement économique des dernières décennies s’est
accompagné d’une utilisation des services bancaires par une
part
croissante de la population et d’une dématérialisation
grandissante des
échanges financiers. De ce fait, l’accès à un compte et aux services
bancaires est devenu une condition nécessaire pour participer à la vie
économique et sociale.
Les politiques publiques en faveur de l’inclusion bancaire visent à
donner à
chacun la possibilité d’accéder à un compte et à des services
bancaires adaptés à ses besoins, de les utiliser et enfin de les conserver
dans la durée. Elles sont complémentaires des politiques de prévention du
surendettement, qui ont donné lieu à plusieurs lois depuis 2010 afin de
mieux encadrer la distribution du crédit à la consommation.
En 2017, la Cour a réalisé, à la demande de la commission des
finances du Sénat, une enquête sur les politiques publiques en faveur de
l’inclusion bancaire et de la pré
vention du surendettement
1
. La crise sanitaire
de 2020 et ses conséquences économiques et sociales vont fortement peser
sur la situation financière de nombreuses personnes et, dans ce contexte, la
Cour a procédé à l’analyse des suites données à son rapport
.
1
Cour des comptes,
Les politiques publiq
ues en faveur de l’inclusion bancaire et
de la prévention du surendettement,
communication à la commission des
finances du Sénat, juin 2017.
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10
Au terme de son enquête, elle juge nécessaire d’améliorer
rapidement le pilotage des dispositifs d’accès à un service bancaire (I) et
appelle au renforcement de la protection des clients en situation de
fragilité financière (II). Enfin, elle note que, si les mesures de prévention du
surendettement ont permis un meilleur encadrement du crédit à la
consommation, elles doivent évoluer pour prendre en compte les
nouvelles offres de financement (III).
I -
Des dispositifs d’accès aux services
bancaires à mieux piloter
L’inclusion bancaire permet à une personne physique d’accéder
durablement à des services et produits bancaires adaptés à ses besoins
non professionnels et de les utiliser
2
. Pour cela, deux dispositifs d’accès à
des services bancaires élémentaires, gratuits pour leurs usagers et sans
condition de ressource, ont été développés :
avec la procédure du droit au compte, toute personne s’étant vu
refuser l’ouverture d’un compte bancaire peut demander à la
Banque de France de désigner un établissement de crédit qui sera
dans l’obligation de lui ouvrir un compte gratuit offrant des services
bancaires de base ;
la mission d’accessibilité bancaire confiée à La Banque Postale lui
impose d’ouvrir un livret A à toute personne qui en fait la demande.
Celui-ci peut alors être utilisé dans des conditions proches de celles
d’un compte courant. Gratuit, sécurisant, simple d’utilisation, il offre
une solution aux personnes qui ne veulent pas ou ne peuvent pas
ouvrir un compte courant.
A -
Une procédure du droit au compte moins
utilisée et confrontée à d’importantes limites
Le droit au compte (DAC) est un dispositif légal
3
mis en place en
1984. Toute personne morale domiciliée en France et toute personne
physique domiciliée en France, ou de nationalité française, ou résidant
lég
alement sur le territoire d’un autre État membre de l’Union
européenne
, qui ne dispose d’aucun compte bancaire et s’en voit
refuser l’ouverture, peut adresser une demande à la Banque de France.
Celle-ci désignera, après instruction, un établissement de crédit qui sera
2
Extrait de la définition adoptée par l’Observatoire de l’inclusion bancaire.
3
Article L. 312-1 du code monétaire et financier.
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QUES EN FAVEUR DE L’
INCLUSION BANCAIRE
ET DE LA PRÉVENTION DU SURENDETTEMENT : DES OUTILS ADAPTÉS,
UNE MISE EN ŒUVRE À
CONFORTER
11
alors dans l’obligation d’ouvrir au profit du demandeur un compte
assorti de services bancaires, restreints mais gratuits, dont la tenue du
compte, la domiciliation de virements bancaires, l’encaissement de
chèques, le paiement par prélèvement SEPA, une carte de paiement à
autorisation systématique
4
, les dépôts et retraits d’espèce au guichet de
l’organisme teneur de compte et deux chèques de banque par mois.
Pour les seules personnes physiques, entre 1984 et 2015, le recours
à la procédure de droit au compte a régulièrement augmenté pour
atteindre 58 224 désignations en 2015, avec notamment une forte
hausse à compter de 2012, suite notamment aux répercussions de la
crise de 2008 (+ 50
% entre 2012 et 2014). Un repli continu s’est amorcé
depuis, le nombre de désignations en 2019 étant presque revenu à son
niveau de 2013 (graphique n° 1).
Graphique n° 1 :
DAC, évolution du nombre de désignations
d’établissements de crédit entre 2009 et 2019
pour les personnes physiques
Source : Banque de France
La Banque de France et
l’observatoire de l’inclusion bancaire
(OIB) relèvent que cette baisse sur quatre années consécutives coïncide
notamment
avec
une diminution
du
nombre
de
dossiers
de
surendettement et le développement de nouvelles offres bancaires et
de comptes de paiement.
4
Une opération sur une carte de paiement à autorisation systématique
n’est
autorisée que si la provision sur le compte de dépôt ou le découvert autorisé sont
suffisants. Les dépassements ne sont donc pas possibles.
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12
Si la réduction actuelle du recours au DAC peut effectivement
correspondre à une baisse du nombre de personnes sans compte, elle
résulte aussi très probablement des difficultés liées à la mise en œuvre
de la procédure elle-même. Or
, à l’instar de ce qui a été constaté à la
suite de la crise de 2008, les situations de personnes privées d’un compte
bancaire, notamment à la suite d’incidents de paiement, pourraient se
multiplier en raison de la crise économique actuelle. Aussi, importe-t-il
d’améliorer rapidement l’efficacité du DAC.
1 -
Une procédure dont la longueur décourage l’utilisation
La procédure de droit au compte réclame de nombreux
échanges entre le demandeur, la Banque de France et l’établissement
de crédit désigné. Non seulement les documents sont encore
majoritairement transmis en format papier, mais ceux exigés par la
Banque de France lors de la demande diffèrent de ceux réclamés par
les établissements de crédit pour l’ouverture du compte.
Par ailleurs, peu d’étapes de la pro
cédure sont encadrées par
des délais réglementaires d’exécution et, si aucune donnée précise ne
permet de mesurer la durée moyenne de la procédure, la Cour estime
à plus de deux semaines en moyenne le délai entre le dépôt de la
demande à la Banque de Franc
e et l’ouverture effective d’un compte
par l’établissement de crédit désigné. Pendant cette période, le
demandeur, qui ne dispose d’aucun compte bancaire, peut être tenté
de renoncer à la procédure au profit notamment d’un compte de
paiement
5
dont l’ouvert
ure est simple et rapide. Or, comme la Cour le
soulignait déjà dans son rapport de 2017, ces offres comprennent de
nombreux frais d’utilisation et sont susceptibles de ne pas répondre
pleinement
aux
besoins
d’une
population
relativement
fragile,
composée à pratiquement 70 % de personnes dont le précédent
compte a été clôturé pour cause d’incidents de fonctionnement
6
.
Cette durée est notamment liée à l’absence de dématérialisation
de la procédure, pourtant déjà recommandée par la Cour dans son
rapport de 2017. Les procédures dérogatoires de communication
dématérialisée entre les acteurs mises en œuvre durant la crise sanitaire
du printemps 2020 ont fait preuve de leur efficacité. Elles doivent
conduire à une dématérialisation rapide et complète de la procédure,
tout en conservant la possibilité d’une procédure papier pour les
demandeurs qui le souhaitent. Par ailleurs, il est souhaitable que pour
l’avenir les délais de traitement des dossiers par les établissements
désignés par la Banque de France soient encadrés par la loi.
5
Compte ouvert auprès d’
un établissement de paiement, ne pouvant être débiteur.
6
Être interdit bancaire, inscrit au fichier des incidents de remboursement de
crédits aux particuliers, au fichier central des chèques ou en situation de
surendettement ne s’oppose pas à l’
exercice du droit au compte.
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INCLUSION BANCAIRE
ET DE LA PRÉVENTION DU SURENDETTEMENT : DES OUTILS ADAPTÉS,
UNE MISE EN ŒUVRE À
CONFORTER
13
2 -
Un défaut d’implication
de certains établissements
de crédit et un accès impossible pour des publics
en difficulté
La dématérialisation de la procédure
doit permettre d’
en assurer
un suivi exhaustif et d’analyser les difficultés rencontrées
par les
demandeurs qui conduisent à ce que, chaque année, un quart
–
et
même 34 % en 2019
–
des désignations effectuées par la Banque de
France ne donnent
finalement pas lieu à l’ouverture d’un compte
.
Les enquêtes de la Banque de France, auprès des demandeurs
et les contrôles de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution
(ACPR)
7
, indiquent que les établissements de crédit ont des progrès
significatifs à réaliser dans la mise en œuvre du DAC. Ainsi, moins de la
moitié des demandeurs interrogés déclarent avoir eu connaissance de
la procédure par l’intermédiaire de la banque qui leur a refusé
l’ouverture d’un compte et presque un tiers déclarent avoir eu des
difficultés à obtenir la lettre de refus d’ouverture d’un compte,
nécessaire au déclenchement de la procédure, alors que ces deux
obligations sont inscrites dans la loi. Les personnels des établissements de
crédit ne sont pas toujours suffisamment formés, refusant parfois
l’ouverture de comptes alors que les conditions sont réunies. Enfin, la
gratu
ité des services bancaires de base n’est pas toujours respectée.
La récurrence de ces anomalies doit inciter les acteurs, Banque
de France, ACPR et
observatoire de l’inclusion bancaire
(OIB), à
poursuivre leur action afin de mettre fin aux pratiques des établissements
récalcitrants.
Par ailleurs, le cadre juridique actuel exclut du bénéfice du droit
au compte des personnes qui devraient en relever
: à titre d’exemple,
les personnes victimes de violences conjugales titulaires d’un compte
joint ne peuvent y prétendre. Une adaptation du cadre juridique
permettrait de pallier les difficultés aujourd’hui identifiées.
