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Communauté d'agglomération de Roanne (Loire)

CRC AUVERGNE-RHÔNE-ALPES

La chambre régionale des comptes Auvergne-Rhône-Alpes a procédé au contrôle des comptes et de la gestion de la communauté d’agglomération de Roanne (Roannais agglomération) pour les exercices 2019 et suivants.

Située au nord du département de la Loire, à une heure de Lyon, Saint-Etienne ou Clermont-Ferrand, la communauté d’agglomération Roannais Agglomération est née en 2013 de la fusion de la communauté d’agglomération « Grand Roanne Agglomération », des communautés de communes de l’Ouest Roannais, de la Côte Roannaise, du Pays de Perreux et du Pays de la Pacaudière, et de l’intégration de la commune de Saint-Alban-les-Eaux. Elle rassemble, en 2024, les 40 communes repérées en rouge sur la carte ci-dessous, pour 103 731 habitants.

Une gouvernance à améliorer

Pensée pour surreprésenter les plus petites de ses communes, la gouvernance de l’établissement s’articule autour d’un ensemble d’instances facultatives, prévues dans son pacte de gouvernance, dont le fonctionnement n’appelle pas d’observation. En revanche, la chambre a relevé l’existence de conseils communautaires « privés », qui ne respectent pas les dispositions du code général des collectivités territoriales relatives à la possibilité de tenir des séances à huis clos.

Alors que les écarts de richesse entre communes sont très prononcés, la communauté d’agglomération n’a pas de pacte financier et fiscal contenant des dispositions opérationnelles visant à réduire les disparités de ressources et de charges, pourtant obligatoire.

Par ailleurs, si un certain nombre de services font l’objet de mutualisations, la démarche mériterait d’être mieux suivie et d’être élargie à d’autres communes et de nouveaux services.

La déclaration d’intérêts du président de la communauté d’agglomération, réalisée auprès de la Haute autorité pour la transparence de la vie publique, est incomplète et la gestion de ses conflits d’intérêts est à encadrer.

En effet, ce dernier n’a pris aucun arrêté de déport pour signaler sa situation de conflit d’intérêts avec deux entreprises avec lesquelles il noue des affaires à titre privé et qui bénéficient de marchés publics de la communauté d’agglomération. Il ne s’est pas davantage déporté de la procédure d’attribution de la délégation du service public de transport (74 M€), alors même qu’il était en relations d’affaires constantes avec un cadre supérieur occupant une position stratégique dans l’une des deux entreprises candidates.

Une gestion de la commande publique présentant de nombreuses carences

La communauté d’agglomération ne dispose pas d’une fonction « achat » adaptée à l’importance des dépenses qu’elle engage. Les procédures internes sont trop peu définies et suivies. L’établissement ne dispose pas de cadre pour veiller à la bonne computation des seuils entre services et donc au respect des règles du code de la commande publique. Il en résulte de très nombreuses irrégularités. Un travail important de mise en conformité doit donc être mené par la communauté d’agglomération et ce, sans délai.

La chambre note que la gestion des ressources humaines est plus structurée, même si des irrégularités sont à corriger (en matière de lignes directrices de gestion, de recours aux contractuels, de régime indemnitaire et d’heures supplémentaires notamment).

La gestion des opérations immobilières marquée et le cas particulier de l’opération du bâtiment industriel « Leclerc »

En matière d’opérations immobilières, la chambre relève une absence généralisée de mise en concurrence lors des cessions de bien. Si la réglementation ne rend pas obligatoire une telle procédure, elle est néanmoins de bonne gestion. Il est vrai cependant que, hors cas particulier, l’établissement public de coopération intercommunale (EPCI) arrive à obtenir des prix de vente supérieurs à ceux évalués par les services de l’État.

La chambre relève en outre que la teneur de l’avis des services de l’État n’est jamais communiquée à l’assemblée délibérante, et invite l’établissement à y remédier. De plus, les bilans annuels des cessions et des acquisitions réalisées (document obligatoire) sont très descriptifs et ne permettent pas de comprendre les tenants et les aboutissants de la politique immobilière de l’EPCI. La stratégie immobilière de la communauté d’agglomération reste d’ailleurs à définir formellement.

