Depuis sa création, Paris Plages connaît un succès public considérable grâce, notamment, à la diversité et la qualité des animations et des activités proposées gratuitement. Chaque année, Paris Plages accueille, du 20 juillet au 20 août, quelque quatre millions de visiteurs, sur des plages aménagées, dans Paris, sur les berges de la Seine et autour du bassin de La Villette.
Paris Plages est aujourd’hui un atout majeur dans la communication de la Ville et sa très forte médiatisation contribue fortement à l’attractivité de la capitale.
Afin de mesurer la performance de l’organisation de l’événement, la chambre a examiné les conditions d'aménagement des espaces par les services, les prestations des titulaires de marchés et le concours apporté à cette opération par les partenaires de la Ville de Paris.
Si la réussite de Paris Plages est incontestable, de sérieux dysfonctionnements peuvent néanmoins être relevés dans sa gestion.
Ils doivent conduire la Ville à retenir un objectif pour la gestion de cet événement destiné au grand public, du même niveau de qualité que celui des animations et des activités proposées.
Ces lacunes concernent le pilotage même de l’opération par un régisseur et l’ignorance de son coût réel par la Ville de Paris ainsi que certaines défaillances dans la gestion administrative et financière.
Des insuffisances dans le pilotage de l’opération.
Plusieurs directions de la Ville de Paris et de nombreux prestataires participent à l’organisation de cet évènement dont la coordination est assurée par un régisseur externe pour le montage et le démontage des installations comme pour l'exploitation de la manifestation.
A la fin de chaque opération estivale, le régisseur établit un bilan des difficultés rencontrées et il propose des améliorations possibles pour les éditions à venir.
Pour autant, les mesures correctrices et les pistes d'amélioration proposées ne sont pas toujours prises en compte par la direction de la communication (DICOM), chargée du pilotage de cet évènement.
La chambre recommande à la Ville (DICOM) de formaliser les décisions prises à l'issue des travaux préparatoires au lancement de l’événement et de réaliser, à la fin de chaque édition, un bilan partagé par tous les services de la Ville.
Le coût réel de Paris Plages ne peut être chiffré avec exactitude.
Tous les ans, le conseil de Paris doit autoriser la maire à signer les conventions de partenariat et les marchés nécessaires au lancement de l'opération dont le budget est présenté dans sa globalité par les services concernés par la manifestation.
Depuis la première édition en 2002, le chiffrage estimatif, présenté au conseil de Paris, se situe constamment dans une fourchette comprise entre 1,5 million et 2,2 millions d'euros.
Or, après examen de la gestion sur plusieurs années de cette opération, il apparaît qu’aucune évaluation véritable du coût réel de la manifestation n’a jamais été faite par les services.
En effet, la Ville de Paris n’a pas été en mesure de fournir une évaluation du coût des éditions de 2009 à 2011.
Pour 2012 et 2013, elle a produit un tableau très sommaire (15 lignes) présentant une estimation des coûts, au demeurant plus de deux fois supérieur aux chiffres communiqués aux membres du conseil de Paris et à la presse. Ce tableau était aussi discordant avec d’autres données émanant des services.
Un écart aussi net paraît s’expliquer partiellement par l’absence de prise en compte, dans les prévisions budgétaires, des charges de rémunération. Mais l’ignorance des coûts effectifs d’une opération aussi emblématique tient surtout à ce qu’ils sont éclatés entre plusieurs directions, aucune d’elle n’étant d’ailleurs chargée d’en établir le bilan financier à la clôture de chaque édition.
La chambre recommande donc à la Ville de procéder chaque année à l'évaluation précise des dépenses de fonctionnement et de rémunération de tous les services concourant à l’organisation de l'événement et de présenter, par ailleurs, le bilan des dépenses assumées directement par les partenaires externes de l'opération Paris Plages.
Des défaillances dans la gestion administrative et financière.
Les conventions de partenariat sont souvent approuvées après la fin de l’opération
Depuis le lancement de Paris Plages, des entreprises acceptent de conclure des partenariats avec la Ville de Paris pour l’accompagner dans cet événement.
La participation de ces entreprises prend la forme d’un aménagement d'une partie des espaces et de l'organisation d'animations et d'activités, ou bien encore d’un soutien financier.
