Deux mesures qui tardent à s’affirmer comme des sanctions effectives
Le travail d'intérêt général (TIG) et la détention à domicile sous surveillance électronique (DDSE) dépendent de leur prononcé par les magistrats et de conditions assurant leur exécution.
Depuis un pic en 2015, les TIG ont diminué au profit des DDSE. Celles-ci augmentent non pas en tant que peine autonome mais en tant qu’aménagement des peines d’incarcération et s’affirment ainsi comme un outil de gestion de la surpopulation carcérale. Cette utilisation limitée des TIG et DDSE comme peine autonome s’explique par deux freins : la réduction du public traditionnel des TIG que sont primo–délinquants, qui font l’objet massivement d’alternatives aux poursuites pour accélérer la réponse pénale, et le manque d’outils pour évaluer la situation sociale et pénale des mis en cause.
La crédibilité du TIG et de la DDSE repose sur des conditions de mise en œuvre et de contrôle efficaces, garantissant leur caractère sanctionnant. Or, si les condamnés sont généralement placés rapidement en DDSE et pour une durée moyenne de 4,5 mois, les délais d’exécution des TIG restent trop élevés, atteignant en moyenne plus de 16 mois. Le ministère de la Justice doit impérativement les réduire. Il doit aussi améliorer le contrôle de l’exécution des deux mesures. Le suivi des TIG, assuré par les tuteurs sur une courte durée, et celui des DDSE, essentiellement administratif et procédurier, restent insuffisants pour garantir un accompagnement efficace.
Deux mesures contribuant de manière trop limitée à l’objectif d’insertion
Les TIG et les DDSE concernent des individus confrontés à des difficultés sociales importantes, notamment en matière de logement, de santé et d’emploi même si ces difficultés restent mal connues et évaluées.
En France, contrairement à d’autres pays, les condamnés à une mesure alternative à l’incarcération sont censés accéder aux dispositifs d’insertion de droit commun. Dans la réalité, leur accès est rendu difficile par la saturation de ces dispositifs ou des financements insuffisants. Dès lors, la période passée en TIG ou en DDSE ne permet que rarement d’initier un parcours d’insertion ou de réinsertion. L'accompagnement des personnes en TIG ou DDSE par les services du ministère de la justice reste insuffisant, avec des rendez-vous très espacés (en moyenne un tous les six mois pour les TIG) et seulement 33 % des tigistes et 27 % des personnes en DDSE sont orientés vers des acteurs de l'insertion, et un impact limité sur l'emploi.
Des résultats peu probants sur la récidive pour le TIG mais plus positifs pour la DDSE
La politique de développement des alternatives à l’incarcération a souvent été justifiée par leur impact présumé sur la prévention de la récidive. Mais les quelques travaux disponibles en France sont pour l’essentiel basés sur une méthodologie fragile et sur des données anciennes. L’évaluation réalisée par la Cour montre que le taux de récidive cinq ans après un TIG est proche de 60 %, soit un chiffre comparable à celui observé pour les peines de prison ferme et ce même en neutralisant l’effet du « profil à risque » des tigistes, souvent jeunes et en difficulté socio - professionnelle. En revanche, les résultats sont plus favorables pour la DDSE avec un taux de récidive après trois ans, mesuré en neutralisant les différences socio-économiques, inférieur de 13,5 points de pourcentage pour les personnes qui ont bénéficié d’une DDSE à la place de la prison et de 8 points pour ceux dont l’aménagement en DDSE a été obtenu en cours de détention. Cependant, ces résultats doivent être interprétés avec prudence, car l'étude porte sur la cohorte 2016-2017, avant la massification des DDSE, ce qui pourrait affecter le profilage des condamnés et leur suivi.
Deux mesures qui doivent devenir plus efficaces et être mobilisées pour lutter contre la surpopulation carcérale
L’évaluation menée par la Cour sur le déploiement du TIG et de la DDSE montre que les résultats de cette politique publique sont insuffisants. La situation des établissements pénitentiaires impose de la rendre plus efficace. Avec un taux de surpopulation carcérale record de 130 % en décembre 2024, les établissements pénitentiaires sont en effet confrontés à une dégradation majeure : promiscuité, inactivité, violences accrues et sécurité fragilisée pour les détenus et le personnel. L’incarcération ne parvient plus à remplir ses objectifs de réinsertion et de prévention de la récidive. Les libérations sous contrainte sont utilisées comme un outil de gestion des flux, faute de places disponibles. La construction de nouveaux établissements n’apportera de solutions à court terme en raison des délais mais aussi des coûts qu’elle implique. L'administration pénitentiaire rencontre de surcroît des difficultés de recrutement, ce qui complique la gestion des établissements.
Ce contexte rend indispensable le déploiement du TIG et de la DDSE comme de véritables peines capables de constituer des alternatives effectives à l'incarcération et moins coûteuses (pour le TIG 1 862 € et la DDSE 2 788 €). Pour renforcer leur efficacité et leur donner leur place dans la réponse pénale, il faut réduire les délais d’exécution après le prononcé du jugement, particulièrement pour les TIG ; renforcer les contrôles en les rendant plus coercitifs et sanctionnant si nécessaire ; et intensifier le suivi par les services pénitentiaires d’insertion et de probation en prenant plus nettement en compte les difficultés sociales des condamnés afin d’engager des parcours de réinsertion.