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Audience publique du 29 mars 2022
Services et é
tablissements publics d’
inclusion et e
d’
accompagnement Argonne-Meuse (SEISAAM)
Jugement n° 2022-0012
N° de poste comptable :
055032931
jusqu’au 31/12/2018
055090931 au 1
er
janvier 2019
Prononcé du 26 avril 2022
Centre
des
finances
publiques
de
Clermont-en-
Argonne (jusqu’au 31/12/2018) et
Paierie départementale de la Meuse (à partir du
01/01/2019)
Exercice 2017
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
La chambre régionale des comptes Grand Est,
VU
le réquisitoire n° 2021-0026 du 8 juin 2021 du procureur financier près la chambre régionale
des comptes Grand Est, enregistré au greffe le 8 juin 2021 et notifié le 15 juin 2021 à Mme X,
comptable du SEISAAM, et à Mme Y, ordonnateur dudit SEISAAM, qui en ont accusé
réception, respectivement, le 16 juin 2021 ;
VU
le code des juridictions financières ;
VU
le code général des collectivités territoriales ;
VU
le code de la santé publique et notamment son article D. 6145-54-3 ;
VU
l’article 60 de la loi de finances n°
63-156 du 23 février 1963 modifiée ;
VU
le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 modifié relatif à la gestion budgétaire et
comptable publique, notamment ses articles 19 et 20 ;
VU
le décret n° 2012-1386 du 10 décembre 2012 portant application du deuxième alinéa du VI
de l’article 60 de la loi de finances de 1963
modifié, dans sa rédaction issue de l’article 90 de
la loi n° 2011-1978 du 28 décembre 2011 de finances rectificative pour 2011 ;
VU
l’arrêté du 15
novembre 2013 relatif à la délégation par la Cour des comptes aux chambres
régionales et territoriales des comptes de
l’examen des comptes et de la gestion des
établissements publics de santé, donnant délégation pour les exercices 2014 à 2018 inclus
aux chambres régionales et territoriales des comptes pour juger les comptes des
établissements publics de santé dont le siège est situé dans leur ressort territorial ;
VU
l’arrêté du 12
décembre 2017 relatif à la délégation par la Cour des comptes aux chambres
régionales et territoriales des comptes du jugement des comptes et du contrôle des comptes
et de la gestion de certaines catégories d'organismes publics, donnant délégation à compter
du 1
er
janvier 2018 et pour cinq ans aux chambres régionales et territoriales des comptes
pour juger les comptes des établissements publics de santé dont le siège est situé dans leur
ressort territorial ;
VU
les observations de Mme X du 3 août 2021, enregistrées au greffe de la chambre le 4 août
2021 ;
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VU
les observations de Mme Y du 6 août 2021, enregistrées au greffe de la chambre le
10 août 2021 ;
VU
le rapport n° 2022-0035 du 28 février 2022 de Mme Axelle TOUPET, première conseillère,
magistrate-rapporteure chargée
de l’instruction
;
VU
les lettres du 2 mars 2022
informant les parties de la clôture de l’instruction
;
VU
les lettres du 10 mars 2022, à la comptable et
à l’ordonnat
eur
, les informant de l’inscription
de l’affaire à l’audience publique
, dont ils ont accusé réception, respectivement les 15 et
11 mars 2022 ;
VU
les conclusions du procureur financier du 7 mars 2022, enregistrées au greffe le
10 mars 2022 ;
VU
les autres pièces du dossier ;
Entendu, lors de
l’audience publique du
29 mars 2022, Mme Axelle TOUPET, en son rapport, puis
M. Benoît BOUTIN, procureur financier, en ses conclusions, Mme X et Mme Y, dûment informées
de la tenue de l’audience, n’étaient ni
présentes, ni représentées ;
Après avoir entendu, en délibéré, Mme Sylvie MAKARENKO, première conseillère, réviseure, en
ses observations et avoir délibéré, hors la présence de la rapporteure et du procureur financier ;
Considérant ce qui suit :
Sur l’uniqu
e charge portant sur une dépense
payée en l’absence de crédits
disponibles
(paiement d’une annuité de dette à long terme)
d’un montant total de
69 124,42
au cours de l’exercice
2017,
Sur le manquement présumé du comptable
1. Par le réquisitoire du 8 juin 2021
susvisé, le ministère public a relevé qu’au cours de l’exercice
2017,
un remboursement d’emprunt d’un montant total de
69 124,42
(dont 60 144,76
€ de
remboursement de capital et de 8 979,66
€ d’intérêts)
, a été comptabilisé au compte 4728
« autres dépenses à régulariser
» dans l’attente de l’émission d’un mandat par l’ordonnateur.
