Une gouvernance de la transition écologique encore imparfaite
Bien que des initiatives en faveur de la transition écologique émergent dans les établissements d’enseignement supérieur, les enjeux ne sont pas toujours portés devant leurs conseils d’administration et la planification reste faible. La confection de bilans périodiques des émissions de gaz à effet de serre (GES) et les démarches de certification sont encore insuffisamment répandues. Les indicateurs chiffrés font défaut et les questions budgétaires liées à la transition écologique ne font pas l’objet d’un bilan régulier. Même si l’on relève une évolution notable depuis 2022, ces établissements participent encore trop peu aux classements internationaux correspondants, alors que la politique de transition écologique peut favoriser leur rayonnement. Le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche (MESR) a adopté en novembre 2022 son plan climat-biodiversité. S’il a passé des contrats d’objectifs, de moyens et de performance (COMP) avec une partie des établissements, il ne dispose pas des outils nécessaires pour connaître leur situation en matière de développement durable et évaluer la mise en œuvre des dispositions de son plan. Malgré la multiplicité des acteurs traitant de la transition écologique dans l’enseignement supérieur, aucune instance ne coordonne leurs actions.
La formation : une prise de conscience incontestable, une ambition à concrétiser
Les actions de sensibilisation des établissements sont multiples et diversifiées. À la suite de la publication en 2022 d’un rapport portant sur la sensibilisation aux enjeux de la transition écologique dans le supérieur, certains établissements ont intégré dans le tronc commun obligatoire du premier cycle, des modules traitant de ces enjeux. Le nombre de formations diplômantes consacrées à la transition écologique augmente et des actions se développent pour réfléchir à leur contenu. La formation continue est trop restreinte pour les personnels administratifs, les enseignants et les doctorants. Pour les faire évoluer, des référentiels adaptés sur les compétences attendues existent déjà, comme par exemple le Greencomp au niveau européen. Mais il est indispensable qu’une dynamique d’adaptation des méthodes d’enseignement à la transition écologique puisse se développer. Les enseignants doivent donc être convaincus de cette nécessité et se sentir impliqués dans cette évolution. C’est le rôle des ingénieurs pédagogiques ou de formation, dont la fonction mériterait d’être développée.
L’impact écologique des activités de recherche : un pilotage et une évaluation à renforcer
La recherche orientée vers la transition écologique est en plein développement et son contenu fait appel à la programmation de l’Agence nationale de la recherche (ANR) et de France 2030. Elle constitue un enjeu important pour les établissements d’enseignement supérieur, qui n’élaborent pas toujours de stratégie cohérente en ce sens. Les activités de recherche ont un impact propre en matière d’émissions de GES, dont l’usage des bâtiments ou des équipements de recherche constituent les composantes les plus importantes. Certains chercheurs du Groupement de recherche de Labos 1Point5 ont ainsi conçu un outil pour mesurer les émissions de GES au niveau des laboratoires, qui pourra bénéficier à l’ensemble des établissements. Dans son processus d’évaluation des unités de recherche, le Haut Conseil de l'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur (HCERES) a introduit un critère « développement durable » dès 2018. Il l’a étoffé depuis, mais sa portée commence seulement à se concrétiser. Ce critère mérite en outre d’être complété par un examen systématique de la réalisation d’un bilan d’émissions de GES et d’un plan d’action « développement durable ».
La gestion des établissements et des campus
Le contexte inflationniste depuis 2022 a révélé la fragilité des établissements vis-à-vis de leur consommation d’énergie. À l’automne 2022, le Gouvernement leur a demandé d’établir un programme de sobriété. Une feuille de route nationale prévoit l’intégration des objectifs de performance énergétique dans les schémas pluriannuels de stratégie immobilière (SPSI). Mais ces schémas n’existent pas ou, lorsque c’est le cas, ne sont pas mis à jour. Ni la direction de l’immobilier de l’État, ni le MESR n’ont élaboré, pour les opérateurs de l’enseignement supérieur et de la recherche (ESR), une stratégie de rénovation globale du patrimoine immobilier universitaire. Les financements - privilégiant souvent la rapidité de mise en œuvre plus que la performance écologique - aboutissent à exclure les travaux lourds de rénovation. Aussi, les établissements adoptent de manière inégale diverses mesures de gestion des campus en matière de transition écologique. Des mesures sont prises pour l’adaptation au changement climatique et la protection de la biodiversité, mais sans vraie cohérence d’ensemble. Il manque ainsi, au niveau des établissements comme du ministère, un pilotage à partir d’indicateurs et une programmation pluriannuelle des financements.