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Le Centre national de la recherche scientifique (CNRS)

COUR DES COMPTES

Créé en octobre 1939, le CNRS est le plus grand organisme de recherche français et européen. En 2023, le CNRS disposait de ressources budgétaires d’un montant de 4,10 Md€ - dont 1,13 Md€ de ressources propres - consacrées à hauteur de 2,87 Md€ à des dépenses de personnel relatives à ses 34 289 agents, dont 10 896 chercheurs. Cela fait de cet organisme le plus grand opérateur de l’État, après France Travail.

Avec 4,1 Md€ de budget, 34 289 agents et 1 130 unités de recherche en 2023, le CNRS bénéficie d’une réputation d’excellence scientifique solidement établie. Il est structuré autour de 10 instituts et de 17 délégations régionales. Cette qualité doit être mobilisée pour relever les nombreux défis de gestion qui se présentent à l’organisme et qui sont au cœur des analyses du présent rapport.

La trésorerie du CNRS s’élevait à 1,4 Md€ fin 2023, soit une croissance de 900 M€ en 11 ans, et a poursuivi sa croissance depuis. Cette situation, qui transparaît dans les comptes financiers que le CNRS présente à ses tutelles en conseil d’administration, pourrait donner l’impression que l’organisme dispose de ressources financières surabondantes dans le contexte actuel de dégradation de la situation des finances publiques. Elle traduit en réalité une capacité insuffisante de l’organisme à programmer de manière pluriannuelle et à piloter ses ressources propres. Comme il n’existe pas de système de consolidation des données financières des unités mixtes de recherche (UMR), les tutelles ne disposent pas d’une vision d’ensemble des ressources disponibles et de l’emploi qui en est projeté. Il en résulte une gestion décentralisée hétérogène, souvent très prudente et ne permettant guère de mutualisation entre équipes de recherche, qui se traduit dans les comptes du CNRS par une forte augmentation du solde de sa trésorerie depuis 10 ans et par une sous exécution systématique des dépenses budgétées, comprise entre 300 M€ et 700 M€ sur la période (442 M€ en 2023).

Malgré un effort marqué par des revalorisations salariales récentes et sa réputation d’excellence scientifique, l’organisme commence à connaître des enjeux d’attractivité pour ses personnels statutaires. Les candidatures de chercheurs ont diminué de 36 % en 10 ans pour des postes offerts dont le volume n’a été réduit que de 18 % sur la période, tandis que les concours d’ingénieurs et de techniciens sont quatre fois moins sélectifs qu’il y a 10 ans. Le défi de l’attractivité concerne également les fonctions administratives et techniques, essentielles pour les appels à projets et la mise en œuvre des plateformes technologiques. En tout état de cause, le CNRS va être confronté à un enjeu majeur de renouvellement de ses compétences, du fait du volume important des départs en retraite attendus dans les prochaines années, dans un organisme où 32 % des effectifs permanents avaient plus de 55 ans en 2023.

La consultation par la Cour des 24 plus grandes unités de recherche du CNRS montre que le
« fardeau administratif » pesant sur les chercheurs s’est accru depuis quelques années au sein de l’organisme. Ce fardeau concerne les pays occidentaux à l’exception des États-Unis même si d’autres comme le Royaume-Uni ont engagé des politiques volontaristes de simplification. En effet, la montée en puissance des appels à projets pour les contrats de recherche crée une charge croissante, tant pour les candidatures que pour la gestion des contrats ainsi obtenus. Les règles de la gestion publique sont d’autant plus pesantes que le CNRS peine à attirer et à fidéliser les personnels administratifs gestionnaires. Ainsi, l’organisation des UMR, au sein desquelles chacune des tutelles déploie ses propres processus, règles et systèmes d’information, combinée avec l’échec du projet de système de gestion unifié, SI Labo, en 2019, complique fortement la gestion des laboratoires de l’organisme. Il est souhaitable d’accroître les efforts de simplification, notamment en travaillant en priorité sur les irritants rencontrés par les chercheurs.

L’organisation très décentralisée du CNRS, avec notamment ses 842 UMR, combinée à une sensibilisation insuffisante aux risques informatiques est de nature à exposer davantage à des menaces cyber en forte croissance. En effet, des attaques cyber ont concerné des laboratoires de recherche auxquels participent des chercheurs du CNRS. Il est donc nécessaire que celui-ci renforce sa sécurité informatique, ce qui passe par l’augmentation du périmètre de compétence et des moyens de sa direction des systèmes d’information.

Enfin, le CNRS, qui est à tous égards un acheteur hors-norme par le volume de ses achats et le nombre de ses acheteurs, a pris au cours des années récentes des mesures pour réduire le risque de non-conformité de ses procédures d’achat aux règles de la commande publique. Ces mesures, combinées avec la compétence et l’expérience de la direction des achats, vont dans le bon sens et les tests réalisés dans le cadre du présent contrôle n’ont pas mis en évidence d’anomalies. Pour autant, le fait que près de la moitié des achats soient encore réalisés sur simples factures constitue en soi un facteur de risques. La renégociation en cours des directives européennes des achats publics doit être mise à profit pour obtenir des assouplissements pour les achats de recherche.