LA FISCALITE LOCALE
DANS LA PERSPECTIVE
DU ZAN
mardi 25 octobre 2022
Conseil des prélèvements obligatoires
La fiscalité locale dans la perspective du ZAN - octobre 2022
LA FISCALITE LOCALE DANS LA PERSPECTIVE DU ZAN
1
Le Conseil des prélèvements obligatoires,
une institution associée à la Cour des comptes
Le Conseil des prélèvements obligatoires (CPO) est «
chargé d'apprécier
l’évolution et l'impact économique, social et budgétaire de l'ensemble des
prélèvements obligatoires, ainsi que de formuler des recommandations sur
toute question relative aux prélèvements obligatoires
» (loi du 20 avril
2005 créant le CPO, codifiée aux articles L.351-1 et suivants du code des
juridictions financières).
Placé auprès de la Cour des comptes et présidé par le Premier Président
de la Cour des comptes, le collège du CPO comporte seize membres, huit
magistrats et hauts fonctionnaires et huit personnalités qualifiées choisies,
à raison de leur expérience professionnelle, par les Présidents de
l’Assemblée nationale, du Sénat et du Conseil économique, social et
environnemental, ainsi que par les ministres chargés de l’économie et des
fina
nces, des affaires sociales et de l’intérieur.
Situé, comme la Cour des comptes, à équidistance du Gouvernement et du
Parlement, le CPO est un organisme pluridisciplinaire et prospectif qui
contribue à l’élaboration de la doctrine et de l’expertise fiscale
, grâce à
l’indépendance de ses membres et à la qualité de ses travaux.
Le CPO peut être chargé, à la demande du Premier ministre ou des
commissions de l'Assemblée nationale et du Sénat chargées des finances
ou des commissions de l'Assemblée nationale et du Sénat chargées des
affaires sociales, de réaliser des études relatives à toute question relevant
de sa compétence.
Les nouvelles compétences du CPO
La loi du 6 décembre 2021 portant diverses dispositions relatives au Haut
Conseil des finances publiques
et à l’information du Parlement sur les
finances publiques a élargi les prérogatives du CPO. Ainsi, il peut
désormais être saisi pour avis a priori sur « les incidences économiques,
sociales, financière et budgétaires » de projets de modifications
législat
ives ou règlementaires en matière d’impôts ou de cotisations
sociales. Cette compétence originale est de nature à renforcer son rôle
dans le débat sur la politique fiscale.
L’organisation des travaux
du Conseil des prélèvements obligatoires
Le CPO est
indépendant
. À cette fin, les membres du Conseil jouissent
d’un mandat de
trois ans, renouvelable une fois. Ils «
ne peuvent solliciter
Conseil des prélèvements obligatoires
La fiscalité locale dans la perspective du ZAN - octobre 2022
2
CONSEIL DES PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES
ou recevoir aucune instruction du Gouvernement ou de toute autre
personne publique ou privée
» (article L.351-11 du CJF). Le secret
professionnel s’impose à eux (article L.351
-11 du CJF).
Le CPO est
pluridisciplinair
e dans sa composition et
collégia
l dans son
mode de délibération. Il entend en audition des représentants de la société
civile et du monde économique.
Afin d'assurer l'information du CPO, le directeur général du Trésor et de
la politique économique, le directeur de la législation fiscale, le directeur
du budget, le directeur général des collectivités locales et le directeur de
la sécurité sociale assistent, à la demande de son président, à ses réunions
et s’y expriment, sans voix délibérative, ou s'y font représenter.
La loi du 6 décembre 2021 comporte diverses dispositions modifiant
l’organisation du CPO
: ainsi le mandat de ses membres est porté à trois
ans renouvelables ; par ailleurs, le rôle de vice-président, attribué à un
président de chambre en activité ou honoraire de la Cour des comptes, est
précisé et renforcé ; enfin, quatre personnalités qualifiées peuvent
également être désignées pour un an par le président du CPO pour éclairer
les délibérations
–
tandis que peuvent s’y faire représenter de nouvelles
administrations (DGFiP, DGE, ACOSS).
L’élaboration des rapports
du Conseil des prélèvements obligatoires
Le CPO fait appel à des rapporteurs habilités, comme ses membres, à se
faire communiquer tous documents, de quelque nature que ce soit. Pour
l'exercice de leurs missions, les membres du CPO comme les rapporteurs
ont libre accès aux services, établissements, institutions et organismes
entrant dans leur champ de compétences. Ceux-ci sont tenus de leur prêter
leur concours, de leur fournir toutes justifications et tous renseignements
utiles à l'accomplissement de leurs missions.
Les agents de ces services, établissements, institutions et organismes sont
déliés du secret professionnel à l'égard du CPO, à l'occasion des études
qu’il réalise.
Chaque étude ou enquête est réalisée par un ou deux rapporteurs
généraux, qui s’appuient sur les travaux de rapporteurs particuliers
choisis en fonction de leur expertise.
Le rapport général comme les rapports particuliers, sont rendus publics et
sont consultables sur le site internet www.ccomptes.fr/CPO. Seul le
rapport général engage le CPO.
Conseil des prélèvements obligatoires
La fiscalité locale dans la perspective du ZAN - octobre 2022
LA FISCALITE LOCALE DANS LA PERSPECTIVE DU ZAN
3
Conseil des prélèvements obligatoires
La fiscalité locale dans la perspective du ZAN - octobre 2022
4
CONSEIL DES PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES
Les rapports du
Conseil des prélèvements obligatoires
Février 2022
Redistribution,
innovation,
lutte
contre
le
changement
climatique :
trois
enjeux
fiscaux
majeurs en sortie de crise sanitaire
Septembre 2020
Septembre 2019
Adapter la fiscalité des entreprises à une économie
mondiale numérisée
La fiscalité environnementale au défi de l’urgence
climatique
Janvier 2018
Les prélèvements obligatoires sur le capital des
ménages
Janvier 2017
Adapter l’impôt sur les sociétés à une économie
ouverte
Décembre 2015
La taxe sur la valeur ajoutée
Février 2015
Impôt sur le revenu, CSG, quelles réformes?
Mai 2014
Fiscalité locale et entreprises
Juillet 2013
La fiscalité affectée : constats, enjeux et réformes
Janvier 2013
Les prélèvements obligatoires et les entreprises du
secteur financier
Février 2012
Prélèvements à la source et impôt sur le revenu
Novembre 2011
L'activité du Conseil des prélèvements obligatoires
pour les années 2006 à 2011
Mai 2011
Prélèvements
obligatoires
sur
les
ménages :
progressivité et effets redistributifs
Octobre 2010
Entreprises et "niches" fiscales et sociales
–
Des
dispositifs dérogatoires nombreux
Mai 2010
La fiscalité locale
Octobre 2009
Les prélèvements obligatoires des entreprises dans
une économie globalisée
Mars 2009
Le patrimoine des ménages
Conseil des prélèvements obligatoires
La fiscalité locale dans la perspective du ZAN - octobre 2022
LA FISCALITE LOCALE DANS LA PERSPECTIVE DU ZAN
5
Novembre 2008
La répartition des prélèvements obligatoires entre
générations
et
la
question
de
l'équité
intergénérationnelle
Mars 2008
Sens et limites de la comparaison des prélèvements
obligatoires entre pays développés
Mars 2008
Les prélèvements obligatoires des indépendants
Mars 2007
La fraude aux prélèvements obligatoires et son
contrôle
Les notes du
Conseil des prélèvements obligatoires
Février 2022
Note n°3 Baromètre des prélèvements obligatoires
en France
–
Première édition 2021
Juillet 2021
Note
n°2
Les
enjeux
pour
la
France
des
négociations à l’OCDE sur la taxation des bénéfices
des multinationales
Juillet 2021
Note n°1 Quel taux pour l’impôt sur les sociétés en
France ?
Conseil des prélèvements obligatoires
La fiscalité locale dans la perspective du ZAN - octobre 2022
6
CONSEIL DES PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES
Le
Conseil
des
prélèvements
obligatoires
est
présidé
par
M. Pierre MOSCOVICI, Premier président de la Cour des comptes.
Il comprend :
M. Patrick LEFAS, président de chambre honoraire à la Cour des comptes,
vice-président
En sont membres :
-
Dominique BAERT, maire de Wattrelos et conseiller maître en
service extraordinaire à la Cour des comptes
-
Alain
CHRÉTIEN,
maire
de
Vesoul
et
président
d’agglomération
-
Samy BENOUDIZ, maire d’Aigremont et dirigeant de sociétés
-
Pierre COLLIN, conseiller d'État
-
Patrick WYON, conseiller à la Cour de cassation
-
Mathilde LIGNOT-LELOUP, conseillère maître à la Cour des
comptes
-
Selma MAHFOUZ, inspectrice générale des finances
-
Cécilia BERTHAUD, inspectrice générale des finances
-
Pierre-Louis BRAS, inspecteur général des affaires sociales
-
Alain BAYET, inspecteur général de l’i
nstitut national de la
statistique et des études économiques
-
Pierre
BOYER,
professeur
d’économie
à
l’École
Polytechnique
-
Frédéric DOUET, professeur de droit à l'université Rouen
–
Normandie
-
Lise PATUREAU, professeure d’économie à l’université Paris
Dauphine
-
Rémi PELLET, professeur de droit à l’université de Paris et de
Sciences Po Paris
-
Nathalie MOGNETTI, directrice fiscale de TotalEnergies
-
Jacques CREYSSEL, délégué national de la fédération des
entreprises du commerce et de la distribution
-
Mme Elisabeth ASHWORTH, avocate associée, CMS Francis
Lefebvre Avocats, nommée par le Premier président pour un
Conseil des prélèvements obligatoires
La fiscalité locale dans la perspective du ZAN - octobre 2022
LA FISCALITE LOCALE DANS LA PERSPECTIVE DU ZAN
7
an comme personnalité qualifiée en raison de ses compétences
sur la TVA, en application du 2
ème
alinéa de l’article L. 331
-8
du code des juridictions financières, a participé à la
délibération du présent rapport.
Le
secrétariat du Conseil est assuré par M. Christophe STRASSEL,
conseiller maître à la Cour des comptes, secrétaire général du Conseil des
prélèvements obligatoires.
Les travaux de secrétariat du conseil sont réalisés par Mme Marie
DIAWARA CAMARA, chargée de mission.
Le rapport, présenté par Mme Claire FALZONE, conseillère référendaire
en service extraordinaire, cheffe d’équipe,
et par Mme Pauline HODILLE,
conseillère référendaire et M. David CARMIER, conseiller référendaire, a
été délibéré et arrêté au cours de la séance du 21 octobre 2022.
Conseil des prélèvements obligatoires
La fiscalité locale dans la perspective du ZAN - octobre 2022
8
CONSEIL DES PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES
SOMMAIRE
SYNTHÈSE
.................................................................................................
14
INTRODUCTION
.......................................................................................
16
I - La fiscalité
locale n’est pas responsable à titre principal de
l’artificialisation, et peut devenir un outil plus efficace au service de
l’objectif ZAN
..............................................................................................
23
A -
Les constats de l’artificialisation et les travaux sur les instruments
économiques à même d’encadrer cette évolution
....................................
24
1 -
Une tendance en voie d’inflexion
.............................................................
24
2 - Des initiatives nationales non encore coordonnées
...................................
28
3 - Des travaux antérieurs touchant à la fiscalité
............................................
29
B - La fiscalité locale, une variable
a priori
marginale dans les décisions
qui entrainent l’artificialisation des sols
..................................................
30
1 - Le point de vue des agents économiques
..................................................
31
2 - Le point de vue des exécutifs locaux
........................................................
32
C -
Des dispositifs fiscaux ciblés peuvent favoriser la mise en œuvre du
ZAN
.........................................................................................................
34
1 - Limiter la vacance et réguler les résidences secondaires pour répondre à la
demande croissante de logements
..................................................................
35
2 - Inciter à la densification urbaine pour loger un nombre plus grand
d’habitants et libérer de l’espace pour le développement
économique et
commercial
....................................................................................................
38
3 - Accompagner les opérations de recyclage urbain
.....................................
39
4- Une boîte à outils optionnelle évaluée périodiquement
.............................
40
D - Les exonérations et abattements appliqués à la fiscalité locale
devraient être réservés aux opérations non artificialisantes
.....................
42
1 -
De premières mesures d’ajustement limitées à l’occasion du PLF 2023
.. 42
2 -
Le besoin d’une révision plus systémique des dispositifs d’abattement,
d’assiette et d’exonérations de la fiscalité locale
...........................................
44
II - Un changement de paradigme pour la fiscalité locale du fait du ZAN
......................................................................................................................
46
A - Les rentes engendrées par un foncier plus rare devront être
mutualisées
..............................................................................................
46
B - Le ZAN peut générer une redistribution de la dynamique des recettes
foncières qu’il faudra accompagner
........................................................
48
1 - Des effets de la réforme encore difficiles à simuler en matière de fiscalité
locale
..............................................................................................................
49
2 - Des effets vraisemblablement contrastés entre les collectivités
................
51
Conseil des prélèvements obligatoires
La fiscalité locale dans la perspective du ZAN - octobre 2022
LA FISCALITE LOCALE DANS LA PERSPECTIVE DU ZAN
9
C -
Le ZAN est une composante nouvelle d’un système de financement
des collectivités à bout de souffle
............................................................
55
1 - Les différentes options pour une réforme en profondeur des collectivités
peuvent s’articuler avec l’objectif ZAN
.........................................................
55
2 - Les effets du ZAN doivent
a minima
être intégrés dans la mise en œuvre
de la refonte des valeurs locatives cadastrales
...............................................
57
III - Des travaux complémentaires sont nécessaires avant de donner un
rôle plus important à la fiscalité locale dans la mise en œuvre du ZAN
.....
......................................................................................................................
60
A - Le ZAN
: une réforme dont il est encore difficile d’apprécier l’impact
pour les différents acteurs économiques
..................................................
60
1 - Un chiffrage des impacts financiers liés au ZAN qui reste à réaliser
.......
60
2 - Une réflexion sur une « taxe ZAN » encore très prématurée
....................
63
B -
Faire de la fiscalité locale le vecteur d’incitations en faveur du ZAN
64
1 -
La taxe d’aménagement présente des caractéristiques adaptées à la mise en
œuvre d’incitations favorables à l’objectif ZAN
............................................
64
2 -
L’extension à d’autres impôts locaux d’une logique d’incitations
favorables au ZAN doit s’articuler avec la nécessité de préserver les
ressources fiscales des collectivités
...............................................................
66
CONCLUSION
...........................................................................................
68
Conseil des prélèvements obligatoires
La fiscalité locale dans la perspective du ZAN - octobre 2022
10
CONSEIL DES PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES
Conseil des prélèvements obligatoires
La fiscalité locale dans la perspective du ZAN - octobre 2022
LA FISCALITE LOCALE DANS LA PERSPECTIVE DU ZAN
11
Conseil des prélèvements obligatoires
La fiscalité locale dans la perspective du ZAN - octobre 2022
12
CONSEIL DES PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES
Conseil des prélèvements obligatoires
La fiscalité locale dans la perspective du ZAN - octobre 2022
LA FISCALITE LOCALE DANS LA PERSPECTIVE DU ZAN
13
Conseil des prélèvements obligatoires
La fiscalité locale dans la perspective du ZAN - octobre 2022
14
CONSEIL DES PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES
SYNTHÈSE
Recommandation n°1 :
Supprimer le critère du nombre d’habitants
(50 000 habitants,) tout en conservant le critère de tension sur le marché
immobilier, pour la taxe sur les logements vacants et la majoration de
taxe d’habitation sur les résidences secondaires.
Recommandation n°2 : Fusionner les deux taxes sur les logements
vacants en une taxe unique et la transformer en impôt local.
Recommandation n°3
: Inscrire à l’ordre du jour des assemblées
municipales et communautaires, dans le cadre du rapport triennal sur
l’artificialisation des sols, un débat portant sur le recours aux
instruments fiscaux concourant à l’objectif ZAN.
Recommandation n°4 : Réserver les exonérations de taxes locales aux
opérations sur zones déjà artificialisées, en particulier les opérations de
recyclage urbain
.
Recommandation n°5 : Augmenter le taux de la taxe locale sur les plus-
values de cessions de terrains nus rendus constructibles et envisager la
suppression de la clause « des 18 ans ».
Recommandation n°6 : Intégrer les effets du ZAN dans les mécanismes
de solidarité horizontaux et verticaux à destination des collectivités.
Recommandation n°7
: Dans le cadre d’une refonte en profondeur du
financement des collectivités, envisager l’affectation des
droits de
mutation à titre onéreux (DMTO) au bloc communal et étudier la
Conseil des prélèvements obligatoires
La fiscalité locale dans la perspective du ZAN - octobre 2022
LA FISCALITE LOCALE DANS LA PERSPECTIVE DU ZAN
15
pertinence de taux variables de DMTO en fonction du caractère
artificialisant des opérations immobilières.
Recommandation n°8 : Intégrer les conséquences d
e l’objectif
ZAN dans
les projections réalisées pour la réforme des valeurs locatives cadastrales
et envisager des mesures de correction ou de compensation si les résultats
vont dans un sens contraire à cet objectif.
Recommandation n°9 : Confier aux administrations compétentes le
chiffrage de
l’impact économique et financier lié
à
la mise en œuvre du
ZAN (y compris les incidences fiscales pour les collectivités) et identifier
les pistes de financement et de mutualisation envisageables.