7
Résultats des contrôles de l’ACPR menés auprès de 33
établissements de crédit
entre 2013 et 2019.
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14
Droit au compte et lutte contre le blanchiment de capitaux
Les établissements de crédit doivent satisfaire simultanément
aux obligations du droit au compte
–
qui leur imposent d’ouvrir un
compte après désignation par la Banque de France
–
et à celles de
la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du
terrorisme
–
qui peuvent conduire à la mise en cause de leur
responsabilité en cas de
contrôles insuffisants sur l’identité du client
et la nature et la provenance des fonds. L’articulation entre les deux
dispositifs est prévue par la loi. La Banque de France déclare
pourtant constater, depuis 2018, une réticence croissante des
établissements de crédit à satisfaire à la procédure du DAC au nom
de la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du
terrorisme.
Conscientes des difficultés et des situations complexes
auxquelles peuvent être confrontés les établissements de crédit, la
Banque de France et la direction générale du Trésor travaillent à
affiner l’articulation entre ces deux dispositifs, sans avoir trouvé à ce
jour de solution entièrement satisfaisante du point de vue du droit.
B -
La mission
d’accessibilité
bancaire confiée
à La Banque Postale, une alternative au système
bancaire traditionnel
Si, depuis 2009, toutes les banques ont l’autorisation de proposer
un Livret
A à leurs clients, l’État
a confié à La Banque Postale une mission
de service économique d
’intérêt général d’accessibilité bancaire
8
et lui
impose, dans ce cadre, des obligations spécifiques en matière de
distribution et de fonctionnement du Livret A
9
. L’établissement est ainsi
tenu d’ouvrir, à toute personne n’en disposant pas et qui en fait l
a
demande, un livret A qui peut être utilisé comme un quasi-compte
courant gratuit, simple d’emploi et n’autorisant pas de découvert mais
aux fonctionnalités réduites
: domiciliation de virements, à l’exception
notamment des revenus du travail, et de prélèvements, carte de retrait
utilisable dans les distributeurs de La Banque Postale, dépôts et retraits
au guichet dans tous les bureaux de poste à partir de 1,50
€, émission de
chèques de banque.
8
Articles L. 221-2 et L. 518-25 du code monétaire et financier.
9
Article 145 de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008, articles L. 518-25, L. 518-25-1 et
L. 221-2 du code monétaire et financier.
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QUES EN FAVEUR DE L’
INCLUSION BANCAIRE
ET DE LA PRÉVENTION DU SURENDETTEMENT : DES OUTILS ADAPTÉS,
UNE MISE EN ŒUVRE À
CONFORTER
15
Bien qu’universelle, la mission d’accessibilité bancaire
est
principalement destinée à des personnes qui, pour diverses raisons,
peinent à s’insérer
dans le système bancaire traditionnel et ont besoin
d’un accompagnement spécifique
que ne leur procurent pas les autres
réseaux (services au guichet, de médiation, de traduction et conseil
budgétaire notamment). En tant que service économique d’intérêt
général, son coût est en partie compensé par l’État
.
1 -
Une alternative universelle aux offres bancaires
classiques à destination de populations menacées
d’exclusion financiè
re
Aucune condition n’est requise pour bénéficier du livret
A de La
Banque Postale, ce qui permet à un grand nombre de clients aux profils
très divers de l’utiliser comme un compte courant. Conformément à
l’une des recommandations du rapport de 2017 de la
Cour, des études
ont été conduites par l’établissement pour mieux comprendre les
besoins des clients. Il en ressort que 52
% d’entre eux
ne maîtrisent pas la
lecture ou l’
écriture de la langue française, quand près de la moitié
(46 %) ne dis
posent pas d’un
accès à internet. Un quart d’entre eux sont
titulaires du seul livret A et se trouvent
dans l’incapacité de disposer d’un
compte bancaire, même au moyen de la procédure de droit au
compte
10
.
La Banque Postale et la direction générale du Trésor ont défini
deux critères alternatifs, fondés sur les usages du livret A, pour mieux
cibler le périmètre de cette clientèle en difficulté :
-
environ 1 million de clients ont un usage intensif de leur livret A avec
un nombre important d’opérations au guichet
(consultation de
solde, édition de RIB, remise de chèque, retrait et versement,
virement) ;
-
environ 200 000 clients réalisent plus de 36 retraits par an sur leur
livret A, au distributeur automatique ou au guichet, sans répondre
au critère ci-dessus.
10
Il s’agit par exemple des bénéficiaires de l’allocation pour demandeur d’asile,
dont le nombre a dépassé le seuil des 150 000 en avril 2019. Aux premiers stades
de la procédure d’accueil, les demandeurs d’asile ne disposent que de
récépissés attestant de leurs démarches dans le cadre du droit d’asile, insuffisants
pour faire une demande au titre du droit au compte.
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COUR DES COMPTES
16
La Banque Postale a développé pour eux un ensemble de
services d’accueil et d’accompagnement comprenant une large
gamme de services (traduction, conseil budgétaire, conventions avec
des associations, plan d’inclusion par le numérique etc.). En plus du
travail effectué quotidiennement par les guichetiers et les chargés de
clientèle, 1 929 bureaux de poste désignés comme « bureaux à priorité
sociétale » et situés notamment dans les quartiers prioritaires de la
politique de la ville ont vu leurs effectifs renforcés. 300 « bureaux de
poste référents » sont également concernés par des mesures spécifiques
d’accueil, au travers notamment du déploiement de 300
médiateurs
sociaux et interprètes.
Cette politique volontaire a très probablement contribué à la
baisse significative, de plus de 10 % par an depuis 2017, des sollicitations
aux guichets de la part de ces clients, baisse comparable à celle
concernant la clientèle classique, pourtant plus à l’aise avec les outils
numériques. Le nombre de clients en difficulté et ayant un recours
intensif au livret A est également en diminution.
2 -
Un décalage persistant entre le montant initial
et le montant final de la compensation
L’utilisation
atypique
du
livret
A
par
certains
clients
et
l’accompagnement humain dont ils bénéficient dans le
cadre de la
mission d’accessibilité bancaire représentent un coût pour La Banque
Postale. Celle-ci perçoit donc, au titre de ses obligations spécifiques, une
compensation financière versée par l’État
, définie sur des périodes de
six ans et notifiée pour approbation à la Commission européenne en
tant qu’aide d’État. Le montant retenu est inférieur au coût de la mission
estimé par La Banque Postale et est systématiquement revu à la hausse
en cours d’exercice.
Initialement estimé à 1,18
Md€, le montant de la
compensation effectivement versée pour la période 2015-2020 a ainsi
été de 1,93
Md€.
Le montant de la compensation tel qu’actuellement défini par la
direction générale du Trésor pour la période 2021-2026 paraît présenter
les mêmes risques de sous-estimation. Le rapport public thématique de
la Cour de décembre 2016 portant sur La Poste
11
faisait déjà le constat
que
« la variabilité et la faible visibilité
[des compensations des missions
de service public
de La Poste, dont la mission d’accessibilité bancaire]
constituent un handicap, de même que les incertitudes portant sur leurs
conditions d’exercice futures
»
.
11
Cour des comptes,
La Poste, une transformation à accélérer
, rapport public
thématique, La Documentation française, décembre 2016.
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QUES EN FAVEUR DE L’
INCLUSION BANCAIRE
ET DE LA PRÉVENTION DU SURENDETTEMENT : DES OUTILS ADAPTÉS,
UNE MISE EN ŒUVRE À
CONFORTER
17
C -
La nécessité d’un renforcement des dispositifs
d’accompagnement
Ces solutions d’accès à des services bancaires ont été conçues
pour être transitoires et leur efficacité à moyen et long termes nécessite
un accompagnement de leurs bénéficiaires. Certains établissements de
crédit, dont La Banque Postale pour la mission d’accessibilité bancaire,
ont mis en place des dispositifs spécifiques dédiés. Ces initiatives
ponctuelles doivent être renforcées et généralisées.
1 -
U
ne stratégie nationale d’é
ducation économique,
budgétaire et financière désormais pilotée
par la Banque de France
En 2016, à la suite d’une enquête
12
qui pointait les lacunes de la
population frança
ise en matière d’éducation financière et de maîtrise
des notions financières de base, le Gouvernement a élaboré une
stratégie nationale d’éducation économique, budgétaire et financière
fédérant l’ensemble des acteurs concernés sous le pilotage de la
Banque de France.
Cinq piliers ont été définis pour cibler les jeunes, former les
intervenants
sociaux,
soutenir
les
compétences
budgétaires
et
financières tout au long de la vie, donner à tous les publics les clés de
compréhension des débats économiques et enfin accompagner les
entrepreneurs dans leurs compétences économiques et financières.
Politique de long terme, la stratégie nationale d’éducation
économique, budgétaire et financière monte progressivement en charge.
La consultation des ressources en ligne est en augmentation
13
, tout comme
le nombre d’intervenants sociaux et de bénévoles d’associations formés.
12
Institut français d’opinion publique (Ifop),
Éducation financière : connaissances
et pratiques des Français
, sonda
ge pour le ministère de l’économie et des
finances, septembre 2016.
13
La fréquentation du site www.mesquestionsdargent.fr de la Banque de France
est ainsi passée de 492 000 pages vues en mai 2019 à 881 000 en mai 2020.
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18
2 -
Un dispositif de « points conseil budget » prometteur
mais qui doit achever son déploiement
Le réseau des points conseil budget (PCB) vise à garantir sur tout
le territoire national un accueil et un conseil budgétaire adaptés pour
toute personne qui en exprimerait le besoin. Il ne
s’agit
pas de nouvelles
structures mais plutôt de la labellisation des divers acteurs qui animent
déjà le co
nseil et l’accompagnement budgétaire
s sur un territoire.
Le déploiement du réseau est en phase d’achèvement
14
. Si les
premiers retours concernant la plus-value des PCB vis-à-vis des publics
ciblés sont encourageants, la formation de leurs intervenants est encore
insuffisante, tout comme leur pilotage et leur visibilité sur le territoire.
À ce titre, il est impératif que les PCB nouent des partenariats hors des
relais habituels des structures sociales pour remplir leur mission.
