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PRÉSIDENCE
DE
LA
FÉDÉRATION
FRANÇAISE
DE
RUGBY
FFR
FÉDÉRATION
FRANÇAISE
DE
RUGBY
3-5
rue
Jean
de
Montaigu
-
91
/.63
Marcoussis
Cedex
T:
+33
(0)169
63
64
65
www.ffr.fr
Cour des comptes
Monsieur le Premier Président
Marcoussis, le 26 mars 2025
Monsieur le Premier Président,
J’accuse réception des observations définitives de la Cour des Comptes concernant l’organisation de
la Coupe du Monde de Rugby 2023 en France. Si ce rapport met en lumière un succès populaire,
sportif et médiatique incontestable, il dresse également un bilan accablant des choix de gouvernance,
des décisions financières et de l’absence de contrôle ayant marqué la période précédant la Coupe du
Monde.
Ces constats confirment ce que nous avons découvert, parfois avec stupeur, en prenant les
commandes de la Fédération Française de Rugby en juin 2023 à un moment charnière, quelques
mois avant la tenue de l’événement.
Il est certain que la découverte d’une telle situation a nécessité une mobilisation forte de la nouvelle
gouvernance de la Fédération Française de Rugby qui a alors fait son maximum, dans un délai très
contraint, pour redresser ce qui pouvait encore l’être en évitant que le rugby français soit «
à feu et
à sang
» (ce qui était la promesse de la gouvernance précédente si nous l’emportions) dans une
période où le monde entier avait les yeux rivés sur nous.
Nous devons rappeler que les engagements initiaux, la structure de gouvernance mise en place et la
gestion financière ont été le fait de décisions prises bien avant notre arrivée et que notre travail a
été, et reste encore aujourd’hui, de redresser cette situation et celle d’une fédération que nous avons
trouvé en déshérence financière, organisationnelle et même morale.
Une gestion calamiteuse et un contrôle inexistant avant 2022
Comme le souligne votre rapport, l’attribution de la Coupe du Monde 2023 à la France a été obtenue
au prix d’engagements financiers inconsidérés pris par l’ancienne gouvernance de la FFR. En
particulier :
Des engagements financiers irréalistes
: la FFR s’est engagée auprès de World Rugby
sur un montant de 252 millions de livres sterling (289,5 M€), dont 66 M£ garantis par elle.
Ces engagements, démesurés au regard de ce qui était proposé par les concurrents, ont
lourdement pesé sur l’organisation et l’équilibre économique de l’événement.
Un modèle économique déficient et des prévisions irréalistes
: le programme des
hospitalités et voyages a été bâti sur des hypothèses largement surestimées, tant sur les
capacités d’accueil des stades que sur la commercialisation des packages. Le déficit final du
Groupement d’Intérêt Économique (GIE) Rugby Hospitalités et Voyages, arrêté à -35,7 M€,
pourrait même atteindre -52,9 M€ en cas de décisions défavorables dans les contentieux en
cours.
Un manque total de contrôle et d’audit
: comme la Cour le relève, les instances de
gouvernance du GIP et du GIE de l’époque n’ont exercé aucun contrôle effectif sur ces
engagements. Le Comité directeur de la fédération n’a jamais été saisi de façon approfondie
de ces décisions par son ancien président ou son trésorier et n’a pas disposé des éléments
0
nécessaires pour en mesurer la portée et les risques. Les présentations auxquelles le Comité
directeur avait droit se limitaient à des informations marketing et aucun de dossiers clés n’a
donné lieu à la moindre présentation sérieuse. L’Etat lui-même n’a pas assumé son devoir
de contrôle laissant le Directeur général exercer des pouvoirs concentrés et excessifs qui ont
amené à une telle situation.
Une gouvernance défaillante jusqu’en 2022
L’organisation du comité d’organisation « France 2023 » a été marquée par des dysfonctionnements
majeurs :
Une concentration excessive des pouvoirs
: le Directeur Général du GIP a bénéficié
d’une délégation illimitée sur le plan financier sans aucun contrôle a posteriori des décisions
prises.
Des comités de contrôle inopérants
: le comité d’audit et le comité des rémunérations
ont été marginalisés, limitant la possibilité d’un encadrement rigoureux des décisions
financières.
