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E-mail : grandest@crtc.ccomptes.fr
Audience publique du 26 octobre 2022
Commune de SAINT-MAX
Jugement n° 2022-0024
N° de poste comptable : 054003482
Prononcé du 9 novembre 2022
Centre des finances publiques
d’Essey
-lès-Nancy
Exercice 2017
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
La chambre régionale des comptes Grand Est,
VU
le code des juridictions financières ;
VU
le code général des collectivités territoriales,
notamment l’article D. 1617
-19 et
l’annexe I
;
VU
l’article 60 de la loi de finances n° 63
-156 du 23 février 1963 modifiée ;
VU
la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction
publique territoriale et notamment ses articles 88 et 111 ;
VU
la loi n° 96-1093 du 16 décembre 1996 relative à l'emploi dans la fonction publique et à
diverses mesures d'ordre statutaire ;
VU
le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 modifié relatif à la gestion budgétaire et
comptable publique, notamment ses articles 19 et 20 ;
VU
le décret n° 2012-1386 du 10 décembre 2012 portant application du deuxième alinéa du VI
de l’article 60 de la loi de finances de 1963
modifié ;
VU
le réquisitoire n° 2020-0035 du 17 décembre 2020 du procureur financier près la chambre
régionale des comptes Grand Est, notifié le 18 janvier 2021 à monsieur X, comptable de la
commune de SAINT-MAX et à monsieur Y, maire de la commune de SAINT-MAX ;
VU
les observations de M. X du 8 avril 2021, enregistrées au greffe à cette même date ;
VU
les observations de M. Y des 16 février 2021 et 6 avril 2021, enregistrées au greffe de la
chambre les 18 février 2021 et 8 avril 2021 ;
VU
le rapport n° 2022-0156 du 30 septembre 2022 de M. Damien Dunogué, premier conseiller,
magistrat-rapporteur
chargé de l’instruction
;
VU
les lettres du 4 octobre 2022
informant les parties de la clôture de l’instruction
;
VU
les lettres du 5 octobre 2022 adressées à M. X, comptable, et M. Y, ordonnateur, les
informant de l’inscription de l’affaire à l’audience
publique, dont ils ont chacun accusé
réception le 7 octobre 2022 ;
VU
les conclusions du procureur financier du 21 octobre 2022 enregistrées au greffe le
21 octobre 2022 ;
VU
les autres pièces du dossier ;
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Commune de Saint-Max
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Entendu, lors de
l’audience publique du
26 octobre 2022, M. Damien Dunogué en son rapport, puis
M. Benoît Boutin, procureur financier, en ses conclusions, M. X et M. Y, tous deux dûment informés
de la tenue de l’audience, n’étaient ni
présents ni représentés ;
Après avoir entendu, en délibéré, Mme Kateryna Colombin, conseillère, réviseure, en ses
observations et avoir délibéré, hors la présence du rapporteur et du procureur financier ;
Considérant ce qui suit :
Sur la première charge portant sur des dépenses imputées au compte 6042 « achats
de prestations de services » à hauteur de 7 125,62
€, au cours de l’exercice 2017
Sur le réquisitoire
Par le réquisitoire du 17 décembre 2020
susvisé, le ministère public a relevé qu’au cours de
l’exercice 20
17, le comptable de la commune de SAINT-MAX a procédé au paiement de dépenses
représentant la contrepartie financière de bons remis à des jeunes de 14 à 18 ans ayant participé à
un chantier jeune ou à un chantier éducatif.
Ces dépenses ont été enregistrées au compte 6042
« achat de prestations de services » pour un
montant total de 7 125,62
. Or,
ces chantiers éducatifs ou chantiers jeunes ne peuvent s’analyser
comme des prestations de services et par conséquent leur comptabilisation au compte 6042 relève
de l’erreur d’imputation
. Ces dépenses p
ourraient s’analyser comme la rémunération de personnels,
la rémunération d’intervenants extérieurs aux organismes publics (gratifications), des dépenses
d’aide sociale, la remise de prix, prestations diverses, gratifications, pécules ou des subventions ou
primes de toute nature. Elles doivent être assorties des pièces justificatives requises en fonction de
la nature de la dépense retenue conformément à l’annexe 1 du CGCT
.
Ces éléments constituent des pièces obligatoires de la dépense dont l’existence doit
être vérifiée
par le comptable avant de procéder au paiement des mandats.
En prenant en charge cette dépense sans contrôler sa nature, son exacte imputation et sa
justification, le ministère public a conclu que M. X
, comptable, n’avait pas assuré le contrô
le de la
validité de la dette dans les conditions énoncées à l’article
20 du décret n° 2012-1246 du
7 novembre
2012. Ainsi sa responsabilité personnelle et pécuniaire est susceptible d’être engagée
sur le fondement du I de l’article
60 de la loi n° 63-156 du 23 février 1963 susvisée.
