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Chambre
Préfecture des Hautes-Alpes c/ Commune
de Sigoyer
Article L. 1612-15 du code général des
collectivités territoriales
Rapport n° 2021-0246
Saisine n° 2021-0205
Séance du 20 janvier 2022
AVIS
La chambre régionale des comptes Provence-Alpes-Côte d’Azur,
VU
le code général des collectivités territoriales, notamment ses articles L. 1612-15, L. 1612-
19 et L. 1612-20 ;
VU
le code des juridictions financières, notamment son article L. 232-1 ;
VU
les lois et règlements relatifs aux budgets des communes et des établissements publics
communaux et intercommunaux ;
VU
l’arrêté n° 2020-17 du 4 décembre 2020 du président de la chambre fixant l’organisation
des formations de délibéré et leurs compétences ;
VU
la lettre du 29 novembre 2021, enregistrée au greffe le 30 novembre 2021, par laquelle la
Préfète des Hautes-Alpes l’a saisie en application de l'article L. 1612-15 du code général des
collectivités territoriales, au motif qu’une dépense obligatoire n’a pas été inscrite au budget
2021 de la commune de Sigoyer ;
VU
la lettre du président de la chambre en date du 9 décembre 2021, informant le maire de
Sigoyer de la date limite à laquelle peuvent être présentées ses observations, lesdites
observations ayant été recueillies par visioconférence le 15 décembre 2021, avec un
complément de réponse par courriel le 21 décembre 2021 ;
VU
l'ensemble des pièces du dossier ;
Sur le rapport de M. François-Xavier Volle, premier conseiller ;
VU
les conclusions du ministère public ;
Après avoir entendu le rapporteur, ainsi que M. Grégory Semet, représentant du ministère
public, en ses observations ;
SUR LA COMPETENCE DE LA CHAMBRE
CONSIDERANT
qu’aux termes de l'article L. 1612-15 du code général des collectivités
territoriales :
« ne sont obligatoires pour les collectivités territoriales que les dépenses
nécessaires à l'acquittement des dettes exigibles et les dépenses pour lesquelles la loi l'a
expressément décidé.
La chambre régionale des comptes saisie, soit par le représentant de l'Etat dans le
département, soit par le comptable public concerné, soit par toute personne y ayant intérêt,
constate qu'une dépense obligatoire n'a pas été inscrite au budget ou l'a été pour une somme
insuffisante. Elle opère cette constatation dans le délai d'un mois à partir de sa saisine et
adresse une mise en demeure à la collectivité territoriale concernée.
Si, dans un délai d'un mois, cette mise en demeure n'est pas suivie d'effet, la chambre
régionale des comptes demande au représentant de l'Etat d'inscrire cette dépense au budget et
propose, s'il y a lieu, la création de ressources ou la diminution de dépenses facultatives
destinées à couvrir la dépense obligatoire. Le représentant de l'Etat dans le département règle
et rend exécutoire le budget rectifié en conséquence. S'il s'écarte des propositions formulées
par la chambre régionale des comptes, il assortit sa décision d'une motivation explicite »
;
CONSIDERANT
que la saisine concerne le paiement d’une dépense que le représentant de
l’Etat estime obligatoire, et qui serait due par une collectivité locale située dans le ressort de la
chambre ; que la saisine est fondée sur l’article L. 1612-15 du CGCT qui donne effectivement
compétence à la chambre pour se prononcer sur l’inscription d’une dépense obligatoire ;
CONSIDERANT
qu’aucun désistement n’est intervenu et que les sommes en cause n’ont pas
été acquittées par la collectivité à la date de dépôt du rapport ;
CONSIDERANT
que la chambre peut donc se déclarer compétente ;
SUR LA RECEVABILITE DE LA SAISINE
1.
Sur la qualité et l’intérêt du demandeur à agir.
