Rapport d'activité 2024 de la Cour des comptes
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Pierre Moscovici : des juridictions financières profondément transformées

Le Premier président de la Cour des comptes, Pierre Moscovici, dresse le bilan de l’année 2024. Dans une période de finances publiques très dégradées et dans un contexte institutionnel et politique difficile, les juridictions financières, piliers essentiels de la démocratie et vigies de l’action publique, voient leurs missions confortées. Pour répondre aux attentes des citoyens et éclairer toujours mieux le débat public, elles ont su se réinventer.
Quel regard portez-vous sur cette année très particulière, qui a connu une situation inédite en matière institutionnelle et de finances publiques ?
L’année 2024 a été affectée par un contexte difficile, tant sur le plan politique, que géopolitique et social. Mais c’est avant tout une année noire pour les finances publiques, marquée par la prise de conscience de leur brutale dégradation.
Après une année 2023 déjà sombre, l’année 2024 aurait dû être celle de la réduction de notre déficit, avec une baisse de l’inflation et alors que le « quoi qu’il en coûte » n’était plus nécessaire. Mais la dérive des finances publiques, loin de s’être inversée ni même interrompue, s’est au contraire accentuée en 2024, avec un déficit public atteignant 5,8 % du PIB et une dette publique à 113 points de PIB. Cela emporte des conséquences très concrètes sur l’avenir de notre pays. C’est d’abord un enjeu de crédibilité, car nous ne respectons pas nos engagements à l’égard de nos partenaires de la zone euro. C’est ensuite un enjeu de souveraineté, alors qu’il devient de plus en plus coûteux de s’endetter. Enfin, troisième conséquence de notre endettement massif, à mon sens la plus grave : cela paralyse l’action publique.
Car un État trop endetté est un État asphyxié, qui n’a plus de marge de manoeuvre pour investir dans l’avenir. Ne nous y trompons pas : il n’y a pas de bonnes politiques publiques possibles sans finances publiques saines.
Réduire notre déficit est le seul moyen de réduire notre endettement, et cette exigence s’est transformée en urgence au cours de l’année 2024. Il est impératif de respecter notre trajectoire de finances publiques, qui prévoit un retour sous 3 % de déficit d’ici 2029. Pour ce faire, nous avons besoin d’une véritable révolution de la dépense publique, afin que chaque dépense publique soit une dépense de qualité. Cela requiert des économies intelligentes et structurelles.
Les juridictions financières ont été au rendez-vous en 2024 pour éclairer ces choix auprès des citoyens, du Gouvernement et du Parlement. Et je suis fier de la mobilisation collective de l’ensemble de nos personnels pour conduire nos missions de contrôle, de jugement, de certification et d’évaluation, avec engagement, rigueur, objectivité et passion. Notre boussole : l’information du citoyen. Notre rôle de vigie est crucial par temps clair ; il l’est a fortiori lorsqu’il s’agit de naviguer en eaux troubles. La fatigue démocratique qui se déploie sous nos yeux, l’essor de l’information relative et les coups de boutoir répétés portés à l’État de droit ne rendent que plus essentielles les analyses d’institutions indépendantes et objectives comme la nôtre, piliers du débat public et de la démocratie, à équidistance entre le Gouvernement et le Parlement.
Cette année est aussi l’aboutissement du plan stratégique JF2025. Quel bilan faites-vous cinq ans après son lancement ?
Nous y sommes ! Et quelle fierté ! La transformation des juridictions financières, tout en revendiquant leur héritage, visait à placer la Cour des comptes au coeur de la Cité. Les échanges et travaux de concertation que j’ai lancés ont duré plus d’un an et ont donné naissance à un plan de plus de 75 actions, « Juridictions financières 2025 ». L’année qui vient de s’écouler a marqué l’aboutissement de ce projet de transformation et nous arborons désormais un nouveau visage. Notre institution est plus ouverte, plus visible, plus agile, plus attractive, sa gouvernance et ses missions sont modernisées. Nous n’avons jamais été aussi présents à l’esprit de nos concitoyens. Nous représentons pour eux un tiers de confiance utile et incontournable, d’autant qu’ils sont en quête de réponses solides et d’information objective, dans une époque troublée. Les juridictions financières sont plus écoutées qu’auparavant et leurs travaux sont mieux connus. La publication de l’intégralité de nos rapports depuis le 1er janvier 2023 est un véritable succès et nous conduit à publier en moyenne un rapport par jour ouvré : nous avons fait paraître en 2024, avec le Haut Conseil des finances publiques (HCFP) et le Conseil des prélèvements obligatoires (CPO), près de 180 rapports et observations définitives. Les travaux de la Cour sont toujours plus lus et commentés ; ils sont un point d’ancrage dans le débat public. Nous sommes aussi, c’est incontestable, plus à l’écoute des attentes des citoyens. À cet égard, les outils de participation citoyenne que nous avons développés ont largement fait leur preuve. Nous battons chaque année de nouveaux records, comme en témoigne le dépôt, par des citoyens, de près de 950 propositions de thèmes de contrôle sur notre plateforme de participation. Notre ouverture et notre rayonnement ne s’arrêtent d’ailleurs pas aux frontières françaises, et nos mandats d’audit externe comme nos coopérations entre institutions supérieures de contrôle ont encore accru l’aire d’influence de la Cour.
