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CHAMBRE DU CONTENTIEUX
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Deuxième section
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Arrêt n° S-2023-1308
Audience publique du 17 octobre 2023
Prononcé du 15 novembre 2023
INSTITUT FRANÇAIS DU CAMBODGE
À PHNOM-PENH
ARRÊTÉ CONSERVATOIRE DE DÉBET
Exercice 2018
République française,
Au nom du peuple français,
La Cour,
Vu le code des juridictions financières ;
Vu l’article 60 modifié de la loi de finances n° 63-156 du 23 février 1963 ;
Vu l’ordonnance n° 2022-408 du 23 mars 2022 relative au régime de responsabilité financière
des gestionnaires publics, notamment ses articles 26 et 29 ;
Vu le décret n° 76-832 du 24 août 1976 modifié relatif à l’organisation financière de certains
établissements ou organismes de coopération et de diffusion culturelle dépendant du ministère
des affaires étrangères ;
Vu le décret n° 2008-228 du 5 mars 2008 modifié relatif à la constatation et à l’apurement
des débets des comptables publics et assimilés ;
Vu le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 modifié relatif à la gestion budgétaire
et comptable publique, notamment ses articles 19 et 20 ;
Vu le décret n° 2022-1604 du 22 décembre 2022 relatif à la chambre du contentieux
de la Cour des comptes et à la Cour d’appel financière et modifiant le code des juridictions
financières ;
Vu
l’instruction
codificatrice
n° 94-005-M97
du
11 janvier 1994
modifiée
relative
à l’organisation financière et comptable des établissements et organismes de diffusion
culturelle à l’étranger, applicable à l’exercice 2018 ;
Vu le réquisitoire introductif du 2 février 2023, par lequel le Procureur général près la Cour
des comptes a saisi la Cour d’un arrêté conservatoire de débet en date du 15 décembre 2022,
enregistré au Parquet général le 5 janvier 2023, par lequel la directrice spécialisée
des finances publiques pour l’étranger a mis en jeu la responsabilité personnelle et pécuniaire
de
M. X,
agent
comptable
de
l’Institut français
du
Cambodge
à
Phnom-Penh,
au titre d’une dépense exécutée au cours de l’exercice 2018 ;
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Vu la décision du 2 mars 2023 par laquelle le président de la chambre du contentieux
a désigné Mme Catherine PAILOT-BONNÉTAT, conseillère maître, magistrate chargée
de l’instruction ;
Vu les réponses du comptable mis en cause à la magistrate chargée de l’instruction
du 20 mars 2023, et de la secrétaire générale de l’Institut en fonction à l’époque des faits
du 25 avril 2023 ;
Vu l’ordonnance de règlement n° 687 du 16 mai 2023, notifiée au comptable mis en cause
le 24 mai 2023 et au ministère public le 19 mai 2023 ;
Vu la communication le 24 mai 2023 du dossier de la procédure au ministère public près
la Cour des comptes ;
Vu la décision du Procureur général du 25 juillet 2023 de renvoyer l’affaire à la chambre
du contentieux, notifiée au comptable mis en cause le 2 août 2023 ;
Vu la convocation du comptable renvoyé à l’audience publique du 17 octobre 2023 notifiée
à l’intéressé le 5 septembre 2023 ;
Vu les conclusions du Procureur général du 11 septembre 2023, notifiées au comptable
mis en cause le 14 septembre 2023 ;
Vu les comptes rendus pour l’exercice 2018 par M. X en qualité d’agent comptable
de l’Institut français du Cambodge ;
Vu les justifications produites au soutien du compte en jugement ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Entendu lors de l’audience publique du 17 octobre 2023, Mme Alice BOSSIÈRE, avocate
générale en la présentation de la décision de renvoi et en les réquisitions du ministère public,
les autres parties informées de l’audience n’étant ni présentes, ni représentées ;
Entendu en délibéré M. Louis-Damien FRUCHAUD, premier conseiller de chambre régionale
des comptes, réviseur, en ses observations ;
Sur le droit applicable
1. En vertu de l’article 26 et du I de l’article 29 de l’ordonnance du 23 mars 2022 susvisée,
l’article 60 modifié de la loi du 23 février 1963 susvisée, fixant le principe et le régime
de la responsabilité personnelle et pécuniaire des comptables publics, est abrogé à compter
du 1
er
janvier 2023. Toutefois, aux termes du II de l’article 29 de la même ordonnance
«
Les dispositions relatives au régime de responsabilité des comptables publics patents
(…)
demeurent applicables dans leur version antérieure à la présente ordonnance aux opérations
ayant fait l’objet d’un premier acte de mise en jeu de leur responsabilité notifié avant
le 1
er
janvier 2023, lorsque le manquement litigieux a causé un préjudice financier
à l’organisme public concerné
».
2. Le premier acte de mise en jeu de la responsabilité des agents comptables des centres
culturels français à l’étranger, à l’instar de l’Institut français du Cambodge, dont les comptes
sont apurés par la direction spécialisée des finances publiques pour l’étranger,
est la notification du bordereau d’injonctions qui précède l’arrêté conservatoire de débet.