Le
prélèvement consécutif à ce remboursement d’emprunt aurait dû faire l’objet d’une régularisation
par l’émission d’un mandat au compte
164 « Emprunts auprès des établissements de crédits » et
au
compte 661
«
charges
d’intérêts
».
Cette
régularisation
n’étant
pas
intervenue
au
31 décembre 2017 mais en 2018
, l’état de consommation des crédits de la section d’investissement
du SEISAAM fait alors apparaître un montant disponible au chapitre 16 de 38 477,34
€, crédits
insuffisants au remboursement de capital de 60 144,76
€. En conséquence, le comptable aurait ainsi
autorisé un décaissement d’un montant supérieur aux crédits disponibles à hauteur de 21
667,42
€.
2. Le
I de l’article
60 de la loi du 23 février 1963 susvisée dispose que «
les comptables sont
personnellement et pécuniairement responsables des contrôles qu’ils sont tenus d’assurer en
matière […] de dépenses dans les conditions prévues par le règlement génér
al sur la comptabilité
publique […]
». Cette responsabilité se trouve engagée «
dès lors […] qu’une dépense
a été
irrégulièrement payée
».
3.
En application de l’article
19 du décret du 7 novembre 2012 susvisé, «
Le comptable public est
tenu
d’exercer le contrôle
: […] 2°
S’agissant des ordres de payer
: […]
c) de la disponibilité des
crédits
dans les conditions prévues à l’article 20
».
4.
Aux termes de l’article D.
1617-19 du code général des collectivités territoriales : «
Avant de
procéder au paiement d’une dépense […], les comptables publics des collectivités territoriales […]
ne doivent exiger que les pièces justificatives prévues pour la dépense correspondante dans la liste
définie à l’annexe I du présent code
».
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5. Il résulte des dispositions précitées que, pour apprécier la validité des dettes, les comptables
doivent notamment exercer leur contrôle sur la production des justifications. À ce titre, il leur revient
d’apprécier si les pièces fournies présentent un cara
ctère suffisant pour justifier la dépense engagée.
P
our établir ce caractère suffisant, il leur appartient de vérifier, en premier lieu, si l’ensemble des
pièces requises au titre de la nomenclature comptable applicable leur ont été fournies et, en
deuxièm
e lieu, si ces pièces sont, d’une part, complètes et précises, d’autre part, cohérentes au
regard de la catégorie de la dépense définie dans la nomenclature applicable, de la nature et de
l’objet de la dépense telle qu’elle a été ordonnancée
. Enfin, lorsque les pièces justificatives fournies
sont insuffisantes pour établir la validité de la dette, il appartient aux comptables de suspendre le
paiement jusqu’à ce que l’ordonnateur leur ait produit les justifications néc
essaires.
6. Selon l
’instruction ministérielle
n° DGCS/5C/DGCL/DGFIP/2016/412 du 28 décembre 2016
susvisée, les comptes du SEISAAM sont soumis à l’instruction budgétaire et comptable M22 avec
présentation du budget en 2017 en crédits limitatifs. De plus,
l’arrêté du 16
février 2015 fixant les
dépenses des collectivités territoriales, de leurs établissements publics et des établissements
publics de santé pouvant être payées sans ordonnancement, sans ordonnancement préalable ou
avant service fait, précise en son article 5 que «
le comptable procède au paiement des dépenses
mentionnées à l'article 3 [sans ordonnancement préalable] après avoir opéré les contrôles prévus
aux articles 19 et 20 du décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 susvisé. Ce contrôle est réalisé
au vu des pièces justificatives mentionnées dans la liste prévue par l'article D. 1617-19 du code
général des collectivités territoriales
».
7. La
comptable comme l’ordonnateur reconnaissent
un manquement dans la mesure où le
paiement est intervenu alors que les crédits
qui auraient permis de régler l’échéance en capital
étaient insuffisants à hauteur de 21 667,42
€.
L
’ordonnateur
fait valoir
qu’une décision modificative
de 21 667,42
aurait dû être établie par le SEISAAM (alors dénommé centre social Argonne) sur
l’exerc
ice 2017
mais que l’échéance ayant été rejetée, l’ouverture de crédits n’apparaissait plus
nécessaire. La décision modificative prévue préalablement
n’a pas été finalement votée
. Enfin, une
régularisation est intervenue en 2018 pour solder le compte 4728 «
autres dépenses à régulariser
».
