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SAEML Grand Projet VKP (Nouvelle-Calédonie)

CTC NOUVELLE-CALÉDONIE

Rapport d'observations définitives

La chambre territoriale des comptes de Nouvelle-Calédonie (CTC) a procédé à la vérification des comptes et à l’examen de la gestion de la société anonyme d’économie mixte locale du grand projet de territoire de Voh-Koné-Pouembout (SAEML VKP) depuis sa création en 2006, jusqu’à l’exercice 2014 inclus.

Une gouvernance d’entreprise à repenser

La chambre constate de nombreux manquements à la législation et à la réglementation applicables aux sociétés qui ont donné lieu à 8 rappels d’obligations juridiques. Ils concernent par exemple l’absence de dépôt des comptes sociaux ou le non-respect des délais de transmission des délibérations de ses organes statutaires au haut‑commissariat. La CTC relève également l’absence de mise en place de différentes instances de pilotage prévues par le pacte d’actionnaires et notamment le comité d’engagement qui devait être consulté préalablement au lancement des projets de la société et examiner leur faisabilité, au regard de critères prudentiels prédéfinis.

La chambre estime également qu’il conviendrait d’augmenter la fréquence des réunions du conseil d’administration, qui est l’organe déterminant les orientations de l’activité de la société.

Une organisation de la société qui doit évoluer

Depuis sa création en 2006, la direction générale de la société est confiée à des personnels mis à disposition par la société services conseil expertises territoire (SCET).

Les frais de gestion facturés par cette société à la SAEML VKP sont élevés puisqu’ils représentent 15 % de la totalité des salaires et charges perçus par le salarié.

Les effectifs de la société ont été réduits du fait de sa baisse d’activité et de la dégradation de sa situation financière. Elle ne compte plus qu’une douzaine de personnes. La chambre relève que l’existence d’un directeur général et d’un directeur‑adjoint apparaît peu pertinente au regard de la taille de l’organisation et de son activité. Les difficultés relationnelles existant au sein de la société pénalisent la cohérence de son action à un moment où la structure est fragilisée.

La chambre relève enfin la nécessité pour la SAEML VKP de fiabiliser ses procédures (comptables et de gestion) et de développer le contrôle interne. A cet effet, la société a indiqué qu’elle avait fait appel à un cabinet pour l’assister dans cette démarche.

Une activité en déclin et une stratégie à redéfinir

La SAEML VKP a connu une activité très soutenue à son début, toutefois, depuis la fin 2011, son carnet de commandes se réduit et son chiffre d’affaires tend à décroître de manière significative. Depuis 2012, la société est à la recherche d’un second souffle, qu’elle n’a pas encore trouvé.

Elle souffre d’une fragilité de la structure de son activité : les mandats publics confiés par les collectivités ne lui permettent pas de couvrir ses coûts de structure et elle doit compter sur le lancement d’opérations propres pour élargir ses sources de rémunérations.

Son activité sur la construction publique est fortement dépendante des opérations confiées par la province Nord, ce qui peut constituer une source de fragilité. Elle devrait mettre à profit l’extension de sa capacité à intervenir sur l’ensemble de la province Nord décidée en 2015 pour entamer une diversification de ses donneurs d’ordre en élargissant ses prospections.

Elle sera cependant confrontée dans sa démarche à la concurrence de plusieurs sociétés d’économie mixte intervenant dans le secteur de l’aménagement et de la construction publique. A cet égard, la chambre estime que la société devrait renforcer la coordination de ses actions avec les autres acteurs de l’aménagement et rechercher une plus grande synergie dans ce domaine, comme l’y engageait d’ailleurs le pacte d’actionnaires.

La question de l’avenir de la société peut être posée au vu de sa situation financière (cf. infra). Toutefois, la province Nord et les autres actionnaires ont décidé en 2015 de modifier les statuts de la SAEML VKP afin de lui permettre d’intervenir sur l’ensemble de la province Nord. Cette mesure fait partie d’un plan de sauvetage évoqué depuis plusieurs mois au sein de la société. Dans ces conditions, la chambre recommande que la SAEML  VKP :

-       diversifie son courant d’affaires avec les maîtres d’ouvrage ;

-       renforce la coordination avec les autres acteurs de l’aménagement en province  Nord, voire fusionne avec certains d’entre eux ;

-       élabore un schéma stratégique d’entreprise pour les cinq prochaines années ;

La province Nord a indiqué qu’elle attendait de la société une forte implication dans la mise en place d’une stratégie et d’une organisation lui permettant de générer de nouveaux courants d’affaires liés notamment à l’important plan pluriannuel d’investissement 2016-2019.