Les conventions de partenariat sont très souvent soumises au conseil de Paris après la clôture de la manifestation et elles ne peuvent donc être signées qu’en régularisation.
La Ville doit donc anticiper la négociation de ces conventions de façon à ce qu’elles puissent être conclues avant l’ouverture de l’édition annuelle.
La chambre prend acte de la volonté de la Ville de soumettre désormais les conventions de partenariat au conseil de Paris avant le début de l'opération et de conclure, chaque fois cela est possible, des conventions pluriannuelles.
Des irrégularités dans la mise en œuvre des partenariats
Les soutiens financiers apportés par les entreprises partenaires ne donnent pas lieu au versement des sommes mentionnées dans les conventions ni à l'émission de titres de recettes par les services de la Ville.
Ils sont systématiquement convertis en achats de prestations par les partenaires.
Dans ce cas, les partenaires se substituent à la Ville, d’abord pour commander les prestations pour son compte, ensuite pour régler directement aux fournisseurs les factures que ceux-ci leur adressent.
Cette procédure contrevient au principe d’universalité budgétaire et plus particulièrement à la règle de non-compensation des dépenses et des recettes.
En faisant prendre en charge par ses partenaires des dépenses destinées à la réalisation de l’événement et en n'enregistrant pas leurs contributions en recettes, la Ville procède à une compensation irrégulière entre recettes et dépenses.
bilan financier en est faussé, ce qui renforce l’ignorance par la Ville du coût réel de Paris Plages.
La procédure rend aussi presque impossible pour la Ville le contrôle de la réalité de l'exécution des prestations. En effet les devis étant souvent adressés directement à l'entreprise partenaire, celle-ci règle alors les factures sans vérification car elle n’est pas le véritable bénéficiaire de la prestation ni le vrai pilote de l’opération.
Les dépenses engagées dans ce cadre souffrent plus généralement d’une déficience de contrôle interne, exposant la collectivité à des risques de dérives.
La chambre recommande à la Ville d'élaborer un guide des procédures concernant cette opération.
Ce guide décrirait, notamment, la forme des partenariats susceptibles d'être mis en place, les modalités de reversement par la direction des finances et des achats des contributions financières des entreprises partenaires aux directions bénéficiaires et la procédure de constatation des recettes de partenariat prohibant la compensation des recettes et des dépenses.
La chambre prend acte, par ailleurs, de la volonté manifestée par la Ville de réorganiser complètement la fonction "mécénat-partenariat" afin de la professionnaliser et de sécuriser l'ensemble des procédures sur les plans juridique et financier.
Le dépassement du montant de certains marchés est assumé dans le cadre des partenariats
La DICOM assure la préparation des marchés à passer en vue de l'aménagement des espaces accueillant la manifestation.
Or, cette direction éprouvant des difficultés à évaluer précisément les besoins, les prestations demandées aux entreprises dépassent tous les ans les montants prévus aux actes d'engagement.
Mais au lieu de conclure des avenants, la DICOM préfère demander à des entreprises partenaires de se substituer à la Ville afin de régler les dépenses supplémentaires.
Cette pratique est tout-à-fait irrégulière au regard du droit applicable tant en matière de budget que de marché public.
Elle est, en outre, opaque et risquée. Elle constitue enfin un obstacle supplémentaire à l’évaluation du coût exact de la manifestation.
Une gestion approximative des droits sur la scénographie a été corrigée récemment
Si la Ville est bien propriétaire des droits intellectuels sur le concept[1] et la dénomination de Paris Plages, elle a, en revanche, perdu les droits patrimoniaux attachés à la scénographie au bénéfice de la société Nez Haut.
Cette société, dont le gérant et principal actionnaire était M. Choblet, a réalisé la scénographie de l’événement jusqu’en 2011.
A ce titre, une convention de cession des droits au bénéfice de la Ville avait été signée pour cinq ans en 2009 avec M. Choblet, agissant au nom de la société.
Cette convention étant arrivée à échéance, une nouvelle cession a été conclue jusqu’en 2020 pour cinq ans en 2015 avec le dirigeant et la société Nez Haut.
A l’issue de cette convention, la Ville bénéficiera, cette fois-ci, des droits sur la scénographie de Paris Plages pour un euro symbolique.
[1] « Rendre les berges de la Seine aux usagers, notamment ceux ne partant en vacances en créant gratuitement un lieu de convivialité durant l’été ».