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Le soutien au développement du biogaz

COUR DES COMPTES En images (1)

Alors que la France s’est fixée l’objectif de ne plus recourir au gaz naturel fossile en 2050, le biogaz constitue un levier majeur pour permettre cette transition. De plus, la crise des prix de l’énergie de 2021 à 2023 a mis en évidence l’intérêt du biogaz pour la sécurité d’approvisionnement en énergie. Le biogaz est un mélange gazeux composé essentiellement de méthane et de dioxyde de carbone produit grâce à la méthanisation (fermentation de matières et déchets organiques). Il permet la production d’électricité, de chaleur et, lorsqu’il est épuré, de biométhane injecté dans le réseau de gaz naturel. Enfin, outre le biogaz, la méthanisation produit une matière, le digestat, qui peut servir de fertilisant agricole et se substituer aux engrais minéraux produits à partir d’énergie fossile. Les politiques publiques menées jusqu’à aujourd’hui ont permis, au moyen d’importants fonds publics, le développement de cette énergie renouvelable. Fin 2023, la France comptait 1 911 unités de méthanisation, principalement agricoles et de petite ou moyenne taille, délivrant une production totale d’énergie de près de 12 TWh de gaz et d’électricité (hors production de chaleur). La France s’est fixée l’objectif de quadrupler la production de biogaz d’ici à 2030 (50 TWh), selon le projet de prochaine programmation pluriannuelle de l’énergie. Eu égard à cette ambition, la politique publique de soutien au biogaz fait désormais face à de nombreux défis : maîtriser la dépense publique et le prix pour le consommateur, garantir la disponibilité de la biomasse nécessaire à la production de biogaz et permettre un partage équilibré avec le monde agricole de la valeur issue de la production.

À la croisée des politiques énergétiques, agricoles et de gestion des déchets : une forte croissance de la production de biogaz, des objectifs de développement pour l’avenir insuffisamment étayés

La production de biogaz permet de répondre à plusieurs objectifs : la décarbonation de la production d’énergie, la transition agroécologique et l’amélioration de la gestion des déchets. La production repose pour l’essentiel sur la méthanisation et la filière bénéficie d’une politique de soutien volontariste désormais plus orientée vers la production de biométhane (filière de l’injection) plutôt que la production d’électricité ou de chaleur (filière de la cogénération). La seule production de biométhane injecté s’est élevée en 2023 à 9,1 TWh (+25% par rapport à 2022). Elle représente 2,5 % du gaz consommé en France. Le bilan carbone positif de la méthanisation fait désormais l’objet d’un large consensus scientifique et les facteurs susceptibles de dégrader ce bilan sont bien identifiés.
L’évolution des objectifs retenus à moyen terme entre 2011 et 2024 s’avère peu lisible et a été adaptée aux contraintes budgétaires. A plus long terme, le développement du biogaz s’inscrit dans la stratégie française visant à décarboner complètement la consommation de gaz d’ici à 2050. La Cour estime que les objectifs de production de biogaz tiennent insuffisamment compte des conséquences de la baisse future de consommation de gaz naturel (effets sur la gestion des réseaux de gaz, sur la gestion des pics de consommation énergétiques). La Cour estime que les travaux de prospective du mix énergétique devraient associer davantage les gestionnaires de réseaux de gaz et d’électricité pour définir les objectifs de production. De plus, la croissance de la production nécessite de s’assurer de la disponibilité de la biomasse (matière et déchets organiques) or des tensions d’approvisionnement pourraient apparaître dès 2030.  

Des mécanismes de soutien public ayant favorisé la méthanisation agricole pour un coût élevé et de nouveaux mécanismes susceptibles de faire reposer le coût supplémentaire de production sur le consommateur

La Cour s’interroge sur l’efficience des soutiens financiers apportés au développement de la filière au regard des coûts de production de cette énergie. Le soutien repose en premier lieu sur des contrats d’obligation d’achat permettant de soutenir les fournisseurs acquérant le biogaz aux producteurs. Ces contrats ont eu un coût budgétaire de 2,6 Md€ entre 2011 et 2022 et la durée de ces contrats (15 ou 20 ans) nécessitera, au titre des contrats signés jusqu’au début de l’année 2023, un décaissement supplémentaire de 12,7 Md€ à 16,2 Md€ pour le biométhane et de 2,2 à 3,9 Md€ pour la production d’électricité. À ces charges, il faudrait ajouter d’ici à 2028 environ 7 Md€ pour les seules nouvelles installations d’injection de biométhane prévues. Des subventions à l’investissement de l’Ademe et des Régions (0,5 Md€ de 2019 à 2023) et des mesures d’exonérations fiscales accordées à la méthanisation agricole complètent ce soutien.
La Cour relève que les mesures de soutien s’adaptent mal à l’hétérogénéité des coûts de production inhérente aux caractéristiques très diverses des installations. Ainsi, la Cour a pu observer des unités de production présentant des rentabilités excessives, en particulier pour celles ayant bénéficié de contrats d’achat signés avant 2020. La Cour estime de plus que le maintien du soutien pour l’installation d’unités de production d’électricité devrait être discuté, compte tenu des formes alternatives de production d’électricité renouvelable et des autres moyens de décarboner le secteur agricole. A partir de 2026, un nouvel outil viendra compléter les mesures de soutien : les certificats de production de biogaz. S’il présente l’avantage de ne pas mobiliser de nouveaux fonds publics, il fera supporter au consommateur le surcoût de production. La Cour regrette qu’une évaluation robuste de l’impact de ce dispositif sur les prix du gaz n’ait pas été conduite en amont de son déploiement.

Une contribution effective de la politique de soutien au biogaz à d’autres objectifs que la seule production d’énergie

En moyenne, la Cour a relevé que les exploitations agricoles impliquées dans la méthanisation ont accru leur excédent brut d’exploitation de l’ordre de 20 % par rapport aux exploitations similaires non impliquées dans ce processus. Si la croissance de la production de biogaz se traduisait par le développement de méthaniseurs non-agricoles de grande taille, il conviendrait alors de garantir le partage de valeur entre ces derniers et les agriculteurs fournisseurs de la biomasse.
Le développement de la méthanisation contribue également à la politique de traitement des déchets. Le cadre réglementaire est complexe mais permet à la fois de préserver ce mode de traitement des déchets tout en garantissant l’innocuité sanitaire et environnementale du digestat produit et épandu sur les sols agricoles. S’agissant spécifiquement des biodéchets, leur méthanisation reste limitée du fait de leur faible taux de collecte et du coût de la méthanisation.
Les travaux de recherche relatifs à l’effet de la méthanisation sur les pratiques agricoles ne mettent pas en évidence d’effets négatifs systématiques. En revanche, ils convergent quant à l’importance de suivre l’impact possible du développement des cultures intermédiaires à vocation énergétiques, qui représentent le principal gisement de biomasse pour la méthanisation à long terme.

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Le soutien au développement du biogaz

50 Twh (térawattheure)

C'est l'objectif de production de biogaz à l'horizon 2030, alors qu'elle était de 13Twh en 2022

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