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La situation des finances publiques locales 2023 en Nouvelle-Calédonie

CTC NOUVELLE-CALÉDONIE

La chambre a analysé la situation financière de la Nouvelle-Calédonie, des provinces, des communes et des syndicats en 2023. Ses travaux, réalisés entre février et mai 2024, prennent en compte un premier aperçu de l'impact des graves troubles à l’ordre public que le territoire a connu à compter du 13 mai sur les finances publiques locales. Les émeutes, ainsi que les élections provinciales prévues initialement en novembre 2024, ont retardé la publication du rapport à janvier 2025.

 

  1.  Une année 2023 en deçà des espérances

La reprise de l’activité économique, confirmée pour la première moitié de l’année 2023, ne s’est pas maintenue jusqu’à la fin de celle-ci.

 

Une reprise de l'activité confirmée

 

La chambre estime que le produit intérieur brut du territoire s’est maintenu, en 2023, à son niveau de 2022 en volume. L’inflation revient à 1,8 % en Nouvelle-Calédonie (contre 4,9 % dans l’hexagone) du fait d’une maîtrise des coûts de l’énergie notamment.

L’emploi salarié se maintient à un niveau élevé et les salaires minimum et minimum agricole progressent d’environ 4 % entre 2022 et 2023. Le nombre de touristes et de croisiéristes est revenu à des niveaux antérieurs à la pandémie et l’extraction, l’exportation et la production métallurgique sont en hausse, bénéficiant notamment d’une météo plus favorable. Cependant, la baisse du cours du nickel de près de 20 % en 2023 alors que le prix de l’énergie se maintient à un niveau élevé pèse sur la rentabilité des usines métallurgiques. Un « plan nickel » en vue du redressement de la filière a été élaboré et était en cours de discussion entre les acteurs concernés en début d’année 2024.

Cependant, les indicateurs économiques se sont dégradés durant la seconde partie de 2023, marquée par de fortes incertitudes sur l’usine du Nord et l’avenir institutionnel. Pour redresser les comptes publics, les élus ont entrepris plusieurs réformes majeures dans les domaines minier, de l’énergie, de la propriété intellectuelle ou de l’enseignement mais d’importants sujets comme le financement de l’assurance maladie restent encore à l’étude.

 

La poursuite des transferts financiers de l'Etat

 

L’État a poursuivi son engagement avec d’importants transferts financiers sur l’enseignement et la sécurité. Le total de ces transferts est passé de 164,78 à 166,27 MdF CFP (+ 1 %) entre 2022 et 2023. Une subvention exceptionnelle a été accordée à la Nouvelle-Calédonie d’un montant 4,4 MdF CFP pour éviter une rupture des versements de la caisse locale des retraites et des allocations pour handicap ainsi que pour permettre la bonne exécution budgétaire de la fin de l’exercice 2023.

La cinquième génération de contrats de développement s’est achevée en 2023 et une sixième génération va s’amorcer pour la période 2024-2027 avec un engagement moyen de l’Etat de 10,35 MdF CFP par an. La défiscalisation nationale a été légèrement moins sollicitée, notamment en ce qui concerne le logement social historiquement bas avec seulement deux projets validés.

Au total, le poids des transferts financiers de l’Etat, y compris le coût budgétaire pour l’Etat de la défiscalisation de niveau national dans le produit intérieur brut de la Nouvelle-Calédonie revient à son niveau antérieur à la crise sanitaire, soit 179,72 MdF CFP (16,34 % du produit intérieur brut).

 

  1. Une dépense publique locale dynamique

L’année 2023 se caractérise par une reprise de la croissance de la dépense publique locale (+ 19 MdF CFP par rapport à 2022, soit + 8 %) qui atteint près de 243 MdF CFP contre 224 MdF CFP en 2022 à un rythme bien plus élevé que l’inflation qui s’élève à 1,7 % en 2023.

 

Une hausse des produits et des charges réelles de fonctionnement 

 

L’ensemble des collectivités du territoire connaissent une année 2023 marquée par le dynamisme retrouvé des produits (près de 201 MdF CFP en 2023, + 8 % par rapport à 2022), notamment de la fiscalité, et des charges réelles de fonctionnement (près de 170 MdF CFP en 2023, + 6 % par rapport à 2022).

