Sort by *
Audience publique du 23 septembre 2022
S
ervice départemental d’incendie et de secours
des Vosges (SDIS 88)
Jugement n° 2022-0021
N° de poste comptable : 08809996
Prononcé du 7 octobre 2022
Paierie départementale des Vosges
Exercice 2017
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
La chambre régionale des comptes Grand Est,
VU
le réquisitoire n° 2021-0033 du 30 juin 2021 du procureur financier près la chambre régionale
des comptes Grand Est, enregistré au greffe, le 30 juin 2021 et notifié le 04 octobre 2021 à
Mme X, comptable du SDIS des Vosges, et à M. Y, président
du conseil d’administration du
SDIS des Vosges, qui en ont accusé réception, le 05 octobre 2021 ;
VU
le code des juridictions financières ;
VU
le code général des collectivités territoriales ;
VU
l’article 60 de la loi de finances n°
63-156 du 23 février 1963 modifiée ;
VU
le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 modifié relatif à la gestion budgétaire et
comptable publique, notamment ses articles 19 et 20 ;
VU
le décret n° 2012-1386 du 10 décembre 2012 portant application du deuxième alinéa du VI
de l’article 60 de la loi de finances de 1963
modifié, dans sa rédaction issue de l’article 90
de
la loi n° 2011-1978 du 28 décembre 2011 de finances rectificative pour 2011 ;
VU
les observations de M. Y du 11 janvier 2022, enregistrées au greffe de la chambre le
13 janvier 2022 ;
VU
les observations de Mme X du 13 janvier 2022, enregistrées au greffe de la chambre le
17 janvier 2022 ;
VU
le rapport n° 2022-0112 du 14 juin 2022 de Mme Christelle BARASSI ; premier conseiller,
magistrate-rapporteure chargée
de l’instruction
;
VU
les lettres du 28 juin 2022
informant les parties de la clôture de l’instruction
;
VU
les lettres du 5 septembre 2022, au comptable et
à l’ordonnateur, les informant de l’inscription
de l’affaire à l’audience publique
, dont ils ont accusé réception, respectivement le
7 septembre 2022 et le 6 septembre 2022 ;
VU
les conclusions du procureur financier du 6 septembre 2022, enregistrées au greffe ce même
jour ;
VU
les autres pièces du dossier ;
J 2022-0021
SDIS 88
2
Entendues, lors de
l’audience publique
du 23 septembre 2022, Mme Christelle BARASSI ; en son
rapport, Mme Marilyne LATHELIZE, procureur financier, en ses conclusions, et Mme X comptable
en ses observations, la comptable mise en cause ayant eu la parole en dernier ;
Dûment informé de la tenue de l’audience, M.
Y, ordonnateur,
n’était ni présent, ni représenté
;
Après avoir entendu, en délibéré, Mme Marina ALBRECHT, premier conseiller, réviseur, en ses
observations et avoir délibéré, hors la présence de la rapporteure et du procureur financier ;
Considérant ce qui suit :
Sur
l’uniqu
e charge portant sur
le paiement d’une
subvention
d’un montant total d
e
103 000
€, au cours de l’exercice
2017,
en l’absence de production de pièces
justificatives
Sur le manquement présumé du comptable
1. Par le réquisitoire du 30 juin 2021
susvisé, le ministère public a relevé qu’au cours de l’exercice
2017,
une subvention d’un montant total de 103
000
avait été versée, par mandat n° 1036 du
27 février 2017 (82
400 €)
et par mandat n° 7531 du 6 novembre 2017 (20
600 €)
,
à l’Union
départementale
des
sapeurs-pompiers
(UDSP)
en
l’absence
de
s
pièces
justificatives
réglementairement requises, en particulier lors
du premier paiement, de la décision d’octroi de la
subvention et de la convention et, lors du second paiement, les mêmes documents ou la mention
de la référence du premier paiement pour pouvoir s’y reporter.
Le ministère public
a considéré qu’en
l’absence de ces pièces justificatives
Mme X, payeur départemental, comptable du service
départemental d’incendie et de secou
rs des Vosges (SDIS 88), ne pouvait procéder aux contrôles
relatifs à la liquidation de la dépense et à la validité de la dette lui incombant en application des
articles 19 et 20 du décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012,
et qu’en conséquence elle
aurait dû
suspendre les paiements conformément à l’article 38 du même décret
. Ainsi sa responsabilité
personnelle et pécuniaire étai
t susceptible d’être engagée sur le fondement du I de l’article 60 de la
loi n° 63-156 du 23 février 1963 susvisée.
