Le cadre juridique et le pilotage de la compagnie
La société en tant que compagnie aérienne française est soumise à la règlementation européenne de la sécurité aérienne qui nécessite des audits réguliers pour l’obtention et le maintien du certificat dit « AIR OPS » de transporteur aérien délivré par l’Etat. La compagnie applique également la règlementation de l’Association internationale du transport aérien qui requiert l’obtention du certificat IOSA. Enfin, elle a choisi de faire agréer ISO 9001 son système de management. Les agréments lui sont délivrés dans ces trois domaines.
La Nouvelle-Calédonie est compétente pour définir les droits de trafic et agréer les programmes de vols des compagnies et leurs tarifs. Les droits de trafic vers les pays de la zone sont définis en capacités de transport hebdomadaires exprimées en nombre de sièges ou de fréquences entre la Nouvelle-Calédonie et l’Etat signataire. Celles-ci ont été récemment augmentées avec l’Australie et la Nouvelle-Zélande. Dans le cadre de cette compétence, la Nouvelle-Calédonie délivre à la compagnie et à ses concurrentes la licence d’exploitation commerciale leur permettant d’opérer leur programme.
La Nouvelle-Calédonie possède 99,4% des actions de la compagnie via un de ses établissements publics, l’Agence pour la desserte aérienne de la Nouvelle-Calédonie. La rentabilité financière n’est pas recherchée en premier lieu, l’actionnaire estimant que les pertes de la société peuvent être équilibrées par des gains économiques globaux. Dans ce cadre, les grandes missions de la compagnie sont la desserte des marchés touristiques et affinitaires vers la Nouvelle-Calédonie, la desserte de la métropole qui intéresse les marchés calédonien et métropolitain et la réponse aux autres besoins du marché calédonien vers l’Océanie et le reste du monde.
La compagnie indique informer la Nouvelle-Calédonie mais, hormis en 2000, aucun suivi formalisé sous la forme d’une feuille de route stratégique ou d’un dialogue de gestion encadré n’a été mis en place. Dans ce cadre le pilotage stratégique est assuré par le directeur général et le conseil d’administration.
L’organigramme de la société a été modernisé en 2013 par la création de deux directions générales adjointes pour l’exploitation d’une part, les affaires commerciales d’autre part. Cette structure est mieux adaptée à l’activité de la société que celle de l’organigramme précédent qui ne faisait pas apparaître de direction générale commerciale. Les comités opérationnels permettent la liaison entre les directions générales et l’encadrement. Les services supports et le contrôle de gestion sont regroupés dans un secrétariat général.
Le fonctionnement opérationnel est largement informatisé par différents applicatifs métiers dont les bases de données sont exploitées par un logiciel spécifique pour rendre compte de l’activité.
La sécurité et la qualité sont suivies par la direction sécurité qualité (DSQ), par un comité de sécurité, par des procédures de portée à connaissance et/ou de retour d’expérience des incidents. Des revues semestrielles de la qualité et de la sécurité permettent de faire le point. La politique de sécurité est dénommée système de management de la sécurité. Elle a pour acquis l’agrément de la compagnie aux systèmes de normes européennes et IATA ce qui garantit la sûreté de son fonctionnement. Elle se traduit aussi par un effort de formation et de qualification technique des personnels. Sur le plan informatique, un plan de reprise de l’activité a été élaboré et sera suivi par un plan de continuité de l’activité en cas de dommages informatiques majeurs.
Parallèlement, la société a recherché la satisfaction du client par la certification ISO 9001 de ses procédures qualité. Chaque direction suit des indicateurs qualité ISO sous le contrôle de la DSQ. Hors certification ISO, la compagnie cherche à améliorer son offre par différents moyens et envisage à partir de 2016 de mesurer systématiquement le niveau de satisfaction de ses clients. La qualité des ressources humaines est recherchée par une meilleure communication interne. En dernier lieu, un service d’audit interne visant tous les risques hors sécurité aérienne a été créé en 2016.
Le pilotage de la compagnie mesure également la rentabilité. Celle-ci l’est en comptabilité analytique par secteur et par ligne. Chaque direction doit atteindre des objectifs mensuels contribuant à la rentabilité globale. Les écarts sont discutés et donnent lieu à des mesures correctrices. Les objectifs de taux de remplissage de la direction commerciale sont ainsi suivis avec une avance de six mois et sont soutenus soit par des adaptations du programme de vols soit par des mesures tarifaires dans une logique d’optimisation du revenu (Yield ou revenue management). Ainsi le coefficient de remplissage a progressé de 65% à 78% de 2010 à 2015.
L’activité et les résultats de la compagnie
Dans un marché globalement étale entre 2010 et 2015 (alors que le marché mondial a crû de 5 % par an), la part de marché de la compagnie a diminué de 10 points en 2010 et 2011 en raison de la concurrence d’Air Austral. Mais cette compagnie s’est retirée en 2012 permettant à Aircalin de détenir à nouveau près de 80% du marché à partir de 2013. L’offre en vols directs d’Aircalin compte 9 destinations directes et plusieurs dizaines de vols combinant ces destinations, en continuation avec une ou plusieurs autres, en partenariat avec d’autres compagnies. Trois concurrents sont présents actuellement en Nouvelle-Calédonie (Qantas, Air New Zealand et Air Vanuatu). L’historique de la desserte montre que la possibilité d’une initiative d’offre concurrente est réelle.
Les résultats sont passés de -757 MF CFP à +317 MF CFP de 2010 à 2015 grâce aux ajustements de planning et de tarifs en fonction des prévisions de réservation (cf. supra). Rapportées aux sièges offerts, les recettes ont progressé plus vite que les coûts. Ces derniers ont cependant augmenté de 16% entre 2010 et 2015 hors effet carburant. Leur maîtrise est un enjeu essentiel de la rentabilité future.