La période est marquée par l’opération de cession du bâtiment industriel dit « Leclerc », au sein de l’ancien arsenal, à Mably. Ce bien était la propriété de l’EPCI depuis le début des années 2000. Il l’a confié en 2015 à l’Établissement public foncier de l’Ouest rhodanien (EPORA), afin que soit réalisée une opération de requalification du site. Il a ensuite racheté le bien à l’EPORA en 2019 pour une somme de l’ordre de 3 M€. Le 30 décembre 2021, l’EPCI a vendu ce bien à un opérateur économique, pour 2,85 M€, c’est à dire un prix inférieur à sa valeur d’achat deux ans auparavant, procurant à l’acheteur un rendement locatif exceptionnellement élevé de 11,7 %. Cet opérateur économique a remis, immédiatement, ce bien en vente et, dès le 7 mars 2022, a conclu une promesse de vente pour un prix de 5,9 M€ HT, soit plus du double de son prix d’acquisition.

Les carences de la communauté d’agglomération dans cette opération sont nombreuses. Tout d’abord, des informations tronquées ont été transmises aux services de l’État chargés de l’évaluation de la valeur du bien. De plus elle aurait pu lancer une procédure ouverte et transparente à même de susciter une concurrence auprès des acquéreurs potentiels, ce qui aurait permis de déterminer la valeur réelle du bien. Elle n’a pas prévu l’intégration d’une clause anti-spéculative au contrat de vente. Enfin, le conseil communautaire a reçu communication d’informations erronées sur la transaction. En définitive, la procédure de cession du bâtiment « Leclerc » à Mably a été menée avec une forme de négligence qui a permis à un opérateur privé d’acquérir à un prix bas un bien qui venait de faire l’objet d’opérations de requalification financées sur fonds publics, et d’en tirer immédiatement une plus-value excédant 3 M€.

Une situation financière satisfaisante mais amenée à se tendre dans le contexte d’un ambitieux programme d’investissement

Durant la période, la situation financière de la communauté d’agglomération est très satisfaisante, celle-ci disposant de leviers importants pour investir et d’un encours de dette quasiment nul. Mais cette situation est également le fait du faible niveau des investissements engagés entre 2019 et 2023, ce qui a eu pour incidence d’accroitre de façon importante la trésorerie disponible de l’établissement.
Le fonds de roulement constitué est voué à financer un important programme d’investissements à venir, de l’ordre de 130 M€. Cependant malgré ces réserves accumulées, l’ambition de ce programme est telle que sa mise en œuvre viendrait à tendre très sérieusement la situation financière de la communauté d’agglomération à horizon 2028, avec une capacité de désendettement qui atteindrait le seuil d’alerte communément admis nationalement. Néanmoins, l’établissement dispose d’une fonction financière de qualité, à même de réaliser des prospectives relativement réalistes et de proposer, le cas échéant, des arbitrages, qui pourraient se révéler nécessaires.


RECOMMANDATIONS

  • Recommandation n° 1. : Mettre fin à la pratique des conseils communautaires « privés ».
  • Recommandation n° 2. : Adopter un pacte financier et fiscal visant à réduire les disparités de charges et de recettes.
  • Recommandation n° 3. : Mettre en place une procédure de recensement des besoins afin de veiller à la bonne computation des seuils d’achats, conformément au code de la commande publique.
  • Recommandation n° 4. : Mettre en place des procédures afin que les marchés inférieurs à 40 000 € respectent les règles de publicité et mise en concurrence.
  • Recommandation n° 5. : Poursuivre les démarches engagées visant à régulariser la situation des agents multipliant des contrats de courte durée.
  • Recommandation n° 6. : Mettre fin au versement du treizième mois aux agents.
  • Recommandation n° 7. : Mettre en place le complément indemnitaire annuel au profit des agents.
  • Recommandation n° 8. : Fournir à l’organe délibérant l’évaluation de la valeur de chaque cession et acquisition immobilières.
  • Recommandation n° 9. : Respecter les dispositions de la loi relative à l’interdiction du financement des budgets annexes industriels et commerciaux par le budget principal.

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