Recommandation
n°10 :
Etudier
l’extension
de
la
couverture
géographique des établissements publics fonciers à l’ensemble du
territoire national et la taxe spéciale d’équipement affectée à leur
financement.
Recommandation n°11
: Étudier la pertinence d’introduire un système
de bonus-malus dans le calcul
de la taxe d’aménagement pour favoriser
les opérations de dépollution/réaménagement et taxer davantage les
opérations artificialisantes.
Conseil des prélèvements obligatoires
La fiscalité locale dans la perspective du ZAN - octobre 2022
16
CONSEIL DES PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES
INTRODUCTION
Par lettre du 7 juin 2022, le président de la commission des finances
du Sénat a demandé au Conseil des prélèvements obligatoires, en
application de l’article L.
331-3 du code des juridicions financières, de
réaliser une étude relative à la prise en compte, par notre système fiscal, de
l’objectif de zéro artificialisation nette des sols (ZAN).
Depuis plusieurs
années, des objectifs de sobriété foncière ont été énoncés. Dès l’année
2000, la loi n°2000-1208 du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au
renouvellement urbains, dite loi SRU, confiait aux collectivités territoriales
le soin de de veiller à «
une utilisation économe et équilibrée des espaces
naturels, urbains, périurbains et ruraux, la maîtrise des besoins de
déplacement et de la circulation automobile, la préservation de la qualité
de l'air, de l'eau, du sol et du sous-sol, des écosystèmes, des espaces verts,
des milieux, sites et paysages naturels ou urbains, la réduction des
nuisances sonores, la sauvegarde des ensembles urbains remarquables et
du patrimoine bâti, la prévention des risques naturels prévisibles, des
risques technologiques, des pollutions et des nuisances de toute nature »
1
.
Aucun objectif contraignant n’était néanmoins fixé dans la loi.
La loi n° 2014-366 du 24 mars 2014 pour l'accès au logement et un
urbanisme rénové, dite loi ALUR, consacre un chapitre à la lutte contre
l'étalement urbain et la consommation d'espaces naturels, agricoles et
forestiers et impose d’analyser les capacités de densific
ation au sein des
documents d’urbanisme. De même, la loi n° 2014
-1170 du 13 octobre 2014
d'avenir pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt, dite loi LAAAF,
impose aux schémas de cohérence territoriale (SCoT) de sectoriser les
objectifs de consommatio
n d’espace.
L’objectif de zéro artificialisation nette des sols est apparu pour la
première fois dans le plan biodiversité
2
de 2018, sans avoir de portée
1
Article 1 de la loi
SRU
2
Objectif 1.3 du plan
Biodiversité
: «
Limiter la consommation d’espaces naturels,
agricoles et forestiers pour
atteindre l’objectif de zéro artificialisation nette
»
Conseil des prélèvements obligatoires
La fiscalité locale dans la perspective du ZAN - octobre 2022
LA FISCALITE LOCALE DANS LA PERSPECTIVE DU ZAN
17
contraignante ni que soit fixée une date butoir. Il était indiqué que les
politiques d’urbanisme et d’aménagement commercial seraient revues afin
d’enrayer
l’augmentation
des
surfaces
artificialisées
(bâtiments,
infrastructures de transports, parkings, terrains de sports...), de favoriser un
urbanisme sobre en consommation d’espace et d’améliorer la mise
en
œuvre de la séquence « éviter –
réduire
–
compenser ».
Lors de la convention citoyenne pour le climat, 13 propositions
visaient directement à renforcer la lutte contre l’artificialisation des sols
3
.
La loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement
climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, dite Loi
« Climat et Résilience », a directement repris, dans son article 191
4
, la
première proposition de la convention climat liée à l’artificialisation des
sols, en fixant désormais des objectifs contraignants et en les bornant dans
le temps selon une démarche pluriannuelle organisée en deux étapes :
−
de 2021 à 2031, le rythme d'artificialisation des espaces naturels
agricoles et forestiers (ENAF) doit être divisé par deux par rapport au
rythme de la consommation réelle de ces espaces observée sur les dix
années précédentes ;
−
d’ici 2050, la France doit atteindre l’objectif de zéro artificialisation
nette des sols.
Cette loi définit l’artificialisation
comme «
l’altération
durable de tout
ou partie des fonctions écologiques d’un sol, en particulier de ses fonctions
biologiques, hydriques et climatiques, ainsi que de son potentiel
agronomique par son occupation ou son usage
». A l’inverse, la
renaturation d’un sol ou
sa désartificialisation consiste «
en des actions ou
des opérations de restauration ou d’amélioration de la fonctionnalité d’un
sol, ayant pour effet de transformer un sol artificialisé en un sol non
artificialisé
». L’artificialisation nette des sols est ainsi dé
finie comme «
le
3
Rapport final de la convention citoyenne :
.
4
« Afin d'atteindre l'objectif national d'absence de toute artificialisation nette des sols
en 2050, le rythme de l'artificialisation des sols dans les dix années suivant la
promulgation de la présente loi doit être tel que, sur cette période, la consommation
totale d'espace observée à l'échelle nationale soit inférieure à la moitié de celle observée
sur les dix années précédant cette date.
Ces objectifs sont appliqués de manière différenciée et territorialisée, dans les
conditions fixées par la loi. »
Conseil des prélèvements obligatoires
La fiscalité locale dans la perspective du ZAN - octobre 2022
18
CONSEIL DES PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES
solde de l’artificialisation et de la renaturation des sols constatées sur un
périmètre et sur une période donnés
». Dans les documents de planification
et d’urbanisme, qui doivent prévoir des objectifs de réduction de
l’artificialisation
des sols ou de son rythme, est considérée comme
artificialisée «
une surface dont les sols sont soit imperméabilisés en raison
du bâti ou d’un revêtement, soit stabilisés et compactés, soit constitués de
matériaux composites
» et comme non artificialisée «
une surface soit
naturelle, nue ou couverte d’eau, soit végétalisée, constituant un habitat
naturel ou utilisée à usage de cultures
».
La réflexion sur l’atteinte de l’
objectif ZAN
doit s’inscrire dans le
cadre plus vaste de la transition écologique et solidaire
dont elle n’est pas
détachable. Elle doit
également s’insérer dans le cadre d’une politique
d’aménagement du territoire qui devra être co
-
conduite par l’Etat et les
collectivités territoriales, tant on voit que les décisions en matière
d’urbanisme et les choix des acteurs économiques doivent intégrer, c’est
-
à-dire mutualiser, les conséquences de la rupture des continuités
écologiques,
de l’
altération des paysages,
de l’
accroissement des émissions
de carbone
liée à l’activité humaine
.
La demande adressée au CPO par la Commission des finances du
Sénat fait suite au rapport
d’information sur les outils financiers en vue de
l
’atteinte de l’objectif de
zéro artificialisation nette (ZAN) présenté au nom
de la commission des finances par M. Jean-Baptiste Blanc, sénateur, le
29 juin 2022
5
.
Ce rapport constatait que l’objectif
zéro artificialisation
nette n’avait pas encore trouvé son modèle économique, que les moyens
actuels, en particulier les ressources des collectivités territoriales, ne
permettaient p
as de lutter contre l’artificialisation et qu’il était nécessaire
de mettre en place un guichet unique susceptible de porter cette politique
publique.
Lors des auditions réalisées par la mission du sénateur Blanc,
plusieurs interlocuteurs avaient souligné la nécessité de mettre en
cohérence la fiscalité locale avec l’objectif du ZAN, à la fois parce que
beaucoup de ces interlocuteurs considéraient la fiscalité locale actuelle
comme artificialisante et parce que le ZAN, en figeant en partie, à terme,
les équilibres fonciers du pays, aurait des conséquences directes sur les
recettes des collectivités territoriales et de leurs groupements. Le rapport
5
Conseil des prélèvements obligatoires
La fiscalité locale dans la perspective du ZAN - octobre 2022
LA FISCALITE LOCALE DANS LA PERSPECTIVE DU ZAN
19
porte aussi la marque des réactions très vives ou des interrogations fortes
sur le caractère désormais contraign
ant de l’objectif ZAN.
À cet égard, les circulaires qui se sont succédé ont traduit le souci
d’accompagner les
collectivités territoriales sans vraiment les rassurer.
Ainsi l’instruction du 29
juillet 2019 donnait aux préfets la mission
d’«
agir au nom de
l’État pour faciliter aujourd’hui et pour demain des
projets
de
développement
des
territoires
équilibrés,
sobres
en
consommation d’espace, qui veillent à un meilleur usage des terres et
préviennent
la crise sociale, en mobilisant les outils de la loi ELAN (projets
partenariats d’
aménagement
, grandes opérations d’urbanisme, opérations
de revitalisation des territoires). La circulaire du 30 août 2021 encourageait
les préfets à mobiliser la dotation générale de décentralisation (DGD) pour
accompagner les EPCI
dans l’élaboration de plans locaux d’urbanisme
intercommunaux. Enfin la circulaire datée du 7 janvier 2022 sur la mise en
œuvre de la loi «
Climat et Résilience » en matière de lutte contre
l’artificialisation des sols
invitait les préfets à accompagner les élus dans la
territorialisation de l’objectif dont ils ont la responsabilité
.
Le Conseil consultatif d’évaluation des normes (CCEN) a rendu un
avis défavorable sur les projets de décrets d’application du ZAN
6
.
L’
Association des maires de France (AMF) a déposé un recours contre
deux décrets d’application de la loi datés du 29
avril 2022
7
, et la sénatrice
Sophie Primas a déposé le 5 août 2022 une proposition de loi
8
visant à
renforcer le dialogue territorial en faveur de la lutte contre l'artificialisation
des sols, en repoussant «
d'un an le délai maximal à l'issue duquel les
conférences des SCoT devront avoir transmis à la Région leurs
propositions d'application territoriale du « ZAN », c'est-à-dire de
prolonger la phase de concertation jusqu'au 22 octobre 2023
».
C’est dans ce contexte qu’est intervenue
la saisine du CPO.
A l’occasion d’un échange avec le rapporteur général
du budget,
M. Jean-François Husson, et le rapporteur spécial chargé des politiques du
6
Voir les délibérations du CNEN du 22 février 2022
3b9/deliberations-cnen-du-22-fevrier-2022.pdf
7
l
’
un relatif « aux objectifs et aux règles générales en matière de gestion économe
de l'espace et de lutte contre l'artificialisation des sols du SRADDET » et l
’
autre «
à la nomenclature de l'artificialisation des sols »
8
Conseil des prélèvements obligatoires
La fiscalité locale dans la perspective du ZAN - octobre 2022
20
CONSEIL DES PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES
logement, de l’urbanisme et de la ville, M. J
ean-Baptiste Blanc, il a été
précisé que l’attente de la Commission portait uniquement sur la fiscalité
locale, et que le calendrier de remise de l’étude devait être compatible avec
la possibilité pour la Commission de présenter des amendements lors de la
discussion relative au projet de loi de finances pour 2023.
Les impôts qui ont été retenus dans l’examen sont les taxes foncières
(sur les propriétés bâties, sur les propriétés non bâties, la cotisation foncière
des entreprises), la taxe d’aménagement, les
droits de mutations à titre
onéreux ainsi que plusieurs impôts ayant un lien direct avec la
problématique de la lutte contre l’artificialisation des sols
: la taxe
d’habitation sur les logements vacants, sur les résidences secondaires), la
taxe sur les friches commerciales, la taxe communale sur les terrains nus
devenus constructibles et la taxe additionnelle à la taxe foncière sur les
propriétés non bâties.
Tableau n° 1 :
Evolution des recettes fiscales locales entrant dans le
périmètre de l’étude (source
: DGFiP, DGCL, OFGPL)
En millions d’euros
2018
2019
2020
2021
Taxes foncières sur les
propriétés bâties
33 628
34 526
35 264
34 879
Taxes foncières sur les
propriétés non bâties
1 067
1 092
1 106
1 116
Cotisation foncière des
entreprises
7 954
8 006
8 265
6 853
Taxe d'aménagement
1 718
1 786
1 692
1 931
Droits de mutation à titre
onéreux
14 825
16 286
15 917
19 762
Taxe d’habitation sur les
logements vacants
71
75
84
82
Conseil des prélèvements obligatoires
La fiscalité locale dans la perspective du ZAN - octobre 2022
LA FISCALITE LOCALE DANS LA PERSPECTIVE DU ZAN
21
En millions d’euros
2018
2019
2020
2021
Taxe d’habitation sur les
résidences secondaires
-
-
776
820
Taxe sur les friches
commerciales
13
13
13
13
Total taxes locales étudiées
59 276
61 784
63 117
65 456
Total impôts et taxes perçus par
les collectivités territoriales
147 847
152 828
151 266
157 288
Total recettes des collectivités
territoriales
240 730
248 383
243 810
256 150
Ce périmètre, qui représente un total de 65,4
Md€ en 2021, ne
recouvre donc pas la totalité des impôts et taxes perçus par les collectivités
territoriales, qui s’élèvent à 157
Md€ en 2021.
L
a TASCOM n’a pas été intégrée dans le périmètre du rapport
, car
elle a fait l’objet de propositions au terme du rapport d’information de
MM. Belin et Babary pour la commission des affaires économiques du
Sénat, déposé le 16 mars 2022. Si la commission des finances le souhaite,
le CPO est prêt à prolonger cette réflexion dans des travaux ultérieurs.
Les taxes spéciales d’équipement, qui sont des taxes affectées aux
établissements publics fonciers ont été intégrées dans le périmètre. La
fiscalité nationale n’a pas été étudiée, sauf dans les cas où une taxe
existe
sur un périmètre proche d’une taxe locale (taxe sur les logements vacants
et taxe sur les plus-values des terrains nus devenus constructibles).
L’objet du présent rapport est de répondre aux questions suivantes
:
•
la fiscalité locale peut-elle envoyer un signal-prix aux acteurs
économiques pour faciliter l’atteinte de l’objectif ZAN, et si oui quelles
modifications doivent y être apportées ?
Conseil des prélèvements obligatoires
La fiscalité locale dans la perspective du ZAN - octobre 2022
22
CONSEIL DES PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES
•
L’objectif du ZAN va
-t-il modifier les recettes fiscales des collectivités
territoriales et des groupements, et si oui, quels ajustements peuvent
être envisagés ?
Par ailleurs, il traite principalement des effets directs du ZAN sur la
fiscalité locale, et n’aborde pas les problématiques spécifiques à certains
s
ecteurs économiques comme le commerce ou l’agriculture.
Conseil des prélèvements obligatoires
La fiscalité locale dans la perspective du ZAN - octobre 2022
I - La fiscalité locale
n’est pas
responsable à
titre principal
de l’artificialisation, et peut
devenir un outil plus efficace au service de
l’objectif ZAN
La fiscalité locale
n’a pas été conçue dans un contexte de sobriété
foncière. Elle est l’héritière de dispositions anciennes visant notamment à
imposer le patrimoine foncier, établissant ainsi un lien entre les ressources
fiscales des collectivités territoriales et la population qui bénéficie de
services publics
qu’elles produisent
. La fiscalité locale a donc comme
premier objectif une finalité de rendement pour garantir le financement des
collectivités territoriales.
La question du rendement futur des impôts locaux dans le contexte
du ZAN est donc au cœur des débats actuels
: avec l’objectif ZAN, de
nombreux élus se demandent si leur développement futur va se retrouver
affecté par la réforme. Certains vont jusqu’à penser que la structure même
de la fiscalité locale serait con
tradictoire avec l’objectif ZAN, car plus
intéressante pour le foncier bâti que le foncier non bâti.
La réflexion à conduire sur la fiscalité locale doit prendre en compte
les constats sur l’artificialisation et les travaux conduits sur les instruments
économiques permettant de limiter cette artificialisation (A). Le modèle de
développement de très nombreuses communes a encore récemment reposé
sur l’artificialisation des sols, mais la fiscalité locale seule n’explique pas
cette tendance, et son rôle apparaît même relativement marginal. La
fiscalité locale n’est donc pas un obstacle au ZAN par son caractère
« artificialisant » (B). Dans un environnement où le ZAN va raréfier le
foncier contructible, il est même possible de l’utiliser pour permettre aux
exécutifs locaux de favoriser la densification urbaine et de lutter contre les
espaces sous utilisés (logements vacants, friches commerciales) (C).
Conseil des prélèvements obligatoires
La fiscalité locale dans la perspective du ZAN - octobre 2022
24
CONSEIL DES PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES
A -
Les constats de l’artificialisation
et les travaux
sur les instruments économiques à même
d’encadrer cette évolut
ion
1 -
Une tendance en voie d’inflexion
A la date du vote de la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant
lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face
à ses effets, dite Loi « Climat et Résilience», la France artificialisait en
moyenne 24 000 hectares chaque année, en très grande majorité pour
construire des logements nouveaux.
Graphique n° 1 :
R
épartition du flux de consommation d’espaces
par destination entre 2009 et 2021
Source
: Cerema, observatoire de l’artificialisation
Après une phase de ralentissement constatée entre 2011 et 2015, la
consommation annuelle d’espaces naturels, agricoles et forestiers (ENAF)
s’est stabilisée
, comme tend à le montrer le graphique n°2 ci-dessous.