Sur le manquement du comptable
Sur le droit applicable
Le I de l’article
60 de la loi du 23 février 1963 susvisée dispose que
« les comptables sont
personnellement et pécuniairement responsables des contrôles qu’ils sont tenus d’assurer en
matière […] de dépenses dans les conditions prévues par le règlement général sur la comptabilité
publique […] »
. Cette responsabilité se trouve engagée
« dès lors […] qu’une dépense
a été
irrégulièrement payée »
.
En application de l’article
19 du décret du 7 novembre 2012 susvisé,
« le comptable public est tenu
d’exercer le contrôle : […] 2° S’agissant des ordres de payer : […] d) de la validité de la dette dans
les conditions prévues à l’article 20 »
. Aux termes de l’article 20 du même décret,
« le contrôle des
comptables publics sur la validité de la dette porte sur : […] 2° L’exactitude de la liquidation ; […]
La production des pièces justificatives […] »
.
Aux termes de l’article
D. 1617-19 du code général des collectivités territoriales,
« avant de procéder
au paiement d’une dépense […], les comptables publics des collectivités territoriales […] ne doivent
exiger que les pièces justificatives prévues pour la dépense correspondante dans la liste définie à
l’annexe
I du présent code »
.
Il résulte des dispositions précitées que, pour apprécier la validité des dettes, les comptables doivent
notamment exercer leur contrôle sur la production des justifications. À ce titre, il leur revient
d’apprécier si les pièces fournies présentent un caractè
re suffisant pour justifier la dépense engagée.
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P
our établir ce caractère suffisant, il leur appartient de vérifier, en premier lieu, si l’ensemble des
pièces requises au titre de la nomenclature comptable applicable leur ont été fournies et, en
deuxième l
ieu, si ces pièces sont, d’une part, complètes et précises, d’autre part, cohérentes au
regard de la catégorie de la dépense définie dans la nomenclature applicable, de la nature et de
l’objet de la dépense telle qu’elle a été ordonnancée
. Enfin, lorsque les pièces justificatives fournies
sont insuffisantes pour établir la validité de la dette, il appartient aux comptables de suspendre le
paiement jusqu’à ce que l’ordonnateur leur ait produit les justifications nécessaires
.
Sur les faits
La présomption de c
harge relevée à l’encontre de M.
X, comptable de la commune de SAINT-MAX,
concerne le paiement sur l’exercice 2017
de 71 mandats relatifs à des dépenses représentant la
contrepartie financière à des bons remis à des jeunes maxois de 14 à 18 ans ayant participé à un
chantier jeune ou à un chantier éducatif pour un montant total TTC de 7 125,62
enregistré au
compte 6042
« achat de prestations de services »
Les dépenses relatives aux chantiers éducatifs ou chantiers jeunes ne peuvent être assimilées à une
prestation de service, ce compte étant réservé à des achats de prestations de services sous-traitées
s’intégrant dans le cycle de production de la collectivité.
La comptabilisation au compte 6042 - « achat
de prestations de services » relève donc de
l’erreur d’imputation, ce que l’or
donnateur et le comptable
reconnaissent.
Il ressort des pièces du dossier que la contrepartie financière liée à la participation aux chantiers
jeunes doit être regardée comme
un « travail d’intérêt général » destiné à valoriser l’effort effectué
et à sensibiliser les jeunes à l’intérêt collectif ainsi qu’au respect de l’environnement
. A ce titre, elle
doit être considérée comme une gratification, récompense forfaitairement accordée en contrepartie
de services effectivement rendus et enregistrée aux comptes 6413
« Personnel non titulaire » ou
64161
« Emplois d’insertion –
Emplois jeunes ».
En application de la rubrique 6311
de l’annexe
I au code général des collectivités territoriales, les
comptables publics doivent exiger, pour le paiement correspondant à une
« gratification »,
une
« d
écision de l'assemblée délibérante fixant les modalités d'attribution des gratifications prévoyant
les catégories de bénéficiaires, les événements donnant lieu à l'octroi de tels avantages », une
« décision d'attribution »
et
« le cas échéant, facture »
.
L
’ordonnateur
de la commune de SAINT-MAX considère
que ces dépenses n’ont pas été payées
de manière irrégulière, les
modalités d’attribution
des gratifications étant fixées par les délibérations
n° 13 du 8 mars 2010 et n° 10 du 21 février 2011 et les factures étant annexées aux différents
mandats de paiement. Il précise, en outre, que les délibérations évolueront pour devenir « annuelles,
afin de fixer plus précisément et annuellement les modalités ».
