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Audience publique du 23 mars 2022
Communauté de communes Vallées et Plateau
d’Ardenne
Jugement n° 2022-0008
N° de poste comptable : 008040
Prononcé du 13 avril 2022
Centre des finances publiques de
Rocroi-Maubert
Exercice 2019
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
La chambre régionale des comptes Grand Est,
VU
le réquisitoire n° 2021-0029 en date du 17 juin 2021 du procureur financier près la
chambre régionale des comptes Grand Est notifié respectivement le 5 juillet 2021 à M. X,
comptable, et le 29 juin 2021 à M. Y, président de la communauté de communes Vallées et
P
lateau d’Ardenne (CCVPA)
;
VU
le code des juridictions financières ;
VU
le code général des collectivités territoriales ;
VU
l’article 60 de la loi de finances n°
63-156 du 23 février 1963 modifiée ;
VU
le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 modifié relatif à la gestion budgétaire et
comptable publique, notamment ses articles 19 et 20 ;
VU
le décret n° 2012-1386 du 10 décembre 2012 portant application du deuxième alinéa
du VI de l’article 60 de la loi de finances de 1963
modifié, dans sa rédaction issue de
l’article 90 de la loi n° 2011
-1978 du 28 décembre 2011 de finances rectificative pour
2011 ;
VU
les observations de M. X, en date du 28 octobre 2021, enregistrées au greffe de la
chambre le lendemain, et du 16 mars 2022 enregistrées au greffe le même jour ;
VU
les observations de M. Y, en date du 24 septembre 2021 et enregistrées au greffe le
27 septembre suivant ;
VU
le rapport n° 2022-0041 du 4 mars 2022 de Mme Axelle TOUPET, première conseillère,
magistrate rapporteure chargée
de l’instruction
;
VU
les lettres du 9 mars
2022 informant les parties de la clôture de l’instruction
;
J 2022-0008 Communauté de communes
Vallées et Plateau d’Ardenne
2.
VU
les lettres du 8 mars
2022, adressées au comptable et à l’ordonnateur, les informant
de l’inscription de l’affaire à l’audience publique
, dont ils ont respectivement accusé réception
les 11 et 10 mars 2022 ;
VU
les conclusions n° 2022-0041 du procureur financier du 14 mars 2022 ;
VU
les autres pièces du dossier ;
Entendu, lors
de l’audience publique du
23 mars 2022, Mme Axelle TOUPET, en son rapport,
puis M. Benoît BOUTIN, procureur financier, en ses conclusions, MM. X et Y, dûment informés
de la tenue de l’audience, n’étaient ni présents, ni représentés
;
Après avoir entendu, en délibéré, Mme Nolwenn PETON, première conseillère, réviseure, en
ses observations et avoir délibéré, hors la présence de la rapporteure et du procureur
financier ;
Considérant ce qui suit :
Sur l
’
unique
charge portant sur le paiement d’un
e dépense
d’
un montant total de
58
930,24 €
payée au
cours de l’exercice
2019 sur un chapitre erroné.
Sur le manquement présumé du comptable
1.
Par le réquisitoire du 17 juin 2021 susvisé, le procureur financier près la chambre
régionale des comptes Grand Est a relevé que M. X, comptable de la CCPVA, a pris en charge
au cours de l’exercice 2019
trois mandats de paiements de cotisations à des syndicats pour
un montant total de 58 930,24
€
. Le ministère public a relevé que la dépense a été payée au
chapitre « 011 charges à caractère général
» alors qu’elle
relevait du chapitre « 65 autres
charges de gestion courante », lequel ne comportait plus que 4 550,71
€ de crédits disponibles
en fin
d’année. Le procureur estime qu’en ne contrôlant pas la qualité de l’imputation des
dépenses, le comptable a manqué à une de ses obligations et n’a pu s’assurer de la c
orrecte
justification des dépenses ni de la disponibilité des crédits.