Cette notification a été effectuée à M. X le 10 novembre 2022.
3. Aux termes du I de l’article 60 modifié de la loi du 23 février 1963 susvisée, «
les comptables
publics sont personnellement et pécuniairement responsables
(…)
du paiement des dépenses
(…)
. / Les comptables publics sont personnellement et pécuniairement responsables
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des contrôles qu’ils sont tenus d’assurer en matière
(…)
de dépenses
(…)
dans les conditions
prévues par le règlement général sur la comptabilité publique. / La responsabilité personnelle
et pécuniaire prévue ci-dessus se trouve engagée dès lors
(…)
qu’une dépense
a été irrégulièrement payée.
». Aux termes du VI du même article, «
La responsabilité
personnelle et pécuniaire prévue au I est mise en jeu par le ministre dont relève le comptable,
le ministre chargé du budget ou le juge des comptes dans les conditions qui suivent.
(…)
/ Lorsque le manquement du comptable aux obligations mentionnées au I a causé un préjudice
financier à l’organisme public concerné
(…)
, le comptable a l’obligation de verser
immédiatement de ses deniers personnels la somme correspondante.
». Aux termes du VII
du même article, «
Le comptable public dont la responsabilité pécuniaire est mise en jeu
par le ministre dont il relève ou le ministre chargé du budget et qui n’a pas versé la somme
prévue au VI peut être constitué en débet par l’émission à son encontre d’un titre ayant force
exécutoire.
».
4. Aux termes de l’article 19 du décret du 7 novembre 2012 modifié susvisé : «
Le comptable
public est tenu d’exercer le contrôle :
(…)
2°) S’agissant des ordres de payer : d) De la validité
de la dette dans les conditions prévues à l’article 20
». Aux termes du 3° de cet article 20,
«
Le contrôle des comptables publics sur la validité de la dette porte sur :
(…)
3° La production
des pièces justificatives
», notamment. Aux termes de l’article 38 du même décret, «
lorsqu’à
l’occasion de l’exercice des contrôles prévus au 2° de l’article 19 le comptable public a constaté
des irrégularités ou des inexactitudes dans les certifications de l’ordonnateur, il suspend
le paiement et en informe l’ordonnateur.
»
5. Le paragraphe «
Réceptions dont la prise en charge est autorisée
» du point 4.2.2.
de l’instruction M9-7 «
Frais de réception (compte 6257)
» admet les «
réceptions qui ne sont
pas destinées à des personnalités extérieures, dont l’objet est le suivant :
(…)
déjeuners
ou cocktails organisés à l’occasion d’un séminaire ou d’une journée de travail regroupant
les agents d’un même établissement
». Selon l’instruction, les dépenses sont admises
au vu d’«
une attestation de l’organisateur de la réception indiquant son objet. Cette attestation
doit être visée par le directeur de l’établissement
».
Sur la charge unique, soulevée à l’encontre de M. X, au titre de l’exercice 2018
6. Par le réquisitoire, puis la décision de renvoi susvisés, le Procureur général a saisi la Cour
des comptes de la responsabilité encourue, au titre de l’exercice 2018, par M. X
pour défaut de contrôle de la validité de la dette lors du paiement d’un montant de 2 354 €
résultant de la prise en charge d’un mandat relatif à des frais de représentation, à raison
de l’insuffisance des pièces justificatives de la dépense.
Sur les faits
7. À la suite d’un bordereau d’injonction du 10 novembre 2022, le directeur-adjoint
de la direction spécialisée des finances publiques pour l’étranger a pris, le 15 décembre 2022,
un arrêté conservatoire de débet à l’encontre de M. X, agent comptable de l’Institut
français du Cambodge, reçu le 3 janvier 2023 par l’intéressé et notifié à la Cour des comptes
le 23 décembre 2022. L’arrêté de débet engage, à titre conservatoire, la responsabilité
personnelle et pécuniaire de M. X à raison de la prise en charge du mandat n° 2489
du 13 décembre 2018, d’un montant de 2 354 €, imputé au compte 6257 « frais
de représentation » et correspondant au paiement à l’entreprise prestataire, pour un montant
de 2 675 US$, de la dépense engagée pour un repas offert le dimanche 9 décembre 2018
à une centaine de convives, membres du personnel de l’Institut et de ses partenaires,
et leurs familles.
8. L’instruction codificatrice du 11 janvier 1994 modifiée susvisée dispose que les frais
exposés à l’occasion de repas entre agents doivent être justifiés par un motif de service,
lequel doit être établi par une attestation de l’organisateur de la réception, visée par le directeur
de l’établissement. Par le bordereau d’injonction puis l’arrêté de débet susmentionnés,
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la direction spécialisée des finances publiques pour l’étranger a considéré que, cette pièce
étant manquante, la dépense avait été effectuée irrégulièrement.