Le comptable de la commune de SAINT-MAX indique que les pièces justificatives produites par le
maire de la commune sont complètes et permettent de constater le service fait.
Il ressort des pièces du dossier que les délibérations citées par le maire de la commune de
SAINT-MAX autorisaient la mise en place de chantiers jeunes pour les années 2010 et 2011
uniquement, sans portée pluriannuelle, et autorisaient le maire à rechercher des subventions afin
de financer pour partie ou en totalité les projets. Elles ne donnent aucune autorisation budgétaire,
ne confèrent pas aux chantiers jeunes un caractère pluriannuel et ne fixent ni les conditions
d’octroi ni les modalités financières des gratifications attribuées. En conséquence, ces
délibérations
ne sont pas conformes aux exigences fixées à la rubrique 6311 de l’annexe
I de
l’article D. 1617
-
19 du CGCT en ce qu’elles ne prévoient pas explicitement l’organisation
de
chantiers jeunes pour l’année 2017 et qu’elles ne fixent pas les critères d’attribution et de liquidation
des gratifications.
Au regard des éléments précédemment exposés, il apparaît que le comptable ne disposait pas au
moment du paiement de la dépense de pièces justificatives complètes, suffisantes et cohérentes lui
permettant d’
apprécier la validité de la dette. Dès lors, il lui appartenait de suspendre la prise charge
de cette dépense
jusqu’à ce que l’ordonnateur ait produit les justifications nécessaires. En p
rocédant
au paiement de cette dépense sans disposer des pièces justificatives requises, le comptable a
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Commune de Saint-Max
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manqué à son obligation de contrôle de la
production des justifications et de vérification de l’exacte
liquidation de la dépense.
Sur la force majeure
Aux termes du V de l’article
60 de la loi de finances n° 63-156 du 23 février 1963 modifiée,
« lorsque
[…] le juge des comptes constate l'existence
de circonstances constitutives de la force majeure, il
ne met pas en jeu la responsabilité personnelle et pécuniaire du comptable public »
. La force
majeure est constituée par un événement imprévisible, irrésistible et extérieur.
Aucune circonstance présentant un caractère de force majeure ne ressort des pièces du dossier.
En conséquence, la responsabilité personnelle et pécuniaire de M. X est engagée sur le fondement
des dispositions précitées du I de l’article
60 de la loi du 23 février 1963 modifiée.
Sur
l’existence d’un préjudice financier
Aux termes du VI de l’article
60 de la loi n° 63-156 du 23 février 1963 modifiée,
« lorsque le
manquement du comptable aux obligations mentionnées au I a causé un préjudice financier à
l'orga
nisme public concerné […], le comptable a l'obligation de verser immédiatement de ses deniers
personnels la somme correspondante ».
Pour déterminer si le paiement irrégulier d'une dépense par un comptable public a causé un
préjudice financier à l'organisme public concerné, il appartient au juge des comptes de vérifier, au
vu des éléments qui lui sont soumis à la date à laquelle il statue, si la correcte exécution, par le
comptable, des contrôles lui incombant aurait permis d'éviter que soit payée une dépense qui n'était
pas effectivement due. Lorsque le manquement du comptable porte sur la production des pièces
justificatives requises, il doit être regardé comme n'ayant, en principe, pas causé un préjudice
financier à l'organisme public concerné lorsqu'il ressort des pièces du dossier, y compris d'éléments
postérieurs aux manquements en cause, que la dépense repose sur les fondements juridiques dont
il appartenait au comptable de vérifier l'existence au regard de la nomenclature, que l'ordonnateur a
voulu l'exposer, et, le cas échéant, que le service a été fait.
Le comptable de la commune de SAINT-MAX
ne se prononce pas sur l’existence d’un éventuel
préjudice financier pour la commune.
L’ordonnateur
de la commune de SAINT-MAX soutient que les délibérations n° 13 du 8 mars 2010
et n° 10 du 21 février 2011 sont conformes à la pièce justificative exigée par la nomenclature à la
rubrique 6311 et que
le vote suivi de l’adoption d’une délibération par le conseil municipal, pour le
budget primitif 2017 de la ville, suffit à caractériser la prévision de cette dépense et la volonté de
l’assemblée délibérante d’autoriser la
dite dépense.
Aussi, l’ordonnateur fait valoir qu’il n’a été causé
aucun préjudice financier à la commune de SAINT-MAX puisque « cette dépense était voulue,
connue et autorisée ». Il annonce par ailleurs que les chantiers jeunes font partie de son programme
municipal.