Conseil des prélèvements obligatoires
La fiscalité locale dans la perspective du ZAN - octobre 2022
25
LA FISCALITE LOCALE DANS LA PERSPECTIVE DU ZAN
Graphique n° 2 :
Consommation totale d’ENAF (en hectares) entre
2009 et 2021
Source : Cerema, observatoire de l’artificialisation
Les comparaisons européennes confirment que tant la part des
surfaces artificialisées rapportée à la superficie totale (5,4 % en France vs
4,2 % dans la moyenne européenne) que celle des surfaces artificialisées
par habitant en France (456m
²
/habitant versus 363 m
²
/habitant), sont
supérieures à la moyenne européenne
9
, en dépit de disparités relativement
fortes
d’un Etat membre à l’autre
.
L’explication de ce
tte consommation important
e d’
ENAF pour
construire de nouveaux logements et bâtiments est directement liée à
l’équilibre économique de ces opérations, le coût d’une opération de
construction sur foncier neuf étant très inférieur à celui d’une opération sur
du foncier réhabilité ou à celui résultant de la densification du foncier déjà
construit. Dans ce contexte, de nombreux déterminants sociaux (croissance
démographique, phénomène de « décohabitation » des familles, poids de
l’automobile
dans
la mobilité, progrès des technologies d’information et de
9
Source :
Enquête
Lucas, Eurostat, 2018. Il existe plusieurs méthodes pour calculer et
suivre l’artificialisation des sols.
Conseil des prélèvements obligatoires
La fiscalité locale dans la perspective du ZAN - octobre 2022
26
CONSEIL DES PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES
communication) se transforment en autant de facteurs d’artificialisation.
La densité moyenne française (119 habitants / km
²
), relativement proche
de la moyenne de l’Union européenne (UE 114 habitants / km²)
, peut
laisser penser qu’il reste de nombreux terrains susceptibles d’être
artificialisés. En réalité, il existe déjà des conflits d’usages pour les ENAF,
d’autant plus que des terrains initialement agricoles, lorsqu’ils sont
artificialisés, ont peu de chance de retourner à l’état naturel ou exploitable
p
our l’agriculture.
L’analyse des fichiers fonciers par le CEREMA
10
fait ressortir un
certain nombre de tendances fortes. Au niveau local, il apparaît que
l’artificialisation est un phénomène très polarisé, guidé par deux forces
majeures, à savoir la métropolisation d’une part et l’attraction du littoral de
l’autre
. On constate ainsi une forte artificialisation autour du littoral,
notamment autour de l’Atlantique et de l’arc méditerranéen, et autour des
agglomérations. À l’inverse, l’espace entre la Champagne
-Ardenne et les
Pyrénées a une dynamique d’artificialisation plus faible.
Au sein des aires urbaines, l’espace central reste très consommateur
d’es
paces, que ce soit la ville centre ou son aire urbaine. Cela est
notamment dû au fait que ces espaces accueillent le plus de ménages et
d’emplois. À l’inverse, les espaces périphériques ont une dynamique plus
forte, mais accueillent moins de ménages et d’emplois. Ainsi, si l’on
regarde par rapport à l’existant, la dynamique (en
% d’augmentation) se
fait principalement en 1
ère
ou en 2
ème
couronne d’une agglomération.
On constate aussi que l’efficacité de l’urbanisation diminue lorsque
l’on s’éloigne du cent
re. On peut citer comme exemple le territoire nantais :
la ville centre a artificialisé 11,7 ha à usage d’habitat sur la période 2009
-
2017 pour accueillir 11 138 ménages. Dans sa périphérie, la commune de
Le Pellerin a accueilli 258 ménages pour 6,5 ha d’a
rtificialisés à destination
de l’habitat. Ainsi, si Nantes consomme plus d’espace dans l’absolu, on
peut considérer que l’urbanisation y est plus efficace, car la surface
artificialisée moyenne pour accueillir un nouveau ménage est faible.
Cette tendance devrait se prolonger dans les années qui viennent
avec le maintien d’une pression immobilière forte, du fait de la
démographie et des pratiques liées à la décohabitation, des difficultés que
10
2009-2017
Conseil des prélèvements obligatoires
La fiscalité locale dans la perspective du ZAN - octobre 2022
27
LA FISCALITE LOCALE DANS LA PERSPECTIVE DU ZAN
connaissent d’ores et déjà les jeunes ménages
et les familles
monoparentales pour accéder au logement et de la mise en place de la
stratégie nationale bas carbone, qui nécessite une forte baisse des
constructions neuves. Par ailleurs, les effets du dérèglement climatique
pourraient rendre certaines zones plus difficiles à habiter, notamment sur
le littoral. Enfin divers objectifs volontaristes vont contribuer à cette
pression immobilière
, qu’ils concernent l’agriculture (objectif de
souveraineté alimentaire),
l’énergie (objectif d’augmenter la part des
énergies
renouvelables,
dont
les
bioénergies)
ou
encore
la
réindustrialisation (nécessité de développer des zones d’activité)
.
Le ralentissement de la croissance démographique telle qu’il ressort
des dernières études de l’INSEE appelle cependant à nuancer ces
prévisions
11
. Le vieillissement de la population devrait être la principale
source du besoin futur en logement, alors que la croissance démographique
et la décohabitation liée à l’augmentation des séparations et à la mise en
couple de plus en plus tardive auront un effet plus modéré. Les projections
produites par l’Insee montrent aussi que les aires d’attraction des villes
concentrent dans la plupart des régions l’essentiel des besoins futurs.
L’Etat a cherché à mobiliser les connaissances disponibles en vue
de
mieux
cerner
les
déterminants
économiques
et
sociaux
de
l’artificialisation des sols, ses impacts sur l’agriculture et l’environnement
et les leviers susceptibles d’en limiter le développement et les effets
négatifs. C’est l’objet des travaux confiés à l’INRA et à l’IFSTTAR qui
ont débouché en décembre 2017 sur
la publication d’
un premier rapport
consacré au «
Sols artificialisés et processus d’artificialisation des sols :
déterminants, impacts et leviers d’action
», qui est
riche d’enseignements
12
.
Ces travaux révèlent la nécessité
d’affiner les instruments de mesure
de l’artificialisation. Selon la méthode utilisée, l’estimation de la surface
artificialisée en France varie considérablement : 5,6 % selon CORINE
Land Cover (télédétection, 2012), 9,3 % selon Teruti-Lucas (enquête
statistique, 2014). L’expertise réalisée par l’Inra et l’Ifsttar suggère qu’une
méthodologie croisant télédétection réalisée à grain plus fin avec des
11
Insee Première n]1881, novembre 2021
12
francais-1.pdf
Conseil des prélèvements obligatoires
La fiscalité locale dans la perspective du ZAN - octobre 2022
28
CONSEIL DES PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES
données cadastrales, topographiques et des enquêtes de terrain permettant
de confirmer les usages pourrait améliorer ces mesures.
Le Conseil national de l’information statistique s’est saisi de cette
question dans le cadre de la commission Territoires et a inscrit dans son
programme de travail 2019-
2023 le développement de l’information sur
l
’artificialisation des sols
.
Derrière les chiffres, se cachent, selon le rapport INRA-IFSTTAR,
deux phénomènes : l
’
imperméabilisation du sol (surfaces bâties, routes,
parkings
,…)
et l
’
urbanisation (pouvant inclure des espaces végétalisées
dans le tissu urbain). Or, un sol imperméabilisé est dégradé le plus souvent
de manière non réversible, constate cette étude : la biodiversité souterraine
et aérienne est affectée par la perte d
’h
abitats naturels, la banalisation et la
contamination des milieux et la fragmentation de l
’
espace. Toutefois, ces
impacts peuvent être atténués par les mosaïques paysagères que constituent
les jardins ou espaces verts, plantations d
’
arbres, façades ou toitures
végétalisées. Quoi qu
’il
arrive, la biodiversité est modifiée : les espèces
spécialistes
(auxquelles
appartient
la
biodiversité
remarquable)
disparaissent au profit d
’e
spèces plus généralistes, voire invasives. Les
impacts de l
’
artificialisation se manifestent également sur l
’
hydrologie
(ruissellement), la création d
’
îlots de chaleur, la pollution de l
’
air, le bruit.
Augmenter la qualité de vie en ville améliorerait l
’
attractivité des zones
urbaines, pourrait limiter l
’
expansion des surfaces artificialisées en zones
périurbaines et réduirait les impacts de l
’
artificialisation.
Le rapport conclut que la densification des villes pourrait être un
levier pour limiter la périurbanisation résultant d
’
un étalement urbain
diffus et discontinu, forte source d
’
artificialisation des sols. La
réhabilitation des espaces vacants, des friches industrielles au sein des
espaces déjà urbanisés serait un levier efficace de réponse à la demande de
logements ou d
’
espaces productifs et porteur de services pour les quartiers
alentour.
2 -
Des initiatives nationales non encore coordonnées
La France
n’est pas le seul pays à s’engager dans cette voie
.
L’Allemagne
a
inscrit,
dès
2002,
l’objectif
de
réduction
de
l’artificialisation des sols dans
sa stratégie nationale de développement
durable
. Elle l’a décomposée en trois étapes
: un objectif de 30 hectares
artificialisés par jour d’ici 2020 (contre 120 ha / jour en 1998), un objectif
intermédiaire de 20 ha en 2030, enfin un objectif final de 0 ha en 2050. En
Conseil des prélèvements obligatoires
La fiscalité locale dans la perspective du ZAN - octobre 2022
29
LA FISCALITE LOCALE DANS LA PERSPECTIVE DU ZAN
Belgique, l
a Flandre, puis la Wallonie, ont voté l’interdiction, d’ici
respectivement 2040 et 2050, de construire sur des terres non
artificialisées, afin de mettre fin à la multiplication des surfaces
artificialisées sur tout le territoire. Aux Pays-Bas, confrontés à des enjeux
spatiaux très différents, le gouvernement a fixé des objectifs ambitieux
visant à accroître la surface consacrée aux espaces naturels : le «
réseau
écologique national
» a pour objectif la création d’au moins 80
000 ha de
zones naturelles entre 2017 et 2027, grâce notamment à la création de
nouvelles zones gagnées sur l’eau, ou
encore grâce à la requalification de
terres agricoles et urbanisées en zones naturelles.
Au niveau européen, la Commission européenne a présenté, le
18 novembre 2021,
une stratégie en faveur des sols, avec l’objectif que les
sols européens soient restaurés, résilients et protégés d'ici à 2050, que la
déforestation et la dégradation des forêts imputables à l’Union soient
enrayées, que les terres non exploitées puissent redevenir des terres
cultivées ou être renaturalisées, que les agriculteurs soient rémunérés pour
le stockage du carbone et la fourniture de services écosystémiques. Elle
entend à cette fin proposer une nouvelle initiative législative sur la santé
des sols qui s’attachera à atténuer les incidences transfrontières de la
dégradation des sols et
fixera des mesures pour l’ensemble de l’Union
européenne, en s’appuyant sur le principe de durabilité et en édictant de
nouvelles règles. Elle a annoncé enfin travailler à une règlementation
spéciale
d’ici le
début de
l’année
2023.
3 -
Des travaux antérieurs touchant à la fiscalité
Le Comité pour la fiscalité écologique devenu le Comité pour
l’économie verte (CEV)
13
s’était
déjà penché sur l’artificialisation des sols
et avaient émis des avis en 2013 et 2015. Les recommandations se
structuraient autour de trois axes : 1/ Comment donner à la taxe
d’aménagement un rôle central pour favoriser la construction sur des
surfaces préalablement artificialisées ? 2/ Comment densifier les
13
Le
comité pour l’économie verte réunit les autorités et parties prenantes concernées
par les enjeux de la fiscalité de l’énergie, de l’économie circulaire, de l’eau et de la
biodiversité, ainsi que de l’ensemble des outils économiques permettant, en
complément des leviers budgétaires et réglementaires traditionnels, de favoriser la
transition énergétique. Il
est présidé par Dominique Bureau. Sa réunion d’installation
s’est tenue le 9 février 2015.
Conseil des prélèvements obligatoires
La fiscalité locale dans la perspective du ZAN - octobre 2022
30
CONSEIL DES PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES
constructions et pénaliser la rétention foncière en zones urbanisées ?
3/ Quelle opp
ortunité d’instaurer une taxe sur les bureaux vacants, à
l’image de celle existante pour les logements ?
Par ailleurs, dans ce même esprit d’élargir la panoplie d’instruments
pour gérer efficacement ce type d’enjeux, le Comité avait émis des avis
transversaux sur le développement des paiements pour services
environnementaux et la mise en œuvre de la compensation écologique, et
examiné les outils pour maîtriser l’artificialisation dans certains espaces
particulièrement riches et sensibles comme ceux du littoral.
A la suite de ces travaux un certain nombre de mesures ont été
prises. Le coefficient d’occupation des sols a été supprimé. Une majoration
de la taxe foncière sur les terrains à bâtir a été instaurée. La loi portant
Evolution du logement, de l’aménagement et du numérique (ELAN) du
23 novembre 2018 a inscrit la
lutte contre l’étalement urbain au titre des
principes qui doivent présider à la conduite des
politiques d’urbanisme des
collectivités
territoriales
et
a
reconnu
que
les
orientations
de
programmation et d’aménagement du
plan l
ocal d’
urbanisme peuvent
favoriser la densification.
B -
La fiscalité locale, une variable
a priori
marginale dans les décisions qui entrainent
l’artificialisation
des sols
Le CPO n
’a pas identifié de travaux universitaires ou de recherche
démontrant le lien entre les paramètres de la fiscalité locale et la dynamique
d’artificialisation des sols, en se plaçant notamment du point de vue des
exécutifs locaux. Des travaux prometteurs ont été conduits par Guillaume
Sainteny sur le foncier non bâti ou la forêt
14
. Cet auteur préconise
notamment de prendre en compte la surface artificialisée dans le calcul des
impôts fonciers par l’application d’un taux croissant en
fonction de la
surface occupée
15
. On peut aussi mentionner les travaux de Sonia Guelton
14
https://cidce.org/wp-content/uploads/2021/07/2021_FRB_Note_Fiscalite_Foret.pdf
15
Conseil des prélèvements obligatoires
La fiscalité locale dans la perspective du ZAN - octobre 2022
31
LA FISCALITE LOCALE DANS LA PERSPECTIVE DU ZAN
sur la taxe d’aménagement comme outil de captation de la valeur foncière
et d’équité sociale
16
.
Les développements qui suivent ont donc été réalisés à partir
d’
échanges réalisés avec différents acteurs, notamment élus locaux. Un
travail approfondi de recherche permettrait
d’affiner
cette première
analyse.
1 -
Le point de vue des agents économiques
Le
rapport
conjoint
INRA-ISTTAR
de
décembre
2017
susmentionné consacre une partie entière aux travaux qui, se plaçant du
point de vue du contribuable, cherchent à identifier si la pression fiscale
exercée par la fiscalité foncière encourage ou décourage l’étalement
urbain. Ces travaux montrent que les agents économiques tiennent compte
dans une certaine mesure de la variable fiscale pour la localisation de leur
projet, lorsque des écarts de taux existent, mais ne prouvent pas pour autant
que la fiscalité locale joue un rôle déterminant dans la définition de leur
projet immobilier.
Lors des échanges menés avec les représentants des entreprises du
bâtiment, il a surtout été mis en avant que le véritable facteur de décision
d’un ménage, d’un aménageur ou d’une entreprise pour décider de lancer
un projet de construction sur une zone non artificialisée tient à la différence
de prix entre le foncier vierge et le foncier déjà artificialisé devant être
réhabilité. Le poids de la fiscalité locale appliquée à ce type d’opération est
minoritaire, et
il n’y a pas aujourd’hui de signal prix fort envoyé aux
acteurs économiques via la fiscalité locale pour réduire cet écart de prix (en
taxant davantage les opérations artificialisantes et en exonérant les
opérations de réaménagement).
A l’inverse,
plusieurs dispositions fiscales
viennent réduire la charge fiscale que supporte la construction de
logements neufs (l’application de taux de DMTO réduit dans le neuf,
l’abattement de taxe d’aménagement
pour les 100 premiers m² d’une
résidence principale). Elles sont appliquées indifféremment aux espaces
artificialisés et non artificialisés.
16
L’impôt de développement en France comme outil de captation de la valeur foncière
et d’équité sociale
| Lincoln Institute of Land Policy
Conseil des prélèvements obligatoires
La fiscalité locale dans la perspective du ZAN - octobre 2022
32
CONSEIL DES PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES
Concernant plus particulièrement le foncier non bâti, il apparaît que
la taxe foncière pourrait inciter à l’artificialisation
compte tenu des
rendements négatifs obtenus après impôt par les propriétaires de terrains
non bâtis. Cette situation aboutirait ainsi à un écart de rentabilité entre les
terrains nus et les terrains constructibles, liés en partie au statut du fermage,
qui incite les propriétaires à changer l’usage de leur terrain et à le céder à
des fins de construction. Cette problématique relevant autant de la lutte
contre l’artificialisation des sols que du modèle économique du monde
agricole, toute modification de la règle fiscale, et notamment de la taxe
foncière sur les propriétés non bâties,
implique une évaluation d’ensembl
e
de ses effets.
Au total, il apparaît bien que la fiscalité locale joue un rôle marginal
dans le choix des acteurs économiques et n’envoie pas particulièrement de
signaux
, ni en faveur de l’
artificialisation, ni en faveur de la
désartificialisation des sols.