Les conséquences économiques de la crise sanitaire rendent plus
urgent encore le développement d’un écosystème associant les
pouvoirs publics, les banques et les divers acteurs sociaux afin de
prévenir la dégradation de situations financières. C’est pourquoi la Cour
recommande d’encour
ager le développement des partenariats entre
structures d’accompagnement (associations
, PCB
, centres d’action
sociale
…) et banques et d’
obliger ces dernières à informer leurs clients
de la possibilité de bénéficier d’un accompagnement.
II -
Une protection des clients en situation
de fragilité financière en progrès,
mais qui montre ses limites
Depuis 2013, le code monétaire et financier reconnaît la qualité
de client en situation de fragilité financière, fondée sur des critères dont
la définition et l’application
sont en partie laissées à l’appréciation des
banques. Ces clients bénéficient depuis 2019 du plafonnement des frais
engendrés par certains incidents de paiement et irrégularités de
fonctionnement. Ils peuvent, de plus, souscrire une offre bancaire
spécifique dont le contenu et le tarif sont réglementés.
14
La LFI pour 2021 prévoit le déploiement de 500 PCB.
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INCLUSION BANCAIRE
ET DE LA PRÉVENTION DU SURENDETTEMENT : DES OUTILS ADAPTÉS,
UNE MISE EN ŒUVRE À
CONFORTER
19
A -
Un processus de détection de la fragilité
financière fondé sur des critères
et des modalités hétérogènes
La détection des clients en situation de fragilité financière repose
sur trois catégories de critères
15
:
-
des critères réglementaires, pour protéger les personnes dont la
situation est déjà dégradée
: l’inscription pendant trois mois
consécutifs au fichier central des chèques
16
ou une procédure de
surendettement en cours de traitement ;
-
des critères modulables, que les banques sont libres de définir à
partir des revenus, ainsi que
de l’existence et de la répétition
d’incidents
sur le compte ;
-
des critères supplémentaires, laissés
à l’initiative des établissements
,
sur l
a base d’éléments
de nature à occasionner des incidents de
paiement, notamment les dépenses portées au débit du compte.
Les critères laissés à la libre appréciation des établissements de
crédit sont devenus de plus en plus importants dans le processus et
représentaient en 2019 plus de 80 % des détections de clients en
situation de fragilité.
La Cour a effectué en novembre 2020 un relevé des seuils
appliqués. Le résultat illustre leur grande hétérogénéité.
15
Article R. 312-4-3 du code monétaire et financier.
16
Ce fichier liste les personnes qui n’
ont plus le d
roit d’émettre des chèques ou
d’
utiliser
une carte bancaire en raison d’
un usage abusif.
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COUR DES COMPTES
20
Tableau n° 1 :
critères modulables utilisés par 15 banques
dans la détection de la fragilité financière (au 9 novembre 2020)
Banque
Conditions cumulable
de revenu et d’incidents
Condition de revenu
pour les clients ayant
connu au moins
5 incidents au cours
d’un même mois
A, B et
C
Pendant 3 mois consécutifs : 15 incidents ET revenu moyen
< SMIC net
Revenu < SMIC net
D
Revenu < seuil de pauvreté
Revenu < SMIC brut
E et F
Non communiqué
Non communiqué
G et H
Frais d’incident > 25
€/mois pendant 2
mois consécutifs
ET revenu < 1 500
€
Revenu < 1 500
€
I
Pendant 3 mois consécutifs : 9 incidents ET revenu moyen
< 1 535
€
Revenu < 1 535
€
J, K et L
Pendant 3 mois consécutifs
: frais d’incident >
120
€/mois
ET revenu < 2,65 RSA
Non mis à jour*
M
Pendant 3 mois consécutifs : 15 incidents ET revenu < 1 000
€
Non mis à jour*
N
Pendant 3 mois consécutifs : 3 incidents /mois ET revenu
moyen < 1 500
€ ET patrimoine <
10
k€ ET revenus <
22
k€/an
Non mis à jour*
O
Pendant 3 mois consécutifs :
frais d’incident >
40
€/mois
en moyenne ET revenu < 1 500
€
Revenu < 1 500
€
* A
u 9 novembre 2020, ces banques n’avaient pas mis à jour leur page indiquant les critères de
détection pour tenir compte des dispositions du décret n° 2020-889 du 20 juillet 2020.
Sources : sites internet des banques au 9 novembre 2020, traitement Cour des comptes
Des clients dont la situation est identique sont donc considérés
comme en situation de fragilité financière par certaines banques et pas
par d’autres, ce qui a des conséquences sur le plafonnement de leurs
frais d’incident et la possibilité de souscrire l’offre spécifique. La
publication depuis mi-
2020 des critères laissés à l’appréciation des
banques dans la détection des situations de fragilité financière devrait
conduire à un rapprochement des situations. La qualification de fragilité
financière accordée depuis novembre 2020
17
pour au moins trois mois
aux clients connaissant au moins cinq incidents au cours d’un même
17
Décret n° 2020-889 du 20 juillet 2020 modifiant les conditions d
’
appréciation par
les établissements de crédit de la situation de fragilité financière de leurs clients
titulaires de compte.
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QUES EN FAVEUR DE L’
INCLUSION BANCAIRE
ET DE LA PRÉVENTION DU SURENDETTEMENT : DES OUTILS ADAPTÉS,
UNE MISE EN ŒUVRE À
CONFORTER
21
mois et dont le revenu est inférieur à un montant fixé par leur banque est
également de nature à garantir un accès plus égal à l’offr
e spécifique
pour les clients fragiles qui le souhaitent. Les pouvoirs publics devront
néanmoins rester attentifs aux suites données aux travaux de l’OIB visant
à faire converger les critères utilisés par les banques.
B -
Un plafonnement des frais qui doit être
complété par une meilleure prévention
des incidents
Certains frais prélevés à l’occasion d’un incident de paiement ou
de fonctionnement du compte sont plafonnés par la loi pour l’ensemble
des clients particuliers. Il s’agit
:
-
des
commissions
d’intervention
(8
€/opération
et
80
€/mois
;
4
€/opération et 20
€/mois dans le cadre de l’offre
spécifique pour
les clients en situation de fragilité financière) ;
-
du rejet d’un chèque pour défaut de provision (30
€/chèque si le
montant est inférieur ou égal à 50
€ et 50
€ au
-delà) ;
-
du rejet d’un prélèvement ou d’un virement (20
€/opération).
Les personnes ayant souscrit l’offre spécifique pour les clients en
situation de fragilité financière (voir
infra
) bénéficient, de plus, d’un
plafond global de 20
€ par mois et 200
€ par an portant sur une liste
correspondant aux neuf principaux frais d’incident et d’irrégularité.
Enfin, sous la pression du Gouvernement, les banques ont mis en
place depuis 2019 un plafonnement portant sur la même liste de neufs
frais mais étendu aux clients en situation de fragilité financière qui n’ont
pas souscrit l’offre spécifique, pour lesquels le montant cumulé des frais
d’incident prélevés ne peut pas excéder 25
€ par mois (schéma n°
1).
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COUR DES COMPTES
22
Schéma n° 1 :
plafonds des frais pouvant être facturés aux clients
particuliers suivant leur qualification
Source : Cour des comptes, d’après le
s données Banque de France, le bon
usage professionnel FBF du 21 décembre 2018 et le code monétaire et
financier
En 2019, ces plafonnements ont bénéficié à 1,4 million de clients
en situation de fragilité financière : plus de 160 000 titulaires de
l’offre
spécifique et environ 1,2 million non titulaires.
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QUES EN FAVEUR DE L’
INCLUSION BANCAIRE
ET DE LA PRÉVENTION DU SURENDETTEMENT : DES OUTILS ADAPTÉS,
UNE MISE EN ŒUVRE À
CONFORTER
23
Les frais bancaires, un maquis en voie de prolifération
Tous les frais facturés par les banques doivent pouvoir être
rattachés à l’un des 48
intitulés indiqués par le code monétaire et
financier
18
.
Cela comprend les commissions d’intervention, qui
recouvrent toutes les sommes perçues par les banques à l’occasion
d’une opération nécessitant un traitement particulier, et les frais liés
à
une
irrégularité
de
fonctionnement
(par
exemple
des
coordonnées bancaires incorrectes) ou à un incident de paiement
(par exemple une provision insuffisante). Pour autant, les banques
peuvent utiliser des intitulés variables dans leurs documents tarifaires.
En 2011, le comité consultatif du secteur financier
19
recensait ainsi
372 intitulés différents dans les grilles tarifaires appliquées aux
particuliers. Il en comptait 597 en 2019.
Cette prolifération des frais et intitulés permet aux banques de
distinguer et de facturer les différentes étapes d’une même
procédure. La catégorie «
frais de lettre d’information pour compte
débiteur non autorisé
» prévue par le code monétaire et financier
donne ainsi lieu à au moins 16 désignations différentes dans les grilles
tarifaires des établissements
: lettre d’information pour compte
débiteur non autorisé de plus de 30 jours, accusé de réception,
première lettre, etc.
La nature de ces frais d’incident et d’irrégularité est
ambivalente : ils rémunèrent des prestations effectuées par les
établissements de crédit mais sont décorrélés de leur coût réel et
peuvent aussi être considérés comme la sanction du non-respect
par le client de ses engagements contractuels, comme un élément
de pédagogie visant à faire changer le comportement du client ou
encore comme un moyen pour les banques de compenser la baisse
de la tarification d’autres prestations.
L’opacité qui entoure les frais occasionnés par les
incidents de
paiement et irrégularités de fonctionnement et l’absence d’information
des pouvoirs publics à la fois sur leur montant global et sur leur détail par
catégorie de clients et de frais, sont un obstacle à une appréhension
correcte de difficultés qui concernent chaque année un quart des
clients particuliers et plus de deux millions de clients en situation de
fragilité financière. C’est pourquoi il convient de poursuivre, en
18
Article D. 312-1-1 du code monétaire et financier.
19
Le Comité consultatif du secteur financier est une instance consultative créée
en 2003, chargée
d’étudier
et de faire des propositions concernant les questions
liées
aux
relations
entre
les
établissements
financiers
et
leurs
clients
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COUR DES COMPTES
24
particulier dans le cadre de l’Observatoire de l’inclusion bancaire (OIB),
les travaux d’é
valuation et de suivi
des frais d’incidents de paiement,
des
frais
d’irrégularités
de
fonctionnement
et
des
commissions
d’intervention payés par les particuliers.