Or, si la délibération n° 13 du 8 mars 2010
autorise l’organisation de chantiers jeunes, elle ne
s’entend que pour le seul
exercice 2010 e
t ne précise pas la nature, les modalités d’attribution et le
montant de la contrepartie offerte. De même, la délibération n° 10 du 21 février 2011 matérialise
uniquement l’autorisation donnée par l’assemblée délibérante au maire de rechercher des
partenariats financiers. Aussi, ces délibérations ne peuvent être considérées comme les
délibérations autorisant et validant la pluri-
annualité de la mise en œuvre des chantiers éducatifs ou
chantiers jeunes
et fixant les modalités d’attribution, la nature
et le montant de la contrepartie.
L’inscription d’un projet dans un programme politique ne constitue pas, par ailleurs, un fondement
juridique à quelque dépense que ce soit.
Enfin, l’inscription de crédits au
budget 2017
, qui pourrait témoigner d’une vol
onté du conseil
municipal de mettre en place un dispositif de chantier jeune, ne saurait constituer une autorisation
de l’organe délibérant
fixant le principe et les modalités de cette contrepartie.
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5
Il résulte de ce qui précède qu’il y a lieu de considére
r le paiement de 71 mandats
d’un montant
total
de 7 125,62
effectué en 2017 comme
infondé en raison de l’absence d’autorisation de l’assemblée
délibérante. En conséquence, le comptable doit être regardé comme ayant procédé à un paiement
indu dont l’inter
vention a causé un préjudice financier à la commune de SAINT-MAX.
Sur les conséquences du préjudice financier
Le versement indu de 71 mandats pour un montant de 7 125,62
€ occasionne
à la commune de
SAINT-MAX un préjudice financier du même montant. Par suite, M. X doit être déclaré débiteur de
la commune de SAINT-MAX
d’une somme de
7 125,62
€ au titre de l’année 201
7.
Aux termes du paragraphe
VIII de l’article
60 de la loi du 23 février 1963 modifiée, le débet porte
intérêts au taux légal à compter du premier acte de la mise en jeu de la responsabilité personnelle
et pécuniaire des comptables publics. Le point de départ du calcul des intérêts est fixé au
18 janvier 2021, date à laquelle M. X a accusé réception du réquisitoire du 17 décembre 2020.
Aux termes du IX de l’article
60 de la loi du 23 février 1963 modifiée,
« les comptables publics dont
la responsabilité personnelle et pécuniaire a été mise en jeu dans les cas mentionnés au
troisième alinéa du même VI peuvent obtenir du ministre chargé du budget la remise gracieuse des
sommes mises à leur charge. Hormis le cas du décès du comptable ou de respect par celui-ci, sous
l'appréciation du juge des comptes, des règles de contrôle sélectif des dépenses, aucune remise
gracieuse totale ne peut être accordée au comptable public dont la responsabilité personnelle et
pécuniaire a été mise en jeu par le juge des comptes, le ministre chargé du budget étant dans
l’obligation de laisser à la charge du comptable une somme
au moins égale au double de la somme
mentionnée au deuxième alinéa dudit VI ».
Le plan de contrôle hiérarchisé de la dépense applicable à l’exercice 201
7 et validé par la direction
départementale des finances publiques de Meurthe-et-Moselle le 17 février 2016 prévoit un contrôle
par sondage de la dépense. M. X, comptable de la commune de SAINT-MAX
, n’apporte pas la
preuve de la mise en œuvre matérielle du CHD sur l’exercice 2017.
Il est donc constaté le non-
respect des dispositions du plan de contrôle hiérarchisé de la dépense.
Sur la deuxième charge portant sur le paiement d’une prime de fin d’année à hauteur
de 149 811,73
€, au cours de l’exercice 20
17
Sur le réquisitoire
Par le réquisitoire du 17 décembre 2020 susvisé, le ministère public a relevé
qu’au cours de
l’exercice 20
17, par trois mandats, une prime dite «
de fin d’année
»
, d’un montant
total de
149 811,73
€,
avait été versée aux agents de la commune de SAINT-MAX, par le comptable M. X.
Elle ne saurait être regardée comme un avantage collect
ivement acquis au sens de l’article 111 de
la loi du 26 janvier 1984. Il ressort de la jurisprudence du Conseil d’État que l’octroi d’une prime aux
agents d’une collectivité territoriale par l’intermédiaire d’une association pouvait entrer dans ce cadre
so
us réserve que ladite prime résulte d’une décision de l’assemblée délibérante de cette collectivité
prise antérieurement à l’entrée en vigueur de loi n° 84
-53 du 26
janvier 1984. Or, la collectivité n’a
pas pu fournir de délibération du conseil municipal c
onforme aux attentes de l’article 111 de la loi n°
84-
53 du 26 janvier 1984, c’est
-à-
dire préalable à l’entrée en vigueur de la loi. L’attribution de cette
prime est dans ces conditions irrégulière pour l’ensemble des agents.