Il a considéré que le comptable
avait ainsi manqué aux obligations de contrôle prévues aux articles 19 et 20 du décret
du 7 novembre 2012
d’une part
et qu’il aurait dû suspendre les paiements conformément à
l’article 38 du même décret
d’autre part
. En conséquence, le procureur en a déduit que la
responsabilité personnelle et pécuniaire de M. X
était susceptible d’être engagée sur le
fondement du I de
l’article 60 de la loi du 23 février 1963
à hauteur de 58
930,24 € au cours
de l’exercice 2019
.
2.
En vertu de l’article 60 de la loi de finances du 23
février 1963, la responsabilité
personnelle et pécuniaire des comptables publics se trouve engagée dès lors notamment
qu’une dépense a été irrégulièrement payée. Selon le VI de cet article 60, le comptable public
dont la responsabilité pécuniaire est ainsi engagée ou mise en jeu a l’obligation de verser
immédiatement de ses deniers personnels une somme égale à
la dépense payée à tort. S’il
n’a pas versé cette somme, il peut être, selon le VII de cet article 60, mis en débet par le juge
des comptes. Les contrôles mis à la charge des comptables publics en matière de dépenses
sont fixés par les articles 19 et 20 du décret du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire
et comptable publique.
Le 2° de l’article 19 de ce décret prévoit que le comptable public est
tenu d’exercer le contrôle
: «
b) de l'exacte imputation des dépenses au regard des règles
relatives à la spécialité des crédits ; c) de la disponibilité des crédits »
.
Le 3° de l’article 20 d
u
même décret, dans sa version applicable depuis le 1
er
octobre 2018, prévoit que le comptable
public, au titre de son contrôle sur la validité de la dette, contrôle la production des pièces
justificatives.
Enfin l’article 38 de ce même décret dispose que
: «
lorsqu'à l'occasion de
J 2022-0008 Communauté de communes
Vallées et Plateau d’Ardenne
3.
l'exercice des contrôles prévus au 2° de l'article 19 le comptable public a constaté des
irrégularités ou des inexactitudes dans les certifications de l'ordonnateur, il suspend le
paiement et en informe l'ordonnateur. Ce dernier a alors la faculté d'opérer une régularisation
ou de requérir par écrit le comptable public de payer
».
3.
En premier lieu, le comptable soutient que les mandats litigieux
n’ont pas été payés à
des associations mais à des syndicats et reconnait avoir
commis une erreur d’imputation.
4.
En second lieu, l
’ordonnateur fait valoir qu’il aurait été possible de corriger cette
mauvaise imputation.
5.
En l’espèce,
M. X a réglé, par trois mandats émis entre le 25 avril 2019 et
le 7 novembre 2019, des cotisations versées par la CCPVA
à l’établissement public
d’aménagement Meuse et Affluent,
au syndicat mixte de gestion du parc naturel des Ardennes
et au syndicat mixte du schéma de cohérence territoriale Nord Ardennes pour un montant total
de 58 930, 24
€
. Ces dépenses ont été payées au chapitre « 011 Charges à caractère
général » qui inclut notamment le compte 628 « divers » enregistrant les cotisations à des
associations. Cependant, les contributions au fonctionnement courant d’organisme
s, rendues
obligatoires par la loi, relèvent du compte 655 « contingents et participations obligatoires »
inscrit au chapitre 65 « autres charges de gestion courante ».
6.
Par ailleurs, il
résulte de l’instruction
que si des crédits étaient ouverts pour un montant
suffisant au chapitre 011 « charges à caractère général » pour permettre le règlement de la
dépens
e, compte tenu de l’erreur d’imputation
aver
ée, ils ne l’étaient pas au chapitre
65
« autres charges de gestion courante ».
7.
Il résulte de tout ce qui précède qu’
en ne contrôlant pas la qualité
de l’imputation des
dépenses, M. X a manqué à son obligation
de contrôle et n’a pas
été en mesure de
s’assurer
de la correcte imputation des dépenses
d’une part et de la disponibilité des crédits d’autre part.
Sur la force majeure
8.