Une situation financière préoccupante

La chambre constate une dégradation de la situation financière de la SAEML VKP, notamment au cours des deux derniers exercices. Au vu des résultats de l’exercice 2014, le commissaire aux comptes de la société a déclenché une procédure d’alerte.

Les résultats sont déficitaires en raison notamment d’une diminution des produits de gestion supérieure à celle des charges de gestion et les charges financières augmentent. Les résultats négatifs entraînent une réduction des capitaux propres et la société ne dispose plus d’une capacité d’autofinancement.

La trésorerie est négative. Elle est notamment impactée par les besoins nés du portage financier de l’opération de la zone industrielle de Vavouto, opération initiée par la société qui ne rencontre pas le succès commercial escompté (cf. infra).

Des opérations variées qui sont génératrices de risque pour la société

La chambre a procédé à l’examen d’un panel d’opérations menées par la société constitué des principaux projets, dans les différents secteurs d’activités de la SAEML  VKP.

Sur le centre nautique provincial de Pouembout, la chambre constate une très forte augmentation du coût de l’opération qui est passé de 245 MF CFP en 2006 à plus d’1  Md F CFP en 2014.

Les causes sont multiples et tiennent à la sous-estimation initiale du coût du projet, à l’évolution de son contenu et à l’impact des travaux rendus nécessaires par les malfaçons affectant l’ouvrage. Celles-ci donnent lieu à un contentieux en vue de récupérer les sommes engagées par la SAEML VKP. Le projet, annoncé depuis le début des années 2000, a connu des retards importants de livraison : initialement prévue fin 2011, elle n’est intervenue que deux ans plus tard. L’ouverture au public n’a quant à elle été possible qu’au mois de juin 2015.

L’aménagement de zone industrielle de Vavouto en vue de la commercialisation de terrains, est une opération lancée à l’initiative de la SAEML VKP. Elle en assure le financement. Cette opération est menée aux frais et risques de la société.

Ce projet ambitieux, dont le coût dépasse 1 Md F CFP, ne rencontre pas le succès commercial escompté : sur les 56 lots en vente, 11 seulement ont trouvé preneur et les perspectives économiques sur la zone ne sont guère favorables.

Le portage financier pèse lourdement sur les comptes de la société, avec un solde de l’opération à la fin de l’année 2014 qui atteignait – 579,2 MF CFP. Ce besoin est financé par des lignes de trésorerie prévues pour le court terme et souscrites auprès d’établissements bancaires.

La chambre recommande de définir des mesures concrètes pour organiser la commercialisation de cette opération et la révision du mode de financement avec un recours à un emprunt classique.

La SAEML VKP s’est engagée par contrat du 14 septembre 2011 à livrer un programme de 36 logements sur le lotissement « Green Acre », pour un coût global fixé à environ 1 MdF CFP et avec un délai de réalisation de 11 mois. La société supporte les aléas de l’opération tant en ce qui concerne le respect de l’enveloppe que le calendrier de livraison.

Le chantier a connu de graves difficultés qui se sont traduites par une augmentation du coût des travaux. Le bénéfice attendu par la SAEML VKP est donc réduit à 5 MF CFP (contre un prévisionnel de 47,5 MF CFP) Un contentieux a été engagé aux fins de récupérer le surcoût, le coût définitif ne pouvant donc être établi qu’à l’issue des procédures.

L’opération enregistre également un retard de livraison de près de trois ans. Les clauses du contrat exposent la société au risque de devoir payer environ 189,5 MF CFP au propriétaire au titre des pénalités de retard. Compte tenu des désordres affectant la résidence, le maître d’ouvrage entend appeler cette somme à titre de mesure conservatoire.