Le comptable M. X a versé cette prime sans disposer, au moment du paiement, des pièces requises
par la réglementation, notamment la délibération autorisant le versement de cette prime.
Ces pièces justificatives étant requises par la rubrique 210
« rémunération du personnel »
et, plus
précisément, la sous-rubrique 210223
« primes et indemnités »
, de l’annexe I au code général des
collectivités territoriales, et leur défaut ne permettant pas d’assurer les vérifications relatives à la
liquidation, le ministère public a conclu que M. x
, comptable, n’avait pas assuré le contrôle de la
validité de la dette dans les conditions énoncées à l’article
20 du décret n° 2012-1246 du
J 2022-0024
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6
7 novembre
2012. Ainsi sa responsabilité personnelle et pécuniaire est susceptible d’être engagée
sur le
fondement du I de l’article
60 de la loi n° 63-156 du 23 février 1963 susvisée.
Sur le manquement du comptable
Sur le droit applicable
Le I de l’article
60 de la loi du 23 février 1963 susvisée dispose que
« les comptables sont
personnellement et pécunia
irement responsables des contrôles qu’ils sont tenus d’assurer en
matière […] de dépenses dans les conditions prévues par le règlement général sur la comptabilité
publique […] »
. Cette responsabilité se trouve engagée
« dès lors […] qu’une dépense a été
irrégulièrement payée »
.
En application de l’article
19 du décret du 7 novembre 2012 susvisé,
« le comptable public est tenu
d’exercer le contrôle : […] 2° S’agissant des ordres de payer : […] d) de la validité de la dette dans
les conditions prévues à l’a
rticle 20 »
. Aux termes de l’article 20 du même décret,
« le contrôle des
comptables publics sur la validité de la dette porte sur : […] 2° L’exactitude de la liquidation ; […]
La production des pièces justificatives […] »
.
Aux termes de l’article
D. 1617-19 du code général des collectivités territoriales,
« avant de procéder
au paiement d’une dépense […], les comptables publics des collectivités territoriales […] ne doivent
exiger que les pièces justificatives prévues pour la dépense correspondante dans la liste définie à
l’annexe
I du présent code »
.
Il résulte des dispositions précitées que, pour apprécier la validité des dettes, les comptables doivent
notamment exercer leur contrôle sur la production des justifications. À ce titre, il leur revient
d’a
pprécier si les pièces fournies présentent un caractère suffisant pour justifier la dépense engagée.
Pour établir ce caractère suffisant, il leur appartient de vérifier, en premier lieu, si l’ensemble des
pièces requises au titre de la nomenclature comptable applicable leur ont été fournies et, en
deuxième lieu, si ces pièces sont, d’une part, complètes et précises, d’autre part, cohérentes au
regard de la catégorie de la dépense définie dans la nomenclature applicable, de la nature et de
l’objet de la dépense telle qu’elle a été ordonnancée. Enfin, lorsque les pièces justificatives fournies
sont insuffisantes pour établir la validité de la dette, il appartient aux comptables de suspendre le
paiement jusqu’à ce que l’ordonnateur leur ait produit les justific
ations nécessaires.
En application de la rubrique
210223 de l’annexe I au code général des collectivités territoriales, les
comptables publics doivent exiger les pièces suivantes pour le paiement des primes et indemnités :
« 1. Décision de l'assemblée délibérante fixant la nature, les conditions d'attribution et le taux moyen
des indemnités ; 2. Décision de l'autorité investie du pouvoir de nomination fixant le taux applicable
à chaque agent (9) Les montants individuels attribués aux agents contractuels peuvent figurer dans
leur contrat d’engagement
».
L
’exigence d’une délibération fixant la nature, les conditions d'attribution et le taux moyen des
indemnités résulte de l’article 88 de la loi n° 84
-53 du 26 janvier 1984 susvisée dans sa rédaction
applicable au moment des paiements en cause, lequel prévoit que l'assemblée délibérante fixe les
régimes indemnitaires dans la limite de ceux dont bénéficient les services de l'État. Toutefois, une
prime qui n’a pas d’équivalent dans la fonction publique d’État et qui n’est pas davantage prévue,
pour les agents de la fonction publique territoriale, par d’autres dispositions législatives ou
réglementaires, est susceptible de répondre à la définition d’un avantage collectivement acquis au
sens de l’article 111 de la loi du 26 janvier 1984, à la condition d’avoir été votée par l’assemblée
délibérante avant l’entrée en vigueur de la loi du 26 janvier 1984
. L
’exception constituée par les
avantages collectivement acquis ayant le caractère de complément de rémunération répond aux
mêmes exigences de justification que les indemnités mentionnées à l’article 88 précité
.