Ces éléments ne sont pas de nature à effacer le manquement dès lors que, en matière de dépenses,
le comptable doit toujours contrôler la disponibilité des crédits permettant de régler la somme.
8.
Il résulte de tout ce qui précède qu’en ouvrant sa caisse pour procéder à ce paiement en l’
absence
des crédits suffisants
à hauteur d’un montant total de
21 667,42
€ en 20
17, la comptable n
’a pas
effectué le contrôle de la disponibilité des crédits. Ce paiement à hauteur de 21 667,42
€ constitue
un manquement de nature à engager la responsabilité personnelle et pécuniaire de Mme X.
Sur la force majeure
9.
Aux termes du V de l’article
60 de la loi de finances n° 63-156 du 23 février 1963 modifiée,
«
Lorsque
[…] le juge des comptes constate l'existence de circonstances constitutives de la force
majeure, il ne met pas en jeu la responsabilité personnelle et pécuniaire du comptable public
». La
force majeure est constituée par un événement imprévisible, irrésistible et extérieur.
10. Aucune circonstance présentant un caractère de force majeure ne ressort des pièces du dossier.
11. En conséquence, la responsabilité personnelle et pécuniaire de Mme X est engagée sur le
fondement des dispositions précitées du I de
l’article
60 de la loi du 23 février 1963 modifiée.
Sur
l’
existence
d’un préjudice financier
12.
Aux termes du VI de l’article 60 de la loi n°
63-156 du 23 février 1963 modifiée, «
[…] Lorsque le
manquement du comptable aux obligations mentionnées au I a causé un préjudice financier à
l'organisme public concerné […], le comptable a l'obligation de verser immédiatement de ses deniers
personnels la somme correspondante
».
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13. Pour déterminer si le paiement irrégulier d'une dépense par un comptable public a causé un
préjudice financier à l'organisme public concerné, il appartient au juge des comptes de vérifier, au
vu des éléments qui lui sont soumis à la date à laquelle il statue, si la correcte exécution, par le
comptable, des contrôles lui incombant aurait permis d'éviter que soit payée une dépense qui n'était
pas effectivement due. Lorsque le manquement du comptable porte sur l'exactitude de la liquidation
de la dépense et qu'il en est résulté un trop-payé, ou conduit à payer une dépense en l'absence de
tout ordre de payer ou une dette prescrite ou non échue, ou à priver le paiement d'effet libératoire,
il doit être regardé comme ayant par lui-même, sauf circonstances particulières, causé un préjudice
financier à l'organisme public concerné. À l'inverse, lorsque le manquement du comptable aux
obligations qui lui incombent au titre du paiement d'une dépense porte seulement sur le respect de
la
règle formelle qu’es
t l'exacte imputation budgétaire de la dépense lorsque celle-ci devait, en l'état
des textes applicables, être contrôlée par le comptable, il doit être regardé comme n'ayant pas par
lui-même, sauf circonstances particulières, causé de préjudice financier à l'organisme public
concerné. Le manquement du comptable aux autres obligations lui incombant, et notamment celui
de la disponibilité des crédits, doit être regardé comme n'ayant, en principe, pas causé un préjudice
financier à l'organisme public concerné lorsqu'il ressort des pièces du dossier, y compris d'éléments
postérieurs aux manquements en cause, que la dépense repose sur les fondements juridiques dont
il appartenait au comptable de vérifier l'existence au regard de la nomenclature, que l'ordonnateur a
voulu l'exposer, et, le cas échéant, que le service a été fait.
14. La comptable du SEISAAM soutient que
le manquement considéré n’a pas causé de préjudice
financier à l’établissement et fait valoir que la dépense n’est pas dépourvue de fo
ndement juridique
dès lors qu’elle disposait du contrat de prêt du 1
er
décembre 2016,
qu’il s’agissait d’une
dépense
obligatoire
, puisqu’elle a pour objet de payer des échéances de prêts sans mandatement préalable.
15.
L’ordonnateur du SEISAAM fait valoir que la dépense était justifiée et n’a pas causé de préjudice
financier à l’établissement. L’ordonnateur
précise qu’une décision modificative d’ouverture de crédits
à hauteur de 21 667,42
€ aurait dû être établi
e
par le centre social de l’Argonne en 2017
(devenu SEISSAM depuis)
, mais qu’en raison du rejet du mandat de paiement, cette ouverture de
crédits
n’apparaissait plus nécessaire.
16.
La dépense liée au remboursement d’un emprunt constitue une dépense obligatoire, celle
-ci
représentant une dette exigible liée au contrat de prêt signé par le SEISAAM le 1
er
décembre 2016.