L’efficacité
du
mécanisme
de
plafonnement
se
heurte
à
l’autonomie laissée aux
établissements de crédit dans la définition des
critères de sélection de ses bénéficiaires, évoquée précédemment.
L’exemple des plafonds préexistants montre par ailleurs que la fixation d’un
montant maximal n’incite pas les banques à adopter une politique
tarifaire
plus favorable à leurs clients mais plutôt à s’aligner sur le plafond légal.
1,4 million de clients en situation de fragilité financière ont bénéficié
du plafonnement de leurs frais d’incident en 2019, ce qui tendrait à montrer
que le dispositif remplit son rôle protecteur. La Cour relève toutefois que 64 %
des clients ayant souscrit l’offre spécifique ont rencontré au moins un
incident dans l’année et ont donc été facturés de frais, ce qui illustre les
limites des dispositifs actuels dans la prévention des incidents.
Plusieurs pistes de travail sont envisageables pour améliorer
l’information des clients tout en minimisant le coût des incidents pour les
établissements de crédit, qu’il s’agisse
par exemple d’une extension
aux
prélèvements et virements
de l’information préalable
à leur rejet pour
défaut de provision,
de l’information par
courriel ou SMS, de la possibilité
donnée aux clients de choisir la date de certains prélèvements.
Partant du constat que le meilleur moyen de limiter les frais
d’inc
ident est de prévenir les incidents eux-mêmes, la Cour invite la
direction générale du Trésor et la Banque de France à poursuivre leurs
travaux visant à renforcer la prévention des incidents de paiement.
C -
Une offre spécifique encore méconnue
des clients en situation de fragilité financière
Depuis 2013, les clients en situation de fragilité financière peuvent
souscrire une offre spécifique comprenant des services bancaires
relativement limités
20
mais dont le tarif ne peut pas dépasser 3
€ par
mois. Comme indi
qué précédemment, en cas d’incident, le montant
cumulé des frais correspondant aux principaux incidents et irrégularités
est alors plafonné à 20
€ par mois et 200
€ par an.
20
L
’offre spécifique comprend
notamment deux chèques de banque par mois
mais pas de chéquier, une carte de paiement à autorisation systématique. Le
nombre de virements est limité à quatre par mois dont un virement permanent et
les dépôts et retraits d’espèces ne peuvent être effectués que dans
l’établissement teneur du compte.
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QUES EN FAVEUR DE L’
INCLUSION BANCAIRE
ET DE LA PRÉVENTION DU SURENDETTEMENT : DES OUTILS ADAPTÉS,
UNE MISE EN ŒUVRE À
CONFORTER
25
En 2018, le Gouvernement a demandé aux banques d’en
accroître la diffusion : le nombre de nouvelles souscriptions a doublé, de
110 331 en 2018 à 209 585 en 2019.
Malgré cette forte progression, seuls 15 % des clients éligibles à
l’offre spécifique en bénéficient effectivement fin 2019 (graphique n°
2).
Graphique n° 2 :
clients en situation de fragilité financière
et titulaires de l’offre spécifique et taux de couverture
Source : Banque de France
Les obstacles à une meilleure diffusion de cette offre identifiés par
la Cour dans son rapport de 2017 persistent
: méconnaissance de l’offre
spécifique à la fois par les réseaux bancaires et par les acteurs associatifs
susceptibles d’orienter
les bénéficiaires, implication variable des
banques
dans la proposition d’une offre peu re
ntable, accueil réservé
de clients qui la perçoivent comme une offre dégradée comprenant
des services limités, voire la sanction de précédents incidents de
paiement.
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COUR DES COMPTES
26
III -
La prévention du surendettement face
au défi des nouveaux modes
de consommation
A -
Un recours mieux encadré au crédit
à la consommation
Dans les années qui ont suivi la crise financière de 2008, la France
a adopté une législation visant à encadrer plus strictement la distribution
du crédit, et en particulier du crédit à la consommation
21
. À cette
occasion, la responsabilité des banques et les obligations leur
incombant dans la distribution du crédit à la consommation ont été
renforcées afin de réduire le risque de souscription du « crédit de trop »
faisant basculer dans le surendettement : obligation de proposer le
paiement au comptant, de proposer un crédit amortissable pour tout
crédit supérieur à 1 000
€, vérification de la solvabilité de l’emprunteur,
consultation du fichier des incidents de remboursement des crédits aux
particuliers, etc.
Le résultat de cet encadrement a été un fort recul du crédit à la
consommation dans les situations de surendettement : alors que 87 %
des dossiers déposés en 2011 comptaient au moins un crédit à la
consommation, cette proportion a régulièrement baissé pour atteindre
75 % en 2019 (graphique n° 3). De même, près de la moitié (49 %) des
dossiers comportaient au moins quatre crédits en 2011 contre moins
d’un tiers (32
%) en 2019 et la proportion des dossiers comprenant au
moins six crédits a été plus que réduite de moitié (12 % en 2019 contre
27 % en 2011).
21
Un crédit à la consommation est un crédit d’un montant compris entre 200 et
75 000
€, qui n’est pas destiné à financer l’acquisition d’un b
ien immobilier et
d’une durée minimale de trois
mois. Le crédit à la consommation est régi par les
articles L. 311-1 et suivants du code de la consommation.
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QUES EN FAVEUR DE L’
INCLUSION BANCAIRE
ET DE LA PRÉVENTION DU SURENDETTEMENT : DES OUTILS ADAPTÉS,
UNE MISE EN ŒUVRE À
CONFORTER
27
Graphique n° 3 :
répartition des dossiers de surendettement
en fonction du nombre de crédits à la consommation
Source : Banque de France
Lecture : en 2011, 62 % des dossiers de surendettement comportaient au moins 3
crédits à la consommation.
Comme l’illustre une étude de la Banque de France consacrée
aux parcours menant au surendettement
22
, la dégradation de la
situation financière d’une personne résulte le plus souvent de facteurs
endogènes (choix budgétaires et de gestion) mai
s aussi d’une
succession de chocs exogènes (trois en moyenne) comme une
séparation, une perte d’emploi, une maladie, etc.
Les personnes dont la situation était déjà relativement précaire ou
fragile sont les plus susceptibles de basculer dans le surendettement à la
suite d’un de ces «
accidents de la vie »
23
: 53 % des personnes
surendettées sont séparées, célibataires ou veuves et 21 % des ménages
surendettés sont des familles monoparentales. Percevant des revenus
généralement inférieurs à ceux des hommes et quatre fois plus souvent
chef de famille monoparentale, les femmes sont surreprésentées (55 %
dans la tranche d’âge des 25
-54 ans, la plus touchée).
22
Banque de France,
Étude des parcours menant au surendettement
, décembre
2014.
23
Les données qui suivent sont issues de l’étude de la Banque de France
Le
surendettement des ménages, enquête typologique 2019
, janvier 2020.
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COUR DES COMPTES
28
À cette fragilité sociale s’ajoute souvent une précarité financière
:
25 % des personnes surendettées sont au chômage et 55 % vivent en
dessous du seuil de pauvreté monétaire
24
, contre 14,1 % de la
population française. De ce fait, plus de la moitié des ménages
surendettés n’a qu’une faible capacité de remboursement.
Les conséquences économiques de la crise sanitaire de 2020
pourraient provoquer une augmentation sensible des dépôts de dossiers
de surendettement, comme cela avait été le cas durant les années qui
avaient suivi la crise financière de 2008 : le nombre de dossiers de
surendettement déposés était passé de 188 485 en 2008 à 232 493 en
2011, soit une progression de 23 %. Cette situation appelle à une
vigilance particulière des acteurs en charge de la prévention du
surendettement.
B -
Des modes de financement alternatifs
au crédit
: l’exemple de la location
longue durée
Le développement d’une économie de l’usage plus que de la
propriété s’est accompagné de l’expansion de nouvelles formes de
financements comme la location avec option d’achat (LOA) et la
location longue durée (LLD). La location longue durée n’e
ntrant pas
dans le champ de compétence des autorités de supervision des
établissements bancaires et financiers, les seules statistiques disponibles
concernent le crédit-bail aux particuliers, qui recouvre essentiellement
la location avec option d’achat. Elles témoignent de l’évolution des
modes de financement de la consommation et du très rapide
développement du crédit-
bail aux particuliers, dont l’encours a
progressé de 253 % en six ans, passant de 5,7 à 17,6
Md€ entre mars 2014
et mars 2020
25
.
Alors que la
location avec option d’achat est assimilée à un crédit
à la consommation
26
, la location longue durée échappe à cette
réglementation car elle n’a pas pour finalité l’acquisition du bien
financé. L’examen par la Cour de contrats de LLD proposés par des
enseignes de la grande distribution montre cependant leur proximité
avec le crédit à la consommation, notamment en ce qui concerne les
engagements pris par les clients et leurs incidences économiques, alors
même que les informations et protections réglementaires sont celles
d’une location classique et donc beaucoup plus limitées.
24
Le seuil de pauvreté monétaire est fixé à 60 % du niveau de vie médian
(1041
€/mois en 2017 –
Insee,
Tableaux de l’économie française 2020
).
25
26
Article L. 311-2 du code de la consommation.
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QUES EN FAVEUR DE L’
INCLUSION BANCAIRE
ET DE LA PRÉVENTION DU SURENDETTEMENT : DES OUTILS ADAPTÉS,
UNE MISE EN ŒUVRE À
CONFORTER
29
Cet écart dans l’encadrement de dispositifs relativement proches
dans leur finalité pose d’autant plus problème que la diffusion de ces
offres, présentées comme des alternatives au paiement comptant, se
développe pour le financement de produits courants comme la
téléphonie mobile, l’électro
-ménager et les équipements multimédia.