Sur les faits
P
ar trois mandats au cours de l’exercice 2017, M
. X, comptable de la commune de SAINT-MAX, a
versé aux agents de la commune de SAINT-MAX une prime dite «
de fin d’année
» d’un montant
total de 149 811,73 € sans disposer, au moment du paiement, des pièces requises par la
réglementation.
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Commune de Saint-Max
7
L
’ordonnateur
indique que la délibération n° 11 du 24 février 1997
prévoit l’
inscription au budget de
la commune des compléments de rémunération versés précédemment par le comité de gestion des
œuvres sociales
(CGOS) et en précise les modalités de versement dans son annexe. Il précise que
cette délibération
s’appuie sur les délibérations prises par la commune les 10 janv
ier et
4 décembre
1976 qui instaurent le principe de l’octroi d’une aide financière au CGOS et le versement
d’une subvention annuelle (80 000 F en 1976) à cet organisme pour l’octroi d’une prime de fin
d’année aux agents communaux
. Il considère ainsi que le versement de « la prime aux agents de
SAINT-MAX
par l’intermédiaire du CGOS entre bien dans le cadre des avantages collectivement
acquis au sens de l’article 111 de la loi du 26 janvier 1984 puisque ladite prime résulte d’une décision
de l’assemblée délibérante prise antérieurement à l’entrée en vigueur de la loi n°
84-53 du
26 janvier 1984. »
L’ordonnateur précise également que cette prime a fait l’objet d’un examen de la chambre à
plusieurs reprises lors des précédents contrôles des comptes et de la gestion de la commune, la
régularité d
e ce dispositif n’ayant pas été interrogé
e. Dans son rapport de 1990, la chambre a
toutefois rappelé les objectifs de la loi du 26 janvier 1984, souligné l’obligation de prise en compte
de ces compléments de rémunération dans les budgets de la collectivité, autrement dit sans passer
par le CGOS, et n’a, en aucun cas, établit qu’il s’agissait d’avantages collectivement acquis.
Par
ailleurs,
c’est dans le cadre du
jugement des comptes des comptables publics que le contrôle de la
chambre porte sur les obligations du comptable et notamment sur les pièces justificatives dont il
disposait préa
lablement au paiement d’une dépense.
Le comptable de la commune de SAINT-MAX indique que les pièces justificatives produites par le
maire de la commune dans sa réponse du 16 février 2021 sont complètes.
Si la délibération n° 11 du 24 février 1997
prévoit l’inscription au budget communal de compléments
de rémunérations précédemment versés par le CGOS, la circonstance de son antériorité à la loi du
26 janvier 1984 n
est pas établie. En effet, les deux délibérations du CGOS de 1976 et de 1982
évoqua
nt le versement d’une prime unique aux agents et définiss
ant les bases et les modalités de
son attribution ne permettent pas d
e lier la commune quant à l’existence d’une prime de fin d’année
antérieure voulue par la commune
. Ces délibérations n’émanent pas de l’assemblée délibérante
de
la commune SAINT-MAX et ne sauraient présumer de sa volonté.
Toutefois, la délibération n° 11 du 24 février 1997
, eu égard aux mentions précises qu’
elle contient,
est de nature à faire office de décision de l’assemblée délibérante fixant la nature, les conditions
d’attribution et le taux moyen des indemnités, telle qu’elle est exigée par la nomencl
ature des pièces
justificatives figurant à l’annexe I du CGCT
.
Le comptable n’
étant pas juge de la légalité des actes
administratifs qui lui sont présentés, pouvait légitimement considérer que la prime dite « de fin
d’année
» avait été régulièrement autorisée par le conseil municipal. La délibération du
24 février 1997 doit ainsi être regardée comme étant la première pièce justificative exigée par la
nomenclature.
Cette même délibération prévoit des modalités d’attribution personnalisées de la prime de fin
d’année tenant compte notamment de la manière de servir et de l’assiduité des agents nécessitant
la production
de décisions individuelles d’attribution mentionnant
les éléments de la prime versée à
chaque agent. Elle prévoit le versement de cette prime en juin et décembre.
L’ordonnateur indique qu’au regard des conditions de versement détaillées dans l’annexe de la
délibération n°
11 du 24 février 1997, aucune autre délibération ou décision n’a été prise tout com
me
aucune précision n’est annotée sur les contrats d’engagement des contractuels.
