SYNTHÈSE
Commune balnéaire, la ville d’Antibes Juan-les-Pins enregistre chaque année plus d’un million de nuitées touristiques. La fréquentation touristique de la ville pourrait cependant décroître, du fait de la fermeture totale ou partielle de quatre campings , intervenue à la suite des inondations du 3 octobre 2015. Cette fermeture emporte la disparition de près d’un millier d’emplacements, ce qui pourrait entraîner, d’après le comité régional du tourisme Riviera Côte d’Azur, une importante perte économique, « estimée à vingt millions d’euros annuels ». En l’absence d’études spécifiques, le nombre d’emplois liés au tourisme dans la commune, de même que le montant des retombées économiques du festival et du nouveau palais des congrès restent inconnus.
Constitué sous forme d’établissement public industriel et commercial, l’office de tourisme d’Antibes Juan-les-Pins reçoit chaque année près de 105 000 visiteurs en moyenne dans ses locaux, soit une faible proportion de la fréquentation touristique de la commune (près de 1,4 million de touristes chaque année). Chargé de l’accueil et de l’information des touristes, de la promotion touristique et de l’animation, l’office participe à l’animation culturelle et touristique locale, au travers notamment des différents événements dont il a la charge, au premier rang desquels figure le festival « Jazz à Juan ». Il est également responsable, depuis 2013, de la gestion et de l’exploitation du nouveau palais des congrès, dans le cadre d’une délégation de service public. Il n’assure qu’une animation mesurée des professionnels locaux, mais entretient des liens très privilégiés avec quelques établissements. L’office de tourisme d’Antibes Juan-les-Pins entretient des liens professionnels forts avec le comité régional du tourisme Riviera Côte d’Azur, participe également à plusieurs réseaux professionnels nationaux, mais travaille peu avec les autres organismes chargés du tourisme sur le territoire de la communauté d’agglomération Sophia-Antipolis. Le schéma de développement touristique local produit chaque année par l’office pâtit ainsi d’une absence de diagnostic partagé des enjeux touristiques.
Les comptes et la situation financière
Les erreurs d’imputation comptable constatées par la chambre ne remettent pas en cause la fiabilité des comptes de l’office de tourisme. La chambre note que l’office a par ailleurs adopté une délibération exhaustive sur les amortissements, à la suite de son rapport d’observations provisoires. Elle invite cependant l’établissement à corriger les faiblesses de sa comptabilité d’engagement, qui ne permet pas de suivre en temps réel le montant des engagements de crédits. Elle rappelle que le budget annexe « événementiel » doit comprendre l’intégralité des dépenses et des recettes relatives aux missions commerciales de l’office. De fait, certaines dépenses relatives à ces missions, notamment des dépenses de personnel, demeurent imputées au budget principal de l’établissement public. Dans son rapport d’observations provisoires, la chambre invitait en conséquence l’office de tourisme à imputer au budget annexe l’intégralité des dépenses, notamment liées aux ressources humaines, qui s’y rapportent. En réponse à ce rapport, l’office a indiqué qu’il envisageait de transférer sur le budget annexe la masse salariale des agents affectés exclusivement aux missions événementielles .
L’absence constatée de débat d’orientations budgétaires entre 2010 et 2015, et, depuis 2016, de rapport d’orientations budgétaires, emporte davantage de conséquences, dans la mesure où ces éléments sont qualifiés par le juge administratif de formalités substantielles, dont le non-respect est susceptible d’entraîner la nullité du budget en cas de recours contentieux. En réponse aux observations provisoires de la chambre, l’office a indiqué qu’il avait présenté un rapport d’orientations budgétaires au comité de direction pour l’exercice 2017. Toutefois, l’office ne respecte pas les dispositions de l’article L. 2312-1 du code général des collectivités territoriales modifié par la loi n° 2015-991 du 7 août 2015 dans la mesure où le rapport d’orientations budgétaires pour 2017 ne contient pas l’intégralité des informations désormais obligatoires et dès lors que le débat d’orientation budgétaire n’a pas donné lieu au vote d’une délibération spécifique.