2 -
Le point de vue des exécutifs locaux
Du point de vue des exécutifs locaux, l’approche est différente mais
aboutit à un constat similaire : la plupart des personnes entendues par le
CPO confirment que
ce n’est pas la fiscalité locale qui à elle seule e
xplique
les décisions du maire d’accorder des permis de construire et de développer
les zones à urbaniser.
La dynamique de la fiscalité locale dépend, au premier chef, de la
revalorisation des paramètres d’assiette et de taux
. Elle résulte également
de
l’
accueil, par la collectivité, de nouveaux contribuables, habitants et
entreprises, qui génèrent de nouvelles recettes fiscales. En cela la fiscalité
locale incite la collectivité, pour accroître ses recettes, à être attractive et à
s’inscrire dans un proje
t de développement démographique et économique,
le
plus souvent sous forme d’étalement urbain
, modèle de développement
qui s’est accéléré depuis l’ère industrielle
.
Chercher à comprendre si la fiscalité locale est « artificialisante »
revient à vérifier si elle favoriserait
l’étalement urbain ou
découragerait la
densification de l’existant
, voire cumulerait ces biais. I
l ne s’agit
donc pas
de savoir si une commune, lorsqu’elle vote un document d’urbanisme et
détermine le volume et/ou l’emplacemen
t des parcelles à urbaniser, est
influencée par les recettes fiscales additionnelles que ces opérations sont
susceptibles de lui rapporter. Tout projet procure des recettes nouvelles,
qu’elles soient assises sur du foncier (TF, CFE) ou sur d’autres bases
Conseil des prélèvements obligatoires
La fiscalité locale dans la perspective du ZAN - octobre 2022
33
LA FISCALITE LOCALE DANS LA PERSPECTIVE DU ZAN
(CVAE), au moment de la construction (fiscalité de flux, type TA) et sur
la durée (fiscalité de stock, ou rendement type TASCOM). Un projet
d’urbanisme entraîne
mécaniquement des nouvelles recettes fiscales, mais
d’autres paramètres entrent en ligne de comp
te (règlementation supérieure,
attentes des habitants, nature des projets économiques, disponibilité des
terrains) et
participent de la décision finale d’une collectivité lorsqu’elle
vote un document d’urbanisme.
La question du caractère artificialisant ou non de la fiscalité locale
est donc plutôt de savoir si, pour accueillir de nouveaux habitants et de
nouvelles activités économiques, la commune est incitée, via la fiscalité, à
favoriser l’artificialisation d’une parcelle nouvelle plutôt que de réutilis
er
une parcelle existante. De ce point de vue, la réponse apparaît globalement
négative
: la taxe d’aménagement couvre les coûts d’infrastructure liés à
l’aménagement de nouveaux espaces, et comme elle ne comporte aucun
critère lié à l’artificialisation
, le rendement coût/bénéfice est normalement
plus avantageux pour des projets en recyclage/réhabilitation, pour lesquels
une partie des coûts d’aménagement (voirie, eaux/assainissement)
a déjà
été financée
. De même, s’agissant de la densification des villes,
la TFNB
étant très sensiblement inférieure à la TFPB, une commune a tout intérêt à
encourager les mouvement dits de BIMBY (de
l’acronyme anglais
« build
in my backyard »
, c’est
-à-dire « construire dans mon jardin ») ou de
division des parcelles existantes. Ce processus permet de densifier un
espace déjà artificialisé.
Le seul biais fiscal clairement identifié est lié au maintien de la taxe
d’habitation sur les seules résidences secondaires, qui a pu encourager
certains maires à chercher à attirer ce type de résidence en délivrant
l’autorisation d’urbaniser de nouvelles parcelles à la construction. C’est
notamment
ce qui s’est passé dans les communes du littoral.
En conclusion
, ce n’est pas l’impôt qui con
traint un maire à
artificialiser, mais le modèle économique dans lequel le foncier vierge est
moins coûteux à aménager que le foncier à réhabiliter ainsi que la
préférence sociale en faveur du modèle pavillonnaire
au détriment d’un
habitat densifié et d
u modèle de l’habitat collectif.
A
contrario
, la fiscalité
locale
comporte peu d’incitations
en faveur de la désartificialisation et la
question qui peut se poser est de savoir si l’instrument fiscal pourrait être
davantage utilisé
pour tendre vers l’objectif ZAN
.
Conseil des prélèvements obligatoires
La fiscalité locale dans la perspective du ZAN - octobre 2022
34
CONSEIL DES PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES
C -
Des dispositifs fiscaux ciblés peuvent favoriser
la mise en
œuvre
du ZAN
La loi « Climat et Résilience » prévoyait que le Gouvernement
remette au Parlement dans un délai de six mois à compter de sa
promulgation un rapport proposant les modifications règlementaires et
fiscales en vue de f
avoriser la mise en œuvre du ZAN
.
Ce rapport n’a pas
été publié à date, et le CPO dans son enquête
s’est appuyé
sur de nombreux
échanges avec les élus pour identifier les outils fiscaux qui pourraient leur
être utiles. La rédaction de ce rapport
n’en est
pas moins nécessaire et
pourrait être utilement préparée par un groupe de travail associant les
administrations concernés et les élus locaux
afin d’
identifier les leviers
règlementaires et fiscaux qui manquent aux exécutifs locaux pour atteindre
le ZAN
17
.
Les échanges
conduits au cours de l’enquête du CPO
ont permis
d’identifier aux moins trois enjeux prioritaires auxquels sont confrontés les
maires lorsqu’ils s’inscrivent dans une trajectoire ZAN
:
−
optimiser l’occupation
du bâti existant en luttant contre les logements
vacants (1) ;
−
inciter à la densification urbaine
, sans recourir à l’étalement urbain
(2) ;
−
reconvertir des friches commerciales afin de leur redonner une
affectation (3).
17
« Dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, le
Gouvernement remet au Parlement un rapport proposant les modifications nécessaires
en matière de délivrance des autorisations d'urbanisme, à la fiscalité du logement et de
la construction ainsi qu'au régime juridique de la fiscalité de l'urbanisme, des outils de
maîtrise foncière et des outils d'aménagement à la disposition des collectivités
territoriales pour leur permettre de concilier la mise en œuvre des objectifs tendant à
l'absence d'artificialisation nette et les objectifs de maîtrise des coûts de la
construction, de production de logements et de maîtrise publique du foncier. Ce rapport
dresse également une analyse des dispositifs de compensation écologique, agricole et
forestière existants, du dispositif de compensation prévu au 3° du V de l'article L. 752-
6 du code de commerce et de l'opportunité de les faire évoluer ou de développer de
nouveaux mécanismes de compensation de l'artificialisation contribuant à l'atteinte des
objectifs prévus à l'article 191 de la présente loi. »
Conseil des prélèvements obligatoires
La fiscalité locale dans la perspective du ZAN - octobre 2022
35
LA FISCALITE LOCALE DANS LA PERSPECTIVE DU ZAN
Pour l’ensemble de ces sujets, il s’est agi de vérifier
si la fiscalité
pouvait être mobilisée
et s’il était nécessaire de
faire mieux connaître les
instruments fiscaux qui existent
et d’encourager leur
utilisation (4).
1 -
Limiter la vacance et réguler les résidences secondaires
pour répondre à la demande croissante de logements
Le commissariat général au développement durable (CGDD) estime
que si 80% du stock de logements vacants étaient occupés (2,15 millions
de
logements
vacants),
l’économie
en
termes
d’artificialisation
équivaudrait à 50 000 ha
18
. Il apparaît donc important
d’envoyer un signal
-
prix, grâce à la fiscalité locale, pour encourager la remise en vente des
logements vacants essentiellement dans les secteurs où le marché de
l’immobilier est
en tension, et ainsi
optimiser l’occupation du bâti existant
.
C’est d’autant
plus souhaitable que la croissance attendue du nombre de
ménages, la décohabitation et la rareté du foncier pèseront de plus en plus
sur la demande.
Cela
découle
également
de
la
jurisprudence
du
Conseil
constitutionnel. Lors
de l’examen
de la loi du 25 juillet 1998 relative à la
lutte contre les exclusions qui a créé par son article 51 la taxe sur les
logements vacants
19
,
il a formulé plusieurs réserves d’interprétation.
Il a
considéré que la taxe ne pouvait s’appliquer aux logements dont l
a vacance
était imputable à une cause étrangère à la volonté du bailleur, aux
logements nécessitant des travaux importants et aux logements meublés
affectés à l'habitation et, comme tels, assujettis à la taxe d'habitation.
C’est
pour cette raison qu’une proposition de loi
relative à la
lutte
contre le
logement vacant
et à la
solidarité nationale
pour le
logement
a été déposée
en septembre 2009. Elle visait à permettre aux maires d'engager une
procédure de déclaration de logements en état de vacance anormalement
18
Thema « Objectif ZAN », CGDD, octobre 2018.
19
La taxe est destinée à s’appliquer dans les agglomérations de
Paris, Lyon, Lille,
Bordeaux, Toulouse, Montpellier, Nice et Cannes-Grasse-Antibes, aux logements
vacants depuis au moins deux années consécutives, au 1
er
janvier de l'année
d'imposition. La loi prévoit cependant un certain nombre d’exceptions
: le parc locatif
social, les résidences secondaires, les locaux dont la mise en état d'habitation
nécessiterait des travaux importants, les logements mis en location ou en vente au prix
du marché et ne trouvant pas preneurs ainsi que ceux qui ont été occupés plus de
30 jours consécutifs au cours de l'une des deux années de référence.
Conseil des prélèvements obligatoires
La fiscalité locale dans la perspective du ZAN - octobre 2022
36
CONSEIL DES PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES
longue lorsqu'un logement est vacant depuis
cinq ou huit années
consécutives.
Cette proposition de loi n’a pas prospéré.
S’agissant des résidences secondaires, leur
nombre a augmenté de
30 % en 30 ans. Il existe un li
en avec l’artificialisation dans la mesure où
des habitants recherchent des habitations à titre principal sur des espaces
fortement recherchés par les occupants, ce qui a conduit à l’étalement
urbain. Il
n’est pas démontré que la fiscalité locale joue un r
ôle majeur pour
réguler cette croissance. En revanche elle peut représenter une source de
revenu pour les collectivités, leur permettant de construire davantage de
logement à destination de résidence principale.
Il existe aujourd
’
hui deux taxes sur les logements vacants : la taxe
sur les logements vacants (TLV) proprement dite dont le produit est versé
à l’Agence national
e
de l’habitat (Anah)
et la taxe d
’
habitation sur les
logements vacants (THLV) qui peut être instaurée par toutes les communes
où la TLV n
’
est pas appliquée, ce qui élargit considérablement le risque
d
’i
mposition pour les contribuables
20
. Depuis 2012, les établissements
publics de coopération intercommunale peuvent également instituer la
THLV, à condition que les territoires de leurs communes n
’
aient pas mis
en place cette taxe. Les communes concernées, la durée de la vacance et
les montants diffèrent, mais la définition du logement vacant et les cas
d
’
exonération prévus sont identiques. Dans les communes dans lesquelles
s'applique la taxe annuelle sur les logements vacants, le conseil municipal
peut voter l'application d'une majoration de 5 % à 60 % de la part de la taxe
d'habitation lui revenant au titre des logements meublés non affectés à
l'habitation principale
21
. Cette modulation de 5 % à 60 % du taux de la
majoration, issue de l'article 97 de la loi n° 2016-1917 du 29 décembre
2016 de finances pour 2017,
remplace le taux uniforme de 20 % fixé
jusqu'alors.
Les villes situées en zone tendue peuvent également appliquer une
taxe sur les logements vacants pour limiter la location saisonnière. Il leur
20
Le taux de THLV correspond au taux communal de la taxe d
’
habitation, auquel
s’ajoute
éventuellement le taux de la taxe Gemapi (prévention des risques aquatiques et
des inondations). Des frais de gestion peuvent être ajoutés.
21
Cf ; CGI , art. 1407 ter modifié.
Conseil des prélèvements obligatoires
La fiscalité locale dans la perspective du ZAN - octobre 2022
37
LA FISCALITE LOCALE DANS LA PERSPECTIVE DU ZAN
est ainsi possible de décider d'augmenter jusqu'à 60 % la taxe d'habitation
sur les résidences secondaires, comme le permet l'article 1407 du CGI
22
.
Le
périmètre d’application de la taxe sur les logements vacants
(TLV) et de la majoration de la
taxe d’habitation sur les résidences
secondaires est aujourd’hui limité aux communes
situées dans des zones
d’urbanisation
de plus de 50 000 habitants qui présentent un déséquilibre
marqué entre l’offre et la demande de logements
23
. Ces outils fiscaux
pourraient être étendus à l’ensemble des communes
en gardant le critère de
tension sur le marché immobilier
24
, car le problème d
’attrition des
résidences principales du fait de la vacance de logements et des résidences
secondaires se pose aussi dans les communes touristiques de taille
moyenne, notamment littorales et de montagne
, qui peuvent être d’une
taille inférieure à 50 000 habitants. Il pourrait être aussi envisagé de
fusionner la taxe sur les logements vacants dont le rendement est de 94 M
€
en 2020
avec la taxe d’habitation sur les logements vacants et d’en affecter
le rendement au bloc communal, en veillant à assurer le maintien des
ressources de l'Anah.
Recommandation n°1 :
Supprimer le critère du nombre d’habitants
(50 000 habitants), tout en conservant le critère de tension sur le
marché immobilier, pour la taxe sur les logements vacants et la
majoration de taxe d’habitation sur les résidences secondaires
.
Recommandation n°2: Fusionner les deux taxes sur les logements
vacants en une taxe unique et la transformer en impôt local.
22
Nombreuses sont les communes qui ont majoré leur la taxe d'habitation sur les
résidences secondaires de 20 ou 30 %, mais certaines ont la main plus lourde
(majoration de 40 %, de 50 %, voire de 60 %.
23
La suppression du critère de 50 000 habitants, qui élargira
it le périmètre à l’ensemble
des zones tendues, conduirait à inclure 600 à 700 communes supplémentaires, pour un
surcroît de recettes de 11,1
M€ de TLV (chiffrages DHUP).
24
Ce sujet est fortement relayé par les élus locaux.
Conseil des prélèvements obligatoires
La fiscalité locale dans la perspective du ZAN - octobre 2022
38
CONSEIL DES PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES
2 -
Inciter à la densification urbaine pour loger un nombre plus
grand d’habitants et libérer de l’espace pour le développement
économique et commercial
Le versement pour sous densité (VSD) a été instauré, par la loi de
finances rectificatives pour 2010, à compter de 2012, en même temps que
la taxe d
’
aménagement. Il vise à limiter l
’
étalement urbain en taxant les
nouvelles constructions qui n
’
atteignent pas un seuil minimal de densité de
bâti. Il s
’
applique aux autorisations d
’
urbanisme déposées à compter du 1
er
mars 2012 et du 1
er
janvier 2014 à Mayotte et concerne les zones urbaines
et les zones à urbaniser des plans locaux d'urbanisme (PLU) et des plans
d’
occupation des sols (POS). Le VSD est destiné à permettre une utilisation
plus économe de l
’
espace et à lutter contre l
’
étalement urbain. Il ne peut
être supérieur à 25 % de la valeur du terrain. Ce dispositif permet aux
communes et EPCI compétents en matière de PLU qui le souhaitent
d
’
instaurer un seuil minimum de densité par secteur (SMD). Ce seuil
minimum est fix
é
pour une durée d
’
au moins trois ans
à
compter de la date
d'entrée en vigueur de la délibération l'ayant institu
é́
. La loi supprime par
ailleurs le plafond légal de densité (PLD), à partir du 1
er
janvier 2015.
En 2014, l'Inspection générale des finances a recensé le versement
pour sous-densité parmi les 192 taxes à faible rendement qu
’elle avait
examinées
25
. À l'inverse, le Comité pour la fiscalité écologique suggérait
de systématiser le dispositif pour les
zones d’activité
commerciale,
logistique, d'entrepôts.
Cette taxe, instaurée par un faible nombre de collectivités et de
faible rapport, a été supprimée par l'article 155 de la loi de finances pour
2021. Sa suppression a été justifiée par la complexité du dispositif mis en
place (établissement du seuil de densité, sectorisation, nombreuses
exceptions possibles, plafond), par son caractère facultatif qui avait
d’ailleurs été demandé par les associations d’élus et par l’absence de
25
Cf. Rapport IGF,
Taxes à faible rendement
, février 2014. La mission avait estimé en
effet : « La taxe pour sous-
densité peut difficilement atteindre l’objectif de politique
publique fixé (lutter contre l’étalement urbain). Ses modalités de détermination sont
particulièrement complexes.
L’existence d’un rendement élevé à l’avenir n’est pas
certaine. En outre, la prescription par la règle d’urbanisme est sans doute plus pertinente
que l’incitation par la fiscalisation pour atteindre l’objectif de politique publique.
Compte tenu de l’ensem
ble de ces éléments, il est préconisé la suppression de cette
taxe. ».