Les communes de la
zone VKP ont confié à la SAEML VKP le soin de faire réaliser des études et des travaux sur les réseaux et équipements en matière d’eau et d’assainissement. Après la création du SIVOM VKP, ces contrats lui ont été transférés en 2009.

Le montant total des contrats confiés à la SAEML VKP avoisinait les 2,2 Mds F CFP en 2010, soit environ 70 % du montant envisagé par le plan d’affaires de la société (établi sur les préconisations du schéma directeur d’aménagement et d’urbanisme). Ces missions ont été exécutées à hauteur d’environ 80 %.

Par la suite, les missions confiées par le SIVOM à la société se sont raréfiées : les derniers mandats conclus datent de 2013 et ne portent que sur 350 MF CFP. Cette situation s’explique par les difficultés que connaît le SIVOM, mais aussi par la diversification des modes de réalisation des investissements et le recours à d’autres intervenants.

La chambre constate qu’aucune des 15 opérations en cours n’a pour le moment été clôturée alors que 9 d’entre elles sont achevées. Faute de versement suffisant par le SIVOM, la trésorerie de la plupart d’entre elles ne permet cependant pas de procéder au règlement des factures en attente.

La province Nord confie à la SAEML VKP le rôle d’opérateur en guichet unique des programmes d’aide aux logements intermédiaires pour les projets de la zone VKP (opérateurs sociaux, de promoteurs privés et particuliers).

Le bilan quantitatif du dispositif est modeste au regard des besoins identifiés avec seulement 151 logements livrés au 31 décembre 2014. Les causes sont à rechercher dans des facteurs externes tels que la réglementation complexe, la faiblesse du tissu des entreprises de construction et le prix de revient élevé des constructions.

Mais les explications résident également dans les conditions de l’exercice de cette mission par la SAEML VKP qui devraient être améliorées. Ceci passe notamment par un changement de posture dans la gestion du dispositif afin de développer davantage les partenariats et faire mieux connaître les possibilités offertes aux projets. Cela passe également par la fiabilisation des outils de suivi opérationnel et financier.

Les enjeux financiers de cette activité pour la SAEML VKP sont importants. Le montant du chiffre d’affaires réalisé connaît une réduction importante sur la période (elle ne représente que 1,8 MF CFP en 2014 contre près de 77 MF CFP en 2008). La contribution de l’activité HIA à la formation de la richesse de la société apparaît limitée. Elle est pénalisée par un faible niveau d’activité qui pèse sur la couverture des charges de structure.

Par ailleurs, SAEML VKP pourrait devoir rembourser à la province Nord environ 86 MF CFP correspondant à des rémunérations perçues sur des opérations qui n’ont pas été réalisées.

La chambre relève enfin que la gestion des fonds subventionnels (aides aux projets) doit être revue car elle n’est pas conforme aux règles d’emploi des fonds publics et notamment à l’obligation de dépôt des disponibilités auprès de l’Etat. Comme le prévoient les conventions, les produits financiers réalisés auraient dû être reversés périodiquement à la province Nord, ce qui n’a pas été le cas.

L’opération de construction de locaux devant accueillir, outre le siège de la société, les services du SIVOM VKP, ceux des deux sociétés exploitant les services publics de l’eau et des déchets et une agence bancaire a fortement évolué. Elle s’est réorientée vers la réalisation de deux bâtiments distincts, l’un pour la SAEML VKP et l’autre pour la succursale de la banque. La chambre observe que la clé de répartition des charges entre les deux projets n’a pas été fixée contractuellement et que les conditions du financement sont difficilement traçables.

La CTC souligne également que la SAEML VKP n’a pas tenu compte de la réduction du montant des travaux (passé de 370 à 250 MF CFP) pour revoir à la baisse le forfait de rémunération de la maîtrise d’œuvre. La chambre recommande donc à la société de conclure avec le maître d’œuvre l’avenant prévu contractuellement et de procéder à l’ajustement du prix.

Les locaux, pensés pour accueillir une trentaine de personnes, sont devenus trop grands pour les besoins propres de la société. Elle a décidé d’en louer une partie afin de bénéficier de recettes supplémentaires et valoriser ainsi son patrimoine.

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