D’une part, tandis que la loi permet à tout emprunteur de
procéder au remboursement anticipé d’un crédit à la
consommation,
le plus souvent sans indemnité
27
, la résiliation anticipée d’un contrat de
location longue durée (qui porte généralement sur 24 à 48 mois selon le
type de produits) n’est pas encadrée. Les conditions générales de
quatre enseignes de la grande distribution pratiquant la location longue
durée, consultées par la Cour en juillet 2020, prévoient certes la
possibilité de résiliation anticipée mais celle-ci est assortie du paiement
de l’intégralité des mensualités dues jusqu’au terme du contrat initia
l.
Les exemptions sont peu nombreuses et ne couvrent généralement pas
les principaux accidents de la vie (perte d’emploi, maladie, invalidité…).
D’autre part, les obligations portant sur le distributeur d’un crédit
à la consommation en matière de vérification de la solvabilité de
l’emprunteur n’ont pas d’équivalent pour la location longue durée alors
même que, comme indiqué ci-dessus, le client devient redevable dès la
signature du contrat de l’ensemble des mensualités prévues, même s’il
souhaite restituer
le bien loué avant l’échéance du contrat.
De plus, les informations fournies au client sont notablement plus
limitées lors de la signature d’un contrat de location longue durée. En
particulier, il ne dispose pas systématiquement des informations
permettant
d’arbitrer entre l’acquisition et la location longue durée et
n’est pas informé durant l’exécution du contrat des loyers déjà versés et
de ceux restant dus.
Enfin, en cas de défaillance du client, les frais qui peuvent lui être
facturés sont librement fixés par contrat et comprennent généralement
des frais forfaitaires variables pour rejet de prélèvement et des intérêts
de retard calculés pour certains à un taux proche du taux d’usure.
La location longue durée peut être présentée comme une
alternative écon
omique à l’acquisition. Même si elle est généralement
assortie de services comme des garanties ou un service après-vente
particulier, la comparaison entre le montant des loyers cumulés et le
coût d’acquisition du produit apporte un éclairage intéressant su
r le
coût total à la charge du client, sachant que le bien reste la propriété
du loueur à l’issue du contrat (tableau n° 2).
27
Au terme de l’article L.
312-34 du code de la consommation, aucune indemnité
n’est due notamment pour le remboursement d’un
crédit renouvelable et pour
un remboursement inférieur à 10 000
€ d’un crédit amortissable.
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COUR DES COMPTES
30
Tableau n° 2 :
coûts comparés de la location longue durée
et de l’acquisition de quatre produits constatés sur les sites
de quatre enseignes
Téléviseur
PC
portable
Réfrigérateur
Téléviseur
Loyer mensuel
16,25
€
37,01
€
20,49
€
8,38
€
Total des loyers
cumulés
390
€
1481
€
1034
€
432
€
Coût du produit
à l’achat
294
€
1300
€
749
€
283
€
Différence
entre les loyers
cumulés et le
coût d’achat
33 %
14 %
38 %
53 %
Durée
de la location
24 mois
36 mois
48 mois
48 mois
Durée d’usage
du type de
produits
28
96 mois
72 mois
120 mois
96 mois
Source : sites internet des distributeurs en juillet 2020, Ademe. Traitement Cour des
comptes.
Attractive par la faiblesse des loyers proposés, accessible à tous
les clients sans vérification de leur solvabilité, la location longue durée
peut être un engagement très contraignant sur plusieurs années, pour
un intérêt économique discutable et avec une information préalable
insuffisante.
Dans la mesure où la diffusion rapide de la location longue durée
pour
des
biens
d’équipement
courant
peut
conduire
à
des
conséquences
financières
similaires
à
celles
du
crédit
à
la
consommation, la Cour recommande de faire évoluer le cadre juridique
pour assurer une meilleure protection des clients. Cela contribuerait à
réduire le risque de contournement de la législation sur le crédit à la
consommation et à prévenir le surendettement.
28
Ademe,
Évaluation économique de l’allongement de la durée d’usage de
produits de consommation et biens d’équipement
, décembre 2019.
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QUES EN FAVEUR DE L’
INCLUSION BANCAIRE
ET DE LA PRÉVENTION DU SURENDETTEMENT : DES OUTILS ADAPTÉS,
UNE MISE EN ŒUVRE À
CONFORTER
31
CONCLUSION ET RECOMMANDATIONS ________________________
Les personnes rencontrant des difficultés économiques, sociales
ou culturelles ou en situation de fragilité financière peuvent bénéficier
de dispositifs destinés à garantir leur inclusion bancaire. En 2017, à
l’occasion
d’un
premier
contrôle,
la
Cour
avait
notamment
recommandé de renforcer les actions de sensibilisation des acteurs de
la sphère sociale sur la procédure de droit au compte et de mieux
évaluer les besoins des utilisateurs du livret A de La Banque Postale.
Depuis, des progrès significatifs ont été réalisés. En 2019, environ
34 000
personnes ont ainsi obtenu l’ouverture d’un compte dans le
cadre de la procédure du droit au compte et 1,2 million de clients de
La Banque Postale
ont tiré parti des conditions d’utilisation de leur livret
A
en alternative à un compte courant. Sur les 3,4 millions de clients en
situation de fragilité financière, qui bénéficient depuis 2019 du
plafonnement de certains frais d’incident, plus de 512
000 ont souscrit
l’offre spécifique
pour les clients en situation de fragilité financière.
Encore perfectibles, ces dispositifs offrent à chacun la possibilité
d’accéder à un compte et à des services bancaires minimaux. Ils sont
complétés par des efforts de plus long terme en faveur de l’éducation
économique, budgétaire et financière, du renforcement des actions
d’accompagnement des personnes en difficulté
et de la prévention du
surendettement.
L’efficacité de cette dernière repose notamment sur
l’encadrement des modes de financement de la consommation.
Ces dispositifs sont susceptibles d’ê
tre très fortement sollicités dans
les mois à venir du fait des répercussions économiques et sociales de la
crise sanitaire qui a débuté au printemps 2020. La Cour formule donc
cinq recommandations de nature à renforcer leur mise en œuvre
:
1.
dématérialiser,
d’ici à la fin 2022, l’ensemble de la procédure de
droit au compte, afin d’en améliorer les délais et le suivi, en
conservant
la
possibilité
d’une
procédure
papier
pour
les
demandeurs qui le souhaitent (ministère de l’économie, Banque de
France) (recommandation réitérée) ;
2.
a
méliorer l’efficacité du droit au compte, en encadrant la
procédure dans des délais et en élargissant son accès à des publics
aujourd’hui exclus (ministère de l’économie)
;
3.
encourager le développement de partenariats entre les structures
d’accompagnement (
points conseil budget, associations, centres
d’action sociale…) et
les banques et obliger ces dernières à
informer
leurs
clients
de
la
possibilité
de
bénéficier
d’un
accompagnement
(ministère de l’économie)
;
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COUR DES COMPTES
32
4.
évaluer et suivre le mon
tant des frais d’incident de paiement, des
frais
d’irrégularité
de
fonctionnement
et
des
commissions
d’intervention payés par les particuliers
(ministère de l’économie,
Banque de France) ;
5.
renforcer le cadre juridique applicable à la location longue durée
afin de mieux informer le consommateur et prévenir les situations de
surendettement (ministère de l
’économie)
.
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Réponses
Réponse du ministre de l’économie, des
finances
et de la relance
...........................................................................................
35
Réponse du gouverneur de la Banque de France
..............................
40
Réponse du président-directeur général du groupe
La Poste et du président du directoire de la Banque Postale
............
41
Réponse du président de fédération bancaire française
..................
43
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RÉPONSE DU MINISTRE
DE L’ÉCONOMIE, DES F
INANCES
ET DE LA RELANCE
Vous m’avez adressé le chapitre intitulé « Les politiques publiques
en
faveur
de
l’inclusion
bancaire
et
de
la
prévention
du
surendettement
: des outils adaptés, une mise en œuvre à conforter »,
destiné à figurer dans le rapport public annuel 2021 de la Cour des
comptes. Je vous en remercie, et souhaite vous faire part de plusieurs
observations sur celui-ci.
À titre liminaire, je me félicite du bilan positif que la Cour établit
au sujet des différents dispositifs qui ont été mis en place ces dernières
anné
es
afin
de
renforcer
l’inclusion
bancaire
et
prévenir
le
surendettement des particuliers. Ces objectifs sont au cœur de l’action
publique et des objectifs du Gouvernement. Les efforts engagés ont été
amplifiés ces derniers mois afin de garantir dans le contexte de crise
sanitaire actuel la protection des plus fragiles de nos concitoyens. Je
regrette néanmoins qu’à différents points du rapport, certaines des
formulations utilisées telles que « des dispositifs d’accès bancaires à
mieux piloter » ou « une procédure de droit au compte moins utilisée et
confrontée à d’importantes limites » ne soient pas en adéquation avec
l’appréciation très nuancée mais globalement positive formulée par la
Cour sur ce bilan, au t
erme de son travail d’analyse.
Au-delà de cette c
onsidération d’ordre général, les constats ou
recommandations émis dans ce rapport appellent de ma part les
remarques suivantes.
S’agissant du droit au compte
Je partage le constat établi par la Cour selon lequel, malgré la
baisse des recours à la procédure de droit au compte observée depuis
2015, le dispositif conserve une pertinence et une utilité réelles. Toutefois,
je ne souscris pas à l’avis de la Cour selon lequel la procédure de droit
au compte serait confrontée à « d’importantes limites ». En effe
t, la Cour
considère que la durée de la procédure - entre le dépôt de la demande
auprès de la Banque de France et l’ouverture effective d’un compte
par l’établissement de crédit désigné
-
qui n’est pourtant évaluée qu’à
deux semaines, inciterait les demandeurs à y renoncer au profit de
solutions privées alternatives, plus coûteuses. Je suis en désaccord avec
cette appréciation, dans la mesure où le droit au compte, qui a été mis
en place afin de pallier une défaillance de marché, ne me paraît pas
constituer une alternative à ces offres.