Aux termes du V de l’article 60 de la loi de finances n° 63
-156 du 23 février 1963
modifiée, «
lorsque
[…] le juge des comptes constate l'existence de circonstances constitutives
de la force majeure, il ne met pas en jeu la responsabilité personnelle et pécuniaire du
comptable public
». La force majeure est constituée par un événement imprévisible, irrésistible
et extérieur.
9.
Aucune circonstance présentant un caractère de force majeure ne ressort des pièces
du dossier. En conséquence, la responsabilité personnelle et pécuniaire de M. X est engagée
sur le fondement des dispositions précitées du I de l’article 60 de la loi du 23 février 1963
modifiée
Sur l’existence d’un préjudice financier
10.
Aux termes du VI de l’article 60 de la loi n° 63
-156 du 23 février 1963 modifiée, «
[…]
lorsque le manquement du comptable aux obligations mentionnées au I a causé un préjudice
financier à l'organisme public concerné […], le comptable a l'obligation de ver
ser
immédiatement de ses deniers personnels la somme correspondante
».
11.
Pour déterminer si le paiement irrégulier d'une dépense par un comptable public a
causé un préjudice financier à l'organisme public concerné, il appartient au juge des comptes
de vérifier, au vu des éléments qui lui sont soumis à la date à laquelle il statue, si la correcte
exécution, par le comptable, des contrôles lui incombant aurait permis d'éviter que soit payée
une dépense qui n'était pas effectivement due. Lorsque le manquement du comptable porte
J 2022-0008 Communauté de communes
Vallées et Plateau d’Ardenne
4.
sur l'exactitude de la liquidation de la dépense et qu'il en est résulté un trop-payé, ou conduit
à payer une dépense en l'absence de tout ordre de payer ou une dette prescrite ou non échue,
ou à priver le paiement d'effet libératoire, il doit être regardé comme ayant par lui-même, sauf
circonstances particulières, causé un préjudice financier à l'organisme public concerné. A
l'inverse, lorsque le manquement du comptable aux obligations qui lui incombent au titre du
paiement d'une dépense porte sur le respect de l'exacte imputation budgétaire de la dépense
lorsque celle-ci devait, en l'état des textes applicables, être contrôlée par le comptable, il doit
être regardé comme n'ayant pas par lui-même, sauf circonstances particulières, causé de
préjudice financier à l'organisme public concerné. Le manquement du comptable aux autres
obligations lui incombant, telles que le contrôle de la qualité de l'ordonnateur ou de son
délégué, de la disponibilité des crédits, de la production des pièces justificatives requises ou
de la certification du service fait, doit être regardé comme n'ayant, en principe, pas causé un
préjudice financier à l'organisme public concerné lorsqu'il ressort des pièces du dossier, y
compris d'éléments postérieurs aux manquements en cause, que la dépense repose sur les
fondements juridiques dont il appartenait au comptable de vérifier l'existence au regard de la
nomenclature, que l'ordonnateur a voulu l'exposer, et, le cas échéant, que le service a été fait.
12.
En premier lieu, le comptable de la communauté de communes Vallées et Plateau
d’Ardenne
soutient que le manquement n’a pas causé de préjudice financier à la communauté
de communes Vallées et Plateau d’Ardenne dès lors que les dépenses étaient fondées et que
la liquidation du
service rendu incombait à l’ordonnateur.
13.
En second lieu, l
’ordonnateur soutient que la communauté de communes n’a pas subi
de préjudice financier.
14.
En l’espèce,
le manquement commis par M. X
portant sur l’imputation budgétaire des
dépenses ne saurait être regardé comme ayant porté préjudice à la communauté de
communes. En outre, il est constant que les contributions en litiges versées à trois syndicats
doivent être regardées comme des dépense
s obligatoires alors même qu’elles ont été mal
imputées. Ces dépenses sont juridiquement dues dès lors que la délibération du 25 mars 2019
ainsi que les pièces justificatives jointes aux mandats attestent de la volonté de l’organe
délibérant d’autoriser ce
s dépenses. En conséquence, le paiement irrégulier des trois
dépenses en cause
doit être regardé comme n’ayant pas causé de préjudice financier à la
communauté de communes.
Sur les conséquences de l’absence de préjudice financier
15.