Sur les éléments apportés à décharge par le comptable
9. Le comptable fait valoir qu’il avait indiqué, dès sa réponse au premier bordereau
d’observation de la direction spécialisée des finances publiques pour l’étranger, que «
le repas
offert aux personnels et à leurs familles l’a été à l’issue d’une réunion sur le format
d’une assemblée générale de présentation du bilan de l’année écoulée et de présentation
des projets à venir sur l’exercice 2019
» ce dont, selon lui, pouvaient attester le personnel
et les membres de la direction présents à l’Institut en 2018.
Sur les éléments apportés par l’ordonnateur
10. L’ancienne secrétaire générale de l’Institut confirme l’ensemble des affirmations de l’agent
comptable, tant sur l’autorité organisatrice de la réception que sur sa nature et son objet,
ainsi que le choix de la date du dimanche 9 décembre 2018, de manière à pouvoir recevoir
l’ensemble des personnels, la qualité des personnes conviées dont les personnels de l’Institut
et leurs familles, le nombre des participants.
Sur l’existence d’un manquement
11. Ni le comptable mis en cause ni l’ancienne secrétaire générale de l’Institut français
du Cambodge à Phnom-Penh ne justifient que M. X disposait, au moment du paiement,
de la pièce justificative requise par l’instruction codificatrice du 11 janvier 1994 modifiée
susvisée, c’est-à-dire de l’attestation de l’organisateur de la réception indiquant son objet,
visée par le directeur de l’établissement.
12. Faute de disposer de la pièce justificative requise par les dispositions comptables
applicables, ou d’avoir suspendu le paiement pour la réclamer à l’ordonnateur, le comptable
a manqué à son obligation de contrôle de la validité de la dette portant sur la production
des pièces justificatives à l’occasion de la prise en charge du mandat en cause.
Sur l’existence d’un préjudice financier
13. Pour déterminer si le paiement irrégulier d’une dépense par un comptable public a causé
un préjudice financier à l’organisme public concerné, il appartient au juge des comptes
de vérifier, au vu des éléments qui lui sont soumis à la date à laquelle il statue, si la correcte
exécution, par le comptable, des contrôles lui incombant aurait permis d’éviter que soit payée
une dépense qui n’était pas effectivement due. Lorsque le manquement du comptable
porte sur le contrôle de la production des pièces justificatives requises, il doit être regardé
comme n’ayant, en principe, pas causé un préjudice financier à l’organisme public concerné
lorsqu’il ressort des pièces du dossier, y compris d’éléments postérieurs au manquement
en cause, que la dépense repose sur les fondements juridiques dont il appartenait
au comptable de vérifier l’existence au regard de la nomenclature, que l’ordonnateur a voulu
l’exposer, et, le cas échéant, que le service a été fait.
14. Au cas d’espèce, il ressort des pièces du dossier, en particulier des déclarations écrites
de l’ancienne secrétaire générale de l’Institut, délégataire de l’ordonnateur alors en fonction,
que ce dernier, avait approuvé la tenue de l’évènement et accepté ses modalités
d’organisation, et que le repas objet de la dépense litigieuse entrait dans le cadre
des dépenses admissibles selon les dispositions comptables applicables. La dépense
était bien fondée juridiquement, et il est attesté que l’ordonnateur avait voulu l’exposer,
et que le service a été fait.
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15. Conséquemment, le manquement du comptable n’a pas causé de préjudice financier
à l’Institut français du Cambodge. En vertu du II de l’article 29 de l’ordonnance
du 23 mars 2022 susvisée, il n’y a donc pas lieu de mettre en jeu sa responsabilité à raison
de la charge unique, au titre de l’exercice 2018.
Par ces motifs,
DÉCIDE :
En ce qui concerne M. X, au titre de l’exercice 2018
Article unique. – Il n’y a pas lieu de mettre en jeu la responsabilité du comptable au titre
de la charge unique.
Fait et jugé par M. Patrick SITBON, président de section, président de la formation ;
M. Jean-François GUILLOT,
conseiller maître,
Mme Michèle COUDURIER,
conseillère
maître, MM. Alain STEPHAN, président de section de chambre régionale des comptes,
Nicolas-Raphaël FOUQUE et Louis-Damien FRUCHAUD, premiers conseillers de chambre
régionale des comptes.
En présence de Mme Vanessa VERNIZEAU, greffière de séance.
En conséquence, la République française mande et ordonne à tous commissaires de justice,
sur ce requis, de mettre ledit arrêt à exécution, aux procureurs généraux et aux procureurs
de la République près les tribunaux judiciaires d’y tenir la main, à tous commandants
et officiers de la force publique de prêter main-forte lorsqu’ils en seront légalement requis.
En foi de quoi, le présent arrêt a été signé par
Vanessa VERNIZEAU
Patrick SITBON
En application des articles R. 142-4-1 à R. 142-4-5 du code des juridictions financières,
les arrêts prononcés par la Cour des comptes peuvent être frappés d’appel devant
la Cour d’appel financière dans le délai de deux mois à compter de la notification. Ce délai
est prolongé de deux mois pour les personnes domiciliées à l’étranger. La révision d’un arrêt
peut être demandée après expiration des délais d’appel, et ce dans les conditions prévues
aux articles R. 142-4-6 et R. 142-4-7 du même code.