Conseil des prélèvements obligatoires
La fiscalité locale dans la perspective du ZAN - octobre 2022
39
LA FISCALITE LOCALE DANS LA PERSPECTIVE DU ZAN
publicité faite à ce mécanisme. Dix-huit collectivités seulement y avaient
recours en 2019. Plusieurs interlocuteurs rencontr
és au cours de l’enquête
ont indiqué que cette taxe, créée en 2012, était arrivée trop tôt. Or, une
étude réalisée en 2014 avait modélisé ses effets en Ile-de-France et avait
conclu à sa potentielle efficacité sur la réduction de la surface urbanisée
26
.
S’
il semble difficile de faire un bilan du VSD au regard du nombre
limité des
villes qui l’ont mis en place, l’étude sur l’instauration d’un
versement pour sous-
densité simplifié, dont l’assiette serait assise sur
l’ensemble des constructions avec des except
ions réduites au minimum et
la fixation d’un seuil de densité à une échelle plus vaste que celle de la
commune (celle de l’intercommunalité ou du S
CoT par exemple), paraît
pertinente
. Ce levier fiscal s’inscrirait en complémentarité de la loi ALUR
du 26 mars 2014 qui a supprimé la possibilité de fixer des coefficients
d'occupation des sols (COS) ou des superficies minimales des terrains
constructibles dans les PLU. Le législateur a en effet cherché à décourager
le mitage du territoire, à inciter au contraire à la densification des
constructions et à la limitation de
l’artificialisation des sols. Alors
qu’auparavant un PLU pouvait fixer un COS et limiter fortement l’emprise
au sol d’une construction sur un terrain, désormais, il ne pourra plus
opposer un tel critère à un permis de construire, et la densification pourra
être plus importante.
3 -
Accompagner les opérations de recyclage urbain
Le coût de construction sur la ville, incluant les opérations de
dépollution et la réhabilitation du bâti, est plus onéreux que celui
d’une
construction sur un terrain nu. Les échanges avec les élus locaux ont fait
ressortir que le financement de ces opérations passait davantage par des
subventions budgétaires directes,
distribuées notamment par l’ANRU et
l’ANAH, ou plus récem
ment par le fonds « Recyclage des friches » créé
en 2021 et désormais intégré dans le « fonds vert ». Ces outils sont
26
Avner P., Viguié V. et Hallegatte S., « Le versement pour sous densité
: analyse d’un
outil de densification urbaine et premiers retours d’expérience
», Point Climat n° 36,
CDC Climat recherche, 2014
. L’étude conclut que l’application du VSD en Ile de
France se serait traduite par une baisse de 4,3% de la surface urbanisée
–ainsi qu’une
augmentation de 1,2% de la surface de plancher bâti et une baisse des distances
moyennes parcourues en voiture de 1,3%.
Conseil des prélèvements obligatoires
La fiscalité locale dans la perspective du ZAN - octobre 2022
40
CONSEIL DES PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES
plébiscités par l
’ensemble des acteurs interrogés, notamment les maires des
villes moyennes.
Ainsi, il apparaî
t qu’en matière d’opérations de recyclage urbain
(dépollution, réhabilitation des friches, opérations de démolition-
construction
), l’outil
budgétaire est beaucoup plus efficace que
l’exonération fiscale
pour parvenir à un équilibre économique satisfaisant.
4- Une boîte à outils optionnelle évaluée périodiquement
Les instruments
de fiscalité locale en matière d’urbanisme et
d’aménagement du territoire
sont nombreux. Ils sont pour la plupart à la
main des élus locaux, mais sont dans de nombreux cas peu mobilisés. Ainsi
227 communes ont appliqué une majoration de
taxe d’habitation des
résidences secondaires (THRS) en 2020, et seulement 33 au plafond
maximal de 60 %. Par ailleurs, l
e versement sous densité n’a quasiment pas
été appliqué par les collectivités alors que toutes disposaient de cet outil.
Ce constat peut s’expliquer par plusieurs facteurs
: la complexité de
la fiscalité, le déficit d’ingénierie, notamment de
s communes rurales, pour
élaborer une politique fiscale cohérente avec le projet d’urbanisme, le
dévoiement de la finalité de l’outil fiscal, tantôt appliquée comme fiscalité
de rendement (THRS et TA majorée) pour financer les projets
d’équipement, tantôt mise en sommeil à des fins d’attractivité et de
concurrence fiscale avec les autres collectivités.
Pour autant, le CPO préconise de maintenir l’ensemble des
outils fiscaux d’urbanisme à la main des maires ou des présidents
d’EPCI pour deux raisons.
D’une
part, le législateur a fait le choix de faire reposer le ZAN sur
les élus locaux, compétents en matière d’urbanisme. Ils doivent donc
disposer de l’ensemble des outils pour mettre en œuvre cet objectif.
D’autre
part, la lutte contre l’artificialisation de
sols peut conduire à la mise en
œuvre de stratégies fiscales qui diffèrent en fonction d’une typologie de
territoires. En effet, les zones urbaines, déjà confrontées à la contrainte
d’espace et à la densification, sont déjà outillées et calibrées financièr
ement
pour les opérations de requalification urbaine et d’optimisation du foncier
et sont engagées, pour la plupart, dans des opérations de reconquête
d’espaces naturels.
Conseil des prélèvements obligatoires
La fiscalité locale dans la perspective du ZAN - octobre 2022
41
LA FISCALITE LOCALE DANS LA PERSPECTIVE DU ZAN
En revanche, les villes moyennes et périurbaines, dont le modèle de
développement
repose davantage sur l’étalement, disposent de capacités de
densification et de requalification plus limitées. Alors que sur la période
1954-1975, les villes moyennes ont connu une croissance démographique
soutenue qui s’inscrit dans un processus plus général d’urbanisation du
pays, les mutations économiques qui surviennent au cours des années 1970
ébranlent les bases industrielles sur lesquelles était fondé le développement
des villes moyennes et remettent en cause leur place dans le processus de
production national. Or elles représentent plus de 25 % de la population de
l’ensemble des aires urbaines. Elles cherchent donc à compenser leur
déclin par des opérations d’urbanisme qui se traduisent par un étalement
urbain.
À l’échelle locale, les villes moyennes
sont directement confrontées
à la problématique de la périurbanisation et à celle de l’économie
résidentielle.
Les communes rurales sont à ce stade mal armées, en ingénierie et
au plan financier, pour mettre en œuvre le ZAN et ne perçoivent pas encore
comment poursuivre leur développement dans une logique de sobriété
foncière, d’autant plus que l’habitat collectif y est très faiblement présent.
L’inquiétude de ces deux catégories de collectivités est manifeste. Il faut y
répondre.
Parallèlement, il paraît
nécessaire d’agir sur les leviers qui incitent
les maires à se saisir de l’outil fiscal. Cela passe par
une plus grande
communication
de
la
part
des
administrations
compétentes,
la
simplification de la règle fiscale, le renforcement de l’ingénierie des
maires, notamment ruraux, et la mise à disposition de moyens financiers
pour mener à bien les projets de développement compatibles avec la
sobriété foncière (réhabilitation de friches, construction sur les dents
creuses…).
Pour inciter plus fortement les collectivités à mettre en place une
politique fiscale qui promeuve la sobriété foncière, le CPO recommande
d’inscrire à l’ordre du jour des assemblées municipales et communautaires,
dans le cadre du rapport triennal sur l’artificialisation des sols prévu au
code général des collectivités publiques, un débat portant sur le recours aux
instruments fiscaux concourant à l’objectif ZAN.
Conseil des prélèvements obligatoires
La fiscalité locale dans la perspective du ZAN - octobre 2022
42
CONSEIL DES PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES
Recommandation
n°3
: Inscrire à l’ordre du jour des assemblées
municipales et communautaires, dans le cadre du rapport triennal sur
l’artificialisation des sols
, un débat portant sur le recours aux
instruments fiscaux concourant à l’objectif ZAN
.
Ces différents leviers à la disposition des collectivités ont pour
objectif de leur donner des moyens complémentaires à leurs pouvoirs
règlementaires, pour faire face à des difficultés bien identifiées. Ils ne
modifieront pas profondément les équilibres des finances locales. La
révision de l’ensemble des exonérations existantes pour les concentrer sur
les opérations non artificialisantes est un autre moyen, plus structurel, pour
réduire l’étalement urbain.
D -
Les exonérations et abattements appliqués à la
fiscalité locale devraient être réservés aux
opérations non artificialisantes
1 -
De premières mesures
d’ajustement limitées à l’occasion du
PLF 2023
Dans son article 7, le projet de loi de finances (PLF) pour 2023
prévoit
des mesures d’adaptation de la fiscalité locale «
aux exigences de
la transition énergétique
»,
en particulier à l’objectif du ZAN
. Outre
l’actualisation et la rationalisation du champ d’application du taux réduit
de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) de 5,5 %
pour les travaux de
rénovation énergétique des logements, il est proposé d’adapter
la taxe
d’aménagement
de deux manières :
-
d’une part,
en réévaluant de 50 % sur deux ans les valeurs
forfaitaires servant à calculer l’assiette de la taxe pour les aménagements
les plus artificialisants (aires de stationnement extérieures), puis en les
indexant
sur le coût de l’indice de
la construction
27
, enfin en réévaluant le
27
Ces valeurs forfaitaires n’avaient pas été réévaluées depuis 2011, alors que la valeur
forfaitaire du m² servant à calculer l’assiette de la taxe d’aménagement est ajustée tous
les ans sur l’indice des prix à la construction (indice 1554 en 2011 et 1948 aujourd’hui).
Conseil des prélèvements obligatoires
La fiscalité locale dans la perspective du ZAN - octobre 2022
43
LA FISCALITE LOCALE DANS LA PERSPECTIVE DU ZAN
plafond dans la limite duquel la collectivité peut augmenter cette valeur
forfaitaire ;
-
d’autre part,
en autorisant les communes et EPCI à mettre en place
des exonérations de taxe d’aménagement pour des opérations de
dépollution
.
Ces propositions prolongent
l’inflexion du Gouvernement, initiée
dans la LFI pour 2021
28
, pour donner à la fiscalité de la construction, et
notamment à la taxe d’aménagement, un caractère incitatif en orientant les
décisions d’aménagement vers les comportements vertueux en matière de
sobriété foncière tels que la construction de parkings verticaux ou les
opérations de dépollution
29
.
Le choix de ce type de constructions par rapport à
d’autres
opérations également artificialisantes
dont l’a
ssiette forfaitaire n
’a pas été
actualisée depuis 2011 se discute
30
. Si on peut aisément comprendre
pourquoi les aménagements liés aux énergies renouvelables (panneaux
photovoltaïques, éoliennes) ont été exclus des dispositions de l’article 7 du
PLF 2023, d’autres aménagements qui bénéficient de cette rè
gle fiscale
favorable, notamment les piscines, pourraient également faire l’objet d’une
actualisation de leur assiette forfaitaire, au même titre que les parkings
extérieurs
31
.
Il s’agit donc d’une mesure de rattrapage avec lissage de son effet sur les contribuables
pendant deux ans.
28
La loi de finances pour 2021 exonère à compter du 1
er
janvier 2022 les parkings
verticaux (construits en dessous ou au-
dessus d’un immeuble).
29
La taxe d’aménagement porte sur les constructions nouvelles et ne vise pas le stock.
30
L’article L. 331
-
12 du code de l’urbanisme est ainsi rédigé
: Un abattement de 50 %
est appliqué sur ces valeurs pour : 1° Les locaux d'habitation et d'hébergement ainsi que
leurs annexes mentionnés aux articles
278 sexies
et
296 ter du code général des impôts
et, en Guyane et à Mayotte, les mêmes locaux mentionnés aux mêmes articles 278
sexies et 296 ter ; 2° Les cent premiers mètres carrés des locaux d'habitation et leurs
annexes à usage d'habitation principale, cet abattement ne pouvant être cumulé avec
l'abattement visé au 1° ; 3° Les locaux à usage industriel ou artisanal et leurs annexes,
les entrepôts et hangars non ouverts au public faisant l'objet d'une exploitation
commerciale et les parcs de stationnement couverts faisant l'objet d'une exploitation
commerciale.
31
À noter que les « tentes, caravanes, mobile home » bénéficient aussi de la règle de
calcul favorable de l’assiette forfaitaire.
Conseil des prélèvements obligatoires
La fiscalité locale dans la perspective du ZAN - octobre 2022
44
CONSEIL DES PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES
Ces pistes d’évolution amorcent une inflexion, mais c’est bien une
révision plus générale des dispositifs applicables en matière de fiscalité
locale qu’il faut initier, pour les mettre en cohérence avec l’objectif ZAN.
2 -
Le besoin d’une
révision plus systémique des dispositifs
d’
abattement
, d’assiette
et
d’e
xonérations de la fiscalité locale
La taxe d’aménagement prévoit des dispositifs d’abattement
d’assiette et d’exonération
s au bénéfice de nombreux aménagements
artificialisants
32
. Outre ceux déjà cités, on peut mentionner les locaux
d’habitation financés par le
prêt à taux zéro (PTZ), les locaux à usage
industriel et commercial
33
, et, pour une large part, les logements individuels
en prévoyant un abattement sur les 100 premiers mètres carrés d’une
résidence principale
34
). La taxe foncière sur les propriétés bâties prévoit
des exonérations temporaires pour les constructions neuves (deux ans), et
les logements sociaux sous conditions. La taxe communale sur les plus-
values de cessions de terrains nus devenus constructibles exonère quant à
elle les terrains classés par un document d’urbanisme
depuis plus de 18 ans
en zone à construire
35
.
La méthode qui consiste à adapter les niches fiscales existantes par
petites touches, comme le font la LFI pour 2022 et le PLF 2023, a un
inconvénient majeur. Elle retarde la réflexion à engager sur l
’
adaptation de
la fiscalité à l’objectif ZAN. Au contraire de cette approche sectorielle et
progressive, certains rapports préconisent la suppression pure et simple de
l’ensemble de ces dispositifs
car ils
n’incitent pas
a priori
à la sobriété
foncière
36
. Il semble toutefois nécessaire en amont de toute suppression de
niche fiscale : (i)
d’évaluer l’efficacité de la dépense fiscale, notamment
32
Article L. 331-7, L. 331-9, L. 331-12, L 331-
13 du code de l’urbanisme
33
Exonérations accordées à la suite d’une délibération de l’exécutif local, article
L. 331-
9 du code de l’urbanisme.
34
Abattement de 50% de la valeur forfaitaire par m2 retenue pour calculer la taxe
d’aménagement, 2
ème
alinéa de l’article L. 331
-
12 du code de l’urbanisme.
35
Article 1529 du CGI. Les terrains dont le prix de cession est inférieur au triple du
prix d’acquisition sont également exonérés.
36
Le Comité pour l’économie verte préconise à terme et après évaluation des incidences
budgétaires, économiques et sociales de ces suppressions, une suppression de
l’ensemble des exonérations de la taxe d’aménagement, «
Les instruments incitatifs
pour la maîtrise de l’artificialisation des sols
», p. 80.
Conseil des prélèvements obligatoires
La fiscalité locale dans la perspective du ZAN - octobre 2022
45
LA FISCALITE LOCALE DANS LA PERSPECTIVE DU ZAN
lorsqu’elle poursuit un objectif de politique publique (soutien à la
construction de logements sociaux par exemple),
comme l’art
icle 21 du
projet de loi de programmation des finances publiques y invite
37
; (ii)
d
’analyser
les impacts socio-économiques de sa suppression.
Des lignes directrices
en vue d’
encadrer un travail de suppression
des dépenses fiscales non justifiées pourraient être énoncées : la
suppression des niches fiscales ne devrait concerner que les constructions
nouvelles artificialisantes
38
; des règles fiscales favorables aux opérations
de densification et de recyclage urbain devraient être adoptées.
Cette suppression des exonérations appliquées aux opérations
artificialisantes pourrait par ailleurs s’accompagner, le cas échéant, de
mesures spécifiques, dûment justifiées, pour compenser les effets sur
d’autres politiques
publiques dont
l’équilibre économique s’est construit
sur ces règles fiscales spécifiques, notamment la construction de logements
sociaux
39
.
Il doit y avoir le moins d’exceptions possibles à ce principe.
S’agissant de la fiscalité sur le foncier non bâti (TFNB), la revue des
aides fiscales en faveur du secteur agricole (exonération des bâtiments
agricoles par exemple) doit être menée par le ministère de l’agriculture
en
concertation avec le monde agricole
40
.
37
L’article 7 du projet de LPFP 2022
-2027 prévoit une limitation dans le temps de tout
dispositif de réduction, abattement et exonération fiscal, ainsi que leur prorogation sous
condition d’évaluation préalable.
38
Sous réserve de la faisabilité technique de la mesure.
39
Dans le PLF 2023, les exonérations de taxes foncières au bénéfice des logements
sociaux sont ainsi préservées, mais conditionnées à des critères de performance
énergétique et environnementale accrus.
40
Cf. rapport Bur Richard sur la refonte de la fiscalité locale : « La taxe foncière des
propriétés non bâties (TFNB
), d’un produit global proche de 1 Md€, justifierait un
réexamen comparable à celui préconisé pour la TFPB. Cet impôt, qui représente un
produit substantiel pour les plus petites communes, peut faire peser une charge
importante sur certains types d’exploit
ations agricoles. La mission a estimé que la
concertation engagée par le ministre de l’agriculture et de l’alimentation sur cette
question était la plus apte à définir une priorité de réforme », p. 6.