L’année 2024 marque aussi la montée en puissance du nouveau régime de responsabilité financière des gestionnaires publics, qui a profondément transformé notre mission fondatrice de jugement, la plus ancienne. Après sa fondation en 2023, le nouveau régime a pleinement joué son rôle en 2024. La montée en puissance de la chambre du contentieux est assurée. Avec des saisines désormais régulières, les arrêts rendus commencent à dégager une jurisprudence, à établir des règles de procédure et à éclairer, de façon prétorienne, l’ordonnance du 23 mars 2022. Une réforme historique a été menée à bien ; il faut désormais en écrire l’histoire.
Au-delà de ces évolutions majeures, nous avons accru l’attractivité de notre institution et la diversité des talents qui nous rejoignent. Nous avons oeuvré pour promouvoir la durabilité, la diversité et la qualité de vie au travail au sein des juridictions financières, ainsi que l’offre de formation à destination de nos membres, avec une ambition : être une institution en phase avec son temps, dont les outils et méthodes sont en constante adaptation. Les réformes entreprises ces dernières années constituent un tournant, mais pas une rupture. Elles s’inscrivent dans l’héritage de la Cour et de ses fondements. Notre indépendance et la qualité de nos travaux en sortent renforcées. En réalité, ces mutations étaient tout simplement nécessaires pour adapter les juridictions financières aux enjeux nouveaux de l’action publique et aux attentes toujours plus hautes des citoyens. Et vu les
défis qui attendent notre pays au cours des prochaines années, je suis heureux que nous ayons achevé notre transformation à temps pour y répondre au mieux.
Quels sont les défis actuels et futurs de l’action publique que les juridictions financières ont vocation à éclairer ?
Les juridictions financières participent pleinement à la révolution de la dépense, indispensable pour amorcer la maîtrise de notre endettement.
Nous avons instruit en 2024 plusieurs revues de dépenses – sur les dépenses locales, les dépenses d’assurance maladie et la sortie des dispositifs de crise – à la demande du Premier ministre.
En 2024, la programmation de nos travaux a été réformée pour être plus collective, plus resserrée et plus stratégique. Elle est désormais axée non seulement sur la quantité, mais aussi sur la qualité de la dépense. Nous nous concentrons sur les rapports à la plus forte valeur ajoutée pour les citoyens, les décideurs publics et les parlementaires. La diversification des formats de nos travaux et la réduction de nos délais d’instruction permettent par ailleurs d’être en phase avec le temps de l’action publique, mais aussi avec les attentes des citoyens et des décideurs publics.
Au-delà, je suis convaincu que nous devons recentrer notre programmation sur les révolutions à venir : écologique, démographique, numérique et désormais de défense. La transition écologique est en train de devenir le prisme qui irrigue l’ensemble de nos travaux, c’est pourquoi nous avons consacré notre rapport public annuel 2024 à l’adaptation au changement climatique. Les évolutions de notre société et la transition démographique en cours doivent aussi nous encourager à poursuivre l’analyse de notre modèle de cohésion et de société. La transition numérique et l’intelligence artificielle représentent un défi tout aussi grand pour les juridictions financières : ce sont à la fois des outils puissants pour améliorer nos travaux et un objet de contrôle. Enfin, si nous voulons accroître notre effort de défense, comme l’exigent les dangers du monde, nous devons retrouver des marges de manoeuvre financières, et donc nous désendetter. Notre rôle n’est pas de suivre le courant mais de contribuer, à notre échelle, à éclairer les choix structurels d’investissement et de réorientation des politiques publiques que ces grands défis rendent nécessaires.
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Les juridictions financières en quelques mots
Les faits marquants en 2024, la Cour des comptes dans les juridictions financières, les étapes d'un contrôle...
Une institution plus que jamais au service des citoyens
En 2024, la Cour des comptes a renforcé son rôle de vigie de l’action publique en multipliant les initiatives d’ouverture et de dialogue avec les citoyens.
Face à une situation inédite des finances publiques, elle s’est imposée comme un tiers de confiance indispensable, produisant des analyses rigoureuses et accessibles pour éclairer le débat démocratique et contribuer à la transparence de l’action publique.
Un rapport par jour pour améliorer l’action publique
Réduction des délais, diversification des formats, mise en avant d’enjeux structurants comme la transition écologique : la Cour des comptes a renouvelé en profondeur sa programmation en 2024. Ces évolutions lui permettent de fournir aux décideurs publics des recommandations plus ciblées et plus rapidement mobilisables dans le débat démocratique. Avec une montée en puissance de l’évaluation des politiques publiques et un renforcement de sa mission contentieuse, elle renforce son expertise pour contribuer à améliorer la gestion publique.
Un nouveau visage pour accompagner les grands défis des années à venir
Avec son plan stratégique JF2025, la Cour des comptes a opéré un tournant majeur. Les transformations menées par son collectif ces dernières années l’ont fait gagner en ouverture, agilité et attractivité.
Résolument ancrée au coeur du débat public, elle s’est ainsi donné les moyens et le cadre pour répondre présent face aux grands défis sociétaux et environnementaux des années à venir.