CONSIDERANT
qu’aux termes de l'article R. 1612-34 du code général des collectivités
territoriales :
« la chambre régionale des comptes se prononce sur la recevabilité de la
demande. Elle constate notamment la qualité du demandeur et, s'il y a lieu, l'intérêt qu'il a à
agir »
;
CONSIDERANT
que la saisine a été adressée à la chambre par la Préfète des Hautes-Alpes,
compétente pour saisir la chambre en vertu des dispositions de l’article L. 1612-15 précité, et
concerne une dépense qui serait due par une collectivité de son ressort ; que la Préfète doit donc
être considérée comme ayant intérêt à saisir la chambre au sens de l’article L. 1612-15 du CGCT
précité ;
2.
Sur l’existence d’une saisine motivée, chiffrée et appuyée de toutes les justifications
utiles.
CONSIDÉRANT
qu’aux termes de l’article R.1612-32 du code général des collectivités
territoriales : «
la saisine de la chambre régionale des comptes prévue à l'article L. 1612-15
doit être motivée, chiffrée et appuyée de toutes justifications utiles, et notamment du budget
voté et, le cas échéant, des décisions qui l'ont modifié
» ;
CONSIDERANT
que la Préfète des Hautes-Alpes demande dans sa saisine, le versement
d’une somme de 32 281,80
assortie des intérêts de retard par la commune de Sigoyer à la
SARL CGM ; que cette demande est appuyée de pièces justificatives ; que la saisine est donc
motivée, chiffrée et accompagnée de l’ensemble des éléments de justifications utiles à l’examen
de cette saisine ;
SUR LE CARACTERE OBLIGATOIRE DE LA DEPENSE
CONSIDERANT
qu’il résulte des dispositions précitées du code général des collectivités
territoriales que la chambre régionale des comptes ne peut constater qu’une dépense est
obligatoire pour une commune, et mettre celle-ci en demeure de l’inscrire à son budget que
dans l’hypothèse où la dette concernée est échue, certaine, liquide et exigible et que cette
dernière n’est par ailleurs non sérieusement contestée dans son principe et dans son montant,
quelle que soit l’origine de l’obligation dont procède la dette ;
CONSIDERANT
qu’en vertu d’une délibération prise par le conseil municipal de la commune
de Sigoyer le 12 juillet 2019, un marché de travaux a été conclu avec la société CGM portant
sur la remise à niveau d’une partie du réseau d’eau potable et du remplacement de
canalisations ; que ces travaux ont été engagés dans le cadre du budget annexe de l’eau de la
commune ; que le procès-verbal de réception des travaux signé par le maire de la commune le
11 septembre 2020 a fixé la date d’achèvement desdits travaux au 3 janvier 2020 ; que le
décompte définitif des travaux, établi le 30 juin 2020 par la SARL CGM, fait état de la situation
débitrice de la commune à l’égard de ladite société de la somme de 32 281,80
TTC ;
CONSIDERANT
cependant que l’exercice de la compétence « eau » a été transférée à la
communauté d’agglomération de Gap-Tallard-Durance, par l’effet des dispositions du I- 8° de
l’article L. 5216-5 du CGCT, desquelles il résulte que les communautés d’agglomération
exercent de plein droit, en lieu et place des communes adhérentes cette compétence à compter
du 1
er
janvier 2020 ;
CONSIDERANT
que, en vertu des articles L. 1321-1 et L. 1321-2 du même code, le transfert
d'une compétence entraîne de plein droit la mise à disposition de la collectivité bénéficiaire des
biens meubles et immeubles utilisés, à la date de ce transfert, pour l'exercice de cette
compétence ; que la collectivité bénéficiaire de la mise à disposition est par ailleurs de plein
droit substituée à la commune initialement compétente dans ses droits et obligations découlant
des contrats portant notamment sur les emprunts affectés, et les marchés publics que cette
dernière a pu conclure pour l'aménagement, l'entretien et la conservation des biens remis, ainsi
que pour le fonctionnement des services ;
CONSIDERANT
que si une convention de délégation de compétence « eau potable », conclue
le 25 novembre 2020 entre la commune et l’établissement public de coopération intercommunal