Conseil des prélèvements obligatoires
La fiscalité locale dans la perspective du ZAN - octobre 2022
46
CONSEIL DES PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES
Recommandation n°4 : Réserver les exonérations de taxes locales aux
opérations sur zones déjà artificialisées, en particulier les opérations de
recyclage urbain
.
II - Un changement de paradigme pour la
fiscalité locale du fait du ZAN
L’enquête a permis d’identifier
au moins deux effets économiques
et financiers à moyen terme particulièrement structurants, qui doivent être
pris en compte
dans l’ad
aptation de la fiscalité locale.
La raréfaction du foncier va induire un renchérissement de son coût
et la création de rentes pour les propriétaires de terrains constructibles, qui
doivent faire l’objet d’une mutualisation
(A). La territorialisation des droits
à artificialiser redistribuera entre collectivités la dynamique du produit de
la fiscalité locale, nécessitant une révision des mécanismes de solidarité et
de péréquations (B).
Ces effets interviendront alors que la révision des valeurs locatives
cadastrales est en cours et que le système de financement des collectivités
est à bout de souffle. Il importe donc
d’
intégrer le ZAN dans toute réforme
de structure relative de la fiscalité locale (C).
A -
Les rentes engendrées par un foncier plus rare
devront être mutualisées
La fiscalité locale permet déjà de capter une partie de la plus-value
issue de l’
artificialisation, via la taxe locale sur les terrains nus devenus
constructibles.
Actuellement, la taxe nationale sur les plus-values de cessions de
terrains nus rendus constructibles peut en effet se cumuler, pour les
communes couvertes par un PLU ou un document d’urbanisme, avec une
taxe communale facultative ayant le même objet, p
révue à l’article 1529
du CGI qui peut être instituée, sur délibération, par les communes disposant
d’un plan local d’urbanisme, d’un document d’urbanisme en tenant lieu ou
d’une carte comunale. Les établissements publics de coopération
intercommunale (EPCI) compétents pour l'élaboration des documents
locaux d'urbanisme peuvent également instituer la taxe à leur profit en lieu
et place des communes membres et avec leur accord. Cette délibération
Conseil des prélèvements obligatoires
La fiscalité locale dans la perspective du ZAN - octobre 2022
47
LA FISCALITE LOCALE DANS LA PERSPECTIVE DU ZAN
s’applique aux cessions réalisées à compter du premier jou
r du troisième
mois qui suit la date à laquelle elle est intervenue (CGI, art. 1529, VI).
Toutefois, le conseil municipal ou l’organe délibérant peut choisir une date
d’application différente, sous réserve qu’elle soit postérieure à celle prévue
par la loi.
La taxe s'applique aux cessions réalisées à une date postérieure au
13 janvier 2010 :
- par les personnes physiques soumises à l'impôt sur le revenu
afférent aux plus-values immobilières des particuliers dans les conditions
prévues à l’article 150 U du
CGI ;
- par les sociétés et groupements soumis à l'impôt sur le revenu
afférent aux plus-values immobilières des particuliers dans les conditions
prévues à l'article 150 U du CGI ;
- par les contribuables qui ne sont pas fiscalement domiciliés en
France, assujettis à l'impôt sur le revenu, soumis au prélèvement, dans les
conditions prévues à l’article 244 bis du CGI.
Lorsque la commune ne dispose d
’
aucun de ces documents
d
’
urbanisme ou que l
’
établissement public de coopération intercommunale
compétent pour l
’
élaboration des documents d
’
urbanisme n
’
a pas exercé
cette compétence, la décision du conseil municipal ou de l
’
organe
délibérant, même régulière, n
’
a alors pas de portée pratique, dès lors que la
taxe ne s
’
applique qu
’
aux cessions de terrains rendus constructibles du fait
de leur classement par un plan local d
’
urbanisme ou un document en tenant
lieu ou une carte communale.
La taxe est assise sur la différence entre le prix de cession et le prix
d'acquisition stipulé dans les actes (ou à défaut de la valeur vénale réelle à
la date d'entrée dans le patrimoine du cédant d'après une déclaration
détaillée et estimative des parties), actualisé en fonction du dernier indice
des prix à la consommation hors tabac publié par l'Institut national de la
statistique et des études économiques. L'assiette de la taxe est ensuite
réduite d'un dixième par année écoulée à compter de la date à laquelle le
terrain a été rendu constructible au-delà de la huitième année.
En cumulant la taxe communale et de la taxe nationale, la taxation
la plus élevée est inférieure à 20% le poids de la taxe, par ailleurs peu
appliquée pour sa part communale, reste faible au regard de la plus-value
générée par la vente. Aussi, il serait possible d’élever le taux d’une taxe
Conseil des prélèvements obligatoires
La fiscalité locale dans la perspective du ZAN - octobre 2022
48
CONSEIL DES PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES
unique affectée aux communes, sans pour autant procéder à une imposition
confiscatoire,
dans
le
respect
de
la
jurisprudence
du
Conseil
constitutionnel.. La suppression de la clause permettant la non-application
de la taxe aux terrains rendus constructibles depuis plus de 18 ans pourrait
également être étudiée. Il serait enfin essentiel que les maires recourent
davantage à cette taxe, qui pourrait par ailleurs dégager des recettes pour
financer leurs projets de recyclage urbain (dépollution, réhabilitation).
La rente que vise à capter ces deux taxes est appelée à augmenter du
fait
du renchérissement du foncier induit par la mise en œuvre du ZAN.
Les communes et intercommunalités vont en effet se doter de documents
d’urbanisme visant à économiser le foncier, en définissant les zones
constructibles et celles qui ne le sont pas. La rareté du foncier va se traduire
par son renchérissement pour les acquéreurs. Les propriétaires de terrains
constructibles qui cèdent leur terrain vont donc capter une rente liée
directement au ZAN. La question de renforcer le dispositif actuel peut donc
se poser, tout en tenant compte des autres dispositifs fiscaux nationaux qui
s’appliquent aux plus
-values.
Une fusion des deux taxes serait également pertinente pour en faire
une taxe locale, tout en préservant le financement alloué aux jeunes
agriculteurs sous forme d’une autre
ressource - une partie du rendement de
la taxe aujourd’hui nationale irait ainsi au
x collectivités.
Recommandation n°5 : Augmenter le taux de la taxe locale sur les plus-
values de cessions de terrains nus rendus constructibles et envisager la
suppression de la clause « des 18 ans ».
B -
Le ZAN peut générer une redistribution de la
dynamique des recettes foncières
qu’il faudra
accompagner
Le second effet structurel concerne les recettes fiscales des
collectivités territoriales : leur dynamique ne devrait pas souffrir de la mise
en œuvre de l’objectif, mais sa distribution entre collectivités
pourrait
évoluer. Il appartiendra au gouvernement et à la représentation nationale
de corriger ou non ces effets s’ils se vérifient.
Conseil des prélèvements obligatoires
La fiscalité locale dans la perspective du ZAN - octobre 2022
49
LA FISCALITE LOCALE DANS LA PERSPECTIVE DU ZAN
1 -
Des effets de la réforme encore difficiles à simuler en
matière de fiscalité locale
La non artificialisation nette des sols pourrait avoir un impact sur la
dynamique d’une partie des recettes des collectivités territoriales et de leurs
groupements. C’est surtout le cas pour les recettes directement assises sur
le foncier (taxes foncières sur les propriétés bâties et non bâties et CFE)
qui représentent 26 % des recettes totales du bloc communal, ou des
recettes liées aux opérations immobilières (les DMTO qui représentent 3 %
des recettes du bloc communal et 19 % des recettes des départements ; la
taxe d’aménagement qui représente 0,8% des recettes du bloc communal
comme des départements). C’est également le cas pour les dotations
budgétaires dont la répartition est actuellement en partie calculée sur des
critères liés à l’artificialisation d
es sols (critère de longueur de voirie pour
la dotation globale de fonctionnement - DGF). Un examen du caractère
plus ou moins «
artificialisant
» des dotations et subventions budgétaires
serait
d’ailleurs
aussi
pertinent
que
l’examen
du
caractère
«
artificialisant
» des recettes fiscales locales.
À date, les effets potentiels de la mise en place du ZAN sur les
recettes fiscales, qu’elles soient locales (taxes foncières et DMTO
notamment) ou nationales (rendements de la TVA ou de l’IS liés au secteur
de la construction neuve) n’ont pas été calculés. Cette situation est logique
compte tenu du délai qui doit s’écouler entre le vote de la loi et son
application pleine et entière en 2050 (près de trente ans).
Pour autant, ce
tte perspective suscite d’ores
et déjà des
questionnements légitimes de la part des élus locaux, auxquels il apparaît
nécessaire de répondre. Les collectivités territoriales représentent près de
60 % de l’investissement public,
précisément 58,7 % de la formation brute
de capital fixe des APU en 2021 en comptabilité nationale, ce qui renforce
leur besoin de disposer d’une
plus grande visibilité sur leurs ressources
futures.
Pistes proposées par l’Association des maires de France
Les pistes proposées par l’Association des maires de France
sont les
suivantes :
- lancer un chantier de réflexion sur la fiscalité locale à mettre en place
pour éviter les effets pervers induits sur les ressources des collectivités ;
Conseil des prélèvements obligatoires
La fiscalité locale dans la perspective du ZAN - octobre 2022
50
CONSEIL DES PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES
-
travailler sur l’évolution des dotations et proposer la pérennisation du
fonds friche ;
-
demander un accompagnement financier de l’Etat pour garantir
l’équilibre financier des opérations d’aménagement ;
-
mettre en place un observatoire national sur l’évolution du prix du
foncier ;
-
assouplir les outils d’appropriation foncièr
e au-delà des opérations de
revitalisation de territoires (biens sans maître et en l’abandon manifeste)
;
-
flécher l’ensemble des catégories de terrain à reconquérir (friches,
zones d’activité économique en déshérence, dents creuses, habitat vacant,
dégradé et délaissé, habitat agricole etc.) ;
- proposer une majoration de la DGD et la révision de ses critères
d’octroi au regard du degré d’opérationnalité, enfin que l’État participe au coût
de l’ingénierie dans l’élaboration des documents de planification
.
La convergence vers l’objectif ZAN s’étalera
sur plusieurs
décennies, et toute tentative de simulation de ses conséquences sur les
recettes
actuelles
des
collectivités
intervient
alors
qu’il
existe
d’importantes inconnues sur ce que sera en 2050 l’économie générale des
recettes des collectivités territoriales. Il serait hasardeux de réaliser un
chiffrage à ce sujet. Toutefois, il est possible de décrire les principales
dynamiques financières qui seront à l’œuvre.
S’agissant des impôts fonciers dits «
de stock » (TFPB, TFNB,
CFE), la mise en place de l’objectif ZAN ne signifie pas pour autant le gel
de l’assiet
te foncière : la croissance attendue du nombre de ménages et les
processus de décohabitation alimenteront toujours une demande de
logements qui devra être satisfaite, par exemple via la densification de
l’existant. Il en va de même pour les besoins des ent
reprises,
a fortiori
si
les efforts de l’État et des collectivités territoriales en faveur de la
réindustrialisation, tel le programme Territoires d’industrie, se traduisent
par des résultats positifs. En conséquence, la dynamique des recettes
foncières restera globalement positive puisque celle-ci est indépendante du
volume d’espace artificialisé. En revanche, une collectivité qui disposerait
de peu de foncier constructible et qui s’opposerait à toute forme de
densification, serait confrontée à une stabilité de son assiette financière,
indépendante de sa revalorisation.
S’agissant ensuite des recettes liées aux flux d’opérations
d’aménagement (DMTO et taxe d’aménagement principalement) on peut
imaginer plusieurs effets contraires :
Conseil des prélèvements obligatoires
La fiscalité locale dans la perspective du ZAN - octobre 2022
51
LA FISCALITE LOCALE DANS LA PERSPECTIVE DU ZAN
−
les transactions foncières sur terrains ayant vocation à être artificialisés
seront moins nombreuses mais leur valeur se trouvera renchérie du fait
d’une raréfaction des terrains disponibles
, ce qui ne pénalisera pas les
DMTO ;
−
le
rendement de la taxe d’amén
agement diminuera
du fait d’un nombre
moins importants d’opérations
de constructions neuves sur terrains
précédemment non artificialisés, mais les
coûts d’aménagement
à la
charge des collectivités concernées baisseront également dans des
proportions qu’il
est encore difficile de simuler.
Au regard de ces simulations, il n’est pas possible aujourd’hui
d’affirmer que les recettes foncières locales
sont appelées à se contracter
globalement diminuer du fait du ZAN. En revanche, on peut s’attendre à
ce que les impacts au niveau local soient très contrastés.
2 -
Des effets vraisemblablement contrastés entre les
collectivités
Pour les villes qui ont connu dans les années passées une forte
extension fondée sur une artificialisation importante des sols, la baisse de
la dynamique fiscale
pourrait être plus marquée. Il n’est pas à exclure que
certaines villes connaissent même une contraction de leurs recettes
foncières, notamment si des acteurs économiques se trouvent contraints de
quitter leur territoire faute de pouvoir
s’y développer. Cette situation existe
déjà, en cas de délocalisations ou de recul démographique.
Les communes ne sont, dans leur grande majorité, pas en mesure de
simuler les effets de long terme du ZAN, et cela génère une inquiétude
diffuse. Sans que cela soit un frein à la mise en place du ZAN dans les
prochaines années,
l’
incertitude quant à ses effets fiscaux contribue à
tendre le débat autour de cet objectif. La première réponse à ces inquiétudes
peut être trouvés dans un travail commun
réunissant l’
Ademe, le
CEREMA, le Commisariat général au développement durable (CGDD), la
DGFiP
, l’INSEE, l’Observatoire des finances et de la gestion publique
locales (OFGL) et la DGCL afin de simuler plusieurs scénarios sur les
impacts globaux de la trajectoire ZAN sur la fiscalité locale. Le CPO
pourrait apporter son concours à ce travail. En parallèle, le CEREMA
pourrait intégrer dans son outil de simulation un volet fiscal (voire un volet
«
recettes
» si l’on inclut également les dotations budgétaires) afin que les
collectivités puissent simuler les effets financiers de leurs choix
d’aménagement.
Conseil des prélèvements obligatoires
La fiscalité locale dans la perspective du ZAN - octobre 2022
52
CONSEIL DES PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES
Au-delà des effets directs du ZAN en termes de fiscalité, les
collectivités n
’auront pas les mêmes atouts
pour poursuivre leur
développement économique, selon
qu’elles ont ou non sur leurs territoires
des réserves foncières, des friches industrielles
41
et
selon qu’elles
ont ou
non une capac
ité d’épargne suffisante
.
Sur les trente prochaines années, la capacité des collectivités à
fonder leur développement démographique, économique et donc fiscal sur
l’aménagement de nouvelles parcelles sera inégale, en fonction notamment
des friches susceptibles d’être requalifiées sur le territoire, mais aussi de
l’appétence des habitants pour la densification et l’habitat collectif
ou
encore de la manière dont les efforts pour réduire la consommation de
terrains non artificialisés seront répartis. En 2050, toutes les collectivités
seront confrontées à la même réalité, c’est
-à-
dire à l’obligation de non
artificialisation nette des sols
, mais elles n’auront pas les mêmes ressources
pour concilier développement économique et recyclage du foncier existant.
On peut relever que des situations similaires existent déjà : c’est le
cas pour les îles et plus largement tout territoire géographiquement ou
physiquement contraint, à commencer par ceux qui sont soumis aux lois
« Montagne » ou « Littoral » qui restreignent fortement les capacités
d’aménagement. Dans ces cas, la densification de
l’existant permet dans
une certaine mesure de répondre à la demande foncière. Cette pression
foncière joue par ailleurs sur la valeur des biens et permet une dynamique
de la valeur de l’assiette fiscale foncière. Les tensions que l’on y voit
apparaître re
lèvent d’ailleurs plutôt de conflits d’usage, ou de réticence
s de
certains habitants, que d’enjeux fiscaux
42
. La mise en place du ZAN ne
signifie donc ni stabilisation, ni
a fortiori
réduction du rendement des
impôts fonciers, mais plutôt un écart de potentiel pour le développement
futur.
Le gouvernement et le Parlement peuvent choisir de contenir ou
même de
réduire ce différentiel de potentiel. C’est ce qui a été fait avec la
41
La loi du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement
de la résilience face à ses effets précise qu’il faut entendre par « friche » au sens du
Code de l’urbanisme «
tout bien ou droit immobilier, bâti ou non bâti, inutilisé et dont
l’état, la configuration ou l’occupation tota
le ou partielle ne permet pas un réemploi
sans un aménagement ou des travaux préalables. Les modalités d’application du
présent article sont fixées par décret »
42
https://revue-sesame-inrae.fr/territoires-du-littoral-1-lile-de-re-attractive-et-
vulnerable/
Conseil des prélèvements obligatoires
La fiscalité locale dans la perspective du ZAN - octobre 2022
53
LA FISCALITE LOCALE DANS LA PERSPECTIVE DU ZAN
dotation budgétaire de soutien aux communes «
pour la protection de la
biodiversité et la valorisation des aménités rurales
» créée en 2019, qui
vise à soutenir financièrement les communes de moins de 10 000 habitants,
situées en cœur d’un parc national, d’un parc naturel marin, et dans les
zones Natura 2000. Elle représentait 10 M€ en
LFI 2021, 24,3
M€ en LFI
2022 et il est prévu 30 M€ en PLF 2023. Elle bénéficie à 5 300 communes
réparties dans toute la France.
