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Syndicat intercommunal de gestion de la fourrière animale (Sigfa) (Polynésie française)

CTC POLYNÉSIE FRANÇAISE

La problématique des chiens errants devient prégnante en Polynésie française. Face à cela les collectivités doivent réagir et la réponse intercommunale peut être un cadre adapté à cette politique. Encore faut-il que cette démarche soit bien menée.
C’est dans ce contexte que la chambre territoriale des comptes a examiné les comptes et la gestion du Syndicat intercommunal pour la gestion de la fourrière animale (SIGFA) au cours des exercices 2012 et suivants. Le contrôle a porté sur l’organisation du syndicat, l’information budgétaire et comptable, l’analyse financière, l’opération de construction de la fourrière et les facteurs exogènes conditionnant la pérennité de la fourrière. 

Ce contrôle, au-delà de son périmètre organique, illustre les difficultés de la lutte contre la divagation animale en Polynésie française, alors que conformément à l’article 23 de la loi n° 2008-582 du 20 juin 2008 renforçant les mesures de prévention et de protection des personnes contre les chiens dangereux, les dispositions du code rural et de la pêche maritime (CRPM) portant sur les animaux dangereux et errants sont applicables aux communes de la Polynésie française.

Après une réflexion amorcée en 2009 à l’initiative de la commune de Punaauia, la mise en œuvre de la compétence gestion de la fourrière animale a été décidée en 2012 au niveau intercommunal pour quatre communes de l’Ouest de Tahiti (Papara, Paea, Punaauia, Faaa) afin de créer un équipement complet (fourrière, avec incinérateur homologué), adapté au territoire et à la taille des communes. Le SIGFA voit pourtant son périmètre géographique se restreindre dès sa création (départ de deux communes sur quatre dès la première année) et se caractérise par un périmètre fonctionnel limité compte tenu des responsabilités partagées avec les communes en matière de lutte contre les chiens errants.
Alors que la stabilité de la gouvernance présentait les conditions favorables pour la réalisation de la fourrière (présidence confiée à la commune de Punaauia depuis la création, mandat de 6 ans pour la présidente), la conduite de projet a été difficile. L’inadéquation du profil des directeurs recrutés avec le poste de chef de projet qu’impliquait la construction de la fourrière, a conduit le SIGFA à recourir à des prestataires extérieurs depuis 2017 pour effectuer le suivi administratif, juridique et technique du projet.
La construction de la fourrière animale a souffert dès le départ du manque d’unicité de la mission de maîtrise d’œuvre avec une procédure de marché intervenue tardivement et la mise à disposition d’un terrain non viabilisé, insuffisamment prise en compte pour la réalisation et le coût du projet. Les marchés de travaux pour la construction de la fourrière ont nécessité un ajustement par avenants, postérieurs aux travaux, en raison d’une définition incomplète du besoin par le SIGFA et le premier architecte ayant réalisé les études.
L’acquisition prématurée en 2017 d’une citerne d’eau, sans prendre en compte la totalité des travaux indispensables de raccordement et de sécurisation du site qui en découlaient, n’a pas permis d’appliquer la procédure de marché et les modalités de publicité idoines. Cette opération a également causé la perte du subventionnement du Fonds Intercommunal de Péréquation (FIP) et induit des frais supplémentaires de gestion.
Ces lacunes ont favorisé l’émergence de difficultés relationnelles entre la présidente, la directrice et le maître d’œuvre, au point de bloquer complètement le projet de la fourrière à compter du deuxième semestre 2018. L’abandon du suivi du chantier par le maître d’œuvre avant de solder techniquement et administrativement l’opération, a amené le SIGFA et son assistant à maîtrise d’ouvrage à reprendre en 2019 et 2020 l’intégralité des documents officiels du marché (ordres de services modifiés, fiches de délai d’exécution corrigés, avenants de régularisation) pour solder le paiement des entreprises pour des travaux réalisés en 2017 et 2018.
Alors que l’estimation initiale globale de 2015 (fourrière, citerne, véhicule)  était de 73,6 MF CFP TTC, le total des études/travaux/équipements s’élève a minima, au 10 février 2021 à plus de 128 MF CFP TTC et même 138 MF CFP TTC en rajoutant les dépenses de fonctionnement en lien direct avec l’opération de la fourrière (assistance à maîtrise d’ouvrage, frais de gardiennage, inauguration…).
Les communes qui ne devaient supporter que 13,2 MF CFP en investissement selon un plan de financement reposant essentiellement sur le FIP supporteront plus de 72,5 MF CFP, soit cinq fois et demie le montant initial.
Des faibles taux d’exécution en fonctionnement et en investissement traduisent un pilotage budgétaire défaillant et les difficultés du SIGFA à solder cette opération d’équipement. L’absence de dotations aux amortissements pour les immobilisations en service et des immobilisations en cours toujours non soldées ne restituent pas une image fidèle du bilan du SIGFA. Le défaut de rattachement des charges depuis 2016 et des recettes à régulariser ayant représenté plus de 51 % des produits de gestion de l’année 2018 altèrent également le principe d’indépendance des exercices comptables.
L’analyse financière du SIGFA révèle une gestion peu performante, faute d’activité pouvant générer des produits autres que les participations des communes, alors que les charges de la structure n’ont cessé d’augmenter avec la mise en œuvre de l’opération de la fourrière animale en 2016 et l’inauguration officielle en 2018. La structure bilancielle reste néanmoins saine, les dépenses d’équipement ayant été jusqu’en 2019 couvertes par les fonds propres disponibles (excédents annuels et subventions d’investissement). Le mécanisme des subventions d’investissement appliqué par la commune de Punaauia, irrégulier, a toutefois privé le syndicat des ressources nécessaires en amont pour mener à bien la réalisation de la fourrière.
À tel point que le SIGFA, après avoir envisagé le recours à un emprunt de 27 MF CFP en octobre 2020 s’oriente désormais vers une ligne de trésorerie de 30 MF CFP pour lui permettre de régler les derniers travaux, le temps de percevoir le reliquat des subventions attendues
La pérennité de la fourrière animale, une fois opérationnelle, sera encore conditionnée par des solutions à long terme à acter par les communes pour lutter contre la divagation animale. L’application des mesures spécifiques prévues pour la catégorisation des chiens dangereux et une sensibilisation accrue des propriétaires ou détenteurs d’animaux complèteraient utilement la lutte contre la divagation des animaux malfaisants et féroces.
Si les modalités de déploiement de cette fourrière animale intercommunale n’ont pas été satisfaisantes, la chambre précise cependant qu’elle est sensible à la réussite d’un tel projet intercommunal qui pourrait illustrer une des réponses à l’augmentation des chiens errants sur le territoire polynésien.

 

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