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Le Centre national de la musique

COUR DES COMPTES

Le Centre national de la musique (CNM) est né en janvier 2020 de la fusion entre le Centre national de la chanson et quatre autres associations. Son objectif initial consistait à rassembler les acteurs d’une filière musicale complexe, frappée par la crise du disque et le téléchargement illégal. Paradoxalement, le CNM est né au moment où les effets négatifs de la transition numérique s’étaient atténués, avec l’essor de l’écoute musicale en flux (streaming) dont les revenus ont permis de stabiliser le modèle économique de la musique enregistrée. La gestion de la crise Covid a fait changer de dimension le CNM, son budget a presque triplé en comparaison du budget total des organismes qu’il a remplacés. Malgré la sortie de crise et alors que la musique live et enregistrée bénéficie d’une forte croissance du marché, le CNM se retrouve avec des moyens beaucoup plus importants que prévus à l’origine. Il est d’autant plus urgent de s’interroger sur la stratégie de cet opérateur de l’État et sur son impact réel sur les filières musicales.

Des moyens en forte hausse, mais une stratégie qui manque de clarté

Le CNM se retrouve aujourd’hui avec un budget (147 M€ en 2024) qui a presque triplé par rapport aux moyens totaux des organismes qu’il a remplacés (53 M€).

En effet, avec la crise sanitaire, le CNM est devenu le bras armé de l’État pour l’octroi des crédits d’urgence et de relance au secteur de la musique : sur les 423 M€ de crédits exceptionnels à répartir sur la filière musicale, il a conservé une centaine de millions d’euros. De plus, il a bénéficié de la création en 2024 d’une taxe affectée supplémentaire (taxe streaming) qui devrait lui procurer une ressource additionnelle prévue à 15 M€ en rythme de croisière.

Or, cette augmentation tendancielle des ressources du CNM s’est réalisée sans évaluation préalable des besoins et sans stratégie claire. Au demeurant, le CNM n’est pas le seul opérateur de la filière musicale, puisque les grands opérateurs de musique classique (comme l’Opéra de Paris) sont hors de son champ d’action, le ministère gère directement certaines aides et les organismes de gestion collective (comme la SACEM) ont leurs propres dispositifs d’aides. Cependant, le ministère de la Culture n’a pas formalisé de stratégie musicale globale.

Une logique de guichet, des dépenses insuffisamment étayées

Une logique de guichet et de saupoudrage des aides du CNM a prévalu.

Le montant des aides accordées est passé de 21 M€ en 2019 à 72 M€ en crédits de paiement en 2023 (hors droit de tirage sur la taxe spectacle). Environ un tiers des dossiers du CNM concernent des aides à la production et un autre tiers des aides à la diffusion incluant les aides aux festivals et les aides à l'activité de diffusion des salles de spectacles.

À ces aides spécifiques s’ajoute le droit de tirage sur la taxe spectacle à hauteur de 65 % des contributions, soit 25 M€ en 2023.

L’urgence d’une réforme du CNM

Le CNM doit maintenant se réformer en profondeur, afin de démontrer sa plus-value pour une filière musicale française hétérogène, évoluant sur un marché largement mondialisé et très porteur.
Ainsi, les missions transversales du CNM comme le développement international, l’innovation et le numérique, la structuration du tissu économique pour garantir la diversité de la filière et la souveraineté culturelle, pourraient-elles être développées, pour passer outre les clivages entre les filières musique live et musique enregistrée. Le CNM doit également repenser son fonctionnement pour sortir de la logique de guichet, héritée de la période Covid. Il doit parfaire la prévention des conflits d’intérêts et fiabiliser ses bilans.

Après quatre ans d’existence, il est urgent que le CNM réalise une refonte du régime d’aides dans une logique de simplification et de décloisonnement, mette en place un contrôle des fonds distribués, évalue leur impact sur la filière musicale et revienne à une trajectoire raisonnable de dépenses.

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