L’annuité en cause constituait
donc
le premier remboursement clairement identifié par l’échéancier
figurant en annexe de ce contrat. L’existence du fondement juridique de la dépense prise en charge
par la comptable au 20 décembre 2017 est alors prouvée. Le service doit être considéré comme
ayant été fait dès lors que l’établissement a bien perçu le produit de l’emprunt précédemment et
donc s’est engagé à régler les échéances de remboursement. Enfin, le mandatement postérieur
prévu par la procédure de paiement sans mandatement préalable a été effectué en 2018. Il en
ressort que l’ordonnateur entendait bien régler également cette dépense, nonobstant son abstention
à présenter une décision modificative nécessaire pour que les crédits correspondants fussent
suffisants.
17. Il résulte de ce qu
i précède qu’il y a lieu de considérer que les paiements effectués en 2017 à
hauteur d’un montant de 21
667,42
€, n’apparaissent
pas
comme des paiements indus et n’ont pas
causé un préjudice financier au SEISAAM.
Sur les conséquences de l’absence de
préjudice financier
18.
Aux termes du VI de l’article 60 de la loi n°
63-156 du 23 février 1963 modifiée, «
[…]
Lorsque le
manquement du comptable aux obligations mentionnées au I n’a pas causé de préjudice financier à
l’organisme public concerné, le juge des comptes peut l’obliger à s’acquitter d’une somme arrêtée,
pour chaque exercice, en tenant compte des circonstances de l’espèce. Le montant maximal de
cette somme est fixé par décret en Conseil d’État en fonction du niveau des garanties mentionnées
au II
».
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19. Le décret du 10 décembre
2012 portant application du deuxième alinéa du VI de l’article 60 fixe
ce montant maximal à 1,5 pour 1 000 du montant du cautionnement prévu par le poste comptable
(177 000
€), soit au cas d’espèce un plafond de 265,50
€.
20. La comptable fait état des circonstances suivantes
: sa qualité d’intérimaire et son manque
d’expérience
dans la fonction, un surcroît de charge de travail au niveau du poste comptable, une
position d’agente de catégorie
B. L
’erreur commise constitu
e un manquement à des obligations de
base du comptable dans les contrôles qu’il doit mettre en œuvre,
mais les circonstances évoquées
sont de nature à être prises en compte. Il y a donc
lieu d’arrêter le montant de la somme non
rémissible dont elle devra s’
acquitter à 100
.
PAR CES MOTIFS, DÉCIDE
Article 1
S’agissant de l’unique charge
, la responsabilité de Mme X est engagée au titre de
l’exercice 20
17 à raison du paieme
nt de dépenses d’un montant
de 21 667,42
.
Ce manquement n’ayant pas causé de préjudice financier
au SEISAAM, Mme X
s’acquittera d’une somme non rémissible de
cent euros (100
€) au titre de
l’exercice 20
17.
Article 2
Il est sursis à statuer sur la décharge de Mme X pour sa gestion au titre de
l’ex
ercice 2017
jusqu’à apurement d
e la somme ci-dessus prononcée.
Article 3
Le présent jugement sera notifié à Mme X, comptable, à Mme Y, ordonnateur,
ainsi qu’au ministère public près la chambre.
Fait et jugé à la chambre régionale des comptes Grand Est, hors la présence de la rapporteure et
du procureur financier, le vingt-neuf mars deux mille vingt-deux, par M. Luc HERITIER,
vice-président de la chambre régionale des comptes Grand Est, président de séance, et
Mme Sylvie MAKARENKO, première conseillère, M. Erwan DUMONT, conseiller.
La greffière de séance,
Le président de séance,
Signé
Signé
Florence SIOLY
Luc HERITIER
La République Française mande et ordonne à tous huissiers de justice, sur ce requis, de mettre ledit
jugement à exécution, aux procureurs généraux et aux procureurs de la République près les
tribunaux judiciaires d'y tenir la main, à tous commandants et officiers de la force publique de prêter
main forte lorsqu'ils seront légalement requis.
En foi de quoi, le présent jugement a été signé par le président de la chambre régionale des comptes
Grand Est et par le secrétaire général.
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SEISAAM
6
Le secrétaire général,
Le président de la chambre,
Signé
Signé
Patrick Gratesac
Dominique Roguez
En application des articles R. 242-19 à R. 242-21 du code des juridictions financières, les jugements
prononcés par la chambre régionale des comptes
peuvent être frappés d’appel devant la Cour des
comptes dans le délai de deux mois à compter de leur notification selon les modalités prévues aux
articles R. 242-22 à R. 242-24 du même code.