2.
Le I de l’article 60 de la loi du 23 février 1963 susvisée dispose que «
les comptables sont
personnellement et pécuniairement responsables des contrôles qu’ils sont tenus d’assurer en
matière […] de dépenses dans les conditions prévues par le règlem
ent général sur la comptabilité
publique […]
». Cette responsabilité se trouve engagée «
dès lors […] qu’une dépense
a été
irrégulièrement payée
».
3.
En application de l’article 19 du décret du 7 novembre 2012 susvisé, «
Le comptable public est
tenu d’exercer le contrôle : […] 2° S’agissant des ordres de payer : […] d) de la validité de la dette
dans les conditions prévues à l’article 20
». Aux termes de l’article 20 du même décret, «
le contrôle
des comptables publics sur
la validité de la dette porte sur : […] 2° L’exactitude de la liquidation ;
[…] 5° La production des pièces justificatives […]
».
4.
Aux termes de l’article D. 1617
-19 du code général des collectivités territoriales (CGCT) : «
Avant
de procéder
au paiement d’une dépense […], les comptables publics des collectivités territoriales
[…] ne doivent exiger que les pièces justificatives prévues pour la dépense correspondante dans la
liste définie à l’annexe I du présent code
».
J 2022-0021
SDIS 88
3
5. Il résulte des dispositions précitées que, pour apprécier la validité des dettes, les comptables
doivent notamment exercer leur contrôle sur la production des justifications. À ce titre, il leur revient
d’apprécier si les pièces fournies présentent un caractère su
ffisant pour justifier la dépense engagée.
P
our établir ce caractère suffisant, il leur appartient de vérifier, en premier lieu, si l’ensemble des
pièces requises au titre de la nomenclature comptable applicable leur ont été fournies et, en
deuxième lieu,
si ces pièces sont, d’une part, complètes et précises, d’autre part, cohérentes au
regard de la catégorie de la dépense définie dans la nomenclature applicable, de la nature et de
l’objet de la dépense telle qu’elle a été ordonnancée
. Enfin, lorsque les pièces justificatives fournies
sont insuffisantes pour établir la validité de la dette, il appartient aux comptables de suspendre le
paiement jusqu’à ce que l’ordonnateur leur ait produit les justifications nécessaires
.
6. En application de la rubrique [7211]
de l’annexe I au code général des collectivités territoriales,
les comptables publics doivent exiger les pièces suivantes pour le premier paiement des subventions
et primes de toute nature «
1. Décision arrêtant le béné
ficiaire, le montant, l’objet et, le cas échéant,
les modalités particulières de versement des fonds ainsi que les conditions d’octroi et les charges
d’emploi
; 2. Le cas échéant, justifications particulières exigées par la décision ; 3. Le cas échéant,
co
nvention entre le bénéficiaire et la collectivité ou l’établissement
».
7. La comptable du SDIS 88 considère que les paiements de cette subvention
n’ont pas
causé de
préjudice à l
’établissement.
À
l’appui, elle fait
valoir que la subvention reposait sur un fondement
juridique eu égard aux délibérations, conventions et bordereaux de mandat produits et versés au
dossier, que la volonté de l’ordonnateur d’exposer la dépense
était clairement manifestée par leurs
mandatements et que le service fait était
attesté par l’apposition de la signature de l’ordonnateur sur
le bordereau de mandats.
La comptable précise en outre au cours de l’audience qu’elle dispose du
registre permanent des délibérations votées par le conseil d’administra
tion du SDIS.
