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La filière EPR : une dynamique nouvelle, des risques persistants

COUR DES COMPTES

Dans son rapport sur la filière EPR publié en 2020, la Cour des comptes a mis en évidence de multiples défaillances expliquant les retards et surcoûts des projets de réacteurs nucléaires de nouvelle génération dits EPR en construction ou en activité, notamment celui de Flamanville. Depuis, le contexte a significativement évolué. L’industrie nucléaire bénéficie d’un contexte international plus porteur. Le gouvernement a annoncé en février 2022 un programme de construction de trois paires de réacteurs EPR 2, éventuellement complétées ensuite par quatre autres paires. Un point d’étape sur la filière nucléaire et la mise en œuvre des recommandations formulées par la Cour était 2020 est donc nécessaire pour apprécier les conditions de mise en œuvre de cette politique aux enjeux de long terme considérables en termes financiers, industriels, énergétiques et environnementaux.

En moins de 4 ans, d’importants dispositifs ont été mis en place pour relancer le nucléaire

Outre la nationalisation d’EDF depuis le 8 juin 2023, la réforme du marché européen de l’électricité et de la future régulation des prix de l’électricité a été adoptée par le Parlement européen en avril 2024. Divers outils législatifs et stratégiques ont été conçus ou sont en cours de conception ou de mises à jour : loi du 22 juin 2023 d’accélération du nucléaire, loi du 11 avril 2024 visant à protéger le groupe EDF d'un démembrement, projet de Stratégie française pour l’énergie et le climat dont font partie les projets de troisième Programmation pluriannuelle de l’énergie soumise à consultation le 4 novembre 2024 ainsi que de Stratégie nationale bas carbone. Parallèlement, la gouvernance du nucléaire a été réformée : réactivation du conseil de politique nucléaire en 2023, création de la délégation interministérielle au nouveau nucléaire en 2022 pour assurer la supervision par l’Etat du programme industriel de construction des nouveaux réacteurs électronucléaires, renforcement du Groupement des industriels français de l'énergie nucléaire, fusion de l’Autorité de sûreté nucléaire et de l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire en 2024.

Des retours d’expériences qui mettent en évidence une dérive systématique des calendriers et des coûts

Comme recommandé par la Cour, le recours aux retours d’expériences et l’analyse des risques a été développé. Outre les dérives du chantier de Flamanville 3, les réacteurs EPR en activité en Chine (Taishan 1 et 2) et en Finlande (Olkiluoto 3) ont connu, ces dernières années, des dysfonctionnements techniques, avec des impacts financiers importants dont les conséquences ont été dommageables pour la crédibilité du programme EPR 2. En Grande Bretagne, sur le chantier d’Hinkley Point, EDF est confronté à une forte augmentation des coûts accompagnée d’un nouveau retard de deux ans, ainsi qu’à une lourde contrainte de financement supplémentaire causée par le retrait du co-actionnaire chinois. S’agissant du nouveau projet d’EPR à Sizewell, les retards s’accumulent déjà, avec de premières conséquences négatives en termes organisationnels et financiers. La Cour préconise de ne pas approuver une décision finale d’investissement dans ce projet avant l’obtention d’une réduction significative de l’exposition financière d’EDF dans le chantier d’Hinkley Point. La Cour recommande en outre de s’assurer que tout nouveau projet international dans le domaine du nucléaire soit générateur de gains chiffrés et ne retarde pas le calendrier du programme EPR 2 en France.

La filière industrielle a commencé à s’organiser pour mettre en œuvre la stratégie annoncée en 2022

La structuration de la filière nucléaire au sein du groupe EDF, illustrée notamment par ses deux filiales Framatome et Arabelle Solutions, est essentielle pour répondre aux enjeux du programme EPR 2. Bien qu’elle soit trop récente pour apprécier sa mise en œuvre, la réorganisation interne d’EDF est effective depuis avril 2024. Elle se fonde sur une clarification des responsabilités entre maîtrise d’ouvrage (MOA) et maîtrise d’œuvre (MOE) d’une part et entre la MOE et l’ingénierie mais également la chaîne d’approvisionnement d’autre part, comme recommandé précédemment par la Cour. Quant aux incitations à la performance recommandées en 2020 par La Cour, elles sont en cours de mise en place dans la stratégie contractuelle du groupe EDF. La mobilisation du GIFEN et la création de l’université des métiers du nucléaire participent à cette dynamique d’accompagnement du nouveau programme nucléaire, qui nécessitera le recrutement de 100 000 emplois supplémentaires d’ici 2033.

La filière industrielle nucléaire reste cependant exposée à des risques persistants

Le programme EPR 2 est marqué par un retard de conception, une absence de devis abouti et de plan de financement alors qu’EDF demeure très fortement endetté. Les conditions de financement de ce programme n’étant toujours pas arrêtées, la rentabilité du programme EPR 2 reste à ce jour inconnue. Ces délais et incertitudes, qui portent également sur le nombre de centrales à construire, répondent imparfaitement aux attentes des acteurs de la filière et réduisent la visibilité dont ils ont besoin pour s’engager dans des projets industriels de cette ampleur. Bien qu’en évolution, la stratégie contractuelle d’EDF ne permet pas encore de garantir la responsabilisation des prestataires de la filière qui la jugent encore trop déséquilibrée et émettent d’importantes réserves en l’état de la maturité du programme EPR 2.
Les surcoûts de construction, retards et incertitudes sont nombreux et nécessitent des réponses d’EDF, des pouvoirs publics et de la filière pour asseoir la réussite du programme EPR 2.

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