La situation financière de l’office de tourisme est globalement saine, en l’absence notamment d’endettement. Toutefois, les marges de manœuvre dont dispose l’établissement se sont fortement réduites pendant la période sous revue. Au surplus, il convient de ne pas sous-estimer les difficultés structurelles du budget annexe « événementiel », qui retrace notamment l’exploitation du palais des congrès et l’organisation du festival de jazz, deux activités fortement déficitaires. L’équilibre de ce budget annexe n’a pas été assuré en 2014 et 2015, malgré les importantes subventions versées par le budget principal (1,55 M€ en 2014 et 1,13 M€ en 2015).
Le palais des congrès
Construit et entretenu dans le cadre d’un bail emphytéotique administratif conclu par la ville avec la société Antibes Invest, le nouveau palais des congrès a été confié en gestion à l’office de tourisme. Ce montage donne lieu à des flux financiers complexes, la banque partenaire de l’emphytéote ayant refusé la subrogation de la commune par l’office de tourisme. L’office de tourisme a eu à déplorer en 2014 et 2015 la qualité de la maintenance assurée par l’emphytéote.
Avec 52 événements, 96 jours d’occupation et un chiffre d’affaires de 640 000 € HT en 2015, le palais des congrès affiche un niveau d’activité satisfaisant deux ans après sa mise en service. Les recettes d’exploitation ne permettent toutefois pas d’équilibrer son bilan financier, qui présente un déficit important (507 476 € en 2014 et 363 117 € en 2015). Le nouveau palais doit en effet trouver sa place sur un marché très concurrentiel, où il se trouve en concurrence directe, d’après lui, avec les palais des congrès d’Avignon, Aix, Ajaccio, Toulon et surtout de Mandelieu-la-Napoule. L’office souligne par ailleurs que certains grands établissements hôteliers, qui disposent en interne d’amphithéâtres et de salles de conférence, lui font également de l’ombre.
Le festival Jazz à Juan
Le festival « Jazz à Juan », qui se tient au milieu du mois de juillet, accueille près de 25 000 spectateurs chaque année, et présente des taux moyens de fréquentation importants. Selon les données disponibles, le rayonnement du festival est essentiellement national , avec une forte fréquentation de spectateurs originaires des Alpes-Maritimes . Malgré le succès du festival, son bilan financier est fortement déficitaire.
La contribution du casino Eden Beach au titre des manifestations artistiques de qualité ne suffit pas à en équilibrer le financement. Le festival n’a en effet pas réussi à mobiliser réellement mécènes et partenaires. Sa pérennité se révèle ainsi dépendante des fonds publics : subventions du département, mais aussi de la ville, dont les subventions à l’office de tourisme, même lorsqu’elles transitent par le budget principal, ont pour objectif de combler le déficit du budget annexe, et à travers lui, les déficits du palais des congrès et du festival. L’annulation de trois soirées de concert, en 2016, à la suite des tragiques événements de Nice, risque d’accroître le déficit du festival au titre de l’exercice 2016.
Un pilotage à améliorer
La chambre a constaté la faiblesse des outils de suivi et de pilotage mis en place par l’office de tourisme. Les éléments de comptabilité analytique transmis par l’établissement public se révèlent en effet incomplets, et parfois erronés, et les indicateurs d’activité et de gestion cités par l’office de tourisme dans ses rapports d’activités varient fréquemment et ne permettent pas de comparer les résultats d’un exercice à l’autre. Les connaissances de l’office relatives aux publics, aux coûts et aux recettes du festival sont également très modestes pour un événement dont le budget annuel dépasse 2 M€. La chambre invite donc l’établissement public à améliorer ces outils.
La chambre formule dans ce cadre quatre recommandations :
Recommandation n° 1 : Appliquer les procédures de la commande publique pour l’achat de prestations hôtelières, conformément aux dispositions de l’ordonnance n° 2015-899 du 23 juillet 2015 modifiée relative aux marchés publics et du décret n° 2016-360 du 25 mars 2016 relatif aux marchés publics.
Recommandation n° 2 : Présenter et soumettre chaque année au comité de direction de l’office de tourisme un rapport d’orientations budgétaires, conformément aux articles R. 133-15 du code du tourisme et L. 2312-1 du code général des collectivités territoriales.
Recommandation n° 3 : Imputer au budget annexe l’intégralité des dépenses et recettes qui s’y rapportent.
Recommandation n° 4 : En liaison avec la commune d’Antibes, fixer, dans la convention de délégation de service public relative à l’exploitation du palais des congrès, les paramètres encadrant les réductions tarifaires susceptibles d’être accordées.