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COUR DES COMPTES
36
En revanche, je partage l’appréciation de la Cour selon laquelle
certains aspects de la procédure nécessitent d’être améliorés. Dans ce
cadre, la recommandation faite par la Cour de favoriser la
dématérialisation des échanges intervenant entre la Banque de France,
les établissements de crédit et les particuliers, me paraît pertinente. Je
tiens à signaler sur ce point qu’une partie de la procédure de droit au
compte est d’ores et déjà dématérialisée et que des travaux sont
engagés entre les différentes parties prenantes afin de dématérialiser
intégralement la procédure. Je prends note de l’horizon temporel
souhaité par la Cour des comptes pour cette réforme (fin 2022), mais
j’appelle à une certaine prudence sur les délais de mise en œuvre, qui
seront plus ou moins longs selon les modalités retenues pour la réforme.
Par ailleurs, je prends bonne note de vos recommandations visant
à davantage encadrer les délais de traitement des dossiers à chaque
étape de la procédure, et à appo
rter d’autres modifications au
dispositif, par exemple de l’adaptation du cadre juridique aux besoins
de certains publics, à l’instar des personnes victimes de violences
conjugales,
titulaires
d’un
compte
-joint.
Ces
propositions
font
actuellement l’objet d’une étude attentive par mes services.
Sur la mission d’accessibilité bancaire confiée à la Banque Postale
Tout d’abord, je me félicite du constat très positif de la Cour des
comptes, que je partage pleinement, sur l’utilité de cette mission de
service p
ublic, qui permet à des individus n’ayant pas accès aux
services financiers traditionnels de disposer d’une offre de bancarisation.
En revanche, contrairement au constat fait par la Cour, je n’identifie
aucun élément qui permette de conclure à une sous-évaluation
chronique du montant de la compensation allouée par l’État à la
Banque Postale, pour assurer la mise en œuvre de la mis
sion
d’accessibilité bancaire.
Historiquement, les évolutions de dotation s’expliquent par
l’apparition, en cours d’exécution, d’éléments objectifs nouveaux, par
nature indétectables lors de l’établissement des trajectoires initiales. La
réalité de ces éléments objectifs nouveaux, et donc la nécessité d’une
compensation complémentaire, a été contrôlée par la Commission
européenne
avant
tout
versement,
conformément
aux
règles
applicables en matière de concurrence et de compensation de
missions de service public confiées à des tiers.
Pour
l’avenir,
la
trajectoire
de
compensation
que
le
Gouvernement envisage pour la période 2021-2026 ne me semble pas
en l’état porter de risque particulier. Certes, il est exact que le montant
de compensation prévu, qui est actuellement en cours de discussion
avec la Commission européenne, ne compensera que partiellement la
Banque Postale. Il s’agit d’un
e condition de compatibilité avec les règles
du marché intérieur, retenue afin d’inciter le délégataire de la mission à
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LES POLITIQUES PUBLI
QUES EN FAVEUR DE L’
INCLUSION BANCAIRE
ET DE LA PRÉVENTION DU SURENDETTEMENT : DES OUTILS ADAPTÉS,
UNE MISE EN ŒUVRE À
CONFORTER
37
réaliser des économies de gestion, et donc in fine à minimiser le coût de
la mission pour les finances publiques. En outre, je relève que ces
montants ont fait l’objet d’une négociation avec le délégataire et ont
été agréés par lui. Enfin, je souligne que la trajectoire proposée s’inscrit
dans un cadre pluriannuel, et garantira par conséquent au délégataire
une visibilité sur son exécution durant une période quinquennale.
Ainsi, au total, je considère que le financement que l’État
envisage d’attribuer à la Banque Postale pour financer la mission sur la
période 2021 à 2026 sous réserve d’approbation de la Commission
européenne est cohérent avec les charges qui résultent pour La Banque
Postale de sa mission.
Sur le renforcement des dispositifs d’accompagnement
S’agissant des dispositifs d’accompagnement mis en place et
plus particulièrement de la stratégie nationale d’éducation financière,
je me félicite du constat positif dressé par la Cour, et notamment du fait
qu’elle considère que les Points Conseil Budget (PCB) constituent un
dispositif « prometteur », le schéma-cible de déploiement du dispositif
ayant été revu à la hausse dans le cadre de la loi de finances pour 2021
(500 PCB, contre 400 dans le scénario antérieur, devant être labellisés
d’ici 2022). Je tiens cependant à préciser, contrairement à ce que le
rapport laisse supposer, que cette stratégie est mise en œuvre par la
Banque de France mais que son pilotage est assuré par le ministère de
l’Économie, des Finances et de la Relance et le ministère
de la Santé et
des Solidarités.
En outre, je ne souscris pas à l’avis de la Cour selon lequel les
établissements bancaires devraient être « contraints », via une nouvelle
obli
gation législative, d’informer leurs clients en difficulté de la possibilité
de bénéficier du dispositif, une telle orientation allant de mon point de
vue à l’encontre de la stratégie partenariale autour de laquelle ont été
construits, de manière réussie, les PCB.
Sur la protection des clients en situation de fragilité financière
Concernant les clients en situation de fragilité financière, qui sont
ceux pouvant bénéficier de l’offre spécifique, et désormais des
plafonnements des frais d’incident bancaire,
la Cour souligne à juste
titre les efforts entrepris par le Gouvernement lors des deux dernières
années pour améliorer leur identification et renforcer la protection dont
ils bénéficient.
D’une part, le Gouvernement a fait introduire le principe d’un
plaf
onnement général des frais d’incident bancaire pour les clients en
situation de fragilité (25 euros par mois) et pour les clients bénéficiaires
de l’offre spécifique (20 euros par mois et 200 euros par an). Un tel
plafonnement est effectif depuis le début
de l’année 2019, à la suite des
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COUR DES COMPTES
38
engagements pris par les établissements bancaires. Il est désormais
intégré dans la charte de l’Association Française des Établissements de
Crédit
et
des
Entreprises
d’Investissement
(AFECEI),
qui
a
été
homologuée par un arrêté en date du 16 septembre 2020, ce qui lui
confère une valeur juridique réglementaire.
D’autre part, le Gouvernement a pris plusieurs mesures afin de
détecter plus rapidement les clients en situation de fragilité financière.
En particulier, à la suite des modifications apportées par le décret en
date du 20 juillet 2020, tout individu ayant connu au moins cinq incidents
ou irrégularités sur une période d’un mois et dont le revenu est inférieur
au seuil fixé par la banque sera désormais automatiquement identifié
comme en situation de fragilité. Ces différentes mesures ont
indéniablement contribué à renforcer l’efficacité de cette détection.
Ainsi, le nombre de clients identifiés comme fragiles était de 3,4 millions
fin 2019.
Dans son rapport, la Cour estime
que la réforme de l’identification
des clients en situation de fragilité financière aurait mérité d’être
complétée
par
une
plus
grande
harmonisation
des
critères
d’identification. Il est exact que, à l’occasion de cette modification du
cadre réglementaire
, il n’a pas été jugé pertinent d’harmoniser
réglementairement les critères de revenus sur lesquels se fondent les
établissements bancaires pour apprécier la situation de fragilité
financière de leurs clients. Le Gouvernement a fait le choix d’une
démarche partenariale avec les établissements bancaires, en leur
laissant une certaine flexibilité dans l’identification de leur clientèle en
situation de fragilité financière. En effet, les établissements bancaires
sont les mieux placés pour procéder à cette identification, et, compte
tenu du fait qu’ils ont des clientèles diverses, cette approche a semblé
plus pertinente qu’un seuil réglementaire, qui aurait pu entrainer des
effets d’éviction de certains publics actuellement couverts.
En contrepartie, le Gouvern
ement entend naturellement s’assurer
régulièrement que les établissements adoptent bien le comportement
qu’il est attendu d’eux dans le cadre de cette relation de confiance.
L’engagement pris par les établissements de crédit de rendre publics
leurs critères dans le cadre de la révision de la charte AFECEI,
homologuée par un arrêté en date du 16 septembre 2020, permettra de
procéder prochainement à un tel suivi et de tirer un premier bilan. Ceci
constituera une des priorités de travail de l’Observatoire de l’inclusion
bancaire (OIB) en 2021.
Au-
delà, la Cour recommande d’obliger les banques à effectuer
un
reporting
sur les frais d’incident facturés pour l’ensemble de la
population, et non uniquement la clientèle fragile. Pour la bonne
réalisation des mesures de plafonnement présentées précédemment, il
n’est nécessaire de disposer que d’un
reporting
pour les personnes
bénéficiant d’un plafonnement réglementaire, afin de s’assurer du
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QUES EN FAVEUR DE L’
INCLUSION BANCAIRE
ET DE LA PRÉVENTION DU SURENDETTEMENT : DES OUTILS ADAPTÉS,
UNE MISE EN ŒUVRE À
CONFORTER
39
respect par les établissements bancaires de leurs obligations. Sur ce
point, le Gouvernement a récemment procédé à une évolution des
modalités de collecte statistique de l’OIB, par arrêté en date du 7
septembre 2020, qui impose désormais une remontée statistique
trimestrielle des établissements concernant le fonctionnement des
comptes des clients en situation de fragilité financière. Cette évolution
permettra de suivre plus finement la situation de ces clientèles, et la
bonne mise en œuvre des mesures de plafonnement des frais. En
revanche, élargir le reporting à toute la population, qui serait une
charge lourde pour les banques et porterait une certaine atteinte au
secret commercial, serait disproportionné par rapport aux objectifs de
politique publique recherchés. Toutefois, il est souligné que les
discussions se poursuivront avec les banques pour évaluer de manière
régulière si les périmètres retenus pour les plafonnements n’induisent pas
d’effets de seuil néfastes qu’il conviendrait de corriger. À cet égard, des
travaux, associant la direction générale du Trésor, la Banque de France
et les établissements bancaires seront entrepris dans les prochains mois
afin d’évaluer les frais payés par les clients à la limite de la fragilité.
Sur la prévention du surendettement
Je souscris pleinement au constat de la Cour selon lequel les
réform
es entreprises ces dernières années, notamment l’encadrement
plus strict du régime juridique applicable en matière de crédit à la
consommation, ont contribué à diminuer le nombre de situations de
surendettement.
Par
ailleurs,
si
une
hausse
des
situations
de
surendettement n’est pas observable à ce stade (le nombre de
situations de surendettement soumises aux commissions sur les onze
premiers mois de 2020 a diminué de 26,4 % par rapport aux onze
premiers mois de 2019 selon la Banque de France), je rejoins la
préoccupation de la Cour selon laquelle le contexte actuel implique de
renforcer les efforts de prévention, notamment auprès des ménages les
plus fragiles.