Carte n°1 : dotation budgétaire de soutien aux communes «
pour la
protection de la biodiversité et la valorisation des aménités rurales
»
Conseil des prélèvements obligatoires
La fiscalité locale dans la perspective du ZAN - octobre 2022
54
CONSEIL DES PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES
Cette dotation qui comporte quatre fractions
43
, apparaît pertinente
car elle matérialise une forme de rémunération des services rendus par la
nature, en l’occurrence via les «
aménités rurales
»
44
. Pour garantir sa
pérennité, il serait préférable de la financer
via
des recettes structurelles
des collectivités territoriales, car les dotations budgétaires
ad hoc
sont
soumises à des aléas politiques et financiers qui les rendent peu aisées à
prévoir et à garantir pour les collectivités.
S’il est décidé d’accompagner la période de transition vers le ZAN
,
plusieurs pistes peuvent être envisagées :
-
intégrer le potentiel de développement foncier disponible dans les
critères de calcul des dotations de péréquation verticale (DSR,
DSU, DPV) si on souhaite un calcul
ex ante
;
-
rééquilibrer via les critères de péréquation horizontale (fonds de
péréquation)
appliqués
aux
recettes
des
collectivités
les
différentiels de croissance de l’assiette foncière si on sou
haite
procéder
ex post
.
Concrètement, cette deuxième option reviendrait à mutualiser une
partie des recettes nouvelles liées à l’artificialisation d
es sols et à les
redistribuer à l’ensemble des collectivités. Les impôts concernés pourraient
être la taxe additionnelle sur les plus-values de cessions appliquée aux
terrains nus devenus constructibles et destinés à être artificialisés, les
DMTO appliqués à ces opérations, voire la taxe foncière découlant
d’emprises artificialisées. Si le renforcement de la pé
réquation semble
nécessaire, au regard des inégalités en matière de foncier constructible et
d’opérations de renaturation à financer, il conviendra d’en définir l’échelle
pertinente, sachant que c’est au niveau de la région que le ZAN devra être
atteint en 2050.
43
Cf. article L. 2335-17 du CGCT.
44
Selon le
rapport
conjoint CGAER CGEDD et IGA consacré aux aménités rurales et
à leur prise en compte dans
l’action publique, «
une aménité rurale est un agrément ou
un avantage économique qui présentent un caractère marchand ou non directement
marchand. Cet agrément est procuré par un paysage ou son environnement, au sens de
caractéristiques
géophysiques, biologiques, naturelles, ou résulte d’une action humaine,
non nécessairement destinée à la produire, telle que les activités agricoles et
forestières.
» Parmi les principales aménités rurales recensées on peut mentionner l’eau,
eau, la biodi
versité, l’alimentation, l’énergie, l’espace et les paysages.
Conseil des prélèvements obligatoires
La fiscalité locale dans la perspective du ZAN - octobre 2022
55
LA FISCALITE LOCALE DANS LA PERSPECTIVE DU ZAN
Recommandation n°6 : Intégrer les effets du ZAN dans les mécanismes
de solidarité horizontaux et verticaux à destination des collectivités.
C -
Le ZAN est une composante nouvelle
d’un
système de financement des collectivités à bout de
souffle
La mise
en œuvre du ZAN intervient alors que les années 2010
-2020
ont été marquées par d’importantes réformes de la fiscalité locale
(suppression de la taxe professionnelle en 2010, de la taxe d’habitation
entre 2020 et 2022, suppression annoncée de la CVAE entre 2023 et 2024)
qui ont fortement modifié la structure des recettes des collectivités, comme
l’illustre le graphique ci
-dessous.
Graphique n° 3 :
Évolution de la structure des recettes des
collectivités territoriales entre 2014 et 2021
Source
: Cour des comptes d’après d
onnées DGFIP
1 -
Les différentes options pour une réforme en profondeur des
collectivités peuven
t s’articuler avec l’objectif ZAN
La Cour a récemment travaillé à la demande du Sénat sur des options
de refonte profonde de la structure du financement des collectivités. Ce
travail, qui s’est appuyé sur des entretiens avec de nombreux interlocuteurs
Conseil des prélèvements obligatoires
La fiscalité locale dans la perspective du ZAN - octobre 2022
56
CONSEIL DES PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES
locaux, a confirmé que le système de financement est à bout de souffle et
nécessite d’être réformé. Même si cette réforme en profondeur n’est pas
engagée dans un proche avenir, la refonte annoncée des valeurs locatives
cadastrales peut être l’occasion de tester la robustesse de la fiscalité locale.
Sur le moyen terme, la question qui se dessine est donc moins de
savoir si le ZAN va avoir des conséquences importantes sur la fiscalité
locale que d’évaluer comment il va s’insérer dans une indispensable
réforme du financement des collectivités territoriales.
La mise en place du ZAN s’inscrit dans un contexte où une refonte
profonde du financement des collectivités apparaît souhaitable pour de
nombreux acteurs, à commencer par les élus locaux et nationaux. A la
demande du Sénat, la Cour des comptes a exploré différents scénarios
d’évolution du financement des
collectivités territoriales et montré que des
solutions existent pour
rendre le système plus lisible et prévisible qu’il ne
l’est actuellement.
Parmi les pistes envisagées par la Cour, plusieurs concernent
directement la fiscalité locale : celle-ci pourrait être intégralement
recentrée sur le bloc communal avec des DMTO affectés au bloc
communal et répartis sur la base de critères reflétant les caractéristiques
sociales et économiques des territoires. En effet, outre leur très grande
volatilité qui les rend peu compatibles avec le financement des dépenses
des départements,
les DMTO sont aujourd’hui un impôt dont le rendem
ent
par habitant est très inégal, variant de 1 à 7.
Ces pistes de réforme du financement des collectivités territoriales
sont compatibles avec celles
évoquées plus haut d’ajustement de la fiscalité
locale, et pourraient même être accentuées
: à titre d’exemple, une fois
réaffectés au bloc communal, les DMTO pourraient comporter un taux
additionnel, à la main des communes, pour surtaxer les opérations
immobilières artificialisantes ou qui favorise
nt l’artific
ialisation. La
question qui peut se poser est de savoir si la réforme du ZAN rend plus
urgente, voire inéluctable une refonte de la fiscalité locale, notamment
foncière.
Plusieurs interlocuteurs ont en effet signalé les limites de l’assiette
de la fiscalit
é foncière actuelle au regard de l’objectif ZAN. La fiscalité
foncière distingue essentiellement le foncier selon qu’il est bâti ou non, et
ne prend donc pas en compte la «
densité
» de la construction, qu’il s’agisse
du ratio entre la surface bâtie et la surface artificialisée (densité de
l’occupation des sols), du nombre d’occupants rapporté à la surface
Conseil des prélèvements obligatoires
La fiscalité locale dans la perspective du ZAN - octobre 2022
57
LA FISCALITE LOCALE DANS LA PERSPECTIVE DU ZAN
artificialisée. De même, il n’existe pas de taux marginaux d’imposition
selon l’emprise au sol. Ces réflexions reviendraient à faire entrer davantage
de
paramètres dans l’assiette foncière, qui se verrait ainsi mise en
cohérence avec l’objectif de sobriété foncière poursuivi par le ZAN.
L’assiette de la fiscalité foncière pouvait prendre en compte
un petit
nombre
de paramètres dès lors que la taxe d’habit
ation, pour les locaux
d’habitation et les locaux commerciaux, et la CVAE pour les activités
économiques, intégreraient des paramètres de revenus ou de valeur créée.
L’addition de ces paramètres au travers de plusieurs impôts
garantirait un
lien fiscal plus fin entre les usagers vivant sur un territoire et ce territoire.
La suppression de ces impôts a abouti à une situation jugée insatisfaisante
par la totalité des acteurs communaux rencontrés. Le ZAN en lui-même ne
rendrait pas indispensable une réforme de la fiscalité foncière, mais ne fait
que révéler un peu plus les limites de la situation actuelle.
En conclusion, le ZAN appelle donc à une réflexion préalable sur
l’assiette de la fiscalité locale, qui doit intégrer les évolutions liées au
changement climatique. Cette réflexion structurelle semble inévitable,
mais n’est pas pour autant indispensable à la mise en œuvre du ZAN. En
revanche, la réforme annoncée des valeurs locatives cadastrales est
absolument indispensable à sa réussite, comme souligné
infra
.
Recommandation n°7 : Dans le cadre
de la réflexion sur l’évolution
du
financement des collectivités, envisager l’affectation des DMTO au
bloc communal et étudier la pertinence de taux variables de DMTO en
fonction du caractère artificialisant des opérations immobilières
.
2 -
Les effets du ZAN doivent
a minima
être intégrés dans la
mise en œuvre de la
refonte des valeurs locatives cadastrales
Les valeurs locatives cadastrales
sont établies en référence à des
données remontant à 1961, pour le foncier non bâti, et à 1970 pour le
foncier bâti. Elles
servent de bases fiscales à plusieurs taxes locales (taxe
foncière sur les propriétés bâties, taxe foncière sur les propriétés non bâties,
taxe d’habitation, cotisation foncière des entreprises, taxe d’enlèvement
des ordures ménagères, etc.). Elles servent aussi à la territorialisation du
produit de la CVAE entre les collectivités pour un tiers de la répartition.
L’obsolescence des valeurs locatives cadastrales pose aujourd’hui des
Conseil des prélèvements obligatoires
La fiscalité locale dans la perspective du ZAN - octobre 2022
58
CONSEIL DES PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES
difficultés en matière de lisibilité, d’équité fiscale et de rendement des
impôts locaux. Leur révision s
’est avérée être une nécessité impérieuse.
Lors de la concertation entre le Gouvernement et les associations
d’élus
en 2010, certains représentants des collectivités territoriales avaient
émis le souhait que la réforme soit effectuée sur la base des valeurs vénales.
Cependant, le choix a été fait de faire la réforme sur la base des valeurs
locatives, ce qui exclut une révision au fil de l’eau, qui interviendrait au fur
et à mesure des changements de propriétaires. Les
bases d’imposition
devant refléter les loyers du marché, leur évaluation nécessitait une
collecte
exhaustive, auprès des propriétaires, d’informations sur les
caractéristiques des locaux et le niveau des loyers.
La révision des valeurs locatives des locaux professionnels
(RVLLP), prévue à l’ar
ticle 34 de la loi de finances rectificative pour 2010
du 29 décembre 2010, a été engagée début 2017.
S’agissant des locaux
d’habitation, la refonte des valeurs locatives cadastrales est prévue dans
l’article 146 de la
loi de finances pour 2020, et devrait
trouver à s’appliquer
également en 2026. Pour mémoire, une réforme similaire avait été
annoncée en 2009, puis ajournée en 2015
45
.
La préparation de c
es deux réformes à venir n’
a pas particulièrement
intégré la problématique du ZAN, à la fois parce qu’elles ont été votées
avant que celui-ci ne soit lui-même adopté dans la loi « Climat et
Résilience » de 2021, mais aussi parce que ces deux révisions visent à
asseoir les impôts directs locaux des professionnels et des habitations sur
des bases reflétant la réalité du marché locatif et son évolution.
Dans ces conditions, si le ZAN a un impact sur l’évolution du
marché locatif, les impôts directs locaux refléteront ces variations. En
d’autres termes, la raréfaction progre
ssive du foncier constructible devrait
aboutir au renchérissement de sa valeur d’acquisition et de sa valeur
locative, ce qui aura un impact positif sur les recettes fiscales locales
correspondantes (respectivement DMTO et taxes foncières).
Dans la pratique, un report de l’application de la révision des valeurs
locatives des locaux professionnels a été annoncé à l’occasion de la
présentation du PLF 2023. Parmi les sujets d’inquiétude est notamment
45
Une précédente tentative avait été votée dans la loi du 30 juillet 1990 et également
abandonnée
Conseil des prélèvements obligatoires
La fiscalité locale dans la perspective du ZAN - octobre 2022
59
LA FISCALITE LOCALE DANS LA PERSPECTIVE DU ZAN
remonté le fait que la révision pouvait aboutir à ce que des commerces de
centre-ville voient leur valeur locative (et donc la fiscalité associée)
augmenter, tandis que les centres commerciaux en périphérie verraient leur
valeur locative et la fiscalité associée diminuer, allant à rebours de
politiques de revitalisation des centres-villes, soutenue par exemple par le
dispositif «
Action cœur de ville
» ou « Petite ville de demain »
46
.
Une évolution similaire peut être attendue pour les locaux
d’habitation. Si les ménages choisissent de s’installer en périphérie des
centres urbains,
c’est
notamment parce que le foncier y est disponible et
peu cher et cela pourrait se traduire dans une valeur locative cadastrale
relativement plus faible. Du fait de l’importance de la réforme des
valeurs
locatives, déjà plusieurs fois reportée, il apparaît essentiel que des
simulations précises soient réalisées dès à présent et que si des
contradictions entre les résultats de la réforme et l’objectif de ZAN
apparaissent, elles soient identifiées le plus en amont possible pour éviter
un nouveau report de la réforme des VLC.
La logique consistant à asseoir la fiscalité des biens immobiliers sur
leur valeur locative ne fait pas débat, et le ZAN n’implique pas d’y revenir.
En revanche, une prise en com
pte de l’articulation entre ZAN et
mise en
œuvre opérationnelle de la
réforme des VLC apparaît indispensable, en
premier lieu parce que le ZAN aura très vite des conséquences directes sur
la valeur de certains biens. Dans les simulations à venir, la prise en compte
de la raréfaction du foncier dans certains territoires doit être projetée, voire
intégrée par les commissions départementales compétentes et, le cas
échéant, corrigée pour éviter un renchérissement global de la fiscalité
foncière ou pour prévoir
un mécanisme global d’abaissement des taux en
parallèle.
D’autre part, le ZAN étant une politique volontariste, destinée à
freiner une consommation d’espace directement liée à une défaillance de
marché (la non prise en compte des aménités environnementales ou
externalités économique du sol), il y aura sûrement des situations
contradictoires, comme cela a pu être relevé pour les locaux commerciaux.
Deux options sont envisageables. La première consiste à privilégier
une stricte logique de marché. Sans revenir sur le mécanisme des VLC,
46
locatives-pourrait-etre-reportee
Conseil des prélèvements obligatoires
La fiscalité locale dans la perspective du ZAN - octobre 2022
60
CONSEIL DES PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES
il apparaît donc souhaitable de s’interroger sur les mesures correctrices qui
devront être prises pour éviter des contradictions avec d’autres objectifs de
politiques publiques. Une autre voie consisterait à conserver la valeur
l
ocative des biens pour l’assiette fiscale foncière d’un bien,
et de corriger
cette assiette
en tenant par exemple compte
du ratio surface
foncière/surface artificialisée ou du nombre d’habitants sur la surface.
Cette réflexion préfigurerait, à l’occasion d
e la réactualisation des valeurs
locatives cadastrales, une réforme de plus grande ampleur de la fiscalité
foncière.
Recommandation n°8 : Intégrer les conséquences d
e l’objectif
ZAN
dans les projections réalisées pour la réforme des valeurs locatives
cadastrales et envisager des mesures de correction ou de compensation
si les résultats vont dans un sens contraire à cet objectif.
III - Des travaux complémentaires sont
nécessaires avant de donner un rôle plus
important à la fiscalité locale dans la mise en
œuvre du ZAN
A -
Le ZAN : une réforme dont il est encore difficile
d’apprécier l’impact pour les différents acteurs
économiques
1 -
Un chiffrage des impacts financiers liés au ZAN qui reste à
réaliser
L’étude d’impact de la
loi résilience et climat « Climat et
Résilience » a bien identifié un potentiel de renchérissement de
Conseil des prélèvements obligatoires
La fiscalité locale dans la perspective du ZAN - octobre 2022
61
LA FISCALITE LOCALE DANS LA PERSPECTIVE DU ZAN
l’aménagement territorial du fait de la mise en place du ZAN
. Toutefois,
elle ne mentionne pas de coût associé
47
.
S’agissant
plus particulièrement des collectivités, l’étude indique
que «
Dans la mesure où les objectifs fixés à l’article L. 101
-2 du code de
l’urbanisme doivent être poursuivis et atteints par l’action des collectivités
publiques en matière d’urbanisme, les colle
ctivités territoriales, dans
l’exercice de leurs compétences, ont nécessairement un rôle majeur à jouer
pour y parvenir, en particulier pour l’élaboration et le suivi des documents
de planification ou encore dans l’instruction des autorisations du droit de
s
sols. Néanmoins, ces mesures en tant que telles n’entraînent pas de coûts
directs d’investissement ou de fonctionnement pour les collectivités
territoriale
s ».
Il importe pourtant
d’affiner la connaissance des impacts financiers
du ZAN pour voir comment
et par quels acteurs d’éventuels coûts
pourraient être pris en charge, en particulier par les bénéficiaires de cette
politique. Si ce débat n’a pas lieu, la mise en place de la réforme risque
d’être fragilisée.