Une opacité dans les décisions stratégiques
: plusieurs engagements financiers majeurs
ont été actés sans l’information et la validation des organes de gouvernance de la FFR ou de
l’État, comme l’entrée du GIP dans le GIE après le retrait de Sodexo, qui s’est faite à l’insu
des conseils d’administration du GIP et du GIE, le choix de l’agence Daïmani ou la question
de la TVA.
Une prise de fonction sous le signe de l’urgence et de la réparation
Lorsque nous avons pris nos fonctions en amont de la Coupe du Monde 2023, nous avons été
confrontés à des réalités bien plus préoccupantes que ce qui avait été anticipé. En juin 2023 la
gouvernance en place avant notre élection annonçait encore que la Coupe du Monde laisserait un
profit de + 5 M d’euros. L’audit interne mené en urgence a confirmé des écarts considérables entre
les prévisions initiales et la réalité des comptes. La crise de gouvernance de l’été 2022, révélée par
plusieurs enquêtes de presse et des investigations internes, a nécessité une reprise en main rapide
et drastique.
Même si le contexte était complexe avec une cohabitation (nous avons pris les commandes avec
seulement 11 élus sur 40 à l’époque) et la nécessité d’apaiser le rugby en amont de la Coupe du
monde et des Jeux, il a été immédiatement engagé :
Une restructuration de la gouvernance
: mise en place d’une gouvernance plus
collégiale, renforcement du comité d’audit et du contrôle interne.
Une gestion financière plus rigoureuse
: limitation des dépenses non essentielles,
recentrage des priorités sur la livraison de l’événement.
Une coopération renforcée avec l’État
: coordination plus étroite avec les ministères
concernés pour assurer la bonne exécution des engagements publics et limiter les risques
pour les finances publiques.
Malheureusement, certaines décisions prises en amont étaient irréversibles. Les déficits liés aux
programmes d’hospitalité et au projet Campus 2023, notamment, ont continué à peser sur le bilan
financier de l’événement.
Un héritage financier loin des promesses initiales
Alors qu’un bénéfice de 68 M€ pour le GIP était annoncé pour le développement du rugby français,
la réalité est toute autre :
Au mieux, un déficit financier de
21M€
, si les contentieux se règlent favorablement.
Au pire, un
déficit de 49,5M€
, si les décisions judiciaires et fiscales vont à l’encontre du
GIE.
Mais surtout des pertes directes pour la FFR estimées entre
29M€ et 13M€
, loin des 5M€
de bénéfice annoncé dans le pire des scénarios.
M
Ce bilan financier insatisfaisant, couplé aux difficultés laissées en héritage par la gestion précédente,
nous impose aujourd’hui un travail de redressement rigoureux.
Une Fédération tournée vers l’avenir
Malgré cet héritage lourd, nous poursuivons aujourd’hui un travail de fond pour assainir la situation
et garantir un avenir pérenne à la Fédération Française de Rugby. Depuis la conclusion de vos
observations, la Fédération a été désignée liquidatrice du GIE afin de mettre tous les moyens et toute
l’énergie nécessaire au redressement de cette situation.
Nous avons lancé et de manière plus active depuis que nous avons une majorité au Comité directeur
(octobre 2024) avec 34 élus :
Une refonte des procédures de contrôle
pour éviter que de tels errements puissent se
reproduire à l’avenir.
Un dialogue transparent avec nos partenaires publics et privés
afin de restaurer la
confiance dans notre gestion.
Une gestion plus sobre et plus responsable des événements à venir
, en appliquant
des critères stricts d’évaluation des risques financiers et organisationnels.
Nous prenons acte des recommandations formulées par la Cour des Comptes et nous engageons à
les mettre en œuvre pour renforcer la gouvernance de la FFR et de ses futurs projets.
Nous remercions la Cour pour son travail d’analyse et nous sommes satisfaits que toute la lumière
soit faite sur les réelles responsabilités et le manque de contrôle qui ont amené aux difficultés
financières auxquelles nous faisons face aujourd’hui.
Veuillez agréer, Monsieur le Premier Président, l’expression de ma considération distinguée.
Florian GRILL
Président de la FFR