8. L
e président du conseil d’administration du service d’incendie et de secours,
ordonnateur du
SDIS 88, estime également que le manquement présumé n
’a
pas causé de préjudice financier à
l’établissement
, rappelant que
L’UDSP des Vosges est une association qui œuvre au côté du SDIS
des Vosges pour le maintien de la ressource sapeurs-pompiers et le lien social avec les centres
d’incendie et de secours
et que le SDIS soutient tous les ans cette association par une subvention
votée lors du budget dans le cadre
d’une convention quinquennale
; la demande de subvention du
président de l’Union départementale,
la délibération n° 1.1 du 7 février 2017 du conseil
d’administration du SDIS des Vosges, accordant une subvention de 103
000
€ au titre de l’exercice
2017 à l’UDSP
et la convention précitée ayant été communiquées à la chambre
à l’appui de ces
observations ;
9. Etant rappelé au préalable que
l’absence alléguée de préjudice financier ne saurait
exonérer le
comptable de toute présomption de manquement devant le juge des comptes
, il n’est néanmoins
pas contesté
, d’une part,
que la
délibération du conseil d’administration du SDIS des Vosges du
7 février 2017 prise lors du vote du budget primitif 2017 et attribuant cette subvention, est intervenue
avant l
e mandatement des sommes en cause et qu’elle précis
ait le bénéficiaire, la nature du
bénéficiaire, le montant et l’objet de la subvention, et d’autre part, que
le SDIS a conclu
avec l’UDSP
une convention pluriannuelle couvant la période 2015-2019 et prévoyant
le versement d’une
subvention annuelle
de fonctionnement au bénéfice de l’
Union départementale. Il apparaît enfin
qu’en produisant
le 5 janvier 2017 au président du CASDIS le budget 2017
de l’Union
départementale, puis, le 25 octobre 2017, le bilan financier
2016 de l’association présenté à
l’assemblée générale de l’UDSP du 21 octobre 2017, l’UDSP a satisfait à ses obligations de
production des pièces
l’autorisant à solliciter le versement de l’acompte de la subvention annuelle
du SDIS et de son solde, conformément à la convention pluriannuelle qui précisait que «
dans le
cadre de ce partenariat, l’UDSP des Vosges fournira toutes les pièces administratives et
comptables
».
J 2022-0021
SDIS 88
4
10. Il résulte des constats qui précèdent,
et sans qu’il soit nécessaire d’examiner les
autres moyens
présentés
par la comptable et l’ordonnateur
, que
le manquement présumé résulte d’une erreur
matérielle et que la comptable du SDIS disposait bien au moment du paiement des mandats n° 1036
et n° 7531 des pièces justificatives requises par la nomenclature, lui permettant de satisfaire à ses
obligations de contrôle et de s’assurer de l’exacte
liquidation de la dépense. Dès lors, i
l n’y a pas
lieu de retenir de charge à l’encontre
de cette dernière au regard des griefs énoncés dans le cadre
du réquisitoire.
PAR CES MOTIFS, DÉCIDE
Article 1
er
I
l n’y a pas lieu de mettre en jeu la responsabilité personnelle et pécuniaire de
Mme X
au titre de l’exercice 20
17
à raison du paiement d’une
subvention au
bénéfice de l’UDSP
pour un montant de cent trois mille euros (103 000
€).
Article 2
Mme X, comptable du SDIS des Vosges, est déchargée de sa gestion au titre de
l’exercice 2017
.
Article 3
Le présent jugement sera notifié à Mme X, payeur départemental et comptable du
SDIS, à M. Y,
président du conseil d’administration du SDIS,
ordonnateur, ainsi
qu’au ministère public près la chambre.
Fait et jugé à la chambre régionale des comptes Grand Est, hors la présence de la rapporteure et
du
procureur
financier,
le
vingt-trois
septembre
deux
mille
vingt-deux,
par
M. Christophe BERTHELOT, président de la 1
ère
section de la chambre régionale des comptes
Grand
Est,
président
de
séance,
et
Mme
Marina
ALBRECHT,
premier
conseiller,
Mme Laurence AKKACHE, conseiller, Mme Gratianne GUILLER, conseiller, et M. Thomas ALIS,
conseiller.
La greffière de séance,
Le président de séance,
Signé
Signé
Claire RENAUX
Christophe BERTHELOT
La République Française mande et ordonne à tous huissiers de justice, sur ce requis, de mettre ledit
jugement à exécution, aux procureurs généraux et aux procureurs de la République près les
tribunaux judiciaires d'y tenir la main, à tous commandants et officiers de la force publique de prêter
main forte lorsqu'ils seront légalement requis.
J 2022-0021
SDIS 88
5
En foi de quoi, le présent jugement a été signé par le président de la chambre régionale des comptes
Grand Est et par le secrétaire général.
Le secrétaire général,
Le président de la chambre,
Signé
Signé
Patrick GRATESAC
Dominique ROGUEZ
En application des articles R. 242-19 à R. 242-21 du code des juridictions financières, les jugements
prononcés par la chambre régionale des comptes
peuvent être frappés d’appel devant la Cour des
comptes dans le délai de deux mois à compter de leur notification selon les modalités prévues aux
articles R. 242-22 à R. 242-24 du même code.