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Société des Trois vallées S3V (Savoie)

CRC AUVERGNE-RHÔNE-ALPES

La chambre régionale des comptes a procédé dans le cadre de son programme de travail au contrôle de la société des Trois Vallées pour les exercices 2017 et suivants.
La société des Trois Vallées (S3V) est une société d’économie mixte en charge de l’exploitation des remontées mécaniques des domaines skiables des stations savoyardes de Courchevel et de Méribel-Mottaret.

En France, les remontées mécaniques relèvent du service public, plus précisément du service public industriel et commercial (SPIC). Ce dernier doit tirer ses ressources de redevances perçues auprès des usagers pour un montant de prestations correspondant à leur coût réel et dans le respect du principe d’égalité des usagers devant le service public. Il n’est donc pas financé par l’impôt. Des différences de traitement entre usagers du même service public sont possibles à condition qu’elles soient justifiées par l’intérêt général ou par des différences de situation. Ces différences de situation doivent être objectives, facilement appréciables, motivées par un intérêt public et surtout limitées.

Lors de son précédent contrôle (rapport d’observations définitives de décembre 2018), la chambre avait constaté que la S3V octroyait chaque saison un nombre très important de forfaits gratuits à différents bénéficiaires. La plupart de ces gratuités n’étaient pas justifiées et n’étaient pas validées par les autorités délégantes. La chambre avait recommandé de « limiter l’attribution de forfaits gratuits aux seuls besoins du service public en accord avec les autorités délégantes ».
Le présent rapport, qui s’inscrit dans le cadre d’une procédure d’« audit flash », a pour objet le suivi particulier de cette recommandation.
 
Les avancées apparaissent très minces. La recommandation formulée par la chambre il y a plus de trois ans n’a été que très partiellement mis en œuvre.

Si les gratuités et les tarifs spéciaux sont désormais soumis à l’approbation des autorités délégantes, ils ne sont cependant pas votés dans les mêmes termes. La S3V applique ainsi sur la Vallée de Courchevel les tarifs spéciaux et les gratuités approuvés par la commune de Courchevel mais pas par le département de la Savoie qui est pourtant le principal délégant des remontées mécaniques dans cette vallée et le principal actionnaire de la société. Pour le domaine skiable des Trois Vallées, les tarifs spéciaux et les gratuités pratiqués sont différents selon que la collectivité délégante est la commune de Courchevel ou la commune des Allues.
Dans ces conditions, il ne peut être considéré que l’ensemble des tarifs sont validés par les autorités organisatrices comme l’exige la loi.
Ces fragilités juridiques illustrent les difficultés que crée l’absence d’une autorité organisatrice unique sur ce domaine skiable. Elles traduisent également une forme de blocage institutionnel qui contraint la S3V à appliquer des tarifs spéciaux et des gratuités irréguliers mais décidés par certaines des autorités organisatrices, en l’occurrence les communes de Courchevel et les Allues.

S’agissant de la limitation et de l’encadrement des gratuités, les progrès sont encore plus limités. Les seules avancées significatives concernent, d’une part, les « officiels », à savoir les personnalités et hauts responsables locaux, qui ne bénéficient plus de forfaits gratuits (démarche engagée antérieurement), et, d’autre part, les professionnels du tourisme et du sport pour lesquels l’attribution de gratuités est désormais encadrée par des conventions prévoyant des contreparties précisément définies au titre d’opérations de promotion du domaine.

Pour les autres catégories de bénéficiaires, aucun changement réel n’a été constaté. Les gratuités de forfaits aux propriétaires de terrain en compensation de contraintes de passage de remontées mécaniques restent insuffisamment encadrées, tout comme les gratuités aux moniteurs de ski avec des contreparties qui ne sont toujours pas évaluées.

En outre, à l’initiative de la commune de Courchevel, qui refuse de renoncer à une tarification spéciale pour ses résidents, un dispositif de contournement des règles applicables a été mis en place avec l’instauration d’un tarif de groupe, remisé à hauteur de 60 à 75 %, réservé dans les faits aux habitants permanents, via une association. Ce tarif bénéficie de façon tout aussi irrégulière aux agents de la commune et de la communauté de communes. Pour les résidents de moins de 18 ans de la commune et des communes limitrophes, des forfaits gratuits ont irrégulièrement été maintenus.
Par un autre contournement des règles, l’ensemble des élus municipaux bénéficie toujours de gratuités, tous faisant désormais partie de la commission du domaine skiable.

Le total des remises sur tarifs spéciaux et des gratuités irrégulièrement attribués ou injustifiés s’élève à près de 4 M€ TTC (ou environ 3,6 M€ HT) pour la saison 2021/2022, dont 2 M€ imputables aux tarifs spéciaux des résidents de la commune et 1,7 M€ aux forfaits gratuits pour les moniteurs de ski.

Ces gratuités et ces tarifs spéciaux constituent chaque année un manque à gagner important pour la S3V, à hauteur d’environ 5 % de son chiffre d’affaires (toutes choses égales par ailleurs), qui pèse sur l’équilibre des contrats de délégation.
Le caractère irrégulier de certains de ces tarifs et gratuités au regard du principe d’égalité de traitement des usagers du services public fragilise en outre fortement les délibérations des collectivités délégantes qui les ont institués et validés. Cette insécurité juridique est, de surcroit, renforcée par un risque de conflit d’intérêts qui affecte les délibérations des communes de Courchevel et des Allues.  

RECOMMANDATIONS

  • Recommandation n° 1 : Encadrer les modalités d’indemnisation des propriétaires de terrain à juste proportion du préjudice subi.
  • Recommandation n° 2 : Faire apparaître dans les documents comptables de la société le coût des gratuités et des tarifs spéciaux.

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