L
a détermination du montant de la prime de fin d’année versée par agent nécessite des décisions
individuelles d’attribution mentionnant certains éléments de calcul comme le
nombre de jours
d’absence, la manière de servir, la durée de travail du poste occupé
. Le tableau récapitulatif, détaillé
par agent, produit au cours de l
instruction, reprend pour chaque agent, chaque élément pris en
compte pour la détermination du montant à verser en novembre 2017. Ce tableau
n’est
toutefois
pas signé par l’ordonnateur
et, les différents versements étant intervenus en février, juin et novembre
2017, ne permet pas de vérifier la liquidation de la somme. Le comptable se trouvait dans
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l’impossibilité de réaliser le contrôle obligatoire qui lui était dévolu de l’exactitude des calculs de
liquidation.
Il résulte de ce qui précède que faute de disposer de justificatifs complets, suffisants et cohérents,
le comptable a manqué à sa double obligation de contrôle de la production des justifications et de
vérification de l’exacte liquidation de la dépense
.
Sur la force majeure
Aux termes du V de l’article
60 de la loi de finances n° 63-156 du 23 février 1963 modifiée, « Lorsque
[…] le juge des comptes
constate l'existence de circonstances constitutives de la force majeure, il
ne met pas en jeu la responsabilité personnelle et pécuniaire du comptable public ». La force
majeure est constituée par un événement imprévisible, irrésistible et extérieur.
Aucune circonstance présentant un caractère de force majeure ne ressort des pièces du dossier.
En conséquence, la responsabilité personnelle et pécuniaire de X est engagée sur le fondement des
dispositions précitées du I de l’article 60 de la loi du 23 février 1963 modifiée.
Sur l’existence d’un préjudice financier
Aux termes du VI de l’article
60 de la loi n° 63-156 du 23 février 1963 modifiée,
« lorsque le
manquement du comptable aux obligations mentionnées au I a causé un préjudice financier à
l'organisme public concerné […], le comptable a l'obligation de verser immédiatement de ses deniers
personnels la somme correspondante ».
Pour déterminer si le paiement irrégulier d'une dépense par un comptable public a causé un
préjudice financier à l'organisme public concerné, il appartient au juge des comptes de vérifier, au
vu des éléments qui lui sont soumis à la date à laquelle il statue, si la correcte exécution, par le
comptable, des contrôles lui incombant aurait permis d'éviter que soit payée une dépense qui n'était
pas effectivement due. Lorsque le manquement du comptable porte sur la production des pièces
justificatives requises, il doit être regardé comme n'ayant, en principe, pas causé un préjudice
financier à l'organisme public concerné lorsqu'il ressort des pièces du dossier, y compris d'éléments
postérieurs aux manquements en cause, que la dépense repose sur les fondements juridiques dont
il appartenait au comptable de vérifier l'existence au regard de la nomenclature, que l'ordonnateur a
voulu l'exposer, et, le cas échéant, que le service a été fait.
Le comptable de la commune de SAINT-MAX
ne se prononce pas sur l’existence d’un éventuel
préjudice financier pour la commune.
L’ordonnateur
de la commune de SAINT-MAX manifeste
la volonté de l’assemblée délibérante par
l’intermédiaire des deux délibérations de 1976
et de la délibération du 24 janvier 1977
d’inscrire de
façon pérenne le versement d’une prime de fin d’année aux agents de la commune.
Il estime que le
manquement considéré n’a pas causé de préjudice financier à la commune de
SAINT-MAX puisque
« cette dépense était voulue, connue et autorisée ».
Les délibérations de 1976, trop imprécises, ne peuvent être considérés comme créatrices de droit. Si
la délibération n° 11 du 24 février 1997 portant inscription au budget des compléments de
rémunération versés par le CGOS peut être regardée comme la délibération institutive de la prime
de fin d’année versée a
ux agents de la commune de SAINT-MAX
, il est constaté l’absence de
production d’arrêtés individuels d’attribution ou de mention aux contrats d’engagement, pièce
justificative requise par la nomenclature pour justifier le versement de la prime de fin d’anné
e et
permettre au comptable public de contrôler l’exacte liquidation de la prime
. Le paiement effectué par
le comptable est par conséquent dépourvu de fondement juridique
et constitutif d’un préjudice
financier pour l’organisme
.
Il résulte de ce qui précèd
e qu’il y a lieu de considérer que le paiement
de la prime dite
« de fin
d’année
»
d’un montant de 1
49 811,73
effectué en 2017 apparaît infondé en raison
de l’absence
de décisions individuelles d’attribution ou de mentions dans les contrats d’engagement
ou les
avenants à ces contrats. En conséquence, le comptable doit être regardé comme ayant procédé à
un
paiement indu dont l’intervention a causé un préjudice financier
à la commune de SAINT-MAX.