Par ailleurs, je prends bonne note de la recommandation de la
Cour à propos du cadre juridique applicable en matière de location
longue durée (LLD). Compte tenu de la spécificité de la LLD, qui n’induit
pas de transfert de propriété in fine, ce dispositif n’est pas couvert par
les règles protectrices du consommateur en matière de crédit à la
consommation. Je souscris à la préoccupation de la Cour de renforcer
le cadre juridique applicable, pour le rapprocher des règles existantes
en matière de crédit à la consommation, notamment en matière
d’information précontractuelle du consommateur sur les risques
encourus. À cet effet, mes services initieront en 2021 des travaux afin
d’identifier les modalités possibles d’évolution du dispositif.
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COUR DES COMPTES
40
RÉPONSE DU GOUVERNEUR DE LA BANQUE DE FRANCE
Vous m'avez adressé le chapitre portant sur les politiques
publiques en faveur de l'inclusion bancaire et la prévention du
surendettement et destiné à figurer dans le rapport annuel de la Cour
des comptes. Je vous remercie pour le travail d'analyse réalisé sur ces
sujets en faveur desquels la Banque de France intervient avec une
grande détermination dans le cadre de ses missions. Ce chapitre
appelle de ma part les remarques suivantes.
La Cour estime que la diminution du nombre des demandes de
droit au compte observées depuis 2015 tiendrait principalement à des
difficultés liées à
la mise en œuvre de la procédure et notamment, le
fait qu'elle n'est pas dématérialisée. Cette explication paraît fragile et
partielle. Sur ce point, je porte de nouveau à votre connaissance que
depuis 2018, les personnes souhaitant bénéficier de la procédure de
droit au compte peuvent formuler cette demande par internet sur le site
de la Banque de France, ce qui constitue un progrès important que le
projet de chapitre ne mentionne pas.
Je partage toutefois la recommandation de la Cour de
dématérialiser l'ensemble de la procédure, tout en conservant une
procédure papier pour les demandeurs qui la souhaitent. Ainsi que je
vous l'avais indiqué, la Banque de France va, en liaison avec la Direction
générale du Trésor, se rapprocher de la profession bancaire pour étudier
les modalités d'une dématérialisation plus complète de la procédure. Je
rejoins également la Cour sur l'intérêt d'une optimisation de la partie de
la procédure qui suit la désignation d'un établissement de crédit par la
Banque de France, par exemple en prévoyant qu'au terme d'un délai à
définir, les établissements confirment auprès de la Banque de France la
suite donnée à leur désignation. Plus généralement et ainsi que je vous
en avais fait part, la Banque de France et la Direction générale du Trésor
travaillent depuis plusieurs mois à de possibles évolutions du dispositif de
droit au compte, afin d'améliorer ses conditions de mise en œuvre et
notamment pour en faciliter l'accès aux personnes victimes de violences
conjugales. Ainsi, les recommandations de la Cour appuient-elles
opportunément les réflexions déjà en cours.
S'agissant de la protection des clients en situation de fragilité
financière, je suis en désaccord avec le diagnostic de la Cour selon
lequel la caractéristique principale du dispositif existant serait qu'il
montrerait ses limites. En premier lieu, cela ne rend pas justice aux
progrès importants et continus enregistrés depuis 2016 sous l'égide de
l'Observatoire de l'inclusion bancaire (OIB) et des pouvoirs publics. Ainsi
à fin 2019, 3,4 millions de nos concitoyens étaient identifiés par les
banques comme étant en situation de fragilité financière et étaient
couverts à ce titre par le dispositif de plafonnement des frais d'incidents.
Parmi eux, 512.000 avaient souscrit l'offre spécifique, soit une hausse de
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QUES EN FAVEUR DE L’
INCLUSION BANCAIRE
ET DE LA PRÉVENTION DU SURENDETTEMENT : DES OUTILS ADAPTÉS,
UNE MISE EN ŒUVRE À
CONFORTER
41
46 % en deux ans, ce qui est considérable et devrait à mon sens être
davantage souligné dans le rapport. Les frais bancaires payés par les
clients fragiles ont reculé de 16 % en 2019.
L'OIB, dont l'animation est confiée à la Banque de France et que
je préside, est très vigilant sur ces sujets et veille tout particulièrement à
la mise en œuvre des mesures prévues par la réglementation comme à
celle des engagements pris par la profession bancaire. J'ai ainsi adressé
en
octobre
2019
quatre
recommandations
aux
établissements
bancaires afin qu'ils harmonisent davantage leurs pratiques et
améliorent la détection des situations de fragilité financière. Ces
recommandations, ainsi que l'obligation faite aux banques de publier
les critères qu'elles retiennent pour l'identification des clients en situation
de fragilité financière, le récent décret entré en vigueur le 1" novembre
dernier, et enfin le suivi statistique désormais trimestriel des données des
banques par l'OIB, forment un ensemble cohérent. Celui-ci doit
permettre de favoriser encore davantage la convergence des
pratiques et une mise en œuvre élargie des dispositifs.
Concernant le projet de recommandation numéro 4, le
renforcement des outils à disposition de l'OIB, décrit ci-dessus, va
concourir à un meilleur pilotage des dispositifs de plafonnement des frais
d'incident et d'irrégularité des personnes en situation de fragilité
financière. Ceci me paraît être la priorité à ce stade.
Enfin, je note avec satisfaction que la Cour relève la montée en
charge des dispositifs d'éducation économique, budgétaire et
financière que la Banque de France, opérateur de la stratégie nationale
mise en place par les Pouvoirs publics, développe et promeut dans une
logique partenariale. Les actions d'information et de sensibilisation
auprès des intervenants sociaux, incluant les points conseil budget, si
elles ont subi un fort ralentissement en raison du contexte sanitaire, se
poursuivent cependant sous le format de webinaires et le réseau de la
Banque de France se tient prêt à cet égard à soutenir le déploiement
de la deuxième vague de points conseil budget, début 2021.
RÉPONSE DU PRÉSIDENT-DIRECTEUR GÉNÉRAL DU GROUPE LA POSTE
ET DU PRÉSIDENT DU DIRECTOIRE DE LA BANQUE POSTALE
Nous vous remercions de nous avoir transmis un chapitre de votre
rapport public annuel de 2021 sur « Les politiques publiques en faveur de
l’inclusion bancaire et de la prévention du surendettement
: des outils
adaptés, une mise en œuvre à conforter
», qui fait suite au rapport de
juin 2017 sur le même thème.
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COUR DES COMPTES
42
Nous avons pris connaissance de ce document avec beaucoup
d’intérêt.
Le chapitre analyse en particulier, parmi les dispositifs d’accès aux
services bancaires, le rôle singulier et irremplaçable de la mission
d’accessibilité bancaire.
Ce rôle est lié aux caractéristiques essentielles de cette mission
que
votre
relevé
d’observations
provisoires
avait
précisément
détaillées : le livret
A et l’écosystème d’accueil et d’accompagnement
mis en place par La Banque Postale et La Poste garantissent un accès
universel et non discriminant à des services bancaires totalement
gratuits, simples et indispensables, et qui permettent ainsi de répondre
aux besoins d’une population en difficulté sociale autant, sinon plus, que
financière.
Ce point, que votre juridiction a mis en valeur, nous paraît tout à
fait essentiel pour caractériser l’importance de cette mission.
Nous partageons l’essentiel des observations de votre chapitre.
En particulier, la mission d’accessibilité bancaire, telle qu’elle est
exercée par La Banque Postale et La Poste, assure effectivement
l’inclusion bancaire d’un nombre significatif de nos concitoyens. Elle est
complémentaire des offres destinées aux clients fragiles et du droit au
compte, ces deux dispositifs répondant à des besoins distincts, et
constitue d’évidence,
pour nombre de nos concitoyens, une première
marche nécessaire vers la bancarisation. À ce titre, la domiciliation des
prestations sociales est un élément essentiel du rôle du Livret A.
Simultanément, l’universalité du livret
A d’accessibilité bancaire,
qui notamment ne conditionne pas son accès à la non-détention de
comptes bancaires, participe de l’objectif d’amélioration de la
bancarisation porté par les politiques d’inclusion bancaire.
Comme votre juridiction le relève, plusieurs études quantitatives
et
qualitatives ont été menées par La Banque Postale et l’État pour faire
suite aux observations de votre rapport de juin 2017. Elles ont permis de
mieux qualifier la mission d’accessibilité bancaire, et en particulier
d’approfondir la connaissance des besoi
ns et des usages des
bénéficiaires de la mission d’accessibilité bancaire.
Grâce notamment à ces études et à l’amélioration de son
système d’information, La
Banque Postale détermine désormais plus
précisément la clientèle concernée par la mission d’accessi
bilité
bancaire, soit 1,5 million de bénéficiaires en 2018, non plus en fonction
de la rentabilité des livrets A détenus par les clients mais à partir des
usages réels qu’ils en font. Comme l’a constaté votre enquête, le fait de
réaliser des opérations ban
caires à partir d’un livret A au guichet (quel
que soit le nombre de ces opérations) est en soi un signe de besoins et
de difficultés spécifiques, distincts de ceux de la majorité de la
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QUES EN FAVEUR DE L’
INCLUSION BANCAIRE
ET DE LA PRÉVENTION DU SURENDETTEMENT : DES OUTILS ADAPTÉS,
UNE MISE EN ŒUVRE À
CONFORTER
43
population bancarisée. Cette approche permet en conséquence de
mesurer plus précisément le coût net de la mission grâce à une méthode
contrefactuelle améliorée. Pour l’établissement de ce coût net, le
nombre de 1,2 million de bénéficiaires est désormais retenu selon des
critères plus restrictifs pour conférer à cette évaluation une robustesse
incontestable.
Votre enquête constate également les écarts, sur la période de
2015 à 2020, entre les montants prévisionnels et effectivement versés des
contributions publiques annuelles reçues par La Banque Postale. Nous
partageons
la
pr
éoccupation
exprimée
par
la
Cour
d’une
compensation adéquate des coûts que La Banque Postale supporte au
titre de la mission d’accessibilité bancaire, de sorte en particulier à
garantir aux bénéficiaires un service adapté et de qualité. À ce titre, une
compensation à la hauteur du coût net évité apparaît comme la
meilleure façon de stabiliser l’ensemble du dispositif et des montants de
compensation.
