SYNTHESE
La société de développement et d’investissement des Îles (Sodil) est une société anonyme d’économie mixte (SEM) créée en 1991 par la province des Îles Loyauté. La chambre a contrôlé ses comptes et sa gestion pour les exercices comptables 2012-2013 à 2017-2018. Certaines observations et recommandations de la chambre concernent également la province des Îles Loyauté en sa qualité d’associé majoritaire ou de collectivité de tutelle au plan juridique et financier. Le présent rapport a été élaboré afin de contredire avec la province sur l’ensemble de ces points.
Des missions à clarifier
La province a placé la Sodil dans le cadre défini par l’article 53 paragraphe III de la loi organique du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie qui permet la création de SEM ayant pour finalité le développement économique. Les SEM sont habituellement cantonnées aux opérations d’aménagement, à la gestion des services publics de nature industrielle et commerciale et aux activités d’intérêt général. Le cadre législatif précité permet d’effectuer toutes « opérations concourant au développement économique » sous réserve du respect de la liberté du commerce et de l’industrie. La création de telles SEM est réservée aux seules provinces en Nouvelle-Calédonie.
Dans ce cadre, la province a fixé pour mission à la Sodil de soutenir les entreprises par des prises de participations en fonds propres pouvant aller jusqu’au contrôle de leur capital dans des secteurs prioritaires qu’elle a déterminés par ses délibérations : le tourisme, les transports et l’agroalimentaire. Elle a soutenu les acquisitions effectuées par la Sodil dans ces secteurs. La
Sodil détient aujourd’hui vingt participations majoritaires dont trois dans les transports, huit dans le tourisme et neuf dans l’agroalimentaire. Elle détient aussi des participations minoritaires et une SARL, la Soparil (Société de participation des Îles Loyauté), qui a pour mission d’aider la création des petites entreprises. Cette société détient elle-même des participations dans 67 SARL.
La SEM ne limite pas sa mission au financement et au portage des participations au capital des entreprises. Elle exerce en effet la direction effective de celles-ci, via les dispositions du droit des sociétés, pour celles dont elle est actionnaire unique ou majoritaire. Les directeurs de terrain gèrent l’exploitation sous la direction et la responsabilité de la Sodil qui exerce les attributions de directeur général de chaque société par l’intermédiaire de son propre directeur général.
La chambre observe que les modalités de mise en oeuvre de la mission de la Sodil vont au-delà des missions définies par son cadre d’intervention et qu’une clarification s’impose. Interrogée sur ce point, la province a cependant indiqué au cours du contrôle qu’elle souhaitait maintenir l’organisation mise en place par sa SEM.
La seconde clarification porte sur la mission de soutien à la création et au développement des petites entreprises que la Soparil, filiale de la Sodil, met en oeuvre. La SEM a créé la Soparil
et lui a confié une mission de soutien aux petites entreprises de sa propre initiative, en 1996. La chambre n’a pas d’observation sur le fond mais elle constate d’une part que ni la création de la Soparil, ni le contenu de sa mission, ni les participations qu’elle a acquises n’ont fait l’objet de textes ou de décisions de la province et d’autre part, que le rattachement de la Soparil à la Sodil ne se justifie ni au plan opérationnel ni au plan financier et affecte la transparence comptable. C’est pourquoi elle recommande à la province de définir ses modalités d’intervention en faveur des petites entreprises.
En réponse, le président de la province des Îles Loyauté annonce souhaiter qu’en 2020, la Soparil sorte du groupe Sodil et soit détenue directement par la province ; que le siège social de la société soit transféré à Lifou ; qu’elle soit rapprochée de la Case de l’entreprise – association de soutien à la gestion des artisans et des petites entreprises – avec laquelle elle formerait un guichet unique, dans le cadre d’une mission de service public et dans le respect des procédures administratives s’appliquant à son activité. Il précise que l’objectif sera de donner « un nouvel élan pour l’activité entrepreneuriale et pour le développement économique des Loyauté. »
Une gouvernance à orienter dans le sens de la performance
Pour redresser la performance de la SEM et de son groupe, la province doit faire évoluer ses méthodes de gouvernance. La gouvernance provinciale a en effet été jusqu’ici centrée sur l’allocation des moyens : la SEM établit chaque année une demande budgétaire fonction des déficits d’exploitation et des besoins d’investissement. Elle formule cette demande dans le cadre de la préparation du budget provincial de manière à ce que ce dernier prévoie l’allocation des moyens nécessaires pour poursuivre l’exploitation et développer le groupe.
Ce dialogue ne comprend pas d’engagement sur les résultats car la province n’en n’est pas demandeur. Elle ne suit pas non plus les résultats annuels (pertes ou bénéfices) des filiales ou du groupe. Elle ne fait pas élaborer par ses administrateurs au conseil d’administration de la SEM le rapport annuel devant être réglementairement présenté à l’assemblée de la province. Ses services n’opèrent aucun suivi propre des résultats.
La chambre recommande à la province de changer de méthode et d’associer allocation des moyens et définition des objectifs de résultat dans une convention pluriannuelle d’objectifs et de moyens avec sa SEM.
En réponse, le président de la province reconnaît la dégradation de la situation de la Sodil et exprime son intention d’y remédier dans le cadre d’une stratégie budgétaire pluriannuelle, sans toutefois annoncer la préparation d’une convention d’objectifs et de moyens avec la SEM.
Le rôle d’actionnaire de la province
La chambre a constaté en dernier lieu des défaillances dans le rôle d’actionnaire de la province.
Dans la délibération de 1991 créant la Sodil, la province a fixé comme règle qu’elle devait détenir au minimum 67% du capital. Or, elle ne la respecte pas. La chambre lui recommande de supprimer cette règle, les dispositions légales assurant déjà à la province la garantie du contrôle du capital de sa SEM.
En réponse, le président de la province des Îles Loyauté annonce le prochain vote d’une délibération modificative fixant la participation de la province des Îles dans la Sodil entre 51% et 80% de son capital social.
La chambre observe également que la délibération de l’assemblée de province devant autoriser la prise de participation de la SEM dans une société n’a pas toujours été prise et que la province n’a pas désigné son « délégué ayant reçu pouvoir » pour la représenter à l’assemblée générale des actionnaires de la Sodil, contrairement à l’article 32-1 des statuts de la société. Elle lui recommande de régulariser ses pratiques.