Les dépenses de personnel (73,74 MdF CFP en 2023) restent importantes et les charges financières (3,39 MdF CFP en 2023) sont en hausse, malgré le repli amorcé de l’encours de la dette (177,80 MdF CFP fin 2023). A contrario, les achats de biens et de services
 (35,10 MdF CFP) et les subventions versées (15,19 MdF CFP) sont en diminution, traduisant la rigidification croissante des dépenses de fonctionnement des collectivités.

 

Des dépenses d'investissement record et un besoin de financement en hausse par rapport à 2022

 

Cette situation favorable permet à chaque niveau de collectivité d’améliorer son épargne brute ainsi que son épargne nette des remboursements d’emprunts. Le taux d’épargne nette des collectivités du territoire remonte à 9,3 % en 2023 (4,9 % pour la Nouvelle-Calédonie, 11,7 % pour les provinces, 10,8 % pour les communes et 2,5 % pour les syndicats) ce qui reste cependant encore faible.

Les dépenses d’équipement (46,29 MdF CFP en 2023) atteignent un niveau inégalé depuis 2017. La Nouvelle-Calédonie, les provinces, les communes et les syndicats dégagent en 2023 un besoin de financement de 20,65 MdF CFP, soit 1,9 % du produit intérieur brut, en hausse de près de 22 % par rapport à 2022.

L’encours de la dette des collectivités, principalement portée par la Nouvelle-Calédonie, entame un repli de près de 3 % par rapport à 2022, atteignant 173 MdF CFP, soit près de 16 % du produit intérieur brut.

 

Un niveau de trésorerie en baisse entraînant une augmentation du taux de rotation des dettes fournisseurs et du niveau des dettes sociales

 

Le niveau de trésorerie des collectivités reste limité, tombant en moyenne à 51 jours de charges réelles de fonctionnement fin 2023 contre 79 jours fin 2022 et seulement 13 jours fin 2023 pour la Nouvelle-Calédonie. Les difficultés de trésorerie de la Nouvelle-Calédonie entraînent un retard croissant dans le versement des montants dus au titre de la fiscalité recouvrée, ce qui peut avoir pour conséquence le recours par les provinces, les communes ou les syndicats à des lignes de trésorerie engendrant des frais financiers supplémentaires.

Faute de trésorerie suffisante, certaines collectivités allongent leurs délais de paiement, pénalisant leurs fournisseurs et impactant négativement les comptes des régimes de protection sociale.

C’est le cas en particulier de la province des Îles dont l’encours fournisseur a augmenté de 34 % entre 2022 et 2023 atteignant 0,11 MdF CFP en fin d’exercice soit 7 % des charges à caractère général nettes des remboursements en 2023 alors que ses dettes sociales atteignent 0,37 MdF CFP soit un tiers des charges sociales de la province.

 

  1. des comptes sanitaires et sociaux toujours en difficulté malgré des produits de la fiscalité en hausse

Entre 2019 et 2023, les recettes fiscales sont, en moyenne, égales aux transferts de l’Etat. Le taux de pression fiscale, augmente de 0,83 point pour atteindre 19,66 % en 2023 contre 18,83 % en 2022.

 

Des produits fiscaux en hausse 

Les recettes fiscales recouvrées par la Nouvelle-Calédonie, la CAFAT et les communes augmentent de 4,3 % entre 2022 et 2023 pour atteindre 209,2 MdF CFP en 2023 contre 201,9 MdF CFP en 2022 (+ 3,6 %). La bonne tenue de l’économie ainsi que certaines mesures fiscales prises en 2022, notamment la hausse du taux de la contribution calédonienne de solidarité, expliquent ce résultat.

 

Des comptes sanitaires et sociaux nécessitant, notamment pour la caisse locale de retraites, des mesures d'urgences

Les comptes sanitaires sociaux connaissent toujours une situation dégradée. Les produits de la CAFAT augmentent de 5,3 % entre 2022 et 2023 grâce à une hausse de 8,3% des cotisations sociales et de 10,5 % des contributions publiques (Nouvelle-Calédonie et agence sanitaire et sociale). Cependant, les charges augmentent de près de 8 % dont 8,6 % pour les prestations servies, entre 2022 et 2023.