Pour autant, il nous paraît aussi justifié que la trajectoire de
compensation
puisse
être
réexaminée
quand
des
facteurs
économiques et sociaux exogènes et imprévisibles viennent modifier de
façon significative les coûts de la mission, comme cela a été le cas pour
les années 2019 et 2020. L’établissement d’une projection fine du coût
net et de la compensation est assurément nécessaire dans le cadre de
la notification préalable de la mission mais ne doit pas empêcher de
saisir la Commission européenne de tout événement justifiant de
modifier les hypothèses qui lui ont été initialement présentées.
RÉPONSE DU PRÉSIDENT DE FÉDÉRATION
BANCAIRE FRANÇAISE
Vous publierez dans le prochain rapport annuel de la Cour des
Comptes un chapitre issu de l’analyse que vous avez conduite sur les
suites données à votre rapport de 2017 relatif aux politiques publiques
en
faveur
de
l’i
nclusion
bancaire
et
de
la
prévention
du
surendettement.
Je vous remercie de nous avoir transmis le chapitre, et
conformément aux articles L. 143-8 et R. 143-13 du code des juridictions
financières, de nous proposer d’y ajouter la réponse de la profession
bancaire qui sera publiée avec celles du ministre de l’économie, des
finances et de la relance et du gouverneur de la Banque de France.
Bien entendu, la réponse de la Fédération bancaire française ne porte
pas sur la partie relative spécifiquement à l’un
de ses adhérents, La
Banque Postale.
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COUR DES COMPTES
44
Les thématiques de l’inclusion bancaire et de la prévention du
surendettement sont l’objet d’une attention continue et d’une
mobilisation forte et soutenue des banques françaises et ce sont des
acteurs toujours attentif
s et engagés qui dialoguent avec l’ensemble
des acteurs et institutions, y compris la Cour des comptes, dans un
objectif commun d’efficacité. Les mesures prises par la profession
bancaire et par les pouvoirs publics depuis 2017 ont encore renforcé les
réponses apportées. Je voudrais ci-après les commenter et vous redire
nos convictions.
La France est l’un des pays les mieux bancarisés en Europe
:
99,25 % de la population vs 95,3 % en moyenne en zone euro
; c’est en
soi une preuve que le dispositif en France est particulièrement inclusif.
Par essence, le modèle bancaire français s’est développé sur un
principe d’inclusion, qui fait pleinement partie de ses valeurs
: avec des
organisations commerciales répondant au modèle de banque
relationnelle,
fondées
sur
la
proximité
et
l’accompagnement
personnalisé, qui sont au cœur de notre action, à rebours d’une
standardisation qui exclurait les cas « hors normes » ; avec des
réglementations qui ont cherché à résoudre collectivement des
situations exceptionnelles, comme le dispositif du droit au compte ou la
définition
de
«
l’offre
spécifique
»
de
services
bancaires.
Les
établissements ont ainsi développé des réponses très complètes aux
besoins de toute la population, et proposent des offres et services y
répondant, avec pragmatisme, tout en visant leur pérennité ce qui
suppose un modèle économique soutenable.
Á
la lumière de cette réaffirmation liminaire, j’aborderai les
recommandations que vous présentez dans le rapport annuel ; je
commenterai le contenu de votre texte, tout en notant dès à présent
que les intertitres résumés apparaissent en décalage négatif avec les
éléments davantage développés et nuancés dans le corps du rapport.
Les établissements bancaires, comme les pouvoirs publics,
partagent l’objectif d’efficac
ité de la procédure de droit au compte.
Ce sujet doit être appréhendé dans sa globalité. Vous notez très
justement les diligences que doivent effectuer les banques en
application de la réglementation relative à la lutte contre le
blanchiment et le financement du terrorisme, diligences dans lesquelles
elles engagent leur responsabilité pénale. Ainsi, si les justificatifs
nécessaires ne sont pas fournis, ou si la volumétrie ou la nature des flux
annoncés à l’encaissement sont atypiques, l’établissement désign
é
n’est pas en mesure de remplir ses obligations en matière de vigilance
renforcée et ne peut ouvrir le compte DAC.
Nous pouvons par ailleurs rejoindre la première recommandation
visant à dématérialiser les échanges entre la Banque de France et les
établissements ; sur ce sujet comme sur toutes les mesures proposées
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QUES EN FAVEUR DE L’
INCLUSION BANCAIRE
ET DE LA PRÉVENTION DU SURENDETTEMENT : DES OUTILS ADAPTÉS,
UNE MISE EN ŒUVRE À
CONFORTER
45
concernant les DAC, la profession souhaite des solutions tenant compte
du nombre de cas réels concernés (en moyenne, un conseiller bancaire
traite un DAC tous les 6 ans) ; la mise en place de processus automatisés
ne constitue pas toujours la solution la plus efficiente, en particulier
lorsqu’il s’agit de résoudre des problématiques individuelles spécifiques.
En particulier, la profession bancaire est très sensible à la situation
des personnes victimes de violences familiales, et, par exemple, peut
faire des signalements au procureur (violences conjugales, abus de
faiblesse…). Dans la mesure où les schémas et les circonstances sont
variés, nous sommes convaincus que l’encadrement par un texte ser
ait
moins utile qu’une organisation entre institutions pour les traiter avec
efficacité. Il revient à chacun de nos établissements de répondre
efficacement aux situations particulières.
Enfin, soyez assuré que le dispositif de droit au compte est très suivi
par les établissements et qu’il fait l’objet de nombreux contrôles.
À cet
égard, afin de clarifier la procédure, la profession renouvelle sa
demande relative à l’accès de la Banque de France à FICOBA afin
qu’elle vérifie l’inexistence d’un autre compte a
vant de désigner un
établissement pour le DAC. Ce serait une simplification utile.
Vous abordez ensuite les thématiques relatives aux clients en
situation de difficulté financière.
Je voudrais à cet égard rappeler les avancées majeures que la
profession a déployées pour les publics en situation de fragilité en moins
de deux ans.
En septembre et décembre 2018, elle s’est engagée à
plafonner les frais d’incidents des 512 000 détenteurs de l’offre
spécifique et des 3,4 millions de personnes identifiées comme fragiles
financièrement.
Puis,
l’arrêté
du
16
septembre
2020,
portant
homologation de la charte d’inclusion bancaire et de prévention du
surendettement (AFECEI) adoptée dès le mois de juillet, a inscrit ces
engagements dans la réglementation, rappelant les neufs frais
plafonnés et réaffirmant l’engagement d’intégrer tout nouveau frais
d’incident dans ce plafonnement. Dans ce même arrêté sont précisés
les montants de plafonnement applicables, respectivement 20
€/mois
et 200
€/an pour les détenteurs de l’off
re spécifique, et 25
€/mois pour
les personnes identifiées comme fragiles financièrement.
La détection précoce mobilise également l’action des banques :
ainsi, aux termes du décret du 20 juillet 2020 modifiant les conditions
d’appréciation par les établis
sements de crédit de la situation de
fragilité financière, les banques ont mis en place depuis novembre
dernier une détection plus rapide de la fragilité financière : dès 5
incidents de paiement sur 1 mois, le client bénéficie d’un plafonnement
de frais pendant 3 mois. Et par ce même décret, les banques
maintiennent le plafonnement de frais d’incidents de leurs clients fragiles
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COUR DES COMPTES
46
au titre du surendettement pendant toute la durée de cette situation
(matérialisée par la durée d’inscription au Fichier des incide
nts de
remboursement des crédits aux particuliers (FICP)).
Enfin, concernant les critères de chaque établissement, ils sont
publics depuis le 30 juin 2020 et consultables sur leurs sites internet.
En
conséquence
la
profession
bancaire
s’étonne
de
la
recommandation 4.
S’agissant de la prévention de la situation de fragilité financière
et de l’accumulation de frais d’incidents, la profession rejoint l’avis de la
Cour selon lequel le meilleur moyen de
limiter les frais d’incidents est de
prévenir les incidents eux-
mêmes. L’accompagnement des personnes
en difficulté est effectivement central et les établissements bancaires
pensent comme la Cour qu’il est important d’informer les clients de la
possibilit
é de bénéficier d’un accompagnement. Toutefois, pour être
efficiente,
la
mobilisation
des
banques
doit
nécessairement
s’accompagner de l’implication responsable de tous les autres acteurs
(créanciers publics ou privés, acteurs de l’accompagnement, pouvoirs
et organismes publics…) comme des ménages eux
-mêmes. Telle serait
l’approche utile, au contraire d’un ajout proposé de contraintes sur les
frais d’incidents de tous les clients, qui ne favorise pas la prévention.
La profession bancaire souhaite également requalifier les termes
par lesquels la Cour des Comptes affiche les frais bancaires (« maquis en
voie de prolifération »). La profession tient à souligner, comme
l’Observatoire des tarifs bancaires (OTB) l’explique dans son dernier
rapport, que ces nouvea
ux frais ne constituent pas des frais d’incidents,
mais correspondent bien à de nouveaux services proposés aux clients
(par exemple, le paiement instantané), et sont le reflet du degré
d’adaptation et d’innovation de notre industrie.
La profession rappelle également que les banques, comme
toutes entreprises, définissent, dans le respect de la règlementation, leurs
politiques commerciales et tarifaires. Il ne serait pas cohérent avec
l’objectif d’inclusion de remettre en question le modèle économique de
la banque de détail, qui doit couvrir le coût des services apportés,
notamment le maintien d’une approche personnalisée de la relation et
d’agences de proximité utiles notamment aux publics fragiles.
J’espère avoir témoigné par ces éléments de la forte mobili
sation
de notre profession et de son sens des responsabilités envers tous ses
clients, qu’ils aient des difficultés ou pas, en prenant notre place dans
une chaîne où interviennent les acteurs sociaux, les associations, les
institutions publiques, les créan
ciers (bailleurs…) mais aussi les ménages
eux-mêmes.
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