Aux termes du VI de l’article 60 de la loi n° 63
-156 du 23 février 1963 modifiée, «
[…]
lorsque
le manquement du comptable aux obligations mentionnées au I n’a pas causé de
préjudice financier à l’organisme public concerné, le juge des comptes peut l’oblig
er à
s’acquitter d’une somme arrêtée, pour chaque exercice, en tenant compte des circonstances
de l’espèce. Le montant maximal de cette somme est fixé par décret en Conseil d’État en
fonction du niveau des garanties mentionnées au II
».
16.
Le montant du caut
ionnement du poste comptable pour l’exercice 20
19 est fixé à
155 000
€
. A
insi le montant maximum de la somme susceptible d’être mise à la charge de
M. X
s’élève à
232,50
€
.
17.
Le comptable fait valoir une situation de sous-effectif dans ce poste comptable. Il argue
par ailleurs qu’il a
été affecté en tant que comptable public à la trésorerie de Rocroi
le 1
er
avril 2019, après avoir exercé ses fonctions précédentes au sein de la filière fiscale de
la direction des finances publiques et
qu’il
a découvert un environnement professionnel
nouveau, ayant nécessité une période d’adaptation
. En outre, cette prise de poste a eu lieu
J 2022-0008 Communauté de communes
Vallées et Plateau d’Ardenne
5.
dans un contexte important de restructuration des services. En conséquence, et dans les
circonstances de l’espèce, il y a lieu d’arrêter
la somme à mettre à la charge de M. X à 150
€
.
PAR CES MOTIFS, DÉCIDE
Article 1
er
La responsabilité de M. X
est engagée au titre de l’exercice 201
9 à raison de
l’absence de contrôle de l’exacte imputation de dépenses pour un montant
total de 58 930,24
€ TTC.
Ce manquement n’ayant pas caus
é de préjudice financier à la communauté
de communes Vallées et Plateau d’Ardenne
, M. X
s’acquittera d’une somme
non rémissible de cent cinquante euros (150
€) au titre de l’exercice 2019.
Article 2
Il est sursis à statuer à la décharge de M. X pour sa gestion au titre de
l’exercice 201
9
jusqu’à apurement de la somme non rémissible prononcée
ci-dessus.
Article 3
Le présent jugement sera notifié à M. X, comptable, à M. Y, ordonnateur, ainsi
qu’au
ministère public près la chambre.
Fait et jugé à la chambre régionale des comptes Grand Est, hors la présence de la rapporteure
et du procureur financier, le vingt-trois mars 2022, par Mme Sophie Pistone, présidente de la
2
ème
section de la chambre régionale des comptes Grand Est, présidente de séance,
M. Mathieu Floquet et Mme Nolwenn PETON, premiers conseillers.
La greffière de séance,
Signé
Corinne GERTSCH
La présidente de séance,
Signé
Sophie PISTONE
La République Française mande et ordonne à tous huissiers de justice, sur ce requis, de
mettre ledit jugement à exécution, aux procureurs généraux et aux procureurs de la
République près les tribunaux judiciaires d'y tenir la main, à tous commandants et officiers de
la force publique de prêter main forte lorsqu'ils seront légalement requis.
En foi de quoi, le présent jugement a été signé par le président de la chambre régionale des
comptes Grand Est et par le secrétaire général.
Le secrétaire général,
Signé
Patrick GRATESAC
Le président de la chambre,
Signé
Dominique ROGUEZ
J 2022-0008 Communauté de communes
Vallées et Plateau d’Ardenne
6.
En application des articles R. 242-19 à R. 242-21 du code des juridictions financières, les
jugements prononcés par la chambre régionale des comptes peuvent être frappés d’appel
devant la Cour des comptes dans le délai de deux mois à compter de leur notification selon
les modalités prévues aux articles R. 242-22 à R. 242-24 du même code.
Collationné, certifié conforme à la minute déposée au greffe,
de la chambre régionale des comptes Grand Est, par moi
A Metz, le 13 avril 2022
Patrick GRATESAC, secrétaire général