La caisse locale de retraites qui gère les retraites des fonctionnaires dégage, pour la septième année consécutive depuis 2017 un déficit de fonctionnement dont le montant s’élève à près de 1 MdF CFP en 2023. Sa trésorerie a diminué de 64 % depuis 2017 et son niveau ne correspond qu’à 51 jours de charges courantes fin 2023. Des mesures d’urgences ont été prises par le congrès en septembre 2023 pour augmenter les taux de cotisation et durcir les conditions de départ à la retraite. En parallèle, certains organismes publics ont accepté de verser leurs cotisations en avance et l’Etat a versé une subvention exceptionnelle qui avait notamment pour objectif de permettre d’assurer la continuité des versements des prestations de retraite.

Si la marge brute d’exploitation (2,64 MdF CFP fin 2023) des trois établissements publics de santé se redresse légèrement en 2023 par rapport à 2022, le taux de marge brute au regard des produits d’exploitation demeure à un niveau très faible, 6 % en 2023. La trésorerie nette cumulée des trois établissements est négative (- 1 MdF CFP) en fin d’exercice 2023 et le centre hospitalier territorial ainsi que celui du Nord bénéficient d’avances de trésorerie dont le montant cumulé s’élève à 2,1 MdF CFP en 2023.

 

La gestion locale des services d'eau, d'assainissement et des ordures ménagères reste insatisfaisante

 

L’analyse des budgets annexes communaux montre que ceux-ci ne parviennent pas, pour la plupart d’entre eux, à s’équilibrer sans subvention exceptionnelle du budget principal. Le montant total des subventions d’équilibre versées par les communes aux budgets annexes en 2023 s’élève à 1,29 MdF CFP contre 0,91 MdF CFP en 2022 (+ 40 %). Ces subventions d’équilibre représentent un tiers des recettes de fonctionnement des budgets annexes de l’eau.

Le montant des restes à recouvrer des budgets annexes est très important et traduit les difficultés à faire payer ces services aux usagers, ce qui constitue un enjeu majeur des services publics industriels et commerciaux. Les restes à recouvrer de l’ensemble des budgets annexes s’élèvent ainsi à 2,81 MdF CFP fin 2023, en augmentation de 7,2 % par rapport à 2022.

  1. Une année 2024 mettant les finances publiques en tension

À compter du 13 mai 2024, le territoire a connu de graves troubles à l’ordre public ayant conduit à l’instauration de l’état d’urgence suivi d’un couvre-feu toujours en vigueur en juillet 2024. Le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie a présenté le 3 juillet 2024 des indicateurs faisant état de près de 700 entreprises impactées, 25 bâtiments scolaires partiellement ou totalement dégradés, 31 structures de santé partiellement ou totalement dégradées et un coût global de la crise estimé à cette date à 265,79 MdF CFP, soit près du quart du produit intérieur brut, dont 120,8 MdF CFP de dépenses publiques (69 MdF CFP de dégradation du patrimoine, 28,1 MdF CFP de chômage spécifique jusqu’au 31 décembre 2024 et 43,5 MdF CFP de pertes de recettes fiscales, douanières ou sociales jusqu’au 31 décembre 2024).

Cette crise majeure a des répercussions différenciées sur la situation financière de la Nouvelle-Calédonie, des provinces, des communes et des syndicats. Les charges réelles de fonctionnement des provinces ont augmenté de près de 2 % entre le 30 juin 2023 et le 30 juin 2024 alors que leurs recettes réelles de fonctionnement ont diminué de 44 %. En ce qui concerne les communes, leurs charges réelles de fonctionnement ont diminué de près de 10 % entre le 30 juin 2023 et le 30 juin 2024 mais leurs recettes réelles de fonctionnement ont diminué de 41 %. En prenant en compte les budgets annexes de reversement et de répartition, les recettes réelles de fonctionnement de la Nouvelle-Calédonie ont diminué de 56 %, cette diminution étant liée aux pertes de recettes fiscales, alors que les charges réelles de fonctionnement n’ont diminué que de 24 %. Fin septembre 2024, la situation de cette collectivité s’améliore puisque les produits réels de fonctionnement se situent à 80 % des produits réels de fonctionnement perçus fin septembre 2023, une hausse de 10 % des dotations reçues ayant compensé en partie la diminution de 23 % des recettes fiscales.

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