Une dérive inédite des finances publiques en 2024, qui prolonge et aggrave celle de 2023
La dérive des finances publiques, loin de s’être inversée ni même simplement interrompue en 2024, s’est au contraire accentuée, avec un déficit qui devrait atteindre 6,0 points de PIB, soit 1,6 point au-delà de la cible inscrite dans le projet de loi de finances (PLF) pour 2024. Ce dérapage par rapport à la prévision initiale s’explique en partie par l’impact sur 2024 de la très mauvaise année 2023, mais l’essentiel de la dérive est imputable à l’année 2024 elle-même. La quasi extinction des mesures d’aides exceptionnelles de soutien face aux crises sanitaire et inflationniste a partiellement masqué une perte de contrôle du cœur de la dépense publique. Celle-ci a progressé de 2,7 % en volume (donc hors effet de l’inflation), soit le rythme le plus rapide des quinze dernières années, avec notamment une forte dynamique des dépenses de fonctionnement des collectivités territoriales (+3,6 %) et une augmentation soutenue des prestations sociales (3,1 %) sous l’effet de la forte inflation enregistrée en 2023. Cette dérive se répercute sur 2025 mais aussi sur la suite de la trajectoire pluriannuelle vis-à-vis de laquelle la France s’est engagée auprès de la Commission européenne en octobre 2024. Il est plus que jamais impératif de placer la France sur une trajectoire crédible de redressement des finances publiques.
2025, une année déterminante pour le redressement des finances publiques
La dérive continue des comptes publics depuis 2023 a conduit le Gouvernement à repousser une nouvelle fois le retour du déficit sous 3 %, de 2027 à 2029, impliquant un effort soutenu dès 2025. Pour cette année, la réduction de 0,6 point du déficit prévue par la loi de finances tout juste adoptée repose quasi-exclusivement sur des hausses d’impôts plutôt que sur des économies, la dépense publique hors charges de la dette continuant de progresser à un rythme proche de sa tendance d’avant-crise. De surcroît, près de la moitié des hausses de prélèvements inscrites en loi de finances pour 2025 est présentée comme temporaire, ce qui reporte sur les années suivantes l’effort structurel de redressement des finances publiques.
En dépit de ces faiblesses, il est crucial de respecter cette trajectoire sous peine de voir la France durablement décrocher de ses partenaires européens.
Pour illustrer l’urgence de respecter ses engagements européens dès 2025, la Cour a quantifié deux scénarios alternatifs de croissance (« croissance réaliste ») ou d’ajustement (« la moitié des efforts ») moins favorables que les prévisions gouvernementales mais en ligne avec les tendances passées. Le cumul de ces scénarios conduirait à dépasser 125 points de PIB en 2029 et à s’approcher du seuil de 130 points de PIB dès 2031, tandis que la charge de la dette augmenterait continûment pour atteindre 3,2 points de PIB en 2029 soit 107 Md€, devenant le premier budget de l’État loin devant l’éducation nationale.
Le dérapage du déficit public depuis deux ans place la France au pied du mur. Tout retard supplémentaire rendrait les ajustements indispensables encore plus importants et difficiles. L’année 2025 est donc déterminante pour enfin amorcer une trajectoire de redressement des finances publiques, après deux faux-départs en 2023 et en 2024.