Actuellement, l’amélioration de celle-ci a été obtenue principalement par des ajustements fins de l’offre mais il découle de cette manière de faire une sous-utilisation des appareils. Au regard des standards de l’industrie, même si les raisons indiquées en réponse à la contradiction par la société l’expliquent, les moyen-courriers sont utilisés de 20% à 25% de moins que leur maximum et les deux A330 sont, dans une moindre mesure, sous leur capacité maximale d’utilisation.
Les résultats par secteur montrent que c’est le secteur du moyen-courrier qui souffre le plus du déficit d’utilisation des appareils en raison d’une demande insuffisante. Ce secteur est en effet passé d’un à deux appareils en 2014. Les prix ont été réduits provoquant une hausse des volumes, ce qui a réduit la rentabilité.
Le secteur du long-courrier a bénéficié de l’arrêt en 2014 de la liaison avec Séoul qui était très déficitaire et en octobre 2013 de l’élargissement des vols en partenariat pour l’Europe avec d’autres compagnies qu’Air France grâce à une modification de l’horaire de connexion à Tokyo et des conditions commerciales plus favorables avec Air France. Ceci a permis d’améliorer le taux de remplissage de la ligne de 66% à 82% et le retour à la quasi rentabilité du secteur Asie.
Enfin, l’analyse ligne à ligne montre que deux sont en excédent, cinq dans un équilibre fragile et deux en déficit d’exploitation. Toutefois, supprimer ces lignes non rentables n’aboutirait qu’à libérer des capacités qui ne pourraient pas être réaffectées sur les lignes existantes pour lesquelles il existe déjà un excédent de capacités.
Les perspectives de la compagnie
Sa flotte actuelle étant vieillissante, la compagnie, après une phase d’études et de négociations de trois ans, a arrêté son choix en signant avec Airbus le 29 novembre 2016 une lettre d’intention pour l’achat de deux A320 néo et deux A330 néo.
Le projet consiste à consolider le format et le programme de vols actuels d’Aircalin. Il est adossé à un business plan 2015‑2025 prévoyant une croissance de 28 % du nombre de passagers (107 600 coupons vendus de plus, 493 200 au total), une croissance de 25% du chiffre d’affaires (4,4 Mds F CFP portant le chiffre d’affaires à 22,1 Mds F CFP) et un triplement du flux de trésorerie d’exploitation. Les nouveaux appareils moins coûteux en carburant et en maintenance devraient en effet permettre une forte diminution des charges. Ceci permettrait à la compagnie de dégager une trésorerie d’exploitation de 3 Mds F CFP par an contre 1 Md F CFP actuellement.
Le projet repose sur la défiscalisation qui financerait 26% de l’investissement et sur la compagnie qui financerait par sa trésorerie disponible, directement sous forme d’acomptes versés à Airbus, 24% du montant de l’investissement et par un emprunt bancaire conclu pour une durée de 15 ans, le reste de l’investissement (50% restant). L’Adanc initialement prévue dans le tour de table du projet, n’en fait plus partie. Elle a approuvé formellement le projet lors de la séance de son conseil d’administration du 30 août 2016.
Sur le plan opérationnel, cet investissement répond à la stratégie de desserte voulue par la Nouvelle-Calédonie. Cette stratégie vise à soutenir le développement du tourisme et à sécuriser la desserte métropolitaine. Elle prévoit un faible développement du marché intérieur avec une croissance de 2,2% par an contre 3% en moyenne depuis une dizaine d’années.
Il est fait état de cette volonté de la collectivité dans la réponse à la contradiction transmise par la société mais la Nouvelle-Calédonie ne s’est toutefois pas exprimée officiellement. Pour un investissement de cet ordre qui concerne son patrimoine et l’avenir de la desserte, une délibération doit être prise. C’est pourquoi la chambre recommande à la Nouvelle-Calédonie (recommandation n°1) de prendre une délibération relative à la stratégie de desserte et à l’investissement envisagé. Dans sa réponse à la contradiction, le président du gouvernement a indiqué qu’il proposerait une délibération formelle du congrès en séance publique sur ce point.
Sur le plan financier, les enjeux principaux sont d’une part l’obtention de la défiscalisation, qui fera l’objet d’une demande avant la fin de l’année auprès de l’Etat, et d’autre part la capacité de la compagnie à assumer la charge en trésorerie pour les acomptes puis pour le remboursement du prêt. Les risques sont la non réalisation des prévisions, l’émergence d’offres concurrentes ou des dérapages imprévus de charges. L’autofinancement prévu par la société représente 77% de la valeur de l’investissement ce qui donne la mesure de l’enjeu.
A cet égard, la chambre estime qu’il serait souhaitable que la Nouvelle-Calédonie arrête un dispositif de suivi de la société. Les informations sur la gestion de cette dernière ne sont transmises au gouvernement et au congrès que par le truchement du rapport sur les participations de la Nouvelle-Calédonie. Un système de suivi plus spécifique, tenant compte des enjeux financiers propres de la société, devrait être mis en place.
Ce point fait l’objet de la recommandation n°2 du rapport, adressée par la chambre au territoire, en sa qualité d’actionnaire, via l’Adanc, de la société. Le président du gouvernement a indiqué dans sa réponse à la contradiction qu’il proposerait d’inscrire dans les statuts de la société et de l’Adanc, le principe de la consultation préalable du président du gouvernement et de l’Adanc sur l’ordre du jour du conseil d’administration d’Aircalin