Le cabinet Carbone 4, mandaté par la Fédération nationale des
travaux publics (FNTP) a estimé le coût de la réhabilitation des friches
actuellement recensées entre 77 et 106 Md€. Ce chiffrage
repose sur une
hypothèse de coût de réhabilitation des friches de l’ordre de 900
000 € par
hectare en moyenne. Des travaux plus fins ont par ailleurs été réalisés par
l’administration en étudiant les dossiers déposés dans le cadre du fonds
friches. Ces premières évaluations ne correspondent pas à un chiffrage
d’ensemble
des impacts financiers liés au ZAN
. C’est
pourquoi il est
47
« La lutte
contre l’artificialisation des sols de manière générale et la priorisation des
espaces déjà urbanisés, peuvent rendre plus onéreuses les actions et opérations
d’aménagement et immobilières, nécessitant de reconstruire la ville sur la ville plutôt
que d’am
énager plus classiquement en étalant le tissu urbain. Le foncier devenant une
ressource plus rare, elle peut également conduire à des phénomènes de spéculation
foncière, particulièrement en zone tendue (encourageant notamment le recours à des
outils de maîtrise foncière, de mobilisation du foncier public pour le logement, ou de
dissociation du foncier et du bâti). Toutefois, l’étalement urbain représente un surcoût
pour la collectivité (construction de réseau, de voiries, d’équipements publics ...) et pour
les ménages (coûts de déplacement en cas d’éloignement des commerces et de
l’emploi). En ce sens, la lutte contre l’artificialisation des sols a un impact positif quant
à la forme de la ville et au cadre de vie. »
Conseil des prélèvements obligatoires
La fiscalité locale dans la perspective du ZAN - octobre 2022
62
CONSEIL DES PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES
essentiel que l’État réalise un
e estimation des impacts financiers de cette
réforme en distinguant le cas échéant différents scénarios. À cet égard, le
CGDD avait réalisé un modèle en 2019 qui identifiait un scénario
tendanciel et quatre scénarios alternatifs
. Ces scénarios doivent aujourd’hui
être actualisés, notamment pour tenir compte de l’évolution de la prévision
de la croissance attendue du nombre de ménages
, réalisée par l’Insee, et
parce que ces scenarii reposaient sur des hypothèses parfois contestables
48
.
Plusieurs acteurs
sont susceptibles d’être affectés par les
coûts
résultant de la mise en œuvre du ZAN :
les propriétaires de terrains
dont la valeur va augmenter très fortement, les usagers finaux (ménages et
entreprises), les collectivités territoriales, notamment le bloc communal, au
titre de leur stratégie foncière, enfin l’État, pour garantir la réussite de cette
politique.
Les dépenses supplémentaires auxquelles les collectivités devront
faire face auront pour objet de soutenir la dynamique de leur territoire et
de répondre aux attentes exprimées par les usagers. Il ne s’agi
ra pas de
dépenses obligatoires mais ces charges nouvelles pourront prendre la forme
d’achats de terrain, de logements, de réhabilitations de terrain
s, mais aussi
peut-
être à terme d’achats de droits à artificialiser. Les collectivités
territoriales n’aborde
ront pas toutes cette problématique avec les mêmes
potentiels : celles qui détiennent actuellement des espaces déjà artificialisés
mais non aménagés ou peu denses ou des friches à réhabiliter seront dans
une situation plus favorable et pourront activement participer à
l’aménagement de leur territoire sous contrainte ZAN.
Recommandation n°9 : Confier aux administrations compétentes le
chiffrage
de l’i
mpact économique et financier lié à
la mise en œuvre du
ZAN (y compris les incidences fiscales pour les collectivités) et identifier
les pistes de financement et de mutualisation envisageables.
48
consommation d’espace est supposée augme
nter de 30 à 40 % entre 2016 et 2022,
sans que les sous-jacents de cette évolution plus que bizarre ne soient documentés. Cela
placerait l’année 2022 au
-
dessus du haut de la figure 1 Page 1 de la publication, c’est
vraiment incompréhensible
Conseil des prélèvements obligatoires
La fiscalité locale dans la perspective du ZAN - octobre 2022
63
LA FISCALITE LOCALE DANS LA PERSPECTIVE DU ZAN
2 -
Une réflexion sur une « taxe ZAN » encore très prématurée
De n
ombreuses parties prenantes au débat sur la mise en œuvre du
ZAN s’interrogent sur la pertinence de la création d’une taxe dédiée au
financement des charges nouvelles
qui résulteront de la mise en œuvre de
cet objectif. Cette réflexion sur une « taxe ZAN » apparaît toutefois très
prématurée aujourd’hui.
En effet, les coûts associés à la mise en œuvre du ZAN ne sont ni
connus ni certains. La création d’un outil destiné à financer ces coûts
éventuels n’apparaît donc pas nécessaire. Par ailleurs, d
ans un souci de
clarté et de stabilité fiscales, il ne paraît pas pertinent
d’envisager
une taxe
au profit du ZAN qui serait déconnectée d’un fait générateur artificialisant.
A contrario
, imposer à toutes les entreprises de remettre en état naturel les
sites qu’elles
occupent, à l’issue de leur utilisation, et de provisionner le
montant correspondant est une manière économiquement plus efficace
qu’une taxe additionnelle pour faire payer à des acteurs le coût de la
désartificialisation. Ce type de mécanisme ne relève néanmoins pas du
périmètre du CPO et aucune recommandation n’est donc proposée en ce
sens.
Enfin,
il existe déjà aujourd’hui des instruments fiscaux dont le but
est de soutenir une stratégie foncière. Ainsi, les taxes spéciales
d’équipement qui sont des tax
es additionnelles aux deux taxes foncières
(sur les propriétés bâties et non bâties), à la taxe d'habitation et à la
cotisation foncière des entreprises ont précisément pour but de financer les
établissements publics fonciers, dont la mission est de « mettre en place
des stratégies foncières afin de mobiliser du foncier et de favoriser le
développement durable et la lutte contre l'étalement urbain ». Certes, ces
taxes s’appliquent
aux mêmes assiettes que les taxes foncières, la taxe
d’habitation et la CFE e
t ne concernent pas spécifiquement les opérations
artificialisantes. Toutefois, les établissements publics fonciers apparaissent
comme un instrument ayant vocation à jouer, dans le cadre de la mise en
œuvre
du ZAN, un rôle qui reste encore à expertiser et à préciser. Dans un
premier temps, il apparaît utile de
s’assurer de la couverture totale du
territoire national par ces établissements publics (manquent actuellement
BFC et CVDL) et de mettre en place les taxes spéciales d’équipement qui
les financent.
Conseil des prélèvements obligatoires
La fiscalité locale dans la perspective du ZAN - octobre 2022
64
CONSEIL DES PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES
Recommandation n°10 :
Etudier l’extension
de la couverture
géographique des établissements publics fonciers à l’ensemble du
territoire national et la taxe spéciale d’équipement affectée à leur
financement
B -
Faire de la fiscalité locale le vecteur
d’incitations
en faveur du ZAN
L’ensemble de la fiscalité locale n’a pas vocation à être mise au
service du ZAN. Toutefois, la taxe d’aménagement présente des
caractéristiques qui pourraient en faire un instrument adapté à cet objectif
(1). Toute adaptation plus large
de la fiscalité locale en vue d’en améliorer
les effets incitatifs doit veiller à rester compatible avec les besoins de
financement des collectivités (2).
1 -
La taxe d’aménagement présente des caractéristiques
adaptées à la mise en œuvre d’incitations favorables à l’objectif
ZAN
La taxe d’aménagement
, qui impose le flux de constructions
nouvelles, a été créée en 2012 en remplacement de cinq taxes (taxe locale
d’équipement, taxe départementale des espaces naturels et sensibles, taxe
départementale
pour
le
fina
ncement
des
conseils
d’architecture,
d’urbanisme et de l’environnement, taxe spéciale d’équipement du
département de la Savoie et taxe complémentaire à la taxe locale
d’équipement en région Ile
-de-France)
49
. Elle a connu de nombreuses
modifications par des lois de finances successives, dans le but notamment
de faciliter son articulation avec un objectif de sobriété foncière ou
d’encourager les opérations de renaturation
50
.
49
Article 28 de la loi n° 2010-1658 du 29 décembre 2010 de finances rectificative pour
2010
50
Evolutions introduites dans les LF 2021 évoquées supra (exonération des surfaces
annexes, à usage de stationnement, aménagées au-dessus ou en-dessous des immeubles
ou intégrées au bâti, dans un plan vertical,
9° de l’article L. 331
-7 du code de
l’urbanisme)
.
Conseil des prélèvements obligatoires
La fiscalité locale dans la perspective du ZAN - octobre 2022
65
LA FISCALITE LOCALE DANS LA PERSPECTIVE DU ZAN
Plusieurs évolutions récentes de la taxe d’aménagement ont initié sa
transformation en
un instrument au service de l’objectif ZAN. Ainsi la
faculté d’appliquer un taux majoré de 20
% selon un zonage établi par la
collectivité pour couvrir le coût d’équipements substantiels de même que
celle de pouvoir appliquer un taux majoré sans se référer au critère de
proportionnalité
51
en fonction des travaux nécessaires ont permis aux
maires d’y recourir plus aisément aussi bien dans une logique de rendement
que d’influence du choix des aménagements
, grâce au zonage de son taux.
Les caractéristiques de son assiette sont déjà favorables aux
opérations de requalification : par exemple, une construction sur une friche
ou un terrain déjà bâti ne sera quasiment pas taxée dans la mesure où la
construction ne comportera peu ou pas de surface de plancher au sol
supplémentaire. Les évolutions proposées en PLF 2023 prolongent cette
logique incitative, en pénalisant les constructions artificialisantes (parkings
extérieurs) et en encourageant les opérations de dépollution. Il est encore
trop tôt pour
mesurer l’
impact des taux additionnels de la taxe
d’aménagement sur le rythme des constructions
et sur la localisation des
constructions.
En tout état de cause, l
a taxe d’aménagemen
t présente les
caractéristiques d’un outil potentiellement efficace pour orienter les
comportements économiques dans un sens favorable à l’objectif ZAN
. En
effet, elle peut être modifiée en fonction d’un zonage établi par la
commune, ce qui permet d’influe
r sur la localisation des aménagements.
Sa fourchette de taux est large (de 1 % à 20 %), ce qui permet de
discriminer les constructions selon leur sobriété foncière. Au contraire des
autres taxes de flux telles que les DMTO ou de stock telles que les taxes
foncières, son assiette est déterminée par une valeur qui est fonction de la
« surface de plancher close et couverte au sol », et ne repose pas sur la
valeur locative du bien. Cette dernière caractéristique de la taxe
d’aménagement peut d’ailleurs introdu
ire une déconnexion entre le
rendement de la taxe qui est fonction de la surface bâtie et le besoin de
financement des équipements induits par le nouvel aménagement qui
dépend de sa dimension (capacité d’accueil notamment). La taxe
d’aménagement n’est donc
pas une taxe d’équipement « pure ».
51
Principe supprimé dans la LF 2021.
Conseil des prélèvements obligatoires
La fiscalité locale dans la perspective du ZAN - octobre 2022
66
CONSEIL DES PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES
Dans ce contexte, il pourrait être intéressant
d’étudier la manière
dont
la taxe d’aménagement
pourrait être rendue plus incitative, afin
d’accompagner la mise en œuvre du ZAN.
Ainsi, la fourchette de taux
pourrait êtr
e élargie afin d’en renforcer les effets
incitatifs. Il apparaît
également possible, dans une logique de bonus-
malus, d’accroître les
modulations de taux sur la base du zonage défini dans le document
d’urbanisme, pour donner un signal
-prix cohérent aux aménageurs.
Recommandation n°11 : Étudier la pertinence d'introduire un système
de bonus-
malus dans le calcul de la taxe d’aménagement pour favoriser
les opérations de dépollution/réaménagement et taxer davantage les
opérations artificialisantes.
2 -
L’extension
à d’autres impôts locaux d’une logique
d’incitations favorables au ZAN doit s’articuler avec la
nécessité de préserver les ressources fiscales des collectivités
L’identification d’autres impôts locaux susceptibles de recevoir un
objectif d’incitation à l’atteinte de l’objectif ZAN suppose de prolonger
l’analyse sur les différents impôts ayant un lien avec le foncier, qu’il
s’agisse des impôts de stock (taxes foncières) ou de flux (DMTO). Le CPO
n’a pas été en mesure de réaliser cette étude de manière appro
fondie dans
le temps qui lui était imparti pour le présent rapport mais reste à disposition
du Sénat pour prolonger ce travail. Il est en effet essentiel de s’assurer que
ces impôts seront des outils efficaces d’orientation des comportements.
Par ailleurs, la fiscalité locale doit continuer à contribuer au
financement des services publics et aménagements locaux qui est sa
fonction première. La prise en compte de cet objectif apparaît d’autant plus
importante que la fiscalité locale a connu une forte instabilité dans la
période récente (suppression de la TH, de la CVAE, baisse de la CFE et de
la TFPB sur les locaux industriels…
).
Il est à noter par ailleurs que la multiplication des objectifs assignés
à un impôt peut aboutir à des conflits entre ces derniers. Cela est
notamment le cas de la taxe additionnelle au bénéfice des communes sur
les plus-values des terrains nus devenus constructibles. Initialement
instituée pour ralentir les opérations artificialisantes, celle-
ci s’est révélée
dans certains cas une incitation à transformer un terrain en zone
Conseil des prélèvements obligatoires
La fiscalité locale dans la perspective du ZAN - octobre 2022
67
LA FISCALITE LOCALE DANS LA PERSPECTIVE DU ZAN
constructible, la collectivité bénéficiaire ayant intérêt à ces opérations pour
faire augmenter ses recettes fiscales.
Enfin, comme cela a été rappelé
supra
, la fiscalité locale joue un
rôle relativement limité dans les choix immobiliers des agents
économiques. En effet, selon les promoteurs immobiliers et professionnels
du secteur du bâtiment interrogés au cours de l’enquête, elle représenterait
environ 5 % du
prix moyen d’un projet immobilier, ce qui constitue
une
dépense relativement limitée au regard des coûts d’acquisition du foncier
et de construction (main d’œuvre, achat de matériaux, etc.).
Une
coordination de la fiscalité locale avec les signaux envoyés par la fiscalité
nationale apparait donc déterminante.
Conseil des prélèvements obligatoires
La fiscalité locale dans la perspective du ZAN - octobre 2022
LA FISCALITE LOCALE DANS LA PERSPECTIVE DU ZAN
68
CONCLUSION
La question posée au CPO par la Commission des finances du Sénat,
lui demandant
d’étudier l’articulation de la fiscalité locale avec l’objectif
ZAN, intervient dans un contexte plus global de réflexion sur la façon dont
la fiscalité doit être mise au service des enjeux environnementaux. Dans
son rapport publié en février 2021
52
, le CPO a fait un certain nombre de
propositions à cet égard, soulignant notamment l’importance de concilier
la fiscalité à visée environnementale avec les conditions de son
acceptabilité par les contribuables.
L’objectif ZAN est un changement de paradigme impor
tant pour les
politiques publiques, au même titre que la transition écologique et
climatique dont il n’est pas détachable. Il
suscite de ce fait même des
inquiétudes multiples, tant de la part des élus que des ménages ou des
entreprises. Ces inquiétudes sont particulièrement fortes dans les
communes les plus petites, dont les exécutifs peinent à faire la synthèse
entre des objectifs qui leur apparaissent parfois contradictoires, comme
peuvent l’être par exemple les exigences de la loi SRU en matière de
logement social et le ZAN.
La fiscalité locale ne représente qu’un instrument de la réforme
parmi d’autres, et probablement pas le plus important. Toutefois, la
crédibilité de l’objectif ZAN suppose que les premières mesures soient
prises sans tarder. C’est po
urquoi le CPO a pris le parti de distinguer dans
ses recommandations celles qui peuvent recevoir une mise en œuvre
immédiate de celles qui appellent des évolutions à plus long terme. Il lui
est également paru important de rappeler que, sur un sujet de cette
importance pour l’avenir de notre pays, une évaluation fine de l’impact
économique et financier du ZAN doit précéder toute réflexion sur la
création d’une taxe dédiée à cette politique. Comme le CPO l’a montré
dans
son
« baromètre
sur
les
prélèvements
obligatoires »
53
,
52
CPO
, Redistribution, innovation, lutte contre le changement climatique : trois enjeux
fiscaux majeurs en sortie de crise sanitaire
, février 2022
53
CPO,
Baromètre des prélèvements obligatoires, 1
ère
édition
, février 2022
Conseil des prélèvements obligatoires
La fiscalité locale dans la perspective du ZAN - octobre 2022
69
LA FISCALITE LOCALE DANS LA PERSPECTIVE DU ZAN
les prélèvements obligatoires sont d’autant mieux acceptés qu’ils financent
des dépenses lisibles et perçues comme efficaces par les contribuables.
Au-
delà des propositions d’ores et déjà formulées dans le cadre du
présent rapport, le CPO poursuivra sa réflexion sur la fiscalité
environnementale en général, sur la contribution des prélèvements
obligatoires à l’atteinte de l’objectif ZAN en particulier
, mais aussi plus
largement sur la pert
inence d’une fiscalité qui taxe la rente
. Il se tient bien
sûr à la disposition de la Commission des finances du Sénat pour
approfondir les points qui n’ont pu l’être suffisamment dans le délai imparti
pour le présent rapport, mais se réserve également la possibilité d’alimenter
le débat public sur cette question essentielle, de sa propre initiative, dès les
prochains mois.
Conseil des prélèvements obligatoires
La fiscalité locale dans la perspective du ZAN - octobre 2022