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Sur les conséquences du préjudice financier
Le versement indu de la prime dite
«
de fin d’année
»
de 149 811,73
occasionne à la commune
de SAINT-MAX un préjudice financier du même montant. Par suite, M. X doit être déclaré débiteur
de la commune de SAINT-MAX
d’une somme de
149 811,73
€ au titre de l’année 20
17.
Aux termes du paragraphe
VIII de l’article
60 de la loi du 23 février 1963 modifiée, le débet porte
intérêts au taux légal à compter du premier acte de la mise en jeu de la responsabilité personnelle
et pécuniaire des comptables publics. Le point de départ du calcul des intérêts est fixé
au 18 janvier 2021, date à laquelle M. X a accusé réception du réquisitoire du 17 décembre 2020.
Aux termes du IX de l’article
60 de la loi du 23 février 1963 modifiée,
« les comptables publics dont
la responsabilité personnelle et pécuniaire a été mise en jeu dans les cas mentionnés au
troisième alinéa du même VI peuvent obtenir du ministre chargé du budget la remise gracieuse des
sommes mises à leur charge. Hormis le cas du décès du comptable ou de respect par celui-ci, sous
l'appréciation du juge des comptes, des règles de contrôle sélectif des dépenses, aucune remise
gracieuse totale ne peut être accordée au comptable public dont la responsabilité personnelle et
pécuniaire a été mise en jeu par le juge des comptes, le ministre chargé du budget étant dans
l’obligation de laisser à la charge du comptable une somme au moins égale au double de la somme
mentionnée au deuxième alinéa dudit VI ».
Il résulte de l’instruction qu’
au titre de
l’
exercice 2017, aucun plan de contrôle sélectif de la dépense
relatif à la paie, pour la commune de SAINT-MAX
, n’a été établi
. Les mandats concernés auraient
donc dû faire l’objet d’un contrôle exhaustif dont le comptable mis en cause n’apporte pas la preuve.
PAR CES MOTIFS, DÉCIDE
Article 1
er
La responsabilité de M. X est engagée à raison du paiement de 71 mandats
d’un
montant total de 7 125,62
€ au titre de l’exercice 20
17.
Ce manquement ayant causé un préjudice financier à la commune de
SAINT-MAX, M. X est mis en débet pour la somme de sept mille cent vingt-
cinq euros et soixante-deux centimes (7 125,62
€) au titre de l’exercice 20
17 ;
cette somme portera intérêts au taux légal à compter de la date de notification
du réquisitoire, soit le 18 janvier 2021.
Article 2
La responsabilité de M. X est engagée à raison du paiement
d’un
e prime dite « de
fin d’année
»
d’un montant
de 149 811,73
au titre de l’exercice 201
7.
Ce manquement ayant causé un préjudice financier à la commune de SAINT-MAX,
M. X est mis en débet pour la somme de cent quarante-neuf mille huit cent onze
euros et soixante-treize centimes (149 811,73
€) au titre de l’exercice 2017 ; cette
somme portera intérêts au taux légal à compter de la date de notification du
réquisitoire, soit le 18 janvier 2021.
Article 3
Il est sursis à statuer sur la décharge de M. X pour sa gestion au titre de
l’
exercice
2017 jusqu’à apurement d
u débet ci-dessus prononcé.
Article 4
Le présent jugement sera notifié à M. X, comptable, à M. Y, ordonnateur, ainsi
qu’au ministère public près la
chambre.
Fait et jugé à la chambre régionale des comptes Grand Est, hors la présence du rapporteur et du
procureur financier, le 26 octobre 2022, par Mme Carole Collinet, présidente de la quatrième section
de la chambre régionale des comptes Grand Est, présidente de séance, M. Christophe Vanhove,
président de section assesseur et Mme Kateryna Colombin, conseillère.
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La greffière de séance,
La présidente de séance,
Signé
Signé
Corinne Gertsch
Carole Collinet
La République Française mande et ordonne à tous huissiers de justice, sur ce requis, de mettre ledit
jugement à exécution, aux procureurs généraux et aux procureurs de la République près les
tribunaux judiciaires d'y tenir la main, à tous commandants et officiers de la force publique de prêter
main forte lorsqu'ils seront légalement requis.
En foi de quoi, le présent jugement a été signé par le président de la chambre régionale des comptes
Grand Est et par le secrétaire général.
Le secrétaire général
Le président de la chambre,
Signé
Signé
Patrick Gratesac
Dominique Roguez
En application des articles R. 242-19 à R. 242-21 du code des juridictions financières, les jugements
prononcés par la chambre régionale des comptes
peuvent être frappés d’appel devant la Cour des
comptes dans le délai de deux mois à compter de leur notification selon les modalités prévues aux
articles R. 242-22 à R. 242-24 du même code.