elle ne comporte pas pour autant d’effet rétroactif quant aux biens, droits et obligations
transférées par l’effet de la loi ; que du reste, à supposer même qu’une telle hypothèse puisse
être envisagée, les stipulations contractuelles de ladite délégation de compétence ne visent pas
davantage la reprise par le délégataire d’engagements contractuels antérieurs à sa date de
conclusion ; qu’il s’ensuit que cette convention de délégation ne peut en toute hypothèse ne
produire que d’effets que pour l’avenir, telle est bien la lettre de cette d’ailleurs de cette
convention ; aussi tout au plus la commune se trouve, à compter de la date d’entrée en vigueur
de cette convention mandatée par la communauté d’agglomération, en vue de réaliser pour son
compte les investissements nécessaires à l’entretien et à la réparation des réseaux d’eau potable,
étant au surplus précisé qu’un tel mandat ne peut se présumer du seul fait de l’existence d’une
convention de délégation, mais qu’il doit faire l’objet d’un acte exprès ; que sous ces réserves,
l’opération peut s’analyser alors pour une opération pour compte de tiers ;
CONSIDERANT
que les dépenses afférentes aux travaux réalisés par la société créancière ne
sauraient être imputés parmi les chapitres 2 de la commune, dans la mesure où les
immobilisations concernées relèvent depuis le 1
er
janvier 2020 de la communauté
d’agglomération ; que l’achèvement des travaux, l’établissement du décompte définitif et la
réception des travaux sont tous postérieurs à la date de transfert de la compétence concernée à
la communauté d’agglomération, et antérieurs à la date d’effet de la convention de délégation
de compétence ; qu’il n’est pas davantage soutenable, compte tenu de la chronologie et de
l’absence d’actes en ce sens, qu’une convention de délégation de maîtrise d’ouvrage tacite
pourrait se déduire des circonstances de l’espèce, empêchant de la sorte de considérer que la
dépense en cause pourrait être traitée comme une opération pour compte de tiers, que le
comptable public pourrait mandater au bénéfice de la société prestataire ; qu’il s’ensuit que le
débiteur réel de la créance détenue par la SARL CGM est la communauté d’agglomération de
Gap-Tallard-Durance, et non la commune de Sigoyer, qui ne disposait plus des compétences
relatives à l’eau pluviale depuis le 1
er
janvier 2020 ;
Dans ces conditions, invitons la commune de Sigoyer et l’EPCI concerné à faire établir un
avenant de transfert, et une facture rectificative par l’entreprise créancière, afin de solder, dans
l’intérêt général, ce litige dans les plus brefs délais.
PAR CES MOTIFS :
Article 1
DECLARE
recevable la saisine de la Préfète des Hautes-Alpes ;
Article 2
DIT
que la dépense de 32 281,80
objet de la saisine n’a pas un caractère
obligatoire pour la commune de Sigoyer ;
Article 3
DIT
qu’il n’y a pas lieu, en conséquence, de mettre en demeure la collectivité
d’inscrire ladite dépense à son budget ;
Article 4
DIT
que le présent avis sera notifié à la préfète des Hautes-Alpes, au maire et au
comptable de la commune de Sigoyer ;
Article 5
RAPPELLE
que le conseil municipal doit être tenu informé, dès sa plus proche
réunion, du présent avis lequel, sans attendre celle-ci fait l’objet d’une publicité
immédiate, conformément aux dispositions de l'article L. 1612-19 susvisé du code
général des collectivités territoriales.
Fait et délibéré à la chambre régionale des comptes Provence-Alpes-Côte d’Azur, le
20 janvier 2022,
Présents : M. Nacer Meddah, président de séance, M. François-Xavier Volle, premier-conseiller
rapporteur, M. Guillaume Hermitte, M. Antonin Jimenez , Mme Audrey Cavaillier, et
Mme
Sandrine Limon, premiers conseillers et Mme Cyndie Deffin, conseillère.
Le président de la chambre,
présidant la séance
Nacer Meddah
Voies et délais de recours (article R. 421-1 du code de justice administrative) : la présente décision peut être
attaquée devant le tribunal administratif territorialement compétent dans un